5° dimanche - Temps Ordinaire

Évangile (Mt 5, 13-16)

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Première lecture Is 58, 7-10

Psaume Ps 111 (112)

Deuxième lecture 1 Co 2, 1-5

Évangile (Mt 5, 13-16)

Première lecture Is 58, 7-10

« Ainsi parle le Seigneur : Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite.

Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : ‘Me voici’. Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. » (Is 58, 7-10).

Pour comprendre cette lecture, il est utile de regarder aussi ce qui vient juste avant :

« Est-ce là le jeûne qui me plaît, le jour où l'homme se mortifie ?
Courber la tête comme un jonc, se faire une couche de sac et de cendre,
est-ce là ce que tu appelles un jeûne, un jour agréable à YHWH ?
N'est-ce pas plutôt ceci, le jeûne que je préfère : » (Isaïe 58, 5-6)

Certes, il est important de s’excuser et de demander pardon à son prochain, de sorte qu’il se sente compris et rassuré par notre engagement à ne plus recommencer. Cependant, le Seigneur ne nous appelle pas à stagner dans une attitude d’auto-culpabilisation en courbant la tête et en se mordant les ongles, il nous appelle à être positif et à rendre gloire à Dieu, et surtout à vivre pour la gloire de Dieu, et c’est ce que nous disent les versets retenus par la liturgie de ce dimanche : « Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche… »

Dans la première lecture de ce dimanche, Isaïe indique ce que le croyant doit faire : « Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable… si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux ». Et Isaïe indique ce que le croyant ne doit pas faire, ou ce qu’il doit faire disparaître : « Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi ».

Au centre de la lecture, il est question de la lumière et de la gloire :

« Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche… ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi ». 

Le croyant brille d’une lumière qui vient de Dieu.

C’est d’abord Jésus qui accomplit les paroles du prophète Isaïe, c’est d’abord lui dont « la lumière jaillit comme l’aurore ».

Écoutons saint Grégoire Nysse, au 4e siècle :

« Paul nous a fait connaître le contenu du nom chrétien par ces paroles : "Christ est la Puissance de Dieu et la Sagesse de Dieu" ; il l'a également nommé "notre Paix, ainsi que la Lumière inaccessible en laquelle Dieu réside, notre Sanctification et notre Rédemption, notre Grand-prêtre et notre Pâque, l'Offrande propitiatoire pour nos âmes, le Rayonnement de la Gloire de Dieu et l'Effigie de sa Substance, Celui par qui Il a fait les siècles, l'Aliment et la Boisson spirituels, le Rocher et l'Eau, l'Assise de notre foi et la Pierre angulaire, l'Image du Dieu invisible et notre grand Dieu, la Tête du corps, c'est-à-dire de l'Église et le Premier-né de la création nouvelle, le Prémices de ceux qui se sont endormis, l'Aîné d'une multitude de frères, le Médiateur entre Dieu et les hommes, le Fils unique couronné de gloire et d'honneur, le Seigneur de gloire et le Principe de toute chose" » (St Grégoire Nysse, à Olympios - Introduction).

Quant à nous, ce n'est qu'en ce monde que l'on annonce la gloire de Dieu, puisque dans le siècle à venir nous le verrons tel qu'il est, on ne l'annoncera plus à personne.

Voyons comment parlaient les premières générations chrétiennes :

« Il convient, bienheureux Polycarpe, de convoquer une assemblée agréable à Dieu, et d'élire quelqu'un qui vous soit très cher et qui soit actif, qui puisse être appelé le courrier de Dieu; charge-le d'aller en Syrie pour célébrer votre infatigable charité pour la gloire de Dieu. Le chrétien n'a pas pouvoir sur lui-même, mais il est libre pour le service de Dieu. Cela, c'est l'oeuvre de Dieu, et aussi la vôtre quand vous aurez accompli cela » (St Ignace d'Antioche, à Polycarpe § 7).

Plus proche de nous, nous lisons dans la vie de sainte Thérèse d’Avila :

« Quand on agit purement pour Dieu, il permet, afin d'accroître nos mérites, que l'âme éprouve je ne sais quel effroi, jusqu'au moment où elle aborde l'action; mais plus cet effroi est grand, plus aussi, quand elle en triomphe, elle en est récompensée et rencontre de délices dans ce qui lui semblait si ardu. Dès cette vie même, il plaît au divin Maître de payer cette grandeur de courage par des jouissances intimes, connues seulement des âmes qui les goûtent. J'en ai fait l'expérience, je le répète, en des choses de grande importance. Aussi je ne conseillerais jamais, s'il m'était permis de donner un avis, d'écouter de vaines craintes et de négliger une bonne inspiration, quand, là différentes reprises, elle vient nous solliciter. Si la gloire de Dieu en est l'unique terme, le succès est assuré ; car ce grand Dieu est tout-puissant. Qu'il soit béni à jamais ! Amen. » (Ste Thérèse d’Avila, Vie, chap. 4)

« Voulez-vous savoir ce qui communiquait ce feu divin à la parole des apôtres ? C'est qu'ils avaient la vie présente en horreur, et foulaient aux pieds l'honneur du monde. Quand il fallait dire une vérité et la soutenir pour la gloire de Dieu, il leur était indifférent de tout perdre ou de tout gagner. Quiconque a tout hasardé pour Dieu domine également et les succès et les revers. » (Ste Thérèse d’Avila, Vie 16)

« J'aime, je le déclare, une oraison qui en très peu de temps embrase l'âme de cet amour fort, qui seul peut la déterminer à tout abandonner, dans l'unique vue de plaire à Dieu ; et puisque celle dont je viens de parler produit cet effet, je la préfère, quoiqu'elle soit de fraîche date, à ces oraisons qui, après plusieurs années, ne nous portent à rien entreprendre de grand pour la gloire de Dieu » (Ste Thérèse d’Avila, Vie 39)

Psaume Ps 111 (112)

« Lumière des cœurs droits, il s’est levé dans les ténèbres, homme de justice, de tendresse et de pitié. L’homme de bien a pitié, il partage ; il mène ses affaires avec droiture. Cet homme jamais ne tombera ; toujours on fera mémoire du juste. Il ne craint pas l’annonce d’un malheur : le cœur ferme, il s’appuie sur le Seigneur. Son cœur est confiant, il ne craint pas. À pleines mains, il donne au pauvre ; à jamais se maintiendra sa justice, sa puissance grandira, et sa gloire ! » (Ps 111 (112), 4-5, 6-7, 8a.9)

Le psaume 111 (112) s’inscrit dans un diptyque soigneusement construit avec le psaume 110 (111). Le premier est un hymne célébrant la grandeur des œuvres de Dieu : sa justice, sa fidélité à l’alliance, sa miséricorde active dans l’histoire. Le second en est comme le reflet humain : il dresse le portrait du juste dont la vie devient le lieu où les qualités divines se rendent visibles. Ce que Dieu est, l’homme juste est appelé à le devenir. La louange ne reste pas au niveau du discours sur Dieu ; elle se prolonge dans une manière de vivre. Cette continuité est soulignée par la forme même des deux psaumes. Tous deux s’ouvrent sur l’acclamation « Alléluia », ensemble ils ont 22 versets qui suivent les lettres de l’alphabet (acrostiches alphabétiques).

De plus, dans le cheminement global du Psautier, ce psaume joue une fonction précise. Il répond à une question née de l’expérience de l’exil : comment vivre justement quand les repères anciens — royauté, puissance, centralité du Temple — ont vacillé ? La réponse est sobre : la bénédiction ne se manifeste plus d’abord dans les grandes figures ou les institutions visibles, mais dans une fidélité quotidienne, discrète, incarnée dans la justice et la générosité.

L’homme dont il est question est profondément enraciné dans la crainte du Seigneur, c’est-à-dire dans une relation filiale, confiante et obéissante à Dieu. La liturgie ne donne pas à entendre le premier verset, qui proclame une béatitude : « Alleluia ! Heureux l'homme qui craint le Seigneur, et se plaît fort à ses préceptes ! » (v.1).

C’est ce verset qui donne la clé de ce qui suit. Dieu est lumière, l’homme de justice dont parle le psaume est devenu une grande lumière pour les autres parce que sa tendresse et sa générosité lui viennent de son attachement au Seigneur et à sa volonté. En dehors de l’attachement au Seigneur, la justice et la bonté de cet homme seraient, certes, une lumière, mais beaucoup plus petite, comme une lumière électrique comparée à la lumière du soleil. Ainsi, le juste participe à la manière d’agir même de Dieu, dont la justice est toujours miséricordieuse.

La docilité à l'égard de Dieu est une source d'harmonie intérieure et extérieure. L'observance de la loi morale est source d'une profonde paix de la conscience. La stabilité intérieure du juste : « son cœur est ferme », il remet sa vie entre les mains de Dieu, il n’est plus dominé par l’angoisse de l’avenir ni par la menace du mal. Sa sécurité ne vient pas de la richesse, mais de la confiance.

C’est par sa relation au Seigneur que cet homme devient lumière : « Lumière des cœurs droits, il s’est levé dans les ténèbres, homme de justice, de tendresse et de pitié ». La lecture d’Isaïe s’achevait avec ces mots : « ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi » (Is 58,7-10), ce qui nous prépare à l’évangile : « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée ».

Ce psaume annonce Jésus, le Christ, lui dont saint Jean écrit :

« Le Verbe était la lumière véritable,
qui éclaire tout homme ;
il venait dans le monde.

Il était dans le monde,
et le monde fut par lui,
et le monde ne l’a pas reconnu.

Il est venu chez lui,
et les siens ne l’ont pas accueilli.

Mais à tous ceux qui l’ont accueilli,
il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu,
à ceux qui croient en son nom. » (Jn 1,9-12)

Et saint Augustin prie : « O vérité, lumière de mon cœur, ne laisse pas mes ténèbres me parler ! J’ai dérivé vers les choses d’ici-bas et je suis devenu obscurité ; mais de là, même de là, je t’ai profondément aimée. J’ai erré et je me suis souvenu de toi. J’ai entendu ta voix derrière moi me disant de revenir, mais j’ai mal entendu dans le tumulte des contestations… Parle-moi ; instruis-moi. J’ai mis foi dans tes livres et leurs paroles sont des mystères profonds. » (St Augustin, Les confessions, 12.10.10)

« Quand le rayon divin s’est posé sur une âme, si elle veut, si elle est docile et confiante, il n’en sortira plus. » (Marthe Robin)

Le psaume dit : « Il ne craint pas l’annonce d’un malheur : le cœur ferme, il s’appuie sur le Seigneur. » Celui qui n’a pas confiance en Dieu est avare, il a confiance en son propre patrimoine, mais au fond, il est rempli de peurs. Celui qui s’appuie sur le Seigneur est généreux, car il fait l’expérience que Dieu veille sur lui. Par exemple, saint Louis Marie de Montfort vivait ses missions « à l’apostolique » c’est-à-dire sans mécénat, en comptant sur le partage des simples gens. Et il subvenait aux besoins d’une foule de miséreux qui suivaient le mouvement !

De plus, il aimait chanter et il a composé un cantique sur l’Espérance.

« Je suis la vertu d’espérance,
Qui fait qu’on attend du Seigneur
La grâce et puis sa récompense
Par les mérites du Sauveur.

      Je suis cette ancre ferme et stable
      Qui fixe l’instabilité,
      Cette colonne inébranlable
      Qui soutient toute sainteté.

Je tire toutes mes richesses
D’un Dieu tout plein de vérité,
Fidèle à toutes ses promesses,
Dans le temps et l’éternité…

      Avec moi tout devient facile :
      On est content, on est joyeux,
      On est un aigle, on est agile,
      On a des ailes pour les cieux. »
(St Louis Marie Grignon de Montfort, Cantique 7, § 1.2.3.15)

Le verset 9 reflète la vision biblique de la "rétribution", « à jamais se maintiendra sa justice, sa puissance grandira, et sa gloire ! » On se souvient cependant aussi du juste Job, « qui se sent injustement puni et soumis à des épreuves apparemment insensées. Job représente de nombreuses personnes justes qui souffrent profondément dans le monde. Il faudra donc lire ce psaume dans le contexte global de l'Écriture Sainte, jusqu'à la Croix et à la Résurrection du Seigneur » (Benoît XVI, audience générale du mercredi 2 novembre 2005).

Comme les Proverbes, ce psaume médite sur la crainte du Seigneur, sur la stabilité intérieure, sur la fécondité d’une vie droite. Cependant, ce n’est pas d’abord une instruction destinée à la communauté, c’est un psaume qui commence par « Alleluia ! » (v.1), c’est une louange adressée à Dieu par celui qui reconnaît la sagesse de Dieu.

 

Deuxième lecture 1 Co 2, 1-5

« Frères, quand je suis venu chez vous, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse. Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié. Et c’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous. Mon langage, ma proclamation de l’Évangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. –» (1 Co 2, 1-5). Parole du Seigneur 

Avant sa conversion, Saul persécutait les chrétiens et demandait des lettres officielles au grand prêtre pour arrêter les disciples (Ac 9,1-2). Le mouvement chrétien ne lui semblait pas être une simple école théologique parmi d’autres, mais une rupture grave avec le judaïsme de la Loi, précisément parce qu’il proclamait comme Messie un homme crucifié. Or, selon l’Écriture elle-même, « maudit est celui qui est pendu au bois » (Dt 21,23). Dans cette perspective, annoncer qu’un crucifié était l’envoyé de Dieu revenait à blasphémer contre Dieu et à déshonorer la Loi. Ce qu’il combattait, il ne le connaissait pas encore véritablement. C’est pourquoi il pourra écrire, avec le recul de la foi, que « Tandis que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous prêchons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs comme Grecs, c’est le Christ puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1,22-23).

« Scandale pour les juifs » : avant sa conversion, Paul était lui-même pleinement pris dans ce scandale. Jusqu’à cet instant où, sur le chemin de Damas, Jésus lui-même le précipite à terre. Que lui dit-il ? Le foudroie-t-il de sa colère ? Non ! Il lui pose une simple question « Pourquoi ME persécutes-tu ? » (Ac 22,8) Jésus ne l’a pas condamné, il l’a converti ! Le fait que Jésus lui parle, c’est déjà une révélation : Jésus est vivant, il n’est pas maudit, au contraire, il est juste.

Et les chrétiens ne sont pas davantage des hérétiques condamnables, mais ils sont justes dans leur foi. Les persécuter, c’est atteindre Jésus ; autrement dit, avec Jésus, les chrétiens forment un seul corps.

Saul va maintenant changer, jusqu’à devenir saint. Saul est la prononciation sémitique, et Paul est l’adaptation de son nom dans l’Empire romain où il va partir en mission. Saul a changé, mais pour l’instant on le prend toujours pour le persécuteur ! Il faudra donc une autre révélation pour qu’Ananie aille vers Saul et le baptise.

Désormais, la croix de Jésus devient le cœur même de la prédication de Paul. Refusant de s’appuyer sur l’éloquence, les discours sophistiqués ou la sagesse humaine, il écrit que « le message de la croix est une folie pour ceux qui se perdent, mais pour nous qui sommes sauvés, il est puissance de Dieu » (1 Co 1,18) et il ne veut connaître « rien d’autre que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » (1 Co 2,2). Il ne nie pas que la croix soit choquante, mais il dit qu’elle est la porte d’entrée vers une connaissance plus profonde de Dieu. Là où il voyait autrefois dans le message de la croix une attaque contre la Loi et l’identité juive, il en vient à proclamer que la croix devient le lieu où Dieu révèle sa puissance. C’est en Jésus humilié que se manifeste la rédemption offerte à tous (cf. Ph 2,6-8). La croix est le point de rencontre avec la puissance et la sagesse de Dieu, accessibles seulement par la foi (1 Co 1,24). 

C’est bien la Croix comme folie de don et de pardon, et non quelque conviction venue de « signes » ou de « sagesse », qui a permis l’évangélisation. Cette même folie re-créatrice est à l’oeuvre chez les destinataires de la folie de la Croix et Résurrection : « ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l'on méprise, voilà ce que Dieu a choisi ; ce qui n'est pas, pour réduire à rien ce qui est, afin qu'aucune chair n'aille se glorifier devant Dieu. » (1 Co 1,27-29).

Paul, lui-même « craintif et tremblant », sans effet de paroles, sans sagesse humaine, n’a voulu « annoncer que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié » (1 Co 2,2-3). De ce fait, son annonce a pu sans ambiguïté montrer sa véritable origine : l’Esprit et sa puissance de recréation. La folie de Dieu apparaît comme la vraie sagesse... celle qui, à l’origine, avait créé le monde pour que l’homme soit « image de Dieu » et que tout l’univers soit entraîné dans cette relation de transfiguration (1 Co 2, 6-9). C’est la Sagesse des origines qui nous est rendue en Jésus.

Chez les disciples, l’Esprit de Dieu, qui connaît les secrets de Dieu, entre en connivence avec l’esprit de l’homme. Et ils parlent, « non pas en langage enseigné par l’humaine sagesse, mais en langage enseigné par l’Esprit, exprimant en termes d’esprit les réalités d’esprit » (1 Co 2,10-13). 

Et plus loin : « Ne savez vous pas que vous êtes un Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Co 3,16).

Je termine avec un extrait d’une homélie de saint Jean Paul II :

« O Saint Esprit Paraclet... rends forte et permanente la prière que nous élevons au nom du monde entier ; accélère pour chacun de nous les temps d’une profonde vie intérieure : donne de l’élan à notre apostolat, qui veut atteindre tous les hommes et tous les peuples.

Fais disparaître en nous la présomption naturelle, et entraîne-nous dans les régions de la sainte humilité, de la véritable crainte de Dieu, du courage généreux. Qu’aucun lien terrestre ne nous empêche de faire honneur à notre vocation ; qu’aucun intérêt, en raison de notre indolence, ne supprime les exigences de la justice ; qu’aucun calcul ne renferme les espaces immenses de la charité à l’intérieur des angoisses des petits égoïsmes.

Que tout soit grand en nous : la recherche et le culte de la vérité ; la promptitude au sacrifice jusqu’à la croix et à la mort ; et que tout, enfin, corresponde à la dernière prière du Fils au Père céleste ; et à cette effusion de Toi que, ô Saint Esprit d’amour, le Père et le Fils voulurent sur l’Église et sur ses institutions, sur les âmes individuelles et sur les peuples. Amen. » (Jean Paul II, Homélie de Pentecôte, 03.06.01)

 

Évangile (Mt 5, 13-16)

La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Matthieu, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Traduction depuis la Pshitta. Préface Mgr Mirkis (Irak) ; Mgr Dufour (France) et Mgr Kazadi (Congo RDC). Parole et Silence, 2026.

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :

« 13  Vous êtes, vous, / le sel de la terre.
Or si, lui, le sel s’affadit, / par quoi sera-t-il salé ?
Il ne vaut plus rien : / on le jette dehors et il est piétiné par les gens.

14 Vous êtes, vous, / la lumière du monde !
Elle ne peut être cachée / la ville qui est construite sur une montagne !

15 Et l’on n’allume pas une lampe / pour la mettre sous le boisseau ;
on la met sur le lampadaire, / et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.

16 De même, que votre lumière brille / devant les hommes :
pour qu’ils voient vos bonnes œuvres / et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (Mt 5, 13-16)

Mt 5,13-16

Le sel, pour beaucoup d’entre nous, c’est ce qui vient titiller nos papilles et donne du goût à ce que nous mangeons. Mais le sel, c’est aussi et avant tout un produit qui permet de conserver notre nourriture plus longtemps. Il était autrefois un élément essentiel dont on ne pouvait pas se passer lors des grands voyages pour préserver les viandes et autres denrées périssables. Le sel était si précieux à une certaine époque que l’on payait une taxe sur le sel, la fameuse gabelle instituée en France au 14ème siècle. À Madagascar, « sel » et « bénédiction » se traduisent par un seul mot : Fanasina. Le sel s’oppose à la corruption des denrées. C’est donc un symbole de pureté intérieure.

L’évangile de Matthieu est pendentif d’oralité : les versets entendus appartiennent à un fil d’oralité introduit par une perle du collier compteur, où Joseph entend l’annonce que la venue de Jésus « vivifiera le monde loin de ses péchés ». Une fois ce monde délivré de sa corruption, il doit encore être conservé dans cet état de rénovation.

Dans la liturgie chaldéenne, cet enseignement est rattaché aux Béatitudes. Les Béatitudes sont confiées dans l’intérêt du monde entier. Celui qui est pur est aussi une source pure pour les autres, comme « sel de la terre ». Celui qui n’a pas l’esprit de Mammon, qui est détaché, humble, miséricordieux, artisan de paix, celui-ci est utile à tous « Or si, lui, le sel s’affadit, par quoi sera-t-il salé ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.

Vous êtes devenus le sel de la terre parce que vous portez en vous-mêmes les éléments des béatitudes, qui donnent du sel à un homme ! Les disciples doivent aussi témoigner et enseigner, le sel ne doit pas devenir fade : si vous n’êtes pas prêt à endurer de mauvais traitements à cause de Jésus, ddd votre élection est inutile.

La lumière. « On n’allume pas une lampe [« šrāgā »] pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire [mnārtā] » (Mt 5,15). Le « šrāgā », c’est la lampe, le candélabre, c’est aussi la ménorah, le phare, la tour… Dans la maison, on s’éclaire avec un petit réceptacle où l’on met l’huile et une mèche, et là où les maisons étaient faites avec de la terre et de la pierre, on enfonce un morceau de bois dans le mur pour faire un support pour la lampe : c’est le lampadaire [mnārtā]. Et pour éteindre la lampe sans se salir les doigts, on la mettait sous un vase (ou « boisseau »).

« De même, que votre lumière brille devant les hommes : pour qu’ils voient vos bonnes œuvres » (Mt 5,16). Le sermon sur la montagne utilise souvent le verbe « faire », c’est le mot qui revient le plus, et Jésus parle ici de « vos bonnes œuvres [de la racine « faire »] ». Il est rare que les œuvres brillent tout de suite, mais il faut qu’elles se mettent à luire… Les grandes vertus dégagent une vive et merveilleuse clarté, en vivant les Béatitudes, vous exercez sur ceux qui vous regardent un attrait aussi puissant que par des miracles. Il ne s’agit pas de briller devant les hommes pour rechercher leur estime, mais d’agir pour « qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (Mt 5,16), et remarquons le nom de « votre Père » qui exprime la noblesse que Jésus communique au disciple.

Il est évident qu’il ne s’agit pas de briller aux yeux du monde pour rechercher de la gloire, mais il s’agit d’agir pour que les hommes rendent gloire à Dieu, à votre Père qui est dans les cieux (Mt 5,16).

Le Notre Père est exactement au centre du sermon sur la montagne. Notre commentaire de la première lecture mettait l’accent sur le fait de rendre gloire au Père et de travailler pour sa gloire. De le faire briller, de le faire connaître. Jésus nous demande de rayonner. Je cite le concile : « Tous les fils de l’Église doivent avoir une vive conscience de leur responsabilité à l’égard du monde, nourrir en eux un esprit véritablement catholique et dépenser leurs forces pour l’œuvre de l’évangélisation. Cependant, que tous le sachent, leur premier et leur plus important devoir pour la diffusion de la foi, c’est de vivre profondément leur vie chrétienne. » (Vatican II, Ad Gentes 36)

Être la lumière du monde, ce n’est pas être arrogant. « Il n’y a pas de quoi vouloir que tout le monde suive immédiatement le même chemin que nous, ni de nous mettre à les instruire des voies spirituelles, alors que, d’aventure, nous les ignorons. Il vaut donc mieux nous en tenir à notre Règle : "Chercher à vivre toujours dans le silence et l’espérance" (Is 30,15), et le Seigneur prendra soin des âmes. Tant que nous ne négligerons pas de supplier pour elles Sa Majesté, nous serons fort utiles, avec sa grâce. » (Ste Thérèse d’Avila, Le château intérieur, chapitre II, 13).

Le Lévitique revisité (Mt 5,1-16).

L’évangile selon saint Matthieu est un lectionnaire liturgique, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Il s’achève à Pâque, quand on lisait l’Exode, et recommence avec la lecture du Lévitique qui constituait pour Israël une loi de sainteté. Le Sermon sur la montagne est une nouvelle loi de sainteté, un accomplissement du Lévitique. Dans le Lévitique, les sacrifices pour le péché étaient l’une des grandes préoccupations. Dans les sacrifices, le sel jouait un rôle important : « Tu saleras toute oblation que tu offriras et tu ne manqueras pas de mettre sur ton oblation le sel de l’alliance de ton Dieu ; à toute offrande tu joindras une offrande de sel à ton Dieu. » (Lv 2,13). Or justement, les Béatitudes dont vient de parler Jésus, conduisent à avoir du sel en soi-même, c’est-à-dire d’être soi-même le sacrifice présenté au SEIGNEUR.

Pour comprendre cela, ne fallait-il pas mettre en évidence la structure de l’évangile de Matthieu et travailler à partir de la langue originale, l’araméen (Pshitta) ? C’est l’originalité de mon livre.

Date de dernière mise à jour : 19/12/2025