Jérémie (2e édition)

Exercices pour les étudiants de l’institut Foi vivifiante

Lecture biblique :
Livre de Jérémie.
Deuxième livre des Rois, chapitre 25.

Exercices :

1) Quel est le drame humain et spirituel vécu par Jérémie ?

2) Comment Jérémie tient-il dans la foi ? 

Etude :
Françoise Breynaert Parcours biblique : Le berceau de l'Incarnation (imprimatur), Parole et silence 2016, p. 173-185
Disponible en librairie et sur internet, à la Procure (merci de privilégier les librairies catholiques).

Au moment de l’Exode, dans le désert le peuple ne sait pas où il va et il se plaint, mais en exil le peuple souffre encore et dit "Seigneur tu nous conduis" : c’est l’habitus de la foi. Le temps de l’exil à Babylone est un temps de croissance, mais à travers des évènements contraires.Situons d’abord l’empire de Babylone. Il a connu deux périodes distinctes.
Le premier empire de Babylone succède à l’empire sumérien au XIX° siècle avant J-C. Hammurabi (-1792-1750) règne sur un territoire qui s’étend d’Assour au golfe persique. Il instaure le culte de Mardouk.
Les Hittites détruisent cet empire vers le XVI° siècle. Puis c’est la domination assyrienne (Sargon II) jusqu’à la fin du VIII° siècle.
Nabopolassar instaure en l’an -626 le second empire de Babylone (« chaldéen »). Son fils, Nabuchodonosor II, soumet Jérusalem en l’an -587 jusqu’à ce que Cyrus II, le perse, renverse Nabonide, dernier roi de Babylone, en l’an -539 avant J-C. C’est alors la fin de l’exil.
Malgré le faste de Babylone (palais long de 320m, jardins suspendus qui comptent parmi les sept merveilles du monde, etc.) les Hébreux déportés résistent au culte de Mardouk et gardent leur foi !
 

Jérémie

Jérémie. 1

Généralités. 1

Quand Dieu se tait 1

Bref aperçu de la vie de Jérémie. 2

Un enseignement sur la nature de mission prophétique. 4

Jérémie est persécuté parce qu’il annonce la débâcle prochaine. 4

Cohérence de la révélation et actualisation. 6

Généralités

Jérémie entre en scène la 13ème année du roi Josias (vers -626). Il est de famille sacerdotale. À cette époque, le roi Josias met en oeuvre sa réforme qui met en valeur la mémoire de l’Exode (dans le livre du Deutéronome), et il profite du déclin de l’Assyrie pour reconquérir les territoires du Nord (autour de Samarie) en vue de reconstituer l’empire de Salomon. Jérémie fait sienne la théologie du Deutéronome et encourage la réforme de Josias. Originaire de la tribu de Benjamin, il est préoccupé par le sort des territoires du Nord qui avaient été déportés en l’an -721 par l’Assyrie ; son rêve est que la conversion et la réforme amène la réunification du royaume du Nord (autour de Samarie) avec le royaume du Sud (autour de Jérusalem) (Jr 30,10-11.18 ; 31,1-22).

En -609, le roi Josias lève une expédition pour essayer d’arrêter les troupes du pharaon Néko qui monte de l’Égypte vers l’Euphrate pour empêcher Babylone d’exterminer ce qui reste des troupes assyriennes. On devine avec quel enthousiasme le roi Josias et le prophète Jérémie partent à cette bataille contre l’Égypte. Il ne manque plus que cette victoire pour achever la célébration du Mémorial de l’Exode ! Mais le roi Josias meurt à Megiddo (2 R 23,24-30 et 2 Ch 35,19-26), en l’an -609. Dans le 2e livre des rois (2 R 23,28-37), il est dit qu’après Josias, le peuple proclame roi « Joachaz, fils de Josias », mais que le pharaon vainqueur lui préfère un autre fils, Joiaqim, et l’établit à sa place (-609). En l’an -605, Nabuchodonosor roi de Babylone vainc les Égyptiens et Joiaqim devient vassal de Babylone.

Quand Dieu se tait

L’expérience du silence de Dieu n’a pas commencé avec l’exil. Saül, déjà, en avait fait l’expérience : ayant désobéi, Dieu ne lui parlait plus, ni en songe, ni en vision (1 Sam 28, 16). Élie avait lui aussi fait l’expérience du silence de Dieu, mais dans des circonstances très différentes. Après les miracles au mont Carmel (1 R 18), Élie est persécuté. C’est alors qu’il fait l’expérience de Dieu qui parle dans le murmure d’un silence léger (1R 19,12). Élie se fie à ce silence. Il reprend force et poursuit sa mission.

Comme il y a eu une succession entre l’expérience personnelle de l’Alliance par les patriarches et l’expérience collective de l’Alliance au temps de l’Exode, nous voyons ici une succession entre l’expérience personnelle du silence de Dieu par le roi Saül et surtout par le prophète Élie à l’Horeb et l’expérience collective au temps de l’exil.

Avec l’exil, c’est tout le peuple qui fait l’expérience du silence de Dieu.

Bref aperçu de la vie de Jérémie

Jérémie est prêtre, fils de prêtre (Jr 1, 1). Son expérience se résume dans le récit de sa vocation. «Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu ; avant même que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré; comme prophète des nations, je t’ai établi » (Jr 1, 5). « Vois! Aujourd’hui même je t’établis sur les nations et sur les royaumes, pour arracher et renverser, pour exterminer et démolir, pour bâtir et planter » (Jr 1, 10). À travers les événements de l’histoire, Jérémie a aidé son peuple à développer des racines d’humilité et de foi profonde, sans limiter Adonaï à ce qui en a été compris jusque-là. La parabole du potier dit aussi la liberté de Dieu qui peut démolir et bâtir (Jr 18).    

Le ministère de Jérémie commence en l’an 626 sous le règne de Josias dont il accompagne la réforme : il appelle à la conversion en reprenant certains accents du prophète Osée. « Ainsi parle le Seigneur : Je me rappelle l’affection de ta jeunesse, l’amour de tes fiançailles, alors que tu marchais derrière moi au désert. » (Jr 2, 2) « Une nation change-t-elle de dieux ? Or ce ne sont pas même des dieux ! Et mon peuple a échangé sa Gloire contre l’Impuissance ! » (Jr 2, 11) « Une vierge oublie-t-elle ses parures, une fiancée sa ceinture? Mais mon peuple m’a oublié depuis des jours sans nombre. » (Jr 2, 32)

La réforme du roi Josias est édifiante : le peuple se veut saint comme Dieu est saint. Josias établit au centre du Pentateuque le livre du Lévitique, et au centre du pays le culte à Jérusalem. C’est un temps de joie et d’espérance.

Jérémie espère que reviendront ceux qui ont été dispersés parmi les nations après la chute de Samarie en l’an 721 : « Jacob reviendra » (Jr 30, 4) ; « Celui qui a dispersé Israël le rassemble » (Jr 31, 10) !

Jérémie affirme la responsabilité personnelle : « Tout homme qui a mangé des raisins verts, ses propres dents seront agacées. » (Jr 31,30).

Et il annonce une alliance nouvelle, véritable intériorisation de la loi : « Voici venir des jours -- oracle de le Seigneur -- où je conclurai avec la maison d’Israël (et la maison de Juda) une alliance nouvelle [...] Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. » (Jr 31, 31−33).  La « Loi au fond de leur être» ne signifie pas l’abolition des institutions, des prêtres (qui ont le dépôt de la loi), des prophètes (qui actualisent la loi) et des rois (qui appliquent la loi). Jérémie évoque plutôt une réalisation harmonieuse de ces institutions, une mise en pratique « avec le cœur ».

Après la mort de Josias à Megiddo en l’an -609, le peuple délaisse toutes les belles pensées de Jérémie sur le royaume, le temple, la réforme, la terre sainte, et retourne à l’idolâtrie. Le cœur de Jérémie se laisse labourer par l’événement de l’absence. Il affronte la parole de Dieu. « Reconnais que je subis l’opprobre pour ta cause. […] Vraiment tu es pour moi comme un ruisseau trompeur aux eaux décevantes ! » (Jr 15, 15-18). Ces derniers mots de Jérémie sont très violents !  Dans la logique du Deutéronome (Dt 28), si Jérémie avait fait le bien, le malheur ne devait pas venir. Cette logique est sans doute trop étroite. Mais à travers son cri et sa plaine, Jérémie garde le « contact » avec le Seigneur, son cri est une vraie prière. Dieu avait donné la terre, le temple, le roi, mais sa présence demeure au-delà des dons repris.

Et voici la réponse que Dieu fit à Jérémie : « Alors le Seigneur répondit : Si tu reviens, et que je te fais revenir, tu te tiendras devant moi. Si de ce qui est vil tu tires ce qui est noble, tu seras comme ma bouche. Eux reviendront vers toi, mais toi, tu n’as pas à revenir vers eux ! Je ferai de toi, pour ce peuple-là, un rempart de bronze fortifié. » (Jr 15, 19-20)

Sans doute est-il étonnant que Dieu demande à Jérémie de revenir à lui : Jérémie n’est-il pas prêtre et n’a-t-il pas participé à la sainte réforme du roi Josias ? Jérémie, qui a tout perdu, y compris sa logique, doit apprendre à quel point Dieu est tout, et à quel point la foi est noble. Il deviendra alors fort comme un "rempart".

Après la mort de Josias, l’Egypte, qui domine Canaan quelques années, nomme roi de Juda l’un des fils de Josias, Joaquim. Et la vieille idolâtrie renaît de ses cendres et envahit le temple, la justice sociale est bafouée, les violents et les cyniques prennent le dessus, et dans ces conditions, le culte rendu à Dieu n’est qu’une parodie (Jr 7-9). C’est pourquoi Jérémie annonce la destruction du temple (Jr 7, 14-15), un malheur qui peut être écarté si vous améliorez vos voies (Jr 7, 3). Les prêtres lui sont hostiles : Jérémie reçut la bastonnade et fut mis au carcan (Jr 20, 1-2).

Jérémie prie ainsi : « Nous connaissons, Seigneur, notre impiété, la faute de nos pères : oui, nous avons péché contre toi. » (Jr 14, 20). Il témoigne de la grandeur du chemin de l’humilité.

Jérémie parle ensuite avec des actions symboliques (cf. les paraboles). L’action symbolique de la "ceinture pourrie" (Jr 13, 1-11) annonce la pourriture du peuple au contact de Babylone. Cependant, au-delà du châtiment, il y aura le pardon ; au-delà de la déportation, il y aura le retour ; Jérémie l’exprime par un geste prophétique : il achète un champ, car, le Seigneur a promis « en ce lieu je les ramènerai » (Jr 32, 37).

Babylone écrase l’armée égyptienne à Karkemish et domine Canaan. A Joaquim succède le jeune Joakîn qui n’oppose aucune résistance et part en exil à Babylone avec le prophète Ezéchiel. Jérémie place son espoir dans ces premiers déportés (Jr 24 et 29).

Babylone nomme Sédécias roi de Juda. Sédécias retourne aux idoles et se révolte contre Babylone ; Jérémie, qui a critiqué ouvertement la politique de Joaquim et de Sédécias (Jr 21-22), est jeté dans une citerne (Jr 38, 6-13).

Sédécias est emmené en exil les yeux crevés après avoir vu ses fils égorgés. Jérusalem est détruite.

En l’an 587, le temple est incendié (2 Roi 25). Cependant, on ne reconstruira pas l’arche d’Alliance qui a disparue : de même que l’Alliance nouvelle sera écrite dans le cœur (Jr 31, 31-33), Jérémie écrit : « On ne dira plus : "Arche d’alliance du Seigneur" ; on n’y pensera plus, on ne s’en souviendra plus, on ne s’en préoccupera plus, on n’en construira plus d’autre » (Jr 3, 16).

D’autre part, mis à part Joakîn en exil, il n’y aura plus de roi. Que devient la promesse de Nathan à David ? On lira donc à côté de l’antique promesse une autre promesse (il s’agit d’un ajout tardif, absent du texte que la Septante a traduit) : « Jamais David ne manquera d’un descendant […] Et jamais les prêtres lévites ne manqueront de descendants » (Jr 33, 18), car désormais les bergers du peuple seront les prêtres.

Un enseignement sur la nature de mission prophétique.

« 4 La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes : 5 Avant même de te former au ventre maternel, je t'ai connu ; avant même que tu sois sorti du sein, je t'ai consacré ; comme prophète des nations, je t'ai établi. 6 Et je dis : "Ah ! Seigneur Yahvé, vraiment, je ne sais pas parler, car je suis un enfant !" 7 Mais Yahvé répondit : Ne dis pas : "Je suis un enfant !" car vers tous ceux à qui je t'enverrai, tu iras, et tout ce que je t'ordonnerai, tu le diras. 8 N'aie aucune crainte en leur présence car je suis avec toi pour te délivrer, oracle de Yahvé. 9 Alors Yahvé étendit la main et me toucha la bouche ; et Yahvé me dit : Voici que j'ai placé mes paroles en ta bouche. 10 Vois ! Aujourd'hui même je t'établis sur les nations et sur les royaumes, pour arracher et renverser, pour exterminer et démolir, pour bâtir et planter. Tu te souviendras : Que je t’ai connu avant que tu sois conçu ; Que je t’ai consacré et établi pour une mission ». (Jérémie 1, 4-10 )

Nous pouvons retenir trois commandements donnés au prophète :

  1. Tu te souviendras qu’avant même de te former au ventre maternel, je t'ai connu.
  2. Tu ne diras pas : « Je suis un enfant. » C’est-à-dire que tu ne regarderas pas tes propres limites, tes propres timidités, etc.
  3. Tu te souviendras que je t’ai consacré et établi pour une mission.

Jérémie 1, 17-19 : « Quant à toi, tu te ceindras les reins, tu te lèveras, tu leur diras tout ce que je t'ordonnerai, moi. Ne tremble point devant eux, sinon je te ferai trembler devant eux. Voici que moi, aujourd'hui même, je t'ai établi comme ville fortifiée, colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays : les rois de Juda, ses princes, ses prêtres et le peuple du pays. Ils lutteront contre toi, mais ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi -- oracle de Yahvé -- pour te délivrer. »

Soulignons ici cinq commandements suivants donnés au prophète :

  1. Tu te ceindras les reins [du ceinturon de la Vérité, cf. Eph 6 ].
  2. Tu te lèveras et tu leur diras tout ce que je t’ordonnerai].
  3. Tu ne trembleras pas devant eux.
  4. Tu te souviendras que je t’ai établi comme ville fortifiée colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays.
  5. Tu te souviendras que « je suis avec toi dans le combat pour te délivrer ».

Jérémie est persécuté parce qu’il annonce la débâcle prochaine

« Seigneur, tu m’as séduit, et j’ai été séduit ; tu m’as saisi, et tu as réussi. À longueur de journée je suis exposé à la raillerie, tout le monde se moque de moi. Chaque fois que j’ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : ‘Violence et dévastation !’ À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie. Je me disais : ‘Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom’. Mais elle était comme un feu brûlant dans mon cœur, elle était enfermée dans mes os. Je m’épuisais à la maîtriser, sans y réussir. » (Jr 20, 7-9 AELF)

Jérémie a été séduit par le Seigneur au moment de la réforme du roi Josias qui a centralisé le culte à Jérusalem en purifiant le pays des cultes syncrétistes aux Baals. Ensuite, il a annoncé l’exil à Babylone, donc la dévastation de Jérusalem, ce qui ne plaisait pas à ses contemporains qui imaginaient que la Cité sainte serait protégée par la Providence comme au temps d'Ezéchias. Humainement parlant, Jérémie aurait bien voulu se taire pour être tranquille, mais quand on a connu le Dieu vivant, c’est un feu dans le cœur, et les révélations prophétiques qu’il a reçues le brûlent : il doit parler, crier, proclamer. C’est cela être prophète !

Jérémie est persécuté parce qu’il annonce la débâcle prochaine, tout à fait prévisible étant donné l’avancée puissante de Nabuchodonosor et sa victoire sur l’Égypte à Karkémish (605). « Moi Jérémie, j’entends les calomnies de la foule : ‘Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés’ » (Jr 20, 10). Il annonce en effet l’exil.

Jérémie démasque ce qu’il peut y avoir d’hypocrite et de superficiel dans les plus belles institutions, tout d’abord, la circoncision : « Circoncisez-vous pour le Seigneur, ôtez le prépuce de votre coeur, gens de Juda et habitants de Jérusalem, sinon ma colère jaillira comme un feu » (Jr 4,4) et «  Voici : leur oreille est incirconcise, ils ne peuvent pas être attentifs » (Jr 6,10).  

La réforme religieuse de Josias (en l’an -622) a donné l’exclusivité au Temple de Jérusalem, elle en a fait sa clé de voûte. Or, Jérémie, d’une famille sacerdotale de Silo (au Nord), déclare : « Quoi ! Voler, tuer, commettre l’adultère, se parjurer, encenser Baal, suivre des dieux étrangers que vous ne connaissez pas, puis venir se présenter devant moi en ce Temple qui porte mon nom, et dire : ‘Nous voilà en sûreté !’ pour continuer toutes ces abominations ! A vos yeux, est-ce un repaire de brigands, ce Temple qui porte mon nom ? Moi, en tout cas, je vois clair, oracle du Seigneur ! Allez donc au lieu qui fut le mien, à Silo : autrefois j’y fis habiter mon Nom ; regardez ce que j’en ai fait, à cause de la perversité de mon peuple Israël. Et maintenant, puisque vous avez commis tous ces actes -- oracle du Seigneur --  puisque vous n’avez pas écouté quand je vous parlais instamment et sans me lasser, et que vous n’avez pas répondu à mes appels, je vais traiter ce Temple qui porte mon nom, et dans lequel vous placez votre confiance, ce lieu que j’ai donné à vous et à vos pères, comme j’ai traité Silo » (Jr 7, 9-14).

« Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés’» (Jr 20, 10).

Sa vie sans femme ni enfant est une prophétie de malheur : « Ne prends pas femme; tu n’auras en ce lieu ni fils ni fille! » Car… les enfants « mourront de maladies mortelles, sans être pleurés ni enterrés » (Jr 16, 1-4). « Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés’» (Jr 20, 10).

Jérémie dénonce les prophètes de la cour (Jr 23) qui disent que « tout ira bien », sans dénoncer les fautes contre la réforme et la Loi d’Alliance. « Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés’» (Jr 20, 10).

Jérémie prophétise même contre le palais du roi : « Oui, ainsi parle le Seigneur au sujet du palais du roi de Juda : je vais te réduire en désert » (Jr 22, 6), et contre Joiaqim qui, bien que fils de Josias, n’imite pas sa droiture, mais ne cherche que son intérêt : « Il sera enterré comme on enterre un âne ! » (Jr 22, 19). « Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés’» (Jr 20, 10).

Effectivement, Joiaqim aspire à se libérer du joug babylonien, et s’y prépare, mais Nabuchodonosor lance les représailles et Joiaqim meurt. Son fils Joaqin se rend à Nabuchodonosor et il est exilé à Babylone avec de nombreux notables (année -598). « Ne pleurez pas celui qui est mort, ne le plaignez pas. Pleurez plutôt celui qui est parti, car il ne reviendra plus, il ne verra plus son pays natal »  (Jr 22, 10). « Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés’» (Jr 20, 10).

À Jérusalem, Nabuchodonosor intronise Sédécias, un autre fils de Josias. Mais ce dernier se laisse entraîner dans une nouvelle rébellion et les représailles sont alors sans pitié. Jérusalem est prise et incen­diée, ainsi que le Temple. Un exil nombreux s’en suit (année -587).

Or Jérémie relativise même l’indépendance nationale en prêchant la soumission à Babylone (29,4). « Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés’» (Jr 20, 10).

Jérémie emprunte cependant à Isaïe la conviction que dans tout ce qui arrive au peuple, c’est encore Dieu qui agit en Maître et se sert des puissances ennemies comme instruments de sa pédagogie divine (Jr 25, 9).

Autrefois, l’action de Salut de Dieu se lisait au niveau du peuple, et se vérifiait dans la victoire. Elle se lit maintenant au niveau du prophète, et se vérifie dans l’accomplissement de l’exil annoncé.

Évidemment, les gens n’aimaient pas entendre ses oracles, car ce sont des remontrances sévères. Mais rien ne le fera dévier de sa prophétie, pas même sa mise au pilori en l’an 605 (20,2).

Cohérence de la révélation et actualisation

L’existence d’une vocation dès le sein maternel se lit dans le Nouveau Testament pour Jean-Baptiste et le Christ (Lc 1). La tradition chrétienne le dira aussi pour la mère de Jésus, immaculée.

Jérémie invitait au respect des institutions, le roi et le temple, et à leur vivification par chacun, avec responsabilité, avec volonté, et avec le cœur. Cet appel vaut encore aujourd’hui, et c’est en ce sens que l’on peut dire que l’Eglise doit être mariale en même temps qu’elle doit être une institution organisée.[2]         

Jérémie invitait à l’humilité. Cet appel résonne encore dans l’Evangile et dans le temps de l’Eglise.

Jérémie osait dénoncer le péché malgré les persécutions que cela lui attirait. Jésus fera de même, et dans la foule, certains le compareront à Jérémie.

A Jérémie, qui a connu tant d’échecs, et qui a vu tant de ruines, le Seigneur demande de se tourner vers lui de manière à devenir un rempart de bronze fortifié (Jr 15, 20). De même, la Vierge Marie, qui a elle aussi tout perdu au calvaire, est restée debout dans la foi. La liturgie l’appelle "rempart de la foi"[3].

La vocation de Jérémie se résume dans ce paradoxe détruire et bâtir, arracher et planter. C’est encore vrai dans le christianisme. Un saint s’adresse à la mère de Jésus en disant : « Je vous supplie […] de détruire et déraciner [en moi] et d’y anéantir tout ce qui déplait à Dieu, et d’y planter, d’y élever et d’y opérer tout ce qui vous plaira. Et que la lumière de votre foi dissipe les ténèbres de mon esprit; que votre humilité profonde prenne la place de mon orgueil »[4]. De même que les racines sont cachées, de même celui qui prie ne perçoit pas toute la construction qui s’opère en lui.


[1] JEAN PAUL II, À l’approche du troisième millénaire, n° 48

[2] Cf. JEAN PAUL II, Lettre apostolique Mulierisdignitatem § 27

[3] MISSEL des Messes en l’honneur de la Vierge Marie (Rome 1986), Messe votive n° 35

[4] Saint Louis-Marie de MONTFORT, Le Secret de Marie § 68

Jérémie

Parcours biblique -26- Jérémie

Date de dernière mise à jour : 10/08/2023