Psychologie du totalitarisme

Dans le cadre d’une réflexion sur la marque de la Bête (Ap 19, 17), il est utile de compléter l’étude biblique par une réflexion psychologique.

Le dictateur s’impose par la force, puis il garde le contrôle par des moyens plus doux.

Le régime totalitaire hypnotise les gens par une « formation de masse » qui produit une « transformation de masse », dans un processus qui va toujours en s’amplifiant. C’est beaucoup plus subtil[1].

Le processus va toujours en s’amplifiant.

Dans une première étape, l’État provoque la solitude (Hannah Arendt parle d’atomisation de la société).

Alors, les mass médias provoquent l’anxiété jusqu’à ce que les gens soient prêts à participer à la stratégie proposée simplement parce que cela leur donne l’illusion d’un contrôle mental sur leur propre anxiété et ce, quelle que soit l’absurdité du narratif. Les gens deviennent incapables de prendre une distance critique et de voir quand ce récit devient complètement absurde ou simplement faux. De nombreuses personnes participent à la stratégie pour traiter l’objet d’anxiété, et un nouveau lien social se forme ainsi, sortant les gens de leur solitude.

Cependant, le nouveau lien de groupe ne s’est pas formé parce que les individus s’aimaient, ce sont des groupes ayant une identité très forte mais un lien très faible entre les individus, les gens ne se font pas confiance et les liens se détériorent très vite.  Il faut alors un nouveau narratif.

Le processus est une hypnose.

C’est une hypnose. L’hypnotiseur a le talent naturel de détourner l’attention et l’énergie psychologique de l’environnement pour ensuite la concentrer sur un seul aspect de la réalité. Une fois que l’attention est focalisée sur un petit point, les gens ne voient plus le reste de la réalité. Les personnes prises dans un tel processus sont typiquement prêtes à sacrifier tout ce qui est important pour elles, leur santé, leur richesse, l’avenir de leurs enfants, etc.

Les personnes prises dans ce processus de Formation / Transformation de masse deviennent radicalement intolérantes aux voix dissonantes. Elles ont tendance, dans un premier temps, à stigmatiser les personnes qui ne vont pas dans le sens de la masse puis elles deviennent, dans un stade ultérieur, cruelles envers ces personnes, comme si psychologiquement, il s’agissait d’un devoir éthique. Et cette cruauté est commise même envers des personnes qu’elles aimaient profondément avant la Formation / Transformation de masse. Ces personnes penseront que les dissidents ne sont plus des humains, alors qu’elles-mêmes sont hypnotisées et déshumanisées. Ceux qui peuvent vous convaincre de croire à des absurdités peuvent vous convaincre de commettre des atrocités…

Or les masses et les états totalitaires finissent par dévorer leurs propres enfants. Par exemple : lors de la Révolution Française : Danton et Robespierre furent guillotinés en 1794.

Le rôle de la voix dissonante.

Alors que le dictateur s’adoucit quand il a éliminé ses opposants, le régime totalitaire commet ses pires atrocités quand il n’a plus d’opposants. Le rôle de la voix dissonante est donc d’une très grande importance. Gustave Le Bon[2] le dit dans son livre « la Psychologie des foules[3] » : les gens ne vont pas se réveiller mais la voix dissidente va constamment perturber l’hypnose.

 

[1] Cf. Matthias DESMET, The psychology of totalitarism, 2022

[2] Gustave Le Bon, né le 7 mai 1841 à Nogent-le-Rotrou et mort le 13 décembre 1931 à Marnes-la-Coquette, est un médecin, anthropologue, psychologue social et sociologue français. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Gustave_Le_Bon

[3] Livre paru en 1895 : Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Psychologie_des_foules_(psychologie)

Date de dernière mise à jour : 19/10/2023