Conférence donnée à Radio Maria le 18.03.2019 à 14h.
« Je vous salue Joseph, Fils de David, homme juste et virginal, la sagesse est avec vous.
Vous êtes béni entre tous les hommes et Jésus, le fruit de votre fidèle épouse Marie, est béni.
Saint Joseph, père digne, protecteur de Jésus-Christ et de la sainte Eglise,
priez pour nous pécheurs, obtenez-nous la sagesse divine de Dieu, et secourez-nous à l’heure de notre mort. Amen. »[1]
Je vous salue Joseph, Fils de David
« Or telle fut la genèse de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph: or, avant qu'ils eussent mené vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit Saint. 19 Joseph, son mari, qui était un homme juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement, résolut de la répudier sans bruit. 20 Alors qu'il avait formé ce dessein, voici que l'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : "Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme: car ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint; 21 elle enfantera un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus: car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés."
22 Or tout ceci advint pour que s'accomplît cet oracle prophétique du Seigneur: 23 Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l'appellera du nom d'Emmanuel, ce qui se traduit: "Dieu avec nous." 24 Une fois réveillé, Joseph fit comme l'Ange du Seigneur lui avait prescrit: il prit chez lui sa femme; 25 et il ne la connut pas jusqu'au jour où elle enfanta un fils, et il l'appela du nom de Jésus. (Matthieu 1, 18-25)
"Il sauvera son peuple"… (Mt 2,21)
L’expression "son peuple" est très forte. Personne ne dit « mon peuple », pas même le roi ou l’empereur. Le peuple appartient à Dieu. L’expression « son peuple » se rapporte uniquement à Dieu qui avait choisi Israël comme son peuple[2] et qui maintenant, par l’œuvre du Christ, s’est acquis un nouveau peuple, formé aussi des Gentils (= les non-Juifs) (Ac 15,14; Hé 4,9; 10,30; 1 Pt 2,10; Tt 2,14).
"… de ses péchés" (Mt 2,21)
Le fait que Jésus sauve son peuple de ses péchés est un témoignage indirect de sa divinité. Nous l’apprenons de la suite de l’évangile. En effet, "Qui peut remettre les péchés sinon Dieu seul ?" (Mc 2,7)
Si déjà Ezéchiel ne savait décrire « le char divin » qu’avec des comparaisons qu’on ne saurait représenter (Ez 1), quelle n’a pas été pour Joseph la vertigineuse perspective… Il y avait de quoi s’écrier comme Moïse « "Excuse-moi, mon Seigneur, envoie, je t’en prie, qui tu voudras. » (Ex 4, 13). Mais voici la stupéfiante simplicité de Joseph : « Une fois réveillé, Joseph fit comme l’Ange du Seigneur lui avait prescrit… » (Mt 1, 24). Simplicité qui ne peut exister que dans un cœur d’une pureté cristalline !
Homme juste et virginal
On peut établir une petite comparaison entre saint Joseph et son ancêtre le patriarche Joseph, fils de Jacob, qui devint intendant du pharaon. L'Ecriture les présente l'un et l'autre comme homme juste et droit : Sg 10, 13-14 pour le patriarche Joseph et Mt 1, 19 pour saint Joseph.
Le patriarche Joseph était appelé chaste, car il a refusé de commettre l'adultère avec la femme de son maître Potiphar (cf. Gn 39,7-20). Il est accusé faussement par la femme de Potiphar à laquelle il avait résisté, ce qui lui vaut la prison. C'est là que se révèle son don d'interpréter les songes, don qui lui vaudra d'être appelé auprès de Pharaon.
Saint Joseph est juste et virginal. En voici un commentaire par saint Ephrem le Syrien († 373) : « Joseph, parce qu'il était un homme juste, ne voulut pas dénoncer publiquement Marie (Mt 1,19) /…/ il pensa » surtout « à la renvoyer », afin de ne pas commettre de péché en se laissant appeler le père du divin enfant. Il craignit d'habiter avec elle, de peur de déshonorer le nom du fils de la vierge. C'est pourquoi l'ange lui dit : Ne crains pas de prendre chez toi Marie (Mt 1,20). Et l'évangéliste écrit encore : Il vivait avec elle dans la sainteté (Mt 1,25). »[3]
La sagesse est avec vous
Quand le Patriarche Joseph eut interprété les songes de Pharaon, celui-ci déclara : « Trouverons-nous un homme comme celui-ci, en qui soit l'esprit de Dieu ? » Alors Pharaon dit à Joseph : « Après que Dieu t'a fait connaître tout cela, il n'y a personne d'intelligent et de sage comme toi. C'est toi qui seras mon maître du palais et tout mon peuple se conformera à tes ordres, je ne te dépasserai que par le trône » (Gn 41, 38-40). A partir de ce jour, Joseph régit donc toute la maison de Pharaon.
On lit dans le livre de la Sagesse :
« La Sagesse est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l'activité de Dieu, une image de sa bonté. Bien qu'étant seule, elle peut tout, demeurant en elle-même, elle renouvelle l'univers et, d'âge en âge passant en des âmes saintes, elle en fait des amis de Dieu et des prophètes;car Dieu n'aime que celui qui habite avec la Sagesse. » (Sg 7, 26-28)
Quand saint Joseph eut connu par un songe la conception virginale de Jésus, il prit Marie son épouse, et il protégea l’enfant et sa mère en partant en Egypte pendant la persécution d’Hérode. On peut dire de Joseph qu’il habitait avec la Sagesse.
Le livre du Siracide identifie la Sagesse et le livre de l’Alliance : « La Sagesse fait son propre éloge, […] "Je suis issue de la bouche du Très-Haut […] ceux qui font mes œuvres ne pécheront pas […] Tout cela n’est autre que le livre de l’alliance du Dieu Très-Haut, la Loi promulguée par Moïse, laissée en héritage aux assemblées de Jacob » (Siracide 24, 1-23).
Au début de la nouvelle Alliance, un homme et une femme sont interpellés. Grâce donc au « oui » d’une femme (Marie) et au « oui » d’un homme (Joseph) Dieu réalise la Nouvelle Alliance.
Jean Paul II écrivit le 15 août 1988 au sujet de Marie : « au début de la Nouvelle Alliance, qui doit être éternelle et irrévocable, il y a une femme : la Vierge de Nazareth »[4]
Et au sujet de Joseph, le 15 août 1989 : « L’homme juste [Joseph], qui portait en lui tout le patrimoine de l’antique alliance, a été lui aussi introduit au début de la nouvelle et éternelle Alliance, en Jésus-Christ. »[5]
Vous êtes béni entre tous les hommes et Jésus, le fruit de votre fidèle épouse Marie, est béni
L’amour établit une communion. Joseph « participe » au mystère de l’Incarnation, avec Marie, « entraîné dans la réalité du même événement salvifique » (RC 1) [6]
En participant au mystère, Joseph soutient la foi de Marie : « En ayant devant les yeux le texte des deux évangélistes, Matthieu et Luc, on peut dire également que Joseph est le premier à participer à la foi de la Mère de Dieu, et qu’ainsi il soutient son épouse dans la foi à l’Annonciation divine. » (RC 5). Il est « placé par Dieu » pour soutenir Marie dans son « pèlerinage de la foi » (RC 5).
Joseph aime Marie, mais oui ! Il a pour Marie l’Amour d’un vrai époux, un amour encore plus beau grâce à l’influence exceptionnelle de l’Esprit Saint :
« "Ce qui est engendré en elle vient de l’Esprit-Saint" (Mt 1,20) : ne faut-il pas conclure, devant ces expressions, que son amour d’homme est, lui aussi, régénéré par l’Esprit-Saint ? […] Joseph, obéissant à l’Esprit, retrouva précisément en lui la source de l’amour, de son amour sponsal [= conjugal] d’homme, et cet amour fut plus grand que ce que l’homme juste pouvait attendre selon la mesure de son cœur humain. » (RC 19)
Saint Joseph, père digne, protecteur de Jésus-Christ et de la sainte Eglise,
Joseph, bien que vierge comme Marie, exerce une vraie paternité, il est vrai père. A Joseph qui « ne savait pas quelle attitude adopter devant cette étonnante maternité de Marie » (RC 3) l’ange révèle qu’il ne doit pas se considérer étranger.
« En même temps que la puissance paternelle sur Jésus, Dieu a aussi accordé à Joseph l’amour correspondant, cet amour qui a sa source dans le Père, "de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom" (Ep 3, 15). » (RC 8)
Il exerce même une paternité sur l’Eglise entière, et donc sur chacun de nous, comme patron de l’Église universelle. Cette proclamation fut faite par Pie IX le 8 décembre 1870 et reprise par Jean Paul II (RC 28-30).
°°°
La Vierge Marie a immédiatement perçu que l’Incarnation était un acte de la miséricorde divine, elle chante la miséricorde de Dieu à la charnière du Magnificat en Lc 1, 50 (« sa miséricorde s’étend d’âge en âge »), et dans la conclusion du Magnificat au verset 1, 54 (« se souvenant de sa miséricorde »). Il est indubitable que saint Joseph, en tant qu’époux de Marie, ait « épousé » le Magnificat de Marie – même si Joseph a probablement très peu extériorisé sa joie parce que sa fonction de chef de famille nécessitait une écoute docile à Dieu qui, comme jadis à Elie, parle dans un silence léger. Le Magnificat est la clé pour comprendre le lien entre les parents de Jésus et Dieu le Père. Le cardinal d Bérulle voulait trop voir en Marie une représentation de Dieu le Père ; en réaction, c'est en Joseph que monsieur J.-J. Olier voulait trop voir une représentation de Dieu le Père, une ombre ou une icône trop immédiate. Dans le Magnificat nous est montré que c’est d’abord par la louange qu’est désigné Dieu le Père.
La personne accompagnée dans un contexte où le père spirituel est décrit comme le « médiateur direct de Dieu le Père, tout puissant » connaît diverses souffrances :
- Le père spirituel devient le médiateur de la source unique de l’existence (risque de désocialisation) ou de sa ré-interprétation (risque de dépersonnalisation) ;
- Tension entre les paroles dites dans les entretiens (ou parle le père spirituel) et l’évolution des circonstances providentielles (où agit Dieu le Père).
- Tentation de demander au père spirituel ce à quoi Dieu seul peut pourvoir.
De son côté, le père spirituel qui s’imagine représenter trop directement Dieu le Père se sent écrasé et donc incapable (évidemment) d’assurer ce qui revient à Dieu le Père. Il finit par démissionner, au mieux en se disant incapable, au pire en accusant l’autre.
Méditer sur la vie de Joseph est une source d’équilibre et d’inspiration. Joseph était un père qui priait Dieu le Père, il a socialisé son fils et a stimulé sa personnalité sans pouvoir en sonder la profondeur (et pour cause !)
Priez pour nous pécheurs, obtenez-nous la sagesse divine de Dieu, et secourez-nous à l’heure de notre mort. Amen.
Dans l’évangile de saint Matthieu, la généalogie de Jésus, qui est aussi celle de Joseph, commence avec les patriarches : « Livre de la genèse de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham: Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères. » (Mt 1, 1-2). Cette généalogie n’a pas seulement pour but de nous dire que Jésus est bien le messie davidique attendu : elle nous parle de l’âme, de l’esprit et du cœur de Joseph car Joseph hérite du cheminement de ses aïeux. Or, le rapport des patriarches à leurs enfants était marqué par la bénédiction. Jacob désire même considérer les fils de son fils Joseph comme ses propres fils, et il les bénit lui-même (Gn 48, 17-20). Ces bénédictions indiquent une identité et une direction, stimulent et engendrent.
[1] Olivier ALBERICI, Fabrice KEDINGER., Les apparitions de la Reine du Rosaire et de la Paix à Itapiranga (Brésil). Editions l’Appel du ciel, 2012, p. 36
[2] Mt 2.6 ; Lc 1,77 ; 2.32 ; 7,16 : Ac 13,17 ; Rm 9,25-26 ; 11,1-2 ; 15,10 ; 2 Cor 16 ; He.25-2
[3] Saint Ephrem, Diatessaron II,4-5, Sources chrétiennes 121 par L.LELOIR, Cerf, Paris, 1966, p.68
[4] Jean Paul II, Lettre apostolique « Mulieris dignitatem » (15 août 1988)
[5] Jean Paul II, Lettre apostolique « Redemptoris Custos » § 32 (15 août 1989)
[6] RC = Jean Paul II, Redemptoris Custos, Exhortation apostolique sur la figure et la mission de saint Joseph dans la vie du Christ et de l’Eglise (15 août 1989)
Françoise Breynaert