Faux-messies du judaïsme

Quelques aperçus des espérances et des faux-messies dans le judaïsme

          Le judaïsme attend la Rédemption mais dans un grand pluralisme d’idées.

  • Si la rédemption est espérée dans une attitude d’ouverture à tout ce que Dieu peut être et donner, alors un dialogue avec l’eschatologie chrétienne est possible, et nous y reviendrons à la fin de ce travail (quand nous évoquerons Rm 11).
  • Si l’espérance se concentre sur tel ou tel messie individuel, ou si la rédemption est espérée dans le sens où le peuple juif serait le seul médiateur entre Dieu et l’humanité et où l’humanité se convertirait au judaïsme à la fin des temps, nous sommes dans une optique post-christique et anti-christique.

Déjà il y a 2000 ans.

          Il y a deux mille ans, Gamaliel mentionnait déjà à ses contemporains les faux messies Teudas et Judas le Galiléen (Ac 5, 36-37).

Kabbale, Zohar et Isaac Luria.

          Dès le Moyen Age, la Kabbale juive pense que les Juifs peuvent hâter la venue du messie et que le peuple juif doit revenir en Terre sainte. Au XVI° siècle, Isaac Luria ajoute : les Juifs sont le principal moteur de l’histoire.

Sabataï Tsevi, et la Turquie.

          Nourri de la pensée de la kabbale, Sabataï Tsevi (1626-1676), à Smyrne, se prétendit être le messie, mais, avec ses nombreux disciples, il se convertit à l’islam en l’an 1666 et les espoirs messianiques tournèrent court.

          De nombreux descendants de ces familles juives « converties » à l’islam eurent ensuite une influence importante en Turquie, y transmettant leurs idées messianiques.

 

Jakob Frank et l’aristocratie européenne.

          Un siècle plus tard, en l’an 1759, en Pologne, Jakob Frank se présenta comme la réincarnation de Sabataï Tsevi, le faux messie. Il vécut dans la clandestinité, la transgression de la Loi juive, le rejet du Talmud et de la Torah tout en restant fidèle, en secret, à la Kabbale et au Zohar.

          La même année, il se « convertit » au catholicisme et fut baptisé le 17 septembre 1759 à Lwów, et confirmé le 18 novembre à Varsovie, son parrain n’étant autre qu’Auguste III, le grand-père maternel de Louis XVI. Dix mille à vingt mille Juifs le suivirent. Ses successeurs connurent une ascension fulgurante, le mouvement se transforma en secte hérétique qui infiltra l’aristocratie européenne.

Sa doctrine hérite d’un traité de la Kabbale qui, en l’an 1500 parlait déjà de la rédemption de Satan. En conséquence, le sublime dans le mal est la route du bien. Et la route de l’abîme est terrifiante et effrayante.

          Un certain nombre de pensées révolutionnaires (« l’ordre par le chaos »), guerrières ou même génocidaires, maçonnique ou non, ont pu recevoir une impulsion du mouvement qu’il initia. L’idée d’un ordre par le chaos se répand de manière insidieuse dans divers milieux…

Des connivences avec le protestantisme.

          Dans le milieu anglo-saxon, en 1642, un marrane[1] (juif faussement converti au christianisme) prétendit avoir retrouvé en Équateur les tribus perdues de Ruben et de Lévi. Dès lors se développa un espoir messianique autour du rabbin Menasseh ben Israël, en référence aux prophéties de Dn 12, 7 et Dt 28, 64 et avec pour argument que les tribus d’Israël étant complètement dispersées sur toute la terre, la rédemption finale approcherait. Pour donner du poids aux prophéties, on favorisa (avec l’aide de Cromwell) une implantation massive des Juifs en Angleterre (d’où ils avaient été chassés depuis 1290).

          Il est possible qu’une osmose théologique de certains courants du judaïsme avec certains courants du protestantisme permette la formation de certains réseaux d’influence, et qu’ensuite certains Juifs (ou marranes) aient trouvé dans le milieu anglo-saxon un bras armé ou un financement utile à leurs vues messianiques, telle est l’opinion de quelques-uns[2]. Je me limiterai à observer deux lieux de connivence :

- Le libre examen du protestantisme peut trouver un terrain d’entente avec le judaïsme (et surtout la kabbale) pour proposer de multiples interprétations (parfois occultes) du texte biblique[3].

- La tendance du protestantisme à écarter les médiations humaines (que le catholicisme situe à l’intérieur et en dépendance de l’unique médiation du Christ) par exemple la médiation du prêtre, celle de Marie, etc. Cette tendance pourrait susciter paradoxalement une compensation qui consisterait à sublimer la médiation d’Israël, en remplacement de la médiation du Christ. Ceci est vraisemblablement à l’origine du mouvement fondamentaliste protestant sioniste « Christian Zionism ». En tout cas, laisser entendre que le Christ n’est plus l’unique médiateur et rédempteur constitue une erreur grave[4].

Le maintien d’une attente « au-delà de l’histoire ».

          Evidemment, tout ceci ne reflète pas l’ensemble du judaïsme, loin s’en faut. Par exemple, un penseur juif, Yeshayahu Leibowitz (1903-1994), insiste pour situer l’objet de l’attente messianique dans l’au-delà de l’histoire de ce monde, tout le reste n’étant pour lui qu’une apostasie.

 


[1] Antonio de Montezinos (Aaron Levi de Montezinos), cf. Cecil Roth, Histoire des marranes, Liana Levi 2002.

[2] Cf. Préface de Pierre Hillard à Caroll Quigley, Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine, 2015.

[3] De plus, le nominalisme et le naturalisme s’accommodent assez bien du protestantisme comme du judaïsme.

[4] Comme je l’explique dans mon livre : « La Bonne nouvelle aux défunts », Via Romana, Versailles 2015, p. 194 et suivantes, explique la genèse de cette erreur en milieu catholique


Extraits de : 

Françoise Breynaert, La Venue glorieuse du Christ. Véritable espérance pour le monde. Editions du Jubilé (octobre 2016). « Solidement ancré sur les fondements scripturaires et patristiques, le livre de Françoise Breynaert nous expose l’enseignement de l’Église sur le retour glorieux du Christ, tout en nous mettant bien en garde contre les autres messianismes, religieux ou politiques. » (+ Mgr Dominique Rey Évêque de Fréjus-Toulon)

Autrement dit, ce livre montre jusqu'où peut (ou non) aller la collaboration avec les non-chrétiens dans la lutte contre l'Antichrist, et réveille une grande espérance dans le cœur des chrétiens en abordant un thème que les chrétiens d’Orient n’ont jamais oublié.

Ce livre a fait l’objet d’une invitation à Notre Dame le lundi de Pentecôte 21 mai 2018 « décryptage », et 12 décembre 2018 « écoute dans la nuit ».

2-1 L'Antichrist selon la Bible

2-2 L'antichrist fera toutes les hérésies

2-6 Espérances juives et faux messies

Date de dernière mise à jour : 11/07/2019