17e dimanche ordinaire C

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

Première lecture (Gn 18, 20-32)

Psaume (Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 6-7ab, 7c-8)

Deuxième lecture (Col 2, 12-14)

Évangile (Lc 11, 1-13)

 

Première lecture (Gn 18, 20-32)

En ces jours-là, les trois visiteurs d’Abraham allaient partir pour Sodome. Alors le Seigneur dit : « Comme elle est grande, la clameur au sujet de Sodome et de Gomorrhe ! Et leur faute, comme elle est lourde ! Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi. Si c’est faux, je le reconnaîtrai. » Les hommes se dirigèrent vers Sodome, tandis qu’Abraham demeurait devant le Seigneur. Abraham s’approcha et dit : « Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le coupable ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les faire périr ? Ne pardonneras-tu pas à toute la ville à cause des cinquante justes qui s’y trouvent ? Loin de toi de faire une chose pareille ! Faire mourir le juste avec le coupable, traiter le juste de la même manière que le coupable, loin de toi d’agir ainsi ! Celui qui juge toute la terre n’agirait-il pas selon le droit ? » Le Seigneur déclara : « Si je trouve cinquante justes dans Sodome, à cause d’eux je pardonnerai à toute la ville. » Abraham répondit : « J’ose encore parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre. Peut-être, sur les cinquante justes, en manquera-t-il cinq : pour ces cinq-là, vas-tu détruire toute la ville ? » Il déclara : « Non, je ne la détruirai pas, si j’en trouve quarante-cinq. » Abraham insista : « Peut-être s’en trouvera-t-il seulement quarante ? » Le Seigneur déclara : « Pour quarante, je ne le ferai pas. » Abraham dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère, si j’ose parler encore. Peut-être s’en trouvera-t-il seulement trente ? » Il déclara : « Si j’en trouve trente, je ne le ferai pas. » Abraham dit alors : « J’ose encore parler à mon Seigneur. Peut-être s’en trouvera-t-il seulement vingt ? » Il déclara : « Pour vingt, je ne détruirai pas. » Il dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère : je ne parlerai plus qu’une fois. Peut-être s’en trouvera-t-il seulement dix ? » Et le Seigneur déclara : « Pour dix, je ne détruirai pas. » – Parole du Seigneur.

Chers auditeurs, voici le contexte de cette lecture. Dieu appelle Abraham, et lui promet « Je ferai de toi un grand peuple » (Gn 12, 2). Mais Abraham n’a pas d’enfants ! Abraham migre dans la terre de Canaan, avec son neveu Lot, il lui laisse choisir d’aller dans la riche plaine du Jourdain, à Sodome. Et Abraham habite à Hébron quand il reçoit trois visiteurs. Il manifeste une hospitalité remarquable dans son généreux empressement. Ces trois anges lui annoncent la naissance d’un fils, de Sarah, son épouse. Ensuite, ces anges partent, ils sont, on le comprendra plus tard, envoyés pour détruire Sodome et Gomorrhe ; mais le Seigneur demeure avec Abraham, et, comme un ami qui converse avec un ami, il confie à Abraham ce qu'il était sur le point de faire. De là vient qu'après le départ des anges alors, dit le texte, le Seigneur dit : Je ne cacherai pas à Abraham, mon serviteur, ce que je vais faire. On dirait un homme parlant à un homme. « Dieu nous montre par là de quel honneur il juge digne les hommes vertueux, dit saint Jean Chrysostome, quel honneur, dites-moi, pour Abraham, dans ces paroles que Dieu prononce : Abraham, mon serviteur! Quelle affection, quelle tendresse ! Voilà ce qui rehausse le plus l'honneur fait au juste, ce qui donne le plus de prix à cet honneur.

Ensuite, après que le Seigneur a dit : Je ne cacherai pas, il ne dit pas tout de suite ce qui allait arriver, mais que dit-il? Pour nous apprendre que ce n'est pas sans raison, à la légère, qu'il lui montre tant d'affection, Dieu dit : Abraham doit être le chef d'un peuple très-grand et très-nombreux, et toutes les nations de la terre seront bénies en lui. Car je sais qu'il ordonnera à ses enfants, et à toute sa maison, après lui, de garder les voies du Seigneur et d'agir selon l'équité et la justice, afin que le Seigneur accomplisse en faveur d'Abraham tout ce qu'il lui a promis. […] En effet, il n'est pas récompensé seulement pour la vertu qu'il a pratiquée lui-même; mais, comme il l'a recommandée à ses enfants, il est récompensé encore à ce titre, et largement, et c'est avec raison, puisqu'il est devenu, pour tous les descendants, le maître, le docteur de la vertu. […]. Dieu connaît, en effet, les secrètes pensées de nos coeurs; et quand il voit que nous n'avons que des pensées sages, que notre âme est saine, il nous tend la main; avant le travail, il nous récompense, afin de nous encourager.

[…] Le cri de Sodome et de Gomorrhe s'augmente de plus en plus, et leur péché est monté jusqu'à son comble. […] car ces hommes avaient imaginé une étrange manière de transgresser toutes les lois, des nouveautés incroyables dans des commerces criminels. Et tel était l'entraînement de la corruption, que tous étaient remplis de toute espèce de vices, qu'il n'y avait plus d'espoir de les corriger […]
Je descendrai, dit-il, et je verrai […] Il veut nous apprendre qu'il faut beaucoup de soin en ces sortes de choses; que les pécheurs ne doivent pas être condamnés seulement par ouï dire [« la clameur »]  ; que la sentence ne doit être portée qu'après que la preuve a été faite.
[…] Abraham lui dit : Perdrez-vous le juste avec l'impie? (Ps 23) O confiance de l'homme juste ! Disons mieux, ô grandeur de sa miséricorde ! c'est comme un homme que le vin de la miséricorde enivre […] Il fait donc entendre, dans l'intérêt de tous, une prière commune et il dit : S'il y a cinquante justes dans cette ville, est-ce que vous les perdrez? […] Voyez comme cette prière révèle la piété, l'amour de Dieu; il reconnaît celui qui est le juge de la terre entière, et il le prie, pour que le juste ne périsse pas avec l'injuste. Alors le Seigneur, plein de douceur et de bonté, accepte sa demande […].
Mais voyons cet homme juste: il s'enhardit, et, reconnaissant la clémence de Dieu, lui présente, de nouveau, une autre prière en ces mots : Maintenant que j'ai commencé à parler à mon Seigneur, moi, qui ne suis que terre et que cendre. (Gn 18,27) […] Je sais que vous voulez que tous les hommes soient sauvés. Car, après les avoir tirés du néant, après les avoir faits, comment voudriez-vous les perdre, n'était le grand nombre de leurs péchés? […] : Si on en trouve quarante-cinq… Si on trouve trente? […] Qui de nous, au milieu des vices sans nombre qui le travaillent, voudrait, quand il condamne le prochain, qui lui ressemble, user d'une telle indulgence, d'une si affectueuse douceur? […] Si on trouve vingt ?  […] Il dit : Seigneur, si je.... je suis téméraire ? Je montre, peut-être, trop peu de respect ? [enn effet, il faut qu’en Dieu, où tout est équilibré, la justice et la miséricorde s’équilibrent] Je mérite, peut-être, une condamnation si je parle encore une fois? Vous qui m'avez montré tant de bonté, encore une seule prière; accueillez-la : Si, dans cette ville, on en trouve dix?-et Dieu dit: je ne perdrai pas la ville si j'en trouve dix. […] [Je résume : on n’en trouva pas dix et ces villes furent détruite et la terre de ce lieu est restée jusqu’à nos jours stérile, comme un témoignage pour toutes les générations. Et saint Jean Chrysostome conclut] : « On ne trouva pas, dans ce lieu, un seul homme, pur de la corruption, excepté Loth, le seul juste, et ses deux filles. Pour sa femme, par égard pour lui, peut-être, elle échappa au châtiment de la ville, mais ce fut pour subir bientôt la juste punition de son indolence [elle devint une statue de sel]. Il n'en est pas de même de nos jours, grâce à la miséricorde de Dieu; aujourd'hui que la piété a grandi, un nombre considérable de personnes, même au milieu des villes, de personnes qu'on ignore, peuvent apaiser le Seigneur. » (Chrysostome sur Genèse. Ad loc. 4204)

Psaume (Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 6-7ab, 7c-8)

De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce : tu as entendu les paroles de ma bouche. Je te chante en présence des anges, vers ton temple sacré, je me prosterne. Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole. Le jour où tu répondis à mon appel, tu fis grandir en mon âme la force. Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble ; de loin, il reconnaît l’orgueilleux. Si je marche au milieu des angoisses, tu me fais vivre, ta main s’abat sur mes ennemis en colère. Ta droite me rend vainqueur. Le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains.

Nous suivrons le commentaire de saint Augustin.

« De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce ». Oui, que la flamme de votre amour embrase entièrement mon cœur ; que rien de ce qui est à moi ne m'appartienne plus, ni ne me fasse replier sur moi-même; que tous mes désirs soient pour vous, toute mon ardeur pour vous, tout mon amour pour vous, que je sois embrasé de vous-même.

« Tu as entendu les paroles de ma bouche ». Nos coeurs aussi ont une voix que Dieu entend, bien qu'elle n'arrive pas à l'oreille de l'homme. Et si nous avons préparé à Dieu une demeure, c'est là que nous lui parlons, car il n'est pas éloigné de chacun de nous.

« Je te chante en présence des anges ». Ce n'est point en présence des hommes, c'est en présence des anges que je vous chanterai des hymnes. Mon psaltérion, c'est ma joie. La joie qui me vient des choses d'ici-bas est avec les hommes, celle qui me vient des choses d'en-haut est avec les anges. Car l'impie ne connaît point la joie du juste. L'impie trouve sa joie dans la taverne, le martyr dans sa chaîne. Quelle n'était pas la joie de cette Crispine dont nous célébrons aujourd'hui la fête ? Sa joie était d'être livrée aux persécuteurs, d'être traînée devant les tribunaux, d'être enfermée dans les cachots : tout cela lui donnait de la joie, et quand ces misérables croyaient à sa misère, elle était dans la joie aux yeux des anges.

« Vers ton temple sacré, je me prosterne ». Lorsque dans la joie qui nous vient des biens spirituels, et non des biens terrestres, nous chantons des hymnes à Dieu en présence des anges, cette congrégation des anges devient le temple de Dieu, et nous adorons le Seigneur dans son temple.

« Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole ». Tels sont, ô mon Dieu, les deux attributs que nous confessons. Votre miséricorde et votre vérité ; c'est par la miséricorde que vous jetez sur le pécheur un regard favorable, et par la vérité que vous tenez à vos promesses. « Je vous confesserai dans votre miséricorde et dans votre vérité». Et c'est là ce que je veux vous rendre selon les forces que je tiens de vous, en exerçant la miséricorde et la vérité; la miséricorde par l'aumône, la vérité dans mes jugements. C'est en cela que Dieu nous aide, en cela que nous méritons Dieu; et dès lors, toutes les voies du Seigneur sont la miséricorde et la vérité; il ne vient à nous par aucune autre voie, et nous n'avons aucune autre voie pour aller à lui.

« Le jour où tu répondis à mon appel, tu fis grandir en mon âme la force.
Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble ; de loin, il reconnaît l’orgueilleux. »
S. Augustin : « Le Seigneur est le Très-Haut, et il semble ne pas regarder ce qui est élevé. «Il regarde ce qui est en bas», dit le Prophète. […] Que nous reviendra-t-il dès lors de notre orgueil ? D'être vus de loin, mais non de n'être point vus. Or, ne te rassure point, en pensant que le regard de Dieu est moins perçant, parce qu'il te voit de loin. Tout se résume donc, non pas à être vu moins parfaitement, mais à n'être point avec celui qui te voit, Que nous rapportera l'humilité, au contraire? «Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur contrit ». Que l'orgueilleux s'élève tant qu'il voudra: Dieu habite les hauteurs, Dieu habite les cieux. Veux-tu qu'il s'approche de toi? Abaisse-toi.»

« Si je marche au milieu des angoisses, tu me fais vivre ». S. Augustin : « Malheur à celui qui rit, bienheureux ceux qui pleurent. Si je marche au milieu de la tribulation, vous me donnerez la vie ».
« Ta main s’abat sur mes ennemis en colère » S. Augustin : « Que ces ennemis frémissent de rage, que peuvent-ils contre moi? Me voler, me dépouiller, me proscrire, m'envoyer en exil, me faire passer par les tourments et par la douleur; et enfin, s'il leur est permis, me donner la mort. Peuvent-ils aller plus loin? Mais vous, Seigneur, « vous avez étendu votre main contre ces ennemis furieux»: cette main, vous l'avez étendue au-delà de tout ce qu'ils peuvent me faire. Ils ne peuvent en effet me séparer de vous. […] Mais vous, Seigneur,vous tardez encore de m'unir à vous; dans l'exil, vous me châtiez encore, vous me sevrez encore de vos joies et de vos douceurs; vous ne m'enivrez pas encore de l'abondance de votre maison, et ne m'abreuvez pas au torrent de vos délices ».

« Ta droite me rend vainqueur. Le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains. »
S. Augustin : « On pourrait comprendre que mes ennemis s'irritaient, et que votre main m'a vengé de leur colère. Où sont-ils ceux qui criaient: Plus de chrétiens sur la terre, périsse leur nom ! Ils sont morts ou convertis. [ Ceci s’est partiellement réalisé à l’époque de saint Augustin, et ceci se réalisera à la Parousie, le retour du Christ]  « Vous avez étendu votre main contre la colère de mes ennemis, et votre droite m'a sauvé». Elle m'a procuré le salut que je désirais.

« Le Seigneur fait tout pour moi ! » Que mes ennemis se livrent à leur fureur, le Seigneur leur rendra ce que je ne puis leur rendre. «Lui qui n'a point commis le péché, et dans la bouche de qui ne s'est point trouvé le mensonge : quand on le maudissait, il ne répondait point par la malédiction, il disait: Seigneur, vous leur rendrez pour moi; quand on le jugeait, il ne menaçait point, mais il s'abandonnait à celui qui le jugeait avec justice » (1P 2, 22-23).

« Le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains. »

Deuxième lecture (Col 2, 12-14)

Frères, dans le baptême, vous avez été mis au tombeau avec le Christ et vous êtes ressuscités avec lui par la foi en la force de Dieu qui l'a ressuscité d’entre les morts. Vous étiez des morts, parce que vous aviez commis des fautes et n’aviez pas reçu de circoncision dans votre chair. Mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné toutes nos fautes. Il a effacé le billet de la dette qui nous accablait en raison des prescriptions légales pesant sur nous : il l’a annulé en le clouant à la croix. – Parole du Seigneur.

Chers auditeurs, au baptême, vous avez reçu de l’eau sur le front, ou vous avez été immergé dans l’eau, et l’on dit que vous avez été « mis au tombeau avec le Christ, et vous êtes ressuscité avec lui ». Cette mise au tombeau, ce n’est bien sûr pas dans le sens courant, mais alors, qu’est-ce qui doit mourir ?

Prenons un exemple : la veille de la Passion, Pierre, et les autres disciples avec lui, promettent de suivre Jésus jusqu’à la mort. Pierre s’en sent capable, bien que Jésus lui dise qu’il n’en est pas capable. Or, dans le choc de voir les premières humiliations de Jésus, Pierre a renié trois fois en disant qu’il ne le connaissait pas. Jésus est mort et on l’a déposé au tombeau, mais dans ce tombeau de Jésus, il y a aussi la présomption de Pierre qui est complètement détruite.

Cet exemple nous montre que ce n’est pas d’une manière extérieure à nous que la grâce du baptême agit, ce n’est pas à la manière d’une idée, ou comme si on nous endormait pour une chirurgie. Il y a une participation de notre personne à la grâce du baptême. « Vous avez été mis au tombeau avec le Christ et vous êtes ressuscités avec lui par la foi en la force de Dieu qui l'a ressuscité d’entre les morts. » C’est par la foi que nous sommes mis au tombeau avec le Christ et ressuscité avec lui. La foi, dans la langue des apôtres, n’est pas seulement un contenu de foi (la récitation d’un catéchisme), la foi n’est pas seulement une croyance (considérer certaines choses comme étant vraies), la foi est l’acte de s’appuyer et de se fonder sur Dieu, c’est un acte d’adhésion de toute la personne. Mourir et ressusciter avec le Christ, c’est faire siennes toutes les étapes de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection, et en tirer une sève vivifiante, en tirer notre propre inspiration, notre propre vie.

Commençons par le début. Jésus prie à Gethsémani, il ressent l’amour des hommes et veut offrir sa vie pour chacun d’eux. Mourir avec le Christ, c'est communier à cet amour pour les gens, proches ou lointains, donc mourir à notre égoïsme, à notre égocentrisme, à notre narcissisme, pour ressusciter dans son amour ardent.

Jésus prie encore à Gethsémani, il ressent l’horreur du péché, il en est submergé d’amertume et d’une angoisse mortelle. Mourir avec le Christ, c'est ressentir quelque chose de cette angoisse mortelle, et vivre désormais dans la crainte d’enfreindre les commandements du Seigneur.

Jésus continue sa prière au jardin de Gethsémani, il prévoit ce que fera Juda, et tant d’autres Juda. Mourir avec le Christ, c’est choisir d’être avec lui, dans son camp, de le consoler, d’être prêt à mourir avec lui, non pas par nos propres forces, mais en lui tenant la main. C’est dire avec lui, Abba, Père, non pas ma volonté, mais la tienne ! Et c’est ressusciter dans la volonté divine, qui, étant une participation à l’être même de la divinité, communique l’éternelle vie et tous les biens.

Jésus est ensuite jugé par trois juges injustes. Caïphe, Hérode, Pilate. Mourir avec Jésus, c’est réparer pour les injustices pour ressusciter dans la justice.

Il est giflé en présence de Caïphe, moqué en présence d’Hérode, puis flagellé et couronné d’épines en présence de Pilate. Mourir avec Jésus, c’est réparer pour les mauvaises pensées, pour la veulerie, la bassesse, les calculs humains, l’orgueil. Et ressusciter dans la sainteté du Christ, dans la gloire qui vient de Dieu.

Jésus porte sa croix, il tombe et doit se fait aider pour atteindre le sommet du Golgotha. Mourir avec Jésus, c’est mourir à tout ce qui est faiblesse et découragement et ressusciter dans la force de l’amour divin.

Jésus est crucifié, il est injurié, mais il demeure doux et il offre son pardon. Mourir avec Jésus, c’est mourir à l’idée de se venger soi-même et ressusciter dans l’abandon à Dieu, qui saura bien rétablir son serviteur et le couronner de gloire et d’honneur.

Jésus meurt. Mourir avec Jésus, c’est accepter de mourir physiquement un jour, mais justement, de mourir dans son amour, en sa présence, avec lui, pour ressusciter à l’éternelle vie, toujours renouvelée dans les splendeurs des cieux.

C’est ainsi que saint Paul dit : « Vous avez été mis au tombeau avec le Christ et vous êtes ressuscités avec lui par la foi en la force de Dieu qui l'a ressuscité d’entre les morts. »

Saint Paul parle ensuite de la « dette » qui a été remise. Imitons les paraboles qui parlent de Dieu comme d’un roi. Il est le roi de l’univers car la terre est sa création, c’est son royaume. Dieu est bon, il veut voir l’humanité heureuse, et il distribue gratuitement les territoires, comme un roi qui distribuerait ses fermes et ses villas de telle sorte que tous puissent être dans l’abondance. Et voilà que les gens, ingrats, ne le reconnaissent pas comme roi et réclame un droit de propriété sur les terres en niant qu’elles lui ont été données par le roi. Les gens n’auraient-ils pas une dette de reconnaissance à son égard ? Et si tu ajoutes qu’ils se servent de ses terres sans les rendre utiles, que d’autres encore rendent sordides les jardins les plus agréables, cela fait le malheur des gens, mais, on l’oublie plus facilement, cela constitue aussi d’autres affronts au détriment de la gloire du roi. C’est cela l’idée de la « dette ».

Supposons à nouveau que quelqu’un commence à remettre en beauté la terre qu’il occupe de façon à en faire le jardin le plus beau et le plus agréable du royaume. Puis il va dire à tous que son jardin est un don que lui a fait le roi parce qu’il l’aime. Puis il appelle le roi dans son jardin et lui dit : Ce sont vos terres. Il est juste qu’elles soient toutes à votre disposition. Alors la dette est réparée. Le roi est si ravi de cette loyauté qu’il lui dit : Je veux que tu sois roi avec moi et que nous régnions ensemble. Cet homme juste, vous l’avez compris, c’est Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Et il parcourt tous les chemins et, secouant les gens par sa parole, il amène une bonne partie d’entre eux à l’imiter et à former un peuple loyal qui accorde le droit de régner à son roi.

Alors le roi se sent rétabli dans sa gloire et, en récompense, il leur donne le titre d’enfants de Dieu, c’est cela vivre le baptême, c’est vivre en enfants de Dieu.

Évangile (Lc 11, 1-13)

Chers auditeurs, savez-vous qu’en araméen, le Notre Père de l’évangile de Luc a sept demandes, exactement comme celui de l’évangile de Matthieu ? Le regard suit un mouvement de descente : à travers les sept demandes, on regarde d’abord Dieu, sa sainteté, son règne et sa volonté, puis notre besoin d’être nourri, pardonné, et délivré du mal.

« Notre Père qui es dans les cieux. Que soit sanctifié ton Nom » (Lc 11, 2). Le nom de Dieu désigne son être en tant qu’il est en communication avec l’extérieur. Le disciple demande que Dieu se manifeste et que la manifestation de Dieu soit reconnue. « Que soit sanctifié ton nom ». Dans la liturgie, au moment du « Sanctus », on s’incline, ensuite, on s’émerveille à cause de sa grandeur, de sa sainteté, de sa beauté... L’ange Gabriel annonce Jésus « Saint [qaddīšā] » (Lc 1, 35). Jésus mange avec les pécheurs (Lc 5, 29) pour les sanctifier. En demandant « que soit sanctifié ton nom », le croyant permet à Dieu de répandre sa grâce sanctifiante.

« Que vienne ton règne » (Lc 11, 2). Pour préparer le règne de Dieu sur la terre, les disciples sont envoyés guérir les malades et dire « Il s’est approché de vous le règne de Dieu ! » (Lc 10, 9) Dans la prière du Notre Père, le disciple invite Dieu à venir établir en gloire son règne tant souhaité. Une variante grecque insère ici « que ton Esprit Saint vienne sur nous et nous purifie » (m700). Cette variante pourrait être le vestige de la mémoire de la structure d’oralité de l’évangile avec le Notre Père en lien avec le collier compteur où il est question de « leur purification » (Lc 2, 21).

« Que ta volonté soit [Il n’y a pas le verbe faire, mais simplement le verbe être nehwe] comme au ciel, aussi sur la terre » (Lc 11, 2). Le vouloir divin agit dans celui  qui prie ainsi, or le vouloir de Dieu possède la gloire et la puissance, c’est pourquoi Jésus donne pouvoir aux disciples sur la puissance de l’ennemi (Lc 10, 19).

« Comme au ciel, aussi sur la terre » (Lc 11, 2). La formule peut s’appliquer aux trois premières demandes. Il s’agit de vivre ici-bas sur le modèle de ce qui est vécu au ciel. Et si l’accomplissement du règne et de la volonté de Dieu sur la terre comme au ciel est l’objet d’une demande, c’est que Dieu a l’intention de l’exaucer. La suite de l’évangile expliquera que cet accomplissement adviendra à la Parousie, lors de la seconde venue de Jésus.

« Donne-nous le pain de notre nécessaire chaque jour » (Lc 11, 3). Les textes grecs de Luc (comme de Matthieu) ont ici un mot rare : « επιουσιον » que l’on peut interpréter avec l’élision « ep’iousion » et le mot dérive du verbe venir, il s’agit du pain de l’avenir ; ou sans l’élision « epi-ousion » et le mot dérive du verbe être, suressentiel ou très substantiel. Si l’original était grec, nous aurions donc ici au moins deux variantes en araméen, ce qui n’est pas le cas.

En araméen (syriaque), nous demandons à Dieu de pouvoir continuer notre existence, laquelle dépend de la nourriture : le pain de notre nécessaire chaque jour laḥmā d-sūnqānan kulyūm. (L’Eucharistie n’est certainement pas le sens premier, d’ailleurs dans la tradition chaldéenne, le prêtre n’est pas tenu de dire la messe tous les jours). Ce n’est pas une interprétation matérialiste pour autant, car, dans la tradition biblique de la manne, le peuple demande à Dieu sa nourriture qui, divine dans son origine, nourrit autant les estomacs que les cœurs. (Ps 78, 24-25).

« Pardonne-nous nos péchés, car nous aussi nous avons pardonné à tous nos débiteurs » (Lc 11, 4). Nous avons pardonné [šḇaqn], c’est accompli ! C’est un langage performatif, en disant la prière, nous pardonnons à nos débiteurs.

Le mot que nous traduisons par débiteur comporte à la fois le sens de faute et celui de dette, c’est pourquoi le latin a traduit debitoribus, débiteurs : il ne s’agit pas d’argent, mais il faut que ce péché soit compensé, et en ce sens, c’est une dette. Pardonner aux autres n’est possible que dans la grâce d’une communion au « pain » de Dieu, à sa vie, à son flux d’amour (4e demande), mais on demande aussitôt à Dieu de nous épargner les épreuves, ce qui inclut les occasions où nous sommes offensés. 

Le texte araméen donne : « Ne nous fais pas entrer dans l’épreuve-tentation (une épreuve dans laquelle on sent comme une main diabolique) » (Lc 11, 4).

« Mais délivre-nous [racine prq] du mal » (Lc 11, 4) : « bīšā » est un substantif qui signifie le mal, le malheur ou le démon. Le démon est la cause directe ou indirecte des épreuves, des maladies et de tous les malheurs. Cette dernière demande reçoit une illustration dans la suite de ce même fil d’oralité par l’épisode de l’exorcisme du sourd-muet et par l’enseignement qui suivit (Lc 11, 14-36).

Plus largement, la délivrance [racine prq] dont il s’agit dans cette 7e demande du Notre Père est explicitée à la fin du 7e fil d’oralité, quand Jésus dit : « Lorsque, donc, ces choses commenceront à advenir, reprenez cœur et levez vos têtes parce qu’elle approche, votre délivrance [racine prq] ! » (Lc 21, 28) La délivrance du mal au niveau mondial adviendra à travers le jugement eschatologique.

L’évangile continue :

«    5 Et il leur dit :
Qui, parmi vous, ayant un ami, / irait chez lui au milieu de la nuit lui dire :
- ’Mon ami, / je te demande trois galettes ;
6 car un ami en voyage est venu chez moi, / et je n’ai rien à lui offrir’.
7 Et cet ami-là lui répondrait de l’intérieur, / et lui dirait :
- ‘Ne me dérange pas ! / Voici la porte est fermée.
Et mes enfants sont avec moi au lit, / je ne peux me relever et te [les] donner !’
8 Je vous dis :
‘Si ce n’est à cause de l’amitié, / il ne [les] lui donnera pas,
c’est à cause de son importunité / qu’il se relèvera,
et qu’il [les] lui donnera / autant qu’il lui est demandé !’ 

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9 Aussi moi, / je vous dis :
‘Demandez, / et il vous sera donné.
Cherchez, / et vous trouverez.
Frappez, / et il vous sera ouvert.

10 Car quiconque demande, / reçoit.
Qui cherche, / trouve.
Et à qui frappe, / il lui est ouvert’.

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11 Quel père, en effet, / parmi vous,
à qui, si son fils demande du pain, / lui tend une pierre ?
Et, s’il lui demande un poisson, / à la place du poisson, lui tend un serpent ?
12 Et, s’il lui demande un œuf, / lui tend un scorpion ?

13 Si donc vous, / méchants que vous êtes,
vous connaissez les bons dons / à donner à vos enfants,
combien plus votre Père, / depuis les Cieux,
donnera-t-il l’Esprit Saint / à ceux qui [le] lui demandent ! »

Jésus présente trois dimensions de la prière – demander, chercher, frapper à la porte –, auxquelles correspondent l’humilité du cœur (demander), l’éveil de l’intelligence (chercher), la force de la volonté (frapper à la porte).

Les pierres représentent ce qui est immangeable, ou la connaissance inassimilable, comme le sont les discours abscons des occultistes et satanistes.

Le poisson est caché dans l’eau et doit être pêché, en cela, il représente la sagesse divine qui doit être révélée. Le serpent a des écailles comme le poisson, il représente la fausse sagesse.

L’œuf représente une vie potentielle, qui adviendra si l’œuf est couvé et qu’il éclot. Un scorpion de bonne taille, lorsqu’il se met en boule, ressemble à un œuf, mais sa queue contient un dard mortel : il représente une mauvaise potentialité, une utopie mortifère (cf. J-F. Froger).

Plus d’explications dans : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).

Date de dernière mise à jour : 10/06/2025