La gnose

Exercices pour les étudiants de l’institut Foi vivifiante

Etude : F. Breynaert, Parcours christologique, Parole et Silence 2016, p. 44-48

Exercices : 

  • Le Christ apporte l'idée d'un salut. La gnose reprend l'idée du salut, mais sans le Christ. Expliquez 
  • Actualisez : Y a-t-il une tendance gnostique dans certains courants scientifiques (sciences dures) ? psychanalytiques (sciences humaines) ? dans certaines pratiques de méditation ?
  • Prévoyez : Il est dit que l'
    Antichrist se fera adorer, en quoi la gnose nous prépare-t-elle à accepter l'idée qu'un homme puisse se faire adorer ? 

Couv christologie

Christologie 8. La gnose au II° siècle.

Les hérésies du II° siècle – La gnose

 

« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre,

d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents

et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Lc 10, 21).

 

            Nous ne pouvons pas tout dire sur « la gnose » ou « les gnoses », et nous nous limitons au contexte de l’Eglise naissante. A qui sait réfléchir, ce chapitre est d’une grande importance pour l’Eglise actuelle dans le contexte du « Nouvel Age ».

 

            De manière schématique, les gnoses prétendent :

  • On se sauve par soi-même ; il peut y avoir un sauveur mais qui n’est qu’une apparence ou qui n’est qu’un prophète transmettant une connaissance. L’homme est au centre, et il est seul (il n’y a pas d’Alliance). La grâce du Christ est rendue inutile.
  • On se sauve par la connaissance, la gnose est ésotérique, les gnostiques ont une connaissance secrète, supérieure (souvent magique, occulte, théurgique).
  • Il y a un mépris du corps et de la matérialité.
  • Pour Marcion et Valentin, le dieu créateur de l’Ancien Testament est une divinité inférieure qui n’est pas le Père de Jésus-Christ.

 

            Rappelons l’avertissement de saint Irénée qui était déjà confronté aux gnoses : l’Antichrist « récapitulera en lui toute l’erreur diabolique »[1].

 

1) La gnose place l’homme au centre[2]

            L’essence de l’homme a son origine dans le monde d’en haut. D’après les sources les plus anciennes et les plus précieuses, le "dieu homme" était à l’origine le dieu suprême. Celui-ci est le modèle de l’homme Adam et, de ce fait, l’Apocryphe de Jean l’appelle « premier homme ». Derrière cette conception se trouve Gn 1,26 s., interprété d’après le schéma prototype-copie, car, si l’homme a été créé à l’image de Dieu, il faut conclure que Dieu est l’homme originel. Dieu et 1’homme, ou plus précisément 1’« homme intérieur », étaient de la même essence.

 

2) Intermédiaires et prophètes

            Pour un chrétien, il n’y a pas d’intermédiaire entre le monde créé et Dieu. Il y a une Alliance.

            Dans la gnose, il y a un ou plusieurs intermédiaires entre Dieu et le monde (logos, demiurges, figures prophétiques ésotériques) ; en réalité, tous ces intermédiaires effacent la distinction entre Dieu et les créatures, et on s’oriente vers le monisme : finalement, moi et Dieu, c’est la même chose.

            Les gnoses se distinguent cependant sur leurs idées d’un sauveur :

            Un premier groupe (type 1[3]) n’a nullement besoin d’un sauveur : la connaissance libère, il suffit d’un prophète qui peut être diversement appelé ou envoyé pour révéler cette connaissance.

            Le groupe opposé connaît un sauveur qui descend, mais seulement à travers les firmaments pour entrer dans le domaine des puissances, sans venir jusque sur la terre (type 2).

            Entre ces deux groupes se trouve un troisième (type 3) pour qui un sauveur chemine sur la terre, mais celui-ci n’a qu’une apparence corporelle.

            Dans le manichéisme, on retrouve ces trois types (d’après C. Colpe).

 

            Si on est sauvé par une connaissance, la notion de péché est vidée de toute importance.

            Une astuce fréquente est de prétendre que ces connaissances aient été révélées par le Christ à un petit groupe, notamment après la résurrection, et l’on va prétendre que les apparitions du Christ ont duré pendant des années…

            Dans le christianisme, qui veut apprendre, apprend. Le catéchisme et le catéchuménat sont ouverts à tous ; de même que les « retraites de chrétienté ». Il n’y a pas de petits secrets qui feraient une différence entre les chrétiens. Tout est dans l’Evangile, c’est simple.

 

            Dans le christianisme, il s’agit d’une connaissance de l’amour, et de la rencontre de Jésus-Christ. Le salut met en mouvement la liberté humaine, l’exercice des vertus, le pardon créateur qui appelle notre réponse…

 

3) Matérialisme et dualisme

            Pour un gnostique, la vie corporelle et temporelle sur cette terre est un déshonneur continuel de Dieu. Mais Dieu n’est pas anéanti. Le divin est caché dans l’homme comme une étincelle du père suprême, comme une étincelle de la divine conscience. Et elle doit être sauvée,

  • soit par une voie consciemment libidineuse et libertine (Simon) parce que de toute façon le corps n’a pas de sens, il n’a pas d’importance.
  • soit par la voie de l’ascèse et de la continence absolue (Sartonil) parce que le corps est mauvais.

 

            Dans la même logique, pour un gnostique, la fin du monde est une dissolution de l’univers matériel qui permet de libérer les esprits. Pour un gnostique, la rédemption signifie que quand le monde sera dissout, le Logos présent dans l’homme sera libéré et retournera dans le monde d’en haut. Il n’y aurait pas d’autre rédemption que cette dissolution physique : le gnose propose donc en réalité une rédemption sur un plan matériel, et, de plus, dualiste, c’est-à-dire hostile à la matière et au corps. 

            Au contraire, dans la vision chrétienne, il y aura bien une dissolution de l’univers actuel, mais cette dissolution sera suivie d’une terre nouvelle et d’un ciel nouveau ; la Rédemption dans le christianisme est tout d’abord la libération du péché qu’est la désobéissance spirituelle vis-à-vis de Dieu. Cette rédemption concerne le corps ainsi que l’ensemble du monde physique. Ce salut s’appuie sur Jésus-Christ.

 

4) Gnose et docétisme

            La gnose de Valentin est liée au docétisme : du fait que rien d’hilique (charnel) ne pouvait être sauvé, le Christ n’assuma ni un corps ni une autre substance charnelle. (Précisons que ni les ophites d’Irénée, ni les naassènes, ni les pérates, ni les docètes d’Hippolyte n’étaient d’authentiques docètes car ils acceptaient tous la naissance virginale de Marie et, par conséquent, la réalité de la chair de Jésus[4], cependant, ils considéraient Jésus de façon fractionnée).

5) Les gnoses sont-elles pré-chrétiennes ou post-chrétiennes ?

            « Les chercheurs discutent encore pour savoir comment la figure du sauveur a été introduite dans la gnose.

            Une première thèse dit que la gnose a adopté cette figure seulement sous l’influence du christianisme (G. Quispel ; E. Schweizer…). L’antithèse affirme que la figure du Sauveur ne provient pas du christianisme (H. Schlier ; Ph. Vielweizer…). La première thèse est appuyée par le fait que le Christ a une immense importance pour la gnose. Mais il ne faut pas manquer de noter que le Sauveur peut aussi avoir d’autres noms (comme dans l’Hymne de la perle) et que l’on trouve encore d’autres hypostases libératrices à la place ou à côté du Christ (la rédemption par la Sophia) »[5].

            Pour dire les choses simplement, les gnostiques ont probablement repris du christianisme l'idée d'un "Sauveur" dans l'histoire, mais en réalité comment sauverait-il s’il n'est qu'une apparence ("docétisme") ?[6].

            Saint Augustin suggère de parler du dogme gnostique de « sauveur sauvé » (Contre Fauste II 5). Quand le monde sera dissout, le « sauveur », qui n’est autre que le Logos présent dans l’homme, sera libéré et retournera dans le monde d’en haut.

© Françoise Breynaert


[1] St IRENEE DE LYON, Contres les hérésies V, 5

[2] Cf. Cardinal Aloys GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrétienne, Ibid., p. 277-280

[3] Les ophites de Celse, les nicolaïtes, les archontiques et les antitactiques.

[4] Cf. Cardinal Aloys GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrétienne, Ibid., p. 273

[5] Cf. Cardinal Aloys GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrétienne, Ibid., p. 281

[6] Cf. Cardinal Aloys GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrétienne, Note 173, Ibid., p. 281

Date de dernière mise à jour : 13/07/2019