20e dimanche ordinaire (C)

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Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30. 

Première lecture (Jr 38, 4-6.8-10)

Psaume (Ps 39 (40), 2, 3, 4, 18)

Deuxième lecture (He 12, 1-4)

Évangile (Lc 12, 49-53)

 

Première lecture (Jr 38, 4-6.8-10)

En ces jours-là, pendant le siège de Jérusalem, les princes qui tenaient Jérémie en prison dirent au roi Sédécias : « Que cet homme soit mis à mort : en parlant comme il le fait, il démoralise tout ce qui reste de combattant dans la ville, et toute la population. Ce n’est pas le bonheur du peuple qu’il cherche, mais son malheur. » Le roi Sédécias répondit : « Il est entre vos mains, et le roi ne peut rien contre vous ! » Alors ils se saisirent de Jérémie et le jetèrent dans la citerne de Melkias, fils du roi, dans la cour de garde. On le descendit avec des cordes. Dans cette citerne il n’y avait pas d’eau, mais de la boue, et Jérémie enfonça dans la boue. Ébed-Mélek sortit de la maison du roi et vint lui dire : « Monseigneur le roi, ce que ces gens-là ont fait au prophète Jérémie, c’est mal ! Ils l’ont jeté dans la citerne, il va y mourir de faim car on n’a plus de pain dans la ville ! » Alors le roi donna cet ordre à Ébed-Mélek l’Éthiopien : « Prends trente hommes avec toi, et fais remonter de la citerne le prophète Jérémie avant qu’il ne meure. » – Parole du Seigneur.

 

Jérémie entre en scène la 13ème année du roi Josias (vers -626). Il est de famille sacerdotale. À cette époque, le roi Josias met en oeuvre sa réforme qui met en valeur la mémoire de l’Exode (dans le livre du Deutéronome), et il profite du déclin de l’Assyrie pour reconquérir les territoires du Nord (autour de Samarie) en vue de reconstituer l’empire de Salomon. Jérémie a été séduit par le Seigneur au moment de cette réforme du roi Josias qui a centralisé le culte à Jérusalem en purifiant le pays des cultes syncrétistes aux Baals.

En -609, le roi Josias lève une expédition pour essayer d’arrêter les troupes du pharaon Néko qui monte de l’Égypte vers l’Euphrate pour empêcher Babylone d’exterminer ce qui reste des troupes assyriennes. On devine avec quel enthousiasme le roi Josias et le prophète Jérémie partent à cette bataille contre l’Égypte. Il ne manque plus que cette victoire pour achever la célébration du Mémorial de l’Exode ! Mais le roi Josias meurt à Megiddo (2 R 23,24-30 et 2 Ch 35,19-26), en l’an -609.

Ensuite, Jérémie est persécuté parce qu’il annonce la débâcle prochaine, tout à fait prévisible étant donné l’avancée puissante de Nabuchodonosor roi de Babylone et sa victoire sur l’Égypte à Karkémish (-605). Humainement parlant, Jérémie aurait bien voulu se taire pour être tranquille, mais quand on a connu le Dieu vivant, c’est un feu dans le cœur, et les révélations prophétiques qu’il a reçues le brûlent : il doit parler, crier, proclamer. C’est cela être prophète !

Sa vie sans femme ni enfant est une prophétie de malheur : « Ne prends pas femme; tu n’auras en ce lieu ni fils ni fille! » Car… les enfants « mourront de maladies mortelles, sans être pleurés ni enterrés » (Jr 16, 1-4).

Jérémie dénonce les prophètes de la cour (Jr 23) qui disent que « tout ira bien », sans dénoncer les fautes contre la réforme et la Loi d’Alliance.

Jérémie prophétise même contre le palais du roi : « Oui, ainsi parle le Seigneur au sujet du palais du roi de Juda : je vais te réduire en désert » (Jr 22, 6), et contre le roi Joiaqim, le fils du roi Josias, qui ne cherche que son intérêt ; il tente de se libérer du joug babylonien, mais Nabuchodonosor lance les représailles et Joiaqim meurt. Or Jérémie relativise même l’indépendance nationale en prêchant la soumission à Babylone (29,4). À Jérusalem, Nabuchodonosor intronise Sédécias, un autre fils du roi Josias. Mais ce dernier se laisse entraîner dans une nouvelle rébellion. Il veut consulter le prophète Jérémie (Jr 37, 3). L’armée d’Égypte monte contre les Chaldéens, c’est-à-dire contre Nabuchodonosor, et Sédécias imagine que le pharaon va l’aider à retrouver son indépendance. Mais Jérémie annonce la dévastation de Jérusalem, ce qui ne plaisait pas à ses contemporains qui imaginaient que la Cité sainte serait protégée par la Providence comme au temps d’Ezéchias. L’Égypte ne lutte que pour son compte, et elle ne va pas aider Israël. Jérémie prophétise : « L’armée de Pharaon est sortie à votre secours ? Elle va s’en retourner en son pays d’Égypte ! Les Chaldéens reviendront attaquer cette ville, la conquérir et y mettre le feu. » (Jr 37, 7-8)

Effectivement, l’armée de Nabuchodonosor attaquera Jérusalem et y mettra le feu, même le Temple sera détruit. Un exil nombreux s’ensuivra en l’année -587.

La lecture de ce dimanche décrit comment les gens déforment les paroles de Jérémie, alors que ce dernier n’avait fait qu’annoncer la ruine de Jérusalem, les gens disent : « Ce n’est pas le bonheur du peuple qu’il cherche, mais son malheur. » (Jr 38, 4). Bien évidemment, Jérémie aurait préféré se taire ou annoncer des choses faciles, mais c’est au nom du Seigneur qu’il a annoncé la dévastation prochaine.

Alors Jérémie est jeté dans une fosse… Il en serait mort si, finalement, le roi n’avait pas donné l’ordre de faire « remonter de la citerne le prophète Jérémie avant qu’il ne meure. »

Sommes-nous comme Jérémie, capable de transmettre la parole de Dieu au risque d’être jeté dans la boue ?

Sortir Jérémie de la boue de la citerne, c’est refuser cette nonchalance qui laisse mourir seul le juste. Sommes-nous ceux dont le Seigneur peut se servir pour sortir le juste de la fosse et le rendre à la lumière et à la vie ?

La tentation est parfois forte de faire taire la voix du Seigneur quand elle nous contrarie et nous indique un chemin difficile, une épreuve. Or cette épreuve est cependant pour un bien, pour une croissance spirituelle, une croissance qui ne se percevra qu’après coup, plus tard. Il est difficile d’écouter la voix prophétique qui nous dit que Dieu conduit l’histoire, notre histoire.

Parce que des gens écoutèrent leur conscience, le roi fit sortir Jérémie de la fosse. Le premier pas est de réagir quand la voix de l’Esprit de sainteté est étouffée. Si nous écoutons notre conscience, nous écouterons aussi la voix prophétique qui nous rappellera que Dieu est Dieu : Dieu porte de l’intérêt en son peuple, il y porte d’autant plus d’intérêt qu’il a besoin de son peuple pour réaliser son dessein.

Sortir Jérémie de la boue et de la fosse, c’est aussi sortir de la surdité pour entendre la voix du Seigneur, qui est amour, vie et paix. En effet, notre intérêt est inclus dans l’intérêt de Dieu, ce qui évacue toute amertume et toute angoisse. Dieu est à la fois le potier de nos vies et le souverain maître de l’histoire.

Dans les événements tragiques du monde, nous sommes encore appelés à la foi. Quand la voix de l’Esprit de sainteté est étouffée, quand le prophète est jeté dans la boue, « c’est mal » (Jr 38, 9). Nous avons besoin de la Parole de Dieu qui nous rappelle que notre vie, individuelle ou collective, se trouve dans les mains de Dieu et que Dieu est assez puissant pour mener l’histoire à son terme. L’œuvre de Dieu n’est pas terminée et beaucoup de grâces sont encore suspendues, attendant que l’homme entre dans la volonté divine.

Psaume (Ps 39 (40), 2, 3, 4, 18)

D’un grand espoir, j’espérais le Seigneur : il s’est penché vers moi pour entendre mon cri. Il m’a tiré de l’horreur du gouffre, de la vase et de la boue ; il m’a fait reprendre pied sur le roc, il a raffermi mes pas. Dans ma bouche il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu. Beaucoup d’hommes verront, ils craindront, ils auront foi dans le Seigneur. Je suis pauvre et malheureux, mais le Seigneur pense à moi. Tu es mon secours, mon libérateur : mon Dieu, ne tarde pas !

Le psaume est une réponse à la première lecture qui nous relatait comment le prophète Jérémie fut jeté dans une fosse, dans la boue, et comment il allait y mourir de faim quand un simple serviteur, écoutant sa conscience, déclara que c’était mal, et convainquit le roi de le faire sortir de là. A travers lui, c’est le Seigneur qui est intervenu au secours de Jérémie et l’a libéré. « Le Seigneur pense à moi. Tu es mon secours, mon libérateur : mon Dieu, ne tarde pas ! »

Et nous ? Sommes-nous ceux dont le Seigneur peut se servir pour sortir le juste de la fosse et le rendre à la lumière et à la vie ?

Ou sommes-nous comme ceux qui, par leur nonchalance, laissent le juste tout seul face à ses ennemis ? Ceux qui, sourds et endurcis, abandonnent le juste affamé, attendant qu’il meure, oublié…

Sommes-nous comme le juste persécuté, que Dieu vient délivrer par ses serviteurs, parfois des gens auxquels on ne pensait plus et par des moyens que l’on n’imaginait pas. Mais Dieu a agi, il nous a sorti du gouffre, sous nos pas, ce n’est plus la vase où l’on s’enfonce, non, le Seigneur nous fait reprendre pied, nous sommes remis debout pour aller de l’avant. « Il m’a tiré de l’horreur du gouffre, de la vase et de la boue ; il m’a fait reprendre pied sur le roc, il a raffermi mes pas. »

Le Christ, durant sa passion, a connu l’horreur d’une fosse. Les mystiques la décrivent, avec l’odeur fétide et la position très inconfortable de Jésus qui est suspendu par une corde. Il en sortira pour être condamné à la mort de la croix.

Dans la nuit de sa Passion, Jésus avait les mains liées. Et nous pouvons prier pour réparer avec Jésus les attachements mauvais de tous et donner à tous les chaînes de l’Amour, nous pouvons réparer les oeuvres mauvaises, les miennes et celles de tous, et le bien mal fait ou fait avec présomption.

Par nos compromissions avec le mensonge et la corruption, n’avons-nous jamais jeté Jésus dans la boue ? Nous pouvons lui en demander pardon. Nous pouvons réparer et offrir à tous le parfum des œuvres du Christ.

Et voici maintenant l’exemple de saint Maximilien Kolbe.

En 1931, le pape demande des missionnaires pour évangéliser l’Asie. Maximilien se porte volontaire et est envoyé au Japon où il reste cinq ans. Il y fonde une nouvelle ville, l’Immaculée Conception (Mugenzai No Sono) et publie le magazine "Chevalier de l’Immaculée Conception" en japonais (Seibo No Kishi). Il retourne en Pologne comme directeur spirituel de Niepokalanów. « En septembre 1939 : la guerre s’abat sur le pays. Saint Maximilien s’adonne, avec plus d’ardeur que jamais à l’apostolat. ‘Si le bien consiste en l’amour de Dieu et en tout ce qui jaillit de l’amour, le mal, dans son essence, est une négation de l’amour’, lit-on dans la publication de son dernier article. Voilà le vrai conflit. Au fond de chaque âme, il y a ces deux adversaires : le bien et le mal, l’amour et le péché. Saint Augustin a exprimé ce conflit en ces termes : ’Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu a fait la cité terrestre; l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi a fait la cité céleste’ (Cité de Dieu, XIV, 28).

Le 17 février 1941, des policiers de la Gestapo se saisissent du Père et de quatre autres frères qu’ils emmènent d’abord à la prison de Pawiak à Varsovie. Le Père y est violemment frappé en tant que religieux et prêtre. Il écrit à ses enfants restés à Niepokalanow: ‘L’Immaculée, Mère très aimante, nous a toujours entourés de tendresse et veillera toujours… Laissons-nous conduire par Elle, de plus en plus parfaitement où qu’elle veuille et quel que soit son bon plaisir, afin que, remplissant nos devoirs jusqu’au bout, nous puissions, par amour, sauver toutes les âmes’. Quelques jours plus tard, le Père Kolbe est transféré au camp d’Auschwitz.

Bientôt hospitalisé, à la suite des sévices endurés, il confesse à longueur de nuits, malgré l’interdiction et la menace de représailles. Il sait convertir en bien le mal lui-même, et explique un jour à un malade : « La haine n’est pas une force créatrice. Seul l’amour est créateur. Ces douleurs ne nous feront pas plier, mais elles doivent nous aider, toujours davantage, à être forts. Elles sont nécessaires, avec d’autres sacrifices, pour que ceux qui resteront après nous soient heureux ». Il fait partager à ses compagnons l’expérience du mystère pascal, où la souffrance vécue dans la foi se transforme en joie. ‘Le paradoxe de la condition chrétienne éclaire singulièrement celui de la condition humaine: ni l’épreuve ni la souffrance ne sont éliminées de ce monde, mais elles prennent un sens nouveau dans la certitude de participer à la Rédemption opérée par le Seigneur et de partager sa gloire’ (Paul VI, Exhortation Apostolique sur la joie chrétienne, 9 mai 1975).

‍À la fin de juillet 1941, un prisonnier du bloc 14, celui du Père Maximilien, s’est évadé. Le chef de camp avait prévenu que, pour chaque évadé, dix hommes seraient condamnés à mourir de faim et de soif. Un des malheureux désignés pour la mort s’écrie: « Oh! ma pauvre femme et mes enfants que je ne reverrai plus ! »

“Alors, au milieu de ses camarades interdits, le Père Maximilien se fraie un chemin et sort des rangs. «Je voudrais mourir à la place d’un de ces condamnés», et il désigne celui qui vient de se lamenter. « Qui es-tu? » demande le chef. « Prêtre catholique », répond le Père. Car c’est comme prêtre catholique qu’il veut donner sa vie. L’officier, stupéfait, garde un moment le silence puis accepte l’héroïque proposition.”

Dans le bloc de la mort, les geôliers se rendent compte qu’il se passe quelque chose de nouveau. Au lieu des cris de détresse habituels, ce sont des chants qu’ils entendent. La présence du Père Maximilien a changé l’atmosphère de l’affreuse cellule. Le désespoir a fait place à une aspiration pleine d’espérance, d’acceptation et d’amour, vers le ciel, vers la Mère de Miséricorde. À la veille de l’Assomption, seul le Père Maximilien est pleinement conscient.

“Au moment où les gardes entrent pour l’achever, il est en prière. Voyant la seringue, il tend lui-même son bras décharné à la piqûre mortelle.”

De son vivant, saint Maximilien Kolbe aimait à répéter : Sur cette terre, nous ne pouvons travailler que d’une seule main, car de l’autre nous devons bien nous cramponner pour ne point tomber nous-mêmes. Mais au Ciel, ce sera différent ! Point de danger de glisser, de tomber ! Alors nous travaillerons bien plus encore, de nos deux mains ! »

Et que Dieu vous garde dans la communion des saints, et vous bénisse !

https://www.collegedesbernardins.fr/magazine/article/saint-maximilien-kolbe-apotre-de-marie-et-martyr-dauschwitz citant https://www.clairval.com/les-lettres-en-ligne-6/

Deuxième lecture (He 12, 1-4)

Frères, nous qui sommes entourés d’une immense nuée de témoins, et débarrassés de tout ce qui nous alourdit – en particulier du péché qui nous entrave si bien –, courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré la croix en méprisant la honte de ce supplice, et il siège à la droite du trône de Dieu. Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement. Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché. – Parole du Seigneur.

Chers auditeurs, « nous qui sommes entourés d’une immense nuée de témoins… », dans le commentaire du psaume, nous avons évoqué saint Maximilien Kolbe, et la communion des saints. Notre vie sur la terre est aidée par la communion des saints. Il ne nous est pas permis de communiquer avec les défunts, mais nous savons que les saints du Ciel nous soutiennent, leur exemple nous stimule, leur intercession nous attire des grâces, et, réciproquement, chacune de nos actions réalisée dans la grâce divine leur apporte une nouvelle joie, un charme nouveau, une fête nouvelle.

Nous pouvons dire avec Benoit XVI que « nous nous savions entourés, conduits et guidés par les amis de Dieu […] Je ne dois pas porter seul ce que, en réalité, je ne pourrais jamais porter seul. La troupe des saints de Dieu me protège, me soutient et me porte». Benoît XVI, Homélie lors de l’inauguration solennelle du ministère pétrinien (24 avril 2005) : AAS 97 (2005), p. 708

Ne pensons pas uniquement à ceux qui sont béatifiés ou canonisés. Il y en a beaucoup d’autres, et qui peuvent être très proche de nous.

« Dans la nuit la plus obscure surgissent les plus grandes figures de prophètes et de saints. Mais le courant de la vie mystique qui façonne les âmes reste en grande partie invisible. Certaines âmes dont aucun livre d’histoire ne fait mention, ont une influence déterminante aux tournants décisifs de l’histoire universelle. Ce n’est qu’au jour où tout ce qui est caché sera manifesté que nous découvrirons aussi à quelles âmes nous sommes redevables des tournants décisifs de notre vie personnelle ».

Sainte Bénédicte de la Croix (Edith Stein), Vie cachée et épiphanie, Source cachée (Oeuvres spirituelles, Paris 1998, pp. 241-247).

Jésus est le rédempteur qui nous a libéré des entraves du péché, afin que nous puissions marcher « débarrassés de tout ce qui nous alourdit ». « Nous qui sommes entourés d’une immense nuée de témoins, et débarrassés de tout ce qui nous alourdit – en particulier du péché qui nous entrave si bien –, courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. » À chacun est proposée une épreuve. Avant de nous faire partager la vie de l’éternité, Dieu nous questionne, il teste notre amour, notre droiture, notre fidélité. Jésus nous a frayé le chemin, il a préparé tout ce qui nous est nécessaire pour traverser notre vie. Les événements de nos vies sont des épreuves que nous devons recevoir dans un dialogue avec le Seigneur et dans la perspective de l’éternité avec Jésus.

« Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré la croix en méprisant la honte de ce supplice, et il siège à la droite du trône de Dieu. Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement. »

« Jésus est monté volontairement à Jérusalem tout en sachant qu’il y mourrait de mort violente à cause de la contradiction de la part des pécheurs (cf. He 12,3). ». (CEC 569)

Et « Nous devons regarder comme coupables de cette horrible faute, ceux qui continuent à retomber dans leurs péchés. Puisque ce sont nos crimes qui ont fait subir à Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la croix, à coup sûr ceux qui se plongent dans les désordres et dans le mal "crucifient de nouveau dans leur coeur, autant qu’il est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés et le couvrent de confusion" (He 6,6).» (CEC 598)

« Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché. » (He 12, 4).

Le martyr est celui qui « résiste jusqu’au sang ». Il ne s’agit pas de verser le sang des autres, mais de verser son propre sang.

Il nous faut méditer l’exemple de Jésus qui n’a pas versé le sang, mais qui s’est offert lui-même. Maintenant, il siège à la droite de Dieu et il peut juger le monde parce qu’il est pur de tout péché, de tout sang versé.

Prenons l’exemple du laïc congolais Floribert Bwana Chui Bin Kositi qui fut martyrisé en 2007 à l’âge de 26 ans, pour avoir refusé la corruption en bloquant le passage d’une cargaison de riz impropre à la consommation et qui pouvait mettre la santé publique en danger. Il fut enlevé, torturé et tué. Il a été béatifié le 15 juin 2025.

Il n’y a pas seulement le martyre sanglant. Lors des JMJ du grand jubilé de l’an 2000, Jean-Paul II disait aux jeunes :

« Il ne vous sera peut-être pas demandé de verser votre sang, mais de garder la fidélité au Christ, oui certainement !
Une fidélité à vivre dans les situations quotidiennes :
Je pense aux fiancés et à leur difficulté de vivre dans la pureté, au sein du monde actuel, en attendant de se marier.
Je pense aux jeunes couples et aux épreuves auxquelles est exposé leur engagement de fidélité réciproque.
Je pense aux relations entre amis et à la tentation de manquer de loyauté qui peut s’insinuer entre eux.
Je pense aussi à ceux qui ont entrepris un chemin de consécration particulière et aux efforts qu’ils doivent souvent affronter pour persévérer dans le don de soi à Dieu et à leurs frères.
Je pense encore à ceux qui veulent vivre des rapports de solidarité et d’amour dans un monde où il ne semble y avoir d’autres valeurs que la logique du profit et de l’intérêt personnel ou de groupe.
Je pense encore à ceux qui oeuvrent pour la paix et qui voient naître et se développer, dans différentes parties du monde, de nouveaux foyers de guerre ;
Je pense à ceux qui oeuvrent pour la liberté de l’homme et qui le voient encore esclave de lui-même et des autres ;
J
e pense à ceux qui luttent pour faire aimer et respecter la vie humaine et qui doivent assister aux nombreuses atteintes portées contre elle et contre le respect qu’on lui doit. » (2000 Journées Mondiales Jeunesse § 4)

« Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché. » (He 12, 4)

Évangile (Lc 12, 49-53)

La traduction, faite sur la Pshitta (en araméen), et le commentaire sont extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).

« 49 Je suis venu pour apporter la flamme sur la terre / et je voudrais qu’elle soit déjà enflammée !
50 Et il y a pour moi une immersion dont je serai immergé, / et combien je suis oppressé jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse ! 

51 Vous vous imaginez / que je suis venu mettre la tranquillité sur la terre ?
Je vous le dis :
Non ! / Mais la division !

52 À partir de maintenant, en effet, / ils seront cinq dans une même maison,
qui seront divisés trois contre deux, / et deux contre trois !

53 Le père se divise en effet contre son fils, / et le fils contre son père ;
la mère contre sa fille, / et la fille contre sa mère ;
la belle-mère contre sa belle-fille, / et la belle-fille contre sa belle-mère. »

 « Je suis venu pour apporter la flamme et je voudrais qu’elle soit[1] déjà enflammée » [avec le verbe enflammer « ḥab » au peal, remarquons que ce même verbe, dans la forme aḥḥeb (c’est-à-dire conjugué à l’af’ael) signifie « aimer d’un amour ardent »]. « La flamme [nūrā] » est la flamme de la lampe qu’il faut garder allumée (Lc 12, 35), c’est-à-dire la Parole de Dieu (Lc 12, 33) qui, purifiant l’intériorité humaine, donne aux hommes d’éclairer à leur tour ; Jésus parle d’une flamme d’amour, apportée par sa venue, mais qui doit encore se répandre sur la terre.

« Et il y a pour moi une immersion dont je serai immergé, / et combien je suis oppressé jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse ! » Jésus prend l’image de l’eau. L’image du feu et celle de l’eau ont en commun de pouvoir désigner une épreuve, notamment chez le prophète Isaïe : « Si tu traverses les eaux je serai avec toi, et les rivières, elles ne t’inonderont pas. Si tu passes par le feu, tu ne souffriras pas, et la flamme ne te brûlera pas » (Is 43, 2).

Jésus est « oppressé »[2] jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse [racine mlā] (Lc 12, 50). Pour l’accomplissement de cette flamme d’amour sur la terre, Jésus va traverser une grave épreuve, parce que, comme il l’explique aussitôt après, ce qu’il apporte produit une division, les uns sont pour, les autres sont contre.

51 Vous vous imaginez / que je suis venu mettre la tranquillité sur la terre ?
Je vous le dis :
Non ! / Mais la division [plg] !

52 À partir de maintenant, en effet, / ils seront cinq dans une même maison,
qui seront divisés trois contre deux, / et deux contre trois !

53 Le père se divise en effet contre son fils, / et le fils contre son père ;
la mère contre sa fille, / et la fille contre sa mère ;
la belle-mère contre sa belle-fille, / et la belle-fille contre sa belle-mère. »

La lecture en fil d’oralité évite les contresens.

Jésus a dit : « Tout royaume qui se divise contre lui-même, / sera dévasté. 
Et une maison qui contre sa base se divise, / tombera. » (Lc 11, 17 perle 7)

Et quand un homme lui demande de dire à son frère de partager l’héritage, Jésus répond : « qui m’a établi sur vous juge et partageur [plg] ?’ » (Lc 12, 14 perle 9)

Ainsi, la division peut être une cause de ruine, et il est mauvais de diviser et répartir les biens quand c’est l’avidité qui motive. Cependant, Jésus est lui-même une cause de division [plg], mais c’est en vue du royaume (Lc 12, 52-53 perle 10)

Deux mots en araméens sont traduits en français par « paix » : šaynā, traduite ici par tranquillité, et qui permet de faire de bonnes récoltes, elle peut s’accompagner de compromissions. Jésus ne donne pas la paix šaynā ; mais Jésus donne la paix šlāmā, la plénitude, la paix reçue de Dieu et transmise, et il veut que ses disciples reçoivent cette paix de Dieu et la transmettent (Lc 10, 4-5 perle 1).

Jésus ici nous dit qu’il divise (Lc 12, 53), et c’est un fait déjà constaté après la guérison du muet (Lc 11, 14-16). Comme le contexte de la citation de Michée l’indique, cette division est le fait de ceux qui ont cesser d’être fidèles à Dieu : « Les fidèles ont disparu du pays : pas un juste parmi les habitants […] Ne vous fiez pas au prochain. […] Car le fils insulte le père, la fille se dresse contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère » (Mi 7, 2-6).

Il est important de repérer que Jésus a fait une citation de l’Écriture, et le sens de cette citation. Ce n’est pas Jésus, en lui-même, qui divise. Mais ce sont ceux qui ne sont pas fidèles à Dieu, et qui refusent la lumière, la vérité, à la paix [šlāmā] de Dieu.

Par ailleurs, l’évangile de Luc est un collier en pendentif (les perles du collier compteur introduisent chacune un fil d’oralité).

Après une Ouverture (šūrāyā). Lc 1, 5-25 : Annonce à Zacharie, le collier compteur comporte 8 perles qui introduisent chacune un fil d’oralité.

Perle 1. Lc 1, 26-38 : Annonce à Marie.      

Perle 2. Lc 1, 39-80 : Visitation de Marie chez Élisabeth et naissance de Jean-Baptiste        

Perle 3. Lc 2, 1-21 : Naissance et circoncision de Jésus. 

Perle 4. Lc 2, 22-40 : La présentation de Jésus au Temple.         

Perle 5. Lc 2, 41-52 : Recouvrement de Jésus au Temple et vie cachée.  

Perle 6. Lc 3, 1-20 : La prédication de Jean-Baptiste       

Perle 7. Lc 3, 21-38 : La voix céleste au Jourdain et la généalogie du Christ        

Perle 8. Lc 4, 1-15 : Jésus tenté au désert  

L’évangile de ce dimanche fait partie du 4e fil, le fil central, celui qui contient la prière du Notre Père. La perle correspondante du collier compteur raconte la présentation de Jésus au temple.

Le collier compteur fait ici entendre l’épreuve que le vieillard Siméon annonça à Marie : Jésus sera en butte à la « contradiction » et Marie est une femme forte qui supporte l’annonce de la contradiction qui attend son fils (Lc 2, 34-35). Et l’on constate l’écho avec les versets de Luc 12, 50-51 :

« 50 Et il y a pour moi une immersion dont je serai immergé, / et combien je suis oppressé jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse ! 

51 Vous vous imaginez / que je suis venu mettre la tranquillité sur la terre ?
Je vous le dis :
Non ! / Mais la division ! » (Luc 12, 50-51)

Alors, chers auditeurs, soyons, nous aussi, des hommes et des femmes préparés à la contradiction afin d’être fermes au temps de l’épreuve. En suivant les pas de Jésus, doux et humble de cœur, en tenant la main de Marie, comme le faisait saint Maximilien Kolbe. L’épreuve est toujours limitée, elle n’a qu’un temps. Gardons les yeux fixés sur le but : le règne de Dieu sur la terre comme au ciel, c’est-à-dire la vie du ciel sur la terre et l’assomption finale dans la gloire divine.

 

[1] Nous tenons compte du mot « ᵓelū » : « si » dans l’irréel : ce mot gère ici une phrase optative (grammaire Costas § 848).

[2] L’araméen utilise le verbe de racine « als », comme la belle-mère de Pierre oppressée par la fièvre (Lc 4, 38) ou comme quand la foule le presse (Lc 8, 45), etc…

Date de dernière mise à jour : 03/07/2025