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Saint Pierre et Saint Paul (C)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
(Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Ac 12, 1-11)
Psaume (Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7, 8-9)
Deuxième lecture (2Tm 4, 6-8.17-18)
Première lecture (Ac 12, 1-11)
À cette époque, le roi Hérode Agrippa se saisit de certains membres de l’Église pour les mettre à mal. Il supprima Jacques, frère de Jean, en le faisant décapiter. Voyant que cette mesure plaisait aux Juifs, il décida aussi d’arrêter Pierre.
C’était les jours des Pains sans levain. Il le fit appréhender, emprisonner, et placer sous la garde de quatre escouades de quatre soldats ; il voulait le faire comparaître devant le peuple après la Pâque. Tandis que Pierre était ainsi détenu dans la prison, l’Église priait Dieu pour lui avec insistance.
Hérode allait le faire comparaître. Or, Pierre dormait, cette nuit-là, entre deux soldats ; il était attaché avec deux chaînes et des gardes étaient en faction devant la porte de la prison. Et voici que survint l’ange du Seigneur, et une lumière brilla dans la cellule. Il réveilla Pierre en le frappant au côté et dit : « Lève-toi vite. »
Les chaînes lui tombèrent des mains. Alors l’ange lui dit : « Mets ta ceinture et chausse tes sandales. » Ce que fit Pierre. L’ange ajouta : « Enveloppe-toi de ton manteau et suis-moi.» Pierre sortit derrière lui, mais il ne savait pas que tout ce qui arrivait grâce à l’ange était bien réel ; il pensait qu’il avait une vision. Passant devant un premier poste de garde, puis devant un second, ils arrivèrent au portail de fer donnant sur la ville. Celui-ci s’ouvrit tout seul devant eux. Une fois dehors, ils s’engagèrent dans une rue, et aussitôt l’ange le quitta. Alors, se reprenant, Pierre dit : « Vraiment, je me rends compte maintenant que le Seigneur a envoyé son ange, et qu’il m’a arraché aux mains d’Hérode et à tout ce qu’attendait le peuple juif. » – Parole du Seigneur.
L’Apôtre Jacques est mort martyr pour confesser sa foi et son amour du Maître et pour ne pas le renier. Il a ainsi suivi le Seigneur Jésus qui, devant Caïphe et Pilate, " a rendu son beau témoignage " 1Tm 6,13, confirmant la vérité de son message par le don de sa vie. C’est un témoignage rendu à Jésus, le Messie attendu par Israël, le Fils de Dieu. C’est aussi un témoignage rendu à la vérité morale enseignée par Jésus. « L’Eglise propose l’exemple de nombreux saints et saintes qui ont rendu témoignage à la vérité morale et l’ont défendue jusqu’au martyre, préférant la mort à un seul péché mortel. » (Jean-Paul II, Veritatis Splendor 90).
Pierre, à son tour, est arrêté, « C’était les jours des Pains sans levain » , c’est-à-dire la période de l’année où Jésus lui-même fut arrêté à Jérusalem. Mais, pour Pierre, l’heure du martyre n’est pas arrivée. Peu de temps auparavant, « l’Ange de Dieu » s’adressa à Corneille pour qu’il appelle Pierre (Ac 10, 1-8) ; et, maintenant, c’est « l’ange du Seigneur » qui fait sortir Pierre de prison (Ac 12, 16). Certainement émerveillé et soulagé, Pierre dit : « le Seigneur a envoyé son ange ».
En 439, l’évêque Juvénal de Jérusalem fit don à l’impératrice Eudoxie de la moitié des chaînes de saint Pierre, ces chaînes qui, dit saint Luc, lui tombèrent des mains (Ac 12,7) ; elle les offrit à son tour au pape Léon le Grand. Les chaînes de Jérusalem confrontées à celles qui attachèrent Pierre à la fin de sa vie dans la prison romaineTullianum, se seraient miraculeusement unies en une seule chaîne, exposée de nos jours à Rome dans l’église Saint-Pierre-aux-Liens, devant l’autel.
Un ange est intervenu pour délivrer Pierre. Dans l’évangile, le chant des anges à la naissance du Christ n’a cessé de résonner dans la louange de l’Eglise: "Gloire à Dieu ..." (Lc 2,14). Ils protègent l’enfance de Jésus (cf. Mt 1,20 ; 2,13 ; 2,19) et le servent au désert (cf. Mc 1,12 Mt 4,11). Un ange le réconforte dans l’agonie (cf. Lc 22,43). Ce sont encore les anges qui annoncent la Bonne Nouvelle de la Résurrection (cf. Mc 16,5-7) du Christ. A l’Ascension du Christ, ils rappellent aux disciples qu’ils doivent espérer le retour glorieux du Christ (cf. Ac 1,10-11), comme l’avait annoncé Jésus lui-même : « 27 En effet, le Fils de l’homme, il arrivera qu’il viendra dans la gloire de son Père, avec ses anges saints ; et alors il rétribuera chacun / selon ses actes. » (Mt 16, 27). Avec ses anges saints dit l’araméen. Il y a des anges déchus. Vous, priez les anges saints !
Ainsi, grâce à l’ange du Seigneur, Pierre est délivré, l’heure de son martyre n’est pas arrivée. Par contre, Hérode ne va plus vivre très longtemps. La mort d’Hérode est très particulière. Les gens de Tyr et de Sidon l’écoutaient en disant « c’est un dieu qui parle ! » Or Hérode ne les rectifia pas. « À l’instant même, l’Ange du Seigneur le frappa, parce qu’il n’avait pas rendu gloire à Dieu ; et rongé de vers, il rendit l’âme » (Ac 12, 23). Sa mort reproduit celle de Coré qui voulut s’imposer comme prêtre et entraîner la communauté dans sa révolte : « la gloire » du Seigneur apparut à toute la communauté et fit descendre vivants au shéol Coré et ses partisans (Nb 16, 19-33).
Dans mon livre « L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif » (Parole et Silence), je parle aussi des Actes des apôtres, et j’explique que c’est aussi un collier en pendentif, c’est-à-dire, pour simplifier, que tout le début du livre des Actes, où Pierre joue un rôle majeur, constitue un collier compteur qui tient tout le reste. Ainsi, dans le collier compteur, la deuxième perle donne Ac 2, 14-47 : Discours de Pierre, le baptême de 3000 personnes et une présentation de la première communauté. Cette perle introduit le 2e fil : Ac 9, 1 – 12, 24 : Saul persécute les chrétiens puis il est aveuglé sur le chemin de Damas, Ananie le guérit et le baptise. Pierre guérit Enéas à Lod, puis il ressuscite Tabitha, puis c’est le discours de Pierre chez Corneille (Ac 10, 34-44) et le baptême des premiers païens ; enfin, la fondation de l’Église d’Antioche ; l’arrestation de Pierre et sa délivrance par un ange ; la mort d’Hérode.
Saint Jean Chrysostome, rappelant ce passage où l’Église ne cessait de prier pour Pierre pendant qu’il était en prison (Ac 12,5), encourage les chrétiens à prier ensemble à l’église : « Si le premier venu s’avisait de vous recommander de prier en votre particulier pour le salut de votre évêque, chacun de vous s’excuserait comme si ce fardeau surpassait ses forces ; mais lorsque, réunis tous ensemble, vous entendez le diacre vous adresser la même invitation et vous dire : ‘Prions pour l’évêque et pour sa vieillesse, et pour qu’il soit assisté, et pour qu’il marche droit dans la parole de vérité […] vous ne refusez pas de vous rendre à cette injonction, et vous offrez au ciel une prière fervente, connaissant le pouvoir de votre réunion. »
Prions ainsi pour le successeur de Pierre. Tant d’hostilités s’opposent à son témoignage rendu à Jésus, le Messie, le Fils de Dieu, à la vérité morale qu’il a enseignée, et à la promesse de son retour. Puisse-t-il être secouru par les saints anges. Devançons l’évangile :
« Bienheureux es-tu, Simon, / fils de Yona :
car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont fait une révélation, / mais mon Père qui est aux cieux.
Moi aussi, / je te dis [c’est donc une seconde révélation, faite par Jésus cette fois] :
Tu es Pierre, / et sur cette pierre je bâtirai mon Église ;
et les portes de la Mort / ne prévaudront pas sur elle. » (Mt 16, 17-18)
Psaume (Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7, 8-9)
Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. Je me glorifierai dans le Seigneur : que les pauvres m’entendent et soient en fête ! Magnifiez avec moi le Seigneur, exaltons tous ensemble son nom. Je cherche le Seigneur, il me répond : de toutes mes frayeurs, il me délivre. Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses. L’ange du Seigneur campe alentour pour libérer ceux qui le craignent. Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! Heureux qui trouve en lui son refuge !
« Magnifiez avec moi le Seigneur, exaltons tous ensemble son nom. »
St Augustin : « Stimulez donc parmi vous l’amour, mes frères, et criez à chacun des vôtres: ‘Bénissez avec moi le Seigneur’. […] Si vous aimez Dieu, entraînez à l’amour de Dieu tous ceux qui vous sont unis, tous ceux qui partagent votre demeure: si vous aimez le corps de Jésus-Christ ou l’unité de l’Église, entraînez-les à jouir de Dieu, et dites avec allégresse: ‘Bénissez avec moi le Seigneur’ ». (St Augustin : sur les Psaumes 342)
« Je cherche le Seigneur, il me répond ». St Augustin : « ’J’ai cherché le Seigneur, et il m’a exaucé’. Où a-t-il exaucé ? à l’intérieur. Où donne-t-il sa grâce ? à l’intérieur. C’est là que tu pries, là que tu es exaucé, là que tu obtiens le bonheur. Tu as prié, tu as été exaucé, tu es heureux ; et celui qui est près de toi ne le sait point. Tout s’est fait dans le secret, selon cette parole du Seigneur dans l’Evangile : ‘Entrez dans votre chambre, fermez-en la porte, priez en secret, et votre Père, qui voit dans le secret, vous le rendra’. Mais entrer dans votre chambre, c’est entrer dans votre coeur. Bienheureux ceux qui rentrent avec joie dans leur coeur, et qui n’y trouvent rien de mauvais […] Purifiez donc votre coeur, afin de pouvoir y rentrer volontiers. «Bienheureux ceux dont le coeur est pur, car ils verront Dieu’. Ôtez les souillures des désirs mauvais, ôtez-en la tache de l’avarice, l’infection des pratiques superstitieuses ; ôtez-en les sacrilèges et les pensées honteuses; ôtez-en la haine, je ne dis pas contre vos amis, mais encore contre vos ennemis ; ôtez-en tout cela, et alors vous pourrez rentrer dans votre coeur et y trouver de la joie. Quand vous commencerez à goûter cette joie, vous trouverez aussi dans la pureté du coeur un parfum délicieux, et l’excitation à la prière ; de même qu’en arrivant dans un lieu où règne le silence, où tout est calme et respire la propreté, vous dites aussitôt : Prions ici ; la décence du lieu vous porte à croire que Dieu y exaucera vos prières. » (St Augustin, sur les Psaumes 342)
« Je cherche le Seigneur, il me répond ». St Ambroise : « Embrasse donc celui que tu as cherché ; approche de lui et tu seras éclairée (Ps 33,6) ; tiens-le, demande qu’il ne se presse pas de partir, supplie-le de ne pas s’en aller ; le Verbe de Dieu court, l’inertie ne le saisit pas, l’indolence ne le retient pas. Que ton âme s’attache à sa parole, et suis-le au pas de la parole céleste ; car il passe vite. 75. Aussi bien, que dit-elle ? ‘Je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé ; je l’ai appelé et il ne m’a pas écoutée.’ (Ct 5, 6) Ne pense pas, s’il est parti si vite, que tu lui as déplu en l’appelant, en l’implorant, en lui ouvrant : il permet souvent que nous soyons éprouvés. Aussi bien, lorsque les foules le priaient de ne pas s’en aller, que dit-il dans l’Évangile ? ‘Il faut que j’annonce aussi la parole de Dieu à d’autres villes ; car c’est pour cela que j’ai été envoyé.’ (Lc 4,43) Mais, alors même qu’il te semble être parti, sors, cherche encore (Ct 5,7). 76. Ne crains pas, maintenant que tu es donnée à Dieu, les redoutables gardes spirituels qui font la ronde ; ne crains pas ceux qui parcourent la cité, ne crains pas des blessures qui ne sauraient nuire à qui cherche le Christ. Alors même qu’ils t’ôteraient ton corps, c’est-à-dire la vie de ton corps, le Christ est proche. Quand tu l’auras trouvé, reconnais où il te faut demeurer avec lui, de crainte qu’il ne s’en aille ; car il a tôt fait d’abandonner les négligents. » (St Ambroise, Traité sur la virginité 5074-5076)
« Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. »
St Augustin : « Ils l’ont donc approché pour le crucifier, mais nous, approchons-nous de lui, pour recevoir son corps et son sang. Le crucifié les a couverts de ténèbres ; et nous, en mangeant la chair et en buvant le sang du crucifié, soyons dans la lumière. ‘Approchez-vous de lui, et vous serez illuminés’. C’est aux Gentils [les païens] que s’adressent ces paroles. Le Christ à la croix était au milieu des Juifs, qui le voyaient et le traitaient cruellement ; les Gentils n’étaient point là, et voilà que ceux qui étaient dans les ténèbres se sont approchés, et ceux qui ne voyaient pas ont été remplis de lumière. Comment s’approchent les Gentils ? En le suivant par la foi, en exhalant les désirs de leurs coeurs, en le poursuivant par l’amour. Tes pieds sont ton amour. Marche sur deux pieds, ne sois point boiteux. Quels sont ces deux pieds ? les deux préceptes de l’amour de Dieu et du prochain. Sur ces deux pieds, cours à Dieu, approche-toi de lui, car lui-même t’engage à courir, et il ne t’a donné sa lumière, que pour te donner le moyen de le suivre d’une manière admirable et divine ! » (St Augustin, sur les Psaumes 342)
« Un pauvre crie, le Seigneur entend ! » St Ambroise : « Dans les Actes des apôtres, Pierre dit : ‘De l’argent et de l’or, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : Au nom de Jésus de Nazareth, lève-toi et marche’ (Ac 3,6) : il avait reçu ce pouvoir, parce qu’il ne désirait pas l’or. Il avait été en effet envoyé sans bâton, sans besace, sans argent (Lc 9,5). C’est pourquoi il se glorifiait de n’avoir pas ce qu’il n’avait pas reçu ; il ne rougissait pas de sa pauvreté, ayant été racheté par un pauvre. S’il a dit : ‘lève-toi et marche’, c’est qu’il avait lu : ‘Ce pauvre a crié et le Seigneur l’a exaucé’ (Ps 33,7) ». (St Ambroise, Traité sur la virginité 7041)
« L’ange du Seigneur campe alentour pour libérer ceux qui le craignent. Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! Heureux qui trouve en lui son refuge ! »
Oui, goûtons le Seigneur, il est le Pain vivant :
« 51 Je suis le Pain Vivant, / qui suis descendu depuis les Cieux,
et si quelqu’un mange de ce pain-ci, / il vivra pour toujours !
Et le pain que, moi, je donnerai, / c’est mon corps,
qu’en faveur de la vie du monde, / je donne. » (Jn 6, 51)
Deuxième lecture (2Tm 4, 6-8.17-18)
« Bien-aimé, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice : le Seigneur, le juste juge, me la remettra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse. Tous m’ont abandonné. Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. J’ai été arraché à la gueule du lion ; le Seigneur m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen. – Parole du Seigneur. »
Timothée était chargé du gouvernement de l’Église de toute une nation. Paul sent que sa mort est imminente. Sa lettre est un testament qui conclut tout ce qu’il voulait transmettre.
Paul témoigne : Le Seigneur « m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. » C’est un modèle pour Timothée, et aussi pour tous les évangélisateurs, les prêtres et les évêques. « La mission d’enseignement propre aux évêques consiste à garder saintement la foi et à l’annoncer courageusement. LG 25; DV 10; CIO 595 Par. 1 ». Le rite romain de l’Ordination épiscopale « se révèle dans toute sa richesse, quand l’évangéliaire ouvert est imposé sur la tête de l’évêque élu; ce geste veut exprimer, d’une part, que la Parole imprègne et protège le ministère de l’évêque et, de l’autre, que la vie de ce dernier doit être totalement soumise à la Parole de Dieu en s’adonnant quotidiennement à la prédication de l’Evangile avec le maximum de patience et de doctrine 2Tm 4.» (2003 Pastores Gregis 28).
Timothée aimait son maître et il en était tant aimé. Que pensez-vous que Timothée ressentit, lorsqu’il apprit que ce maître allait bientôt mourir, et, ce qu’il y a de plus pénible, qu’il ne l’assisterait pas à sa dernière heure ? Saint Paul a donc soin de consoler son disciple avec des termes choisis, propres à le combler de joie, en lui présentant sa mort, moins comme une mort que comme un sacrifice, comme un départ ou un passage à un état meilleur : « Bien-aimé, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. »
« Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice : le Seigneur, le juste juge, me la remettra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse. » (2Tm 4, 8).
Désirons-nous avec amour la Manifestation glorieuse du Christ ?
Elle est très désirable en effet. Les prophéties de l’Ancien Testament n’annonçaient pas seulement son Incarnation ou sa Passion, elles annonçaient aussi le temps de sa Parousie, de sa Venue glorieuse. Ainsi le prophète Daniel voit un mystérieux Fils de l’homme venir sur les nuées du Ciel et, après avoir jugé les empires, régner sur la terre (Dn 7). Le prophète Isaïe annonce un temps où les peuples « briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes » (Is 2, 4), il n’y aura plus de disputes : « Le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera avec le chevreau. » (Is 11, 6). Isaïe nous dit que le Seigneur a préparé « un festin de viandes grasses, un festin de bons vins »(Is 25, 6).
Le Livre de l’Apocalypse parle du temps de la Venue glorieuse du Christ avec des expressions très attirantes. Après le jugement de ceux qui vivent pour le mal, symbolisés par Babylone, la bête et le faux prophète, c’est le temps de la Cité sainte. « Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé. » (Ap 21, 4)
Il y aura « des arbres de Vie qui fructifient douze fois, une fois chaque mois; et leurs feuilles peuvent guérir les nations [ᶜamme]. De malédiction, il n’y en aura plus ; le trône de Dieu et de l’Agneau sera dressé dans la ville, et les serviteurs de Dieu l’adoreront » (Ap 22, 2-3) Autant dire que nous ferons la volonté divine avec joie !
La Manifestation glorieuse du Christ est donc très désirable. Or, de même que le Christ n’est pas venu sur la terre sans les prières des prophètes et l’attente de tout un peuple, de même il ne reviendra pas dans la gloire sans nos prières ardentes et notre espérance persévérante. Saint Paul parle de « tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse » (2Tm 4, 8), puissions-nous en faire partie !
Paul est proche de mourir, mais il est dans cette espérance. Paul est accablé parce que tous l’ont abandonné, mais il vit de cette espérance.
Tous l’ont abandonné. Il y a bien de la différence entre être abandonné par des étrangers ou par des amis. Paul ne peut pas dire pour se consoler : si les étrangers m’attaquent, au moins les miens me soutiennent. Les siens mêmes l’avaient abandonné.
« Ce n’était pas une faute d’une petite gravité, dit saint Jean Chrysostome. Si dans la guerre, le soldat qui ne secourt pas son général en péril, et qui se dérobe par la fuite aux coups de l’ennemi, est puni avec raison par les siens pour avoir été cause de la perte de la bataille, pourquoi n’en serait-il pas de même dans la prédication ?
Mais quelle est cette première fois que saint Paul dit avoir défendu sa cause ? Il avait déjà été cité devant Néron, et il était sorti heureusement de cette affaire. Mais ensuite ayant instruit et converti l’échanson de l’empereur, celui-ci lui fit trancher la tête. […] ‘Dieu m’a délivré de la gueule du lion’ (2Tm 4,17). Il avait été jusque dans la gueule du lion. C’est ce nom qu’il donne à Néron à cause de sa cruauté, de sa puissance et de la force de son empire. — ‘Le Seigneur m’a délivré, et il me délivrera’, non plus de la gueule du lion : De quoi donc ? ‘De toute action mauvaise’ (2Tm 4,18). C’est vraiment alors que Dieu me délivrera de tout péril, après que j’aurai satisfait à tout ce qui était nécessaire pour la prédication de l’Evangile. Le Seigneur me délivrera de tout péché, il ne permettra pas que je sorte de cette vie avec quelque tache. Avoir la force de résister au péché jusqu’au sang et de ne pas céder, c’est être vraiment délivré du démon. Cette dernière délivrance est sans comparaison préférable à l’autre par laquelle Dieu ne nous sauve que de la mort corporelle. — ‘Et me sauvant, me conduira dans son royaume céleste : Gloire à lui dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il’ (2Tm 4,18). Le véritable salut ne s’accomplira pour nous que lorsque nous serons brillants de gloire dans ce divin royaume. » (Chrysostome sur 2Tm 1002).
Évangile (Mt 16, 13-19)
« 13 Or quand Jésus vint dans la région de Césarée-de-Philippe,
il interrogeait ses disciples / en disant :
‘Les hommes, à mon sujet, qui disent-ils que je suis, / moi, le Fils de l’homme ?’
14 Or eux, / ils dirent :
‘Il y en a qui disent : / Jean le Baptiste ;
mais d’autres : / Élie ;
et d’autres : / Jérémie ou l’un des prophètes’.
15 Il leur dit :
‘Or vous, / que dites-vous que je suis ?’
16 Simon Pierre répondit / et dit :
‘Tu es le Messie, / le Fils du Dieu vivant !’
17 Jésus répondit / et lui dit :
‘Bienheureux es-tu, Simon, / fils de Yona :
car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont fait une révélation, / mais mon Père qui est aux cieux.
18 Moi aussi, / je te dis :
Tu es Pierre, / et sur cette pierre je bâtirai mon Église ;
et les portes de la Mort / ne prévaudront pas sur elle.
19 Je te donnerai / les clés du Royaume des Cieux :
tout ce que tu auras lié sur la terre / sera lié dans les cieux,
et tout ce que tu auras délié sur la terre / sera délié dans les cieux.’ »
(traduit de la Pshitta, le texte liturgique des églises syriaques et chaldéennes).
Césarée de Philippe (Mt 16, 13) était jadis le lieu de culte du dieu Pan, protecteur des bergers et des troupeaux. Il serait anachronique d’ajouter une référence au temple de Zeus qui fut édifié aux environs de l’an 100, pendant le règne de Trajan. Le Dieu Pan est représenté comme une créature chimérique, mi-homme mi-bouc, avec en guise de cornes des croissants de lune (car la lune éclaire les pâturages nocturnes), et avec une flûte de roseaux (la flûte de pan) pour mieux enchanter ceux qu’ils doit guider. Jésus corrige et transfigure définitivement le vieil archétype. C’est lui, Jésus, le protecteur du troupeau spirituel et de son premier pasteur, Pierre, qui reçoit « les clés du Royaume ». En l’an 2 ou 3 avant J-C, le roi Hérode Philippe II fit en ce lieu une magnifique cité qu’il nomma Césarée, en l’honneur de César Auguste. La confession de foi de Pierre et la correction de Jésus qui a suivi enseignent avec éloquence que la mission ne devra pas s’appuyer sur la puissance de César, mais sur le Fils du Dieu vivant, en acceptant ses voies, qui passent par la croix.
Le Christ demande ce que « disent » les hommes, non pas ce qu’ils ressentent ou ce que leur intuition leur suggère : « dire » constitue déjà un acte, une forme d’engagement. Tous pensent que Jésus pourrait être un envoyé de Dieu. Puis Jésus pose la question aux disciples, et Simon répond : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » (v. 16). La confession de Simon est une réponse personnelle comme sont personnelles les félicitations que Jésus lui adresse ; rien n’étant plus personnel à l’homme que ce qui lui est révélé par Dieu.
Le témoignage primitif de Pierre et Jean* nous apprend que Jésus a déjà donné à Simon ce surnom dès leur première rencontre :
« Et Jésus fixa son regard sur lui / et dit :
‘Tu es Simon [le bon entendeur], / le fils de Yona ;
toi, tu seras appelé : / Pierre [Roc].’ » (Jn 1, 42).
Ce surnom mystérieux, voici que Jésus va maintenant l’expliquer en même temps qu’il va donner à Pierre sa vocation particulière (Mt 16, 18-20). Pierre [kīpā] n’est pas un prénom déjà existant (il ne faut pas le confondre avec le prénom Caïphe [qayyāpā]). Pierre est appelé à devenir différent de ce qu’il était auparavant (Simon), de sorte que l’Église bâtie sur lui puisse transmettre la transcendance divine.
Depuis le retour d’exil, le Saint des Saints du Temple de Jérusalem ne contient plus l’arche d’Alliance, dont le propitiatoire est à la fois le siège de la révélation et du pardon, une pierre a été posée à la place. Ainsi, en disant à l’apôtre « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église » (v. 18), Jésus fait référence à ce que cette pierre représentait.
S’appeler « Pierre », ou siéger sur le siège de Pierre n’autorise cependant pas d’abus de pouvoir car sur cette pierre, dit Jésus, « je bâtirai mon Église » : c’est Jésus qui bâtit, et ce n’est pas l’Église de Pierre mais l’Église de Jésus. L’apôtre sera jugé par Jésus, soit quand l’apôtre mourra, soit quand Jésus reviendra dans la gloire pour le successeur de l’apôtre qui vivra à ce moment-là. Le problème d’une église pyramidale dont le chef abuserait de pouvoir ne vient pas de la définition de la primauté de Pierre donnée par Jésus, ni même de l’oubli du retour glorieux du Christ, elle vient du manque de références à Jésus lui-même.
« Et les portes de la Mort [araméen šyūl (le Shéol) ; grec Hadès, latin inferi (les enfers)] ne prévaudront pas sur elle. » (Mt 16, 18). Les apôtres mourront tous, (et, à cause de l’opposition satanique, il y aura des martyrs à chaque génération), mais l’Église continuera.
« Je te donnerai les clés du Royaume des Cieux » (Mt 16, 19).
Dans la Genèse, Pharaon dit à Joseph : « Après que Dieu t’a fait connaître tout cela, il n’y a personne d’intelligent et de sage comme toi. C’est toi qui seras mon maître du palais et tout mon peuple se conformera à tes ordres, je ne te dépasserai que par le trône. » (Gn 41, 39-40). La transmission par Jésus des clés à Pierre (Mt 16, 19) implique une connaissance juste des réalités divines dans l’enseignement de la foi et des mœurs, ainsi que dans l’exercice de la juridiction.
Isaïe parle brièvement du serviteur Éliakim, à qui est remise « la clef de la maison de David : s’il ouvre, personne ne fermera ; s’il ferme, personne n’ouvrira » (Is 22, 19-23). Avec Pierre, il s’agit non plus de la maison de David, mais du Ciel, d’où la suite :
« Tout ce que tu auras lié sur la terre / sera lié dans les cieux,
et tout ce que tu auras délié sur la terre / sera délié dans les cieux. »
Lier et délier signifie interdire et permettre, donc en définitive exclure ou réintroduire dans la communauté religieuse. Ce verset donne lieu à des extensions logiques. Tout ce qui est pardonné sur la terre par les sacrements de l’Église fondée sur Pierre sera pardonné au Ciel ; le juge est bien sûr le Christ, mais, de même qu’il sera accompagné des saints pour sa venue glorieuse (1Th 3, 13), il sera accompagné de Pierre (et des saints) quand chacun traversera le passage de la mort (d’où l’image populaire de Pierre comme « portier du ciel », une image qui devient fausse dès que l’on réduit cette porte à un aiguillage rapide sans tenir compte de la rencontre avec le Christ à l’heure de la mort).
Remarquons attentivement les futurs employés par Jésus : « sur cette pierre je bâtirai… je te donnerai les clés… tout ce que tu auras lié » (v. 18-19). Ces promesses prendront effet lorsque Simon-Pierre sera stabilisé dans la volonté de Dieu, c’est-à-dire après la Passion et la résurrection. Pour le moment, il est encore en formation et Jésus devra le corriger : « tu ne penses pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes » (Mt 16, 23).
Après la résurrection, l’indice de la primauté de juridiction de Pierre se lit quand Jésus charge les femmes d’en porter l’annonce à Pierre, de manière distincte par rapport aux autres apôtres (Mc 16, 7) ; c’est à Pierre et à Jean que s’adresse Marie-Madeleine pour informer que la pierre a été déplacée devant l’entrée du sépulcre (cf. Jn 20, 2) et Jean lui cédera le pas lorsque tous les deux arriveront devant le tombeau vide (cf. Jn 20, 4-6).
* Françoise Breynaert, Le témoignage primitif de Pierre et Jean. Imprimatur Paris. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2023.
Date de dernière mise à jour : 20/05/2025