Sur les psaumes

Sur les psaumes

Psaumes vécus par Jésus, Marie, Joseph. 1

Psaumes vécus ou interprétés par les apôtres. 3

Sens littéral (historique), allégorique, moral, ou anagogique (en vue du retour du Christ). 7

Saint Augustin, grand commentateur des psaumes. 15

Psaumes vécus par Jésus, Marie, Joseph.

Les psaumes ont été priés et vécus par Jésus, Marie, Joseph.

Le psaume 22 a été accompli par Jésus sur la croix.

L’accomplissement des Écritures en Jésus, notamment le psaume 22 (21) :

« Et ils se partagèrent ses vêtements, et ils les tirèrent au sort » (Lc 23, 34b) accomplit Ps 22, 19 : « ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement » 

« Le peuple se tenait là, et regardait » (Lc 23, 35a) accomplit : « Les gens me voient, ils me regardent » (Ps 22, 18b)

« Ils se moquaient de lui » (Lc 23, 35.36) accomplit « tous ceux qui me voient me bafouent,

 leur bouche ricane » (Ps 22, 8)

« L’un de ces malfaiteurs-là […] l’injuriait, en disant : ‘Si c’est toi le Messie, délivre-toi [verbe paṣṣī] et délivre-nous aussi !’ » en écho au psaume : « Il s’est remis à YHWH, qu’il le délivre [verbe paṣṣī] » (Ps 22, 9)[1] ! Et le psaume ajoute : « qu’il le libère [verbe plṭ au pael : faire échapper éloigner], s’il se complait [ṣbā] en lui » (Ps 22, 8-9).

L’écriteau proclame la royauté du Christ (Lc 23, 38), et le psaume s’achève par l’avènement du règne de Dieu dans le monde (Ps 22, 38-32).

On remarque l’inclusion avec le mot « Messie » (Lc 23, 35b, et Lc 23, 39). Juifs et Romains n’ont pas compris que la mort de Jésus ne représente pas un affront à sa messianité. Jésus le Messie accomplit les Écritures, et il faut comprendre la mission de Messie.

Cette perle ne donne aucune parole de Jésus, mais ce même psaume suggère quelle était la prière muette de Jésus pendant le vacarme des injures : « C’est toi qui m’as tiré du ventre, dès le ventre de ma mère, mon Dieu c’est toi. Ne sois pas loin : proche est l’angoisse, point de secours ! » (Ps 22, 11-12). Il est d’ailleurs possible que ce soit la mère de Jésus qui ait composé cette perle en choisissant de faire référence à ce psaume.

Extrait de Françoise Breynaert, l’évangile selon saint Luc, Parole et Silence, Paris 2024.

Psaume 23

« Au Seigneur, le monde et sa richesse, la terre et tous ses habitants !
C’est lui qui l’a fondée sur les mers et la garde inébranlable sur les flots.

Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ?
L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles.

Il obtient, du Seigneur, la bénédiction, et de Dieu son Sauveur, la justice.
Voici le peuple de ceux qui le cherchent ! Voici Jacob qui recherche ta face ! »

Une anthropologie ternaire. Cœur/ main / âme.

« Qui montera sur la montagne sainte ? L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles ».

Le cœur est le siège de la volonté, et la pureté du cœur, c’est la pureté des intentions. En copte, faire attention à quelque chose se dit « donner le cœur à ».

Les mains correspondent au corps tout entier avec ses œuvres. Les mains innocentes sont celles de celui qui a posé des actes bons. Le psaume parle d’abord du cœur, puis des mains, puis de l’âme : le corps sanctifié par ses actes prend une place médiatrice.

L’âme correspond ici au lieu profond de communion à Dieu, le Saint des Saints dans le Temple. Si l’âme est livrée aux idoles, la communion à Dieu est obscurcie, c’est pourquoi on parle d’occultisme. L’occultisme obscurcit le sens de Dieu.

Prier le psaume avec saint Joseph

À la manière du psalmiste, Joseph se présente comme l’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles. Et Dieu le visite par un songe lui annonçant « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ». Jean-Paul II commente : « « Ce qui est engendré en elle vient de l’Esprit-Saint » (Mt 1, 20) : ne faut-il pas conclure, devant ces expressions, que son amour d’homme est, lui aussi, régénéré par l’Esprit-Saint ? [...] Joseph, obéissant à l’Esprit, retrouva précisément en lui la source de l’amour, de son amour sponsal [= conjugal] d’homme, et cet amour fut plus grand que ce que l’homme juste pouvait attendre selon la mesure de son cœur humain. » (Exhortation apostolique Redemptoris Custos 19)

 « Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange lui avait ordonné et prit avec lui son épouse » (Mt 1, 24). Joseph donne place à Dieu le Père dans la vie de son épouse.

Joseph est un homme juste. Il a une attitude d’offrande envers Marie, jusqu’à décider le sacrifice de son projet de mariage. Cette offrande exprime son amour d’époux. Et finalement, il est l’époux de Marie. Son amour conjugal est pétri de don de soi. Cette offrande ne change pas la nature de Marie, qui reste sa fiancée et devient son épouse. Offerts, ces évènements prennent leur place, ni plus ni moins ; et le cœur se trouve libre, léger, disponible, en paix. L’amour de Joseph ne prend pas toute la place, mais il laisse à Marie l’espace d’accomplir sa vocation très particulière de fille du Père, mère du Fils, épouse de l’Esprit Saint...

Prier le psaume avec le Christ.

C’est le Christ qui prie en nous. C’est le Christ, verbe éternel qui prie pour que tout le cosmos, la terre entière retourne à l’ordre et à la noblesse que le Créateur lui destine. « Au Seigneur, le monde et sa richesse, la terre et tous ses habitants ! C’est lui qui l’a fondée sur les mers et la garde inébranlable sur les flots ».

C’est le Christ qui nous montre l’exemple de celui « Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint. L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles ». Il veut vivre en nous et inspirer les pensées de notre cœur, les actes de nos mains, le souffle de notre âme.

Et le psaume s’achève avec une promesse qui nous concerne : « Il obtient, du Seigneur, la bénédiction, et de Dieu son Sauveur, la justice. Voici le peuple de ceux qui le cherchent ! Voici Jacob qui recherche ta face ! »

Psaumes vécus ou interprétés par les apôtres.

Psaume (Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6) vécu par saint Pierre

« Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante. Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ; j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. »

Le Seigneur est mon berger. Il me fait vivre. Il me conduit. L’expression « ton bâton me guide et me rassure » désigne le bâton du berger qui écarte les dangers, ou les broussailles.

En Actes 12, c’est tout à fait extraordinaire : « Hérode fit périr par le glaive Jacques, frère de Jean. 3 Voyant que c'était agréable aux Juifs, il fit encore arrêter Pierre. C'étaient les jours des Azymes. 4 Il le fit saisir et jeter en prison, le donnant à garder à quatre escouades de quatre soldats ; il voulait le faire comparaître devant le peuple après la Pâque. 5 Tandis que Pierre était ainsi gardé en prison, la prière de l'Église s'élevait pour lui vers Dieu sans relâche. 6 Or, la nuit même avant le jour où Hérode devait le faire comparaître, Pierre était endormi entre deux soldats ; deux chaînes le liaient et, devant la porte, des sentinelles gardaient la prison. 7 Soudain, l'Ange du Seigneur survint, et le cachot fut inondé de lumière. L'ange frappa Pierre au côté et le fit lever : ‘Debout ! Vite !’ dit-il. Et les chaînes lui tombèrent des mains. 8 L'ange lui dit alors : ‘Mets ta ceinture et chausse tes sandales’ ; ce qu'il fit. Il lui dit encore : ‘Jette ton manteau sur tes épaules et suis-moi’. 9 Pierre sortit, et il le suivait ; il ne se rendait pas compte que ce fût vrai, ce qui se faisait par l'ange, mais il se figurait avoir une vision » (Ac 12, 1-0)

Ainsi vraiment, on peut appliquer ce verset du psaume à cette aventure de saint Pierre : « Si je traverse les ravins de la mort, [réalisons, cet Hérode qui veut faire comparaître Pierre est le même que celui du procès de Jésus et nous sommes juste un an après sa crucifixion] je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure ».

Psaume (Ps 15 (16), 1-2a.5, 7-8, 9-10, 11) interprété par saint Pierre

« Garde-moi, mon Dieu : j’ai fait de toi mon refuge. J’ai dit au Seigneur : ‘Tu es mon Dieu ! Seigneur, mon partage et ma coupe : de toi dépend mon sort’. Je bénis le Seigneur qui me conseille : même la nuit mon cœur m’avertit. Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il est à ma droite : je suis inébranlable. Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance : tu ne peux m’abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption. Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! À ta droite, éternité de délices ! »

C’est ce psaume que, le jour de la Pentecôte, Pierre, debout avec les onze autres Apôtres, utilisa ce psaume pour montrer que Jésus accomplit les écritures.

« Le jour de la Pentecôte, Pierre, debout avec les onze autres Apôtres, éleva la voix et leur fit cette déclaration : […] En effet, c’est de lui [Jésus] que parle David dans le psaume : Je voyais le Seigneur devant moi sans relâche : il est à ma droite, je suis inébranlable. C’est pourquoi mon cœur est en fête, et ma langue exulte de joie ; ma chair elle-même reposera dans l’espérance : tu ne peux m’abandonner au séjour des morts ni laisser ton fidèle voir la corruption. Tu m’as appris des chemins de vie, tu me rempliras d’allégresse par ta présence".

Frères, il est permis de vous dire avec assurance, au sujet du patriarche David, qu’il est mort, qu’il a été enseveli, et que son tombeau est encore aujourd’hui chez nous. [D’ailleurs, le discours de Pierre a lieu depuis la terrasse du cénacle et le tombeau de David est juste en contrebas]. Comme il était prophète [David], il savait que Dieu lui avait juré de faire asseoir sur son trône un homme issu de lui. Il a vu d’avance la résurrection du Christ, dont il a parlé ainsi : Il n’a pas été abandonné à la mort, et sa chair n’a pas vu la corruption. Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ; nous tous, nous en sommes témoins. Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l'a répandu sur nous, ainsi que vous le voyez et l’entendez. » (Ac 2, 14.22b-33)

Le psaume exprimait la confiance qu’avait David de ne pas être battu, ni laissé sans sépulture sur le champ de bataille. Mais dans notre contexte, Jésus est déjà mort. L’espérance incluse dans le Psaume de ne pas voir l’Hadès ni la corruption s’applique de ce fait à la Résurrection du Christ et non plus à l’invincibilité du Roi. Peut-être ce psaume était-il déjà lu à l’époque de Jésus dans le cadre des spéculations sur la résurrection. En tout cas, il est maintenant appliqué sans ambages à la résurrection de celui qui est, dans le même temps, désigné comme Roi Fils de David.

Cette désignation posait un problème important. En effet, on lit dans l’évangile de Marc un épisode où, « Prenant la parole, Jésus disait en enseignant dans le Temple : Comment les scribes peuvent-ils dire que le Christ est fils de David ? C'est David lui-même qui a dit par l'Esprit Saint : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Siège à ma droite, jusqu'à ce que j'aie mis tes ennemis dessous tes pieds. David en personne l'appelle Seigneur ; comment alors peut-il être son fils ? » (Mc 12, 35-37).

Pierre affirme que Jésus est le Messie, le Roi davidique, par la résur­rection. Pour cela il place au ciel le trône davidique anciennement situé à la droite du Temple ou de l’autel. Jésus avait refusé, de son vivant, de s’asseoir sur le trône terrestre de David et d’y jouer le rôle d’un messie libérateur, mais il maintenant qu’il est monté au ciel, il siège à la droite de Dieu.

Sa royauté est spirituelle, cela signifie qu’elle ne s’exerce pas par les moyens de coercition, mais par le rayonnement de l’amour. Le titre de sa royauté était écrit sur l’écriteau de sa croix. Au calvaire, c’était ironique, mais c’était une vérité. Lors de sa résurrection, sa royauté est le fruit de sa Passion.

La première raison pour laquelle l’homme pèche, c’est son manque d’amour. La Passion de Jésus est celle de l’amour, et l’amour fut restauré et replacé à son juste niveau.

Le péché vole à Dieu la gloire qui lui est due. En souffrant pour les péchés, la gloire du Père fut restaurée et replacée à son niveau.

Le péché engendre la faiblesse chez l’homme, par sa Passion, Jésus restaure en l’homme sa force perdue ; la force des créatures fut restaurée et replacée à son niveau.

Désormais, nous pouvons accueillir avec joie la royauté de Jésus. Et nous aussi, nous pouvons prier pour nous-mêmes ce beau psaume, ce n’est plus David qui prie Dieu de lui épargner la mort sur le champ de bataille, ce n’est plus Jésus qui prie Dieu de le ressusciter d’entre les morts, c’est chacun de nous qui prions Jésus, notre Seigneur, de restaurer l’amour, de glorifier pour nous le Père, et de restaurer en nous la force et la joie. 

Psaume (Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9) interprété par saint Paul

« Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! Allons jusqu’à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête acclamons-le ! Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits. Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu’il conduit. Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? ‘Ne fermez pas votre cœur comme au désert, où vos pères m’ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit’. » 

 « Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! Allons jusqu’à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête acclamons-le ! Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits ». L'adoration est la première attitude de l'homme qui se reconnaît créature devant son Créateur. Elle exalte la grandeur du Seigneur qui nous a fait et la toute-puissance du Sauveur, « ils avaient vu mon exploit ».

« Vos pères m’ont tenté et provoqué » : l'action de tenter Dieu consiste en une mise à l'épreuve, en parole ou en acte, de sa bonté et de sa toute-puissance. C'est ainsi que Satan voulait obtenir de Jésus qu'il se jette du Temple et force Dieu, par ce geste, à agir (cf. Lc 4, 9). Jésus lui oppose la parole de Dieu : "Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu" (Dt 6, 16). Le défi que contient pareille tentation de Dieu blesse le respect et la confiance que nous devons à notre Créateur et Seigneur. Il inclut toujours un doute concernant son amour, sa providence et sa puissance.

Les Évangiles parlent d'un temps de solitude de Jésus au désert (cf. Mc 1,12-13). A la fin de ce temps, Satan le tente par trois fois cherchant à mettre en cause son attitude filiale envers Dieu. Jésus repousse ces attaques qui récapitulent les tentations d'Adam au Paradis et d'Israël au désert, et le diable s'éloigne de lui "pour revenir au temps marqué" (Lc 4,13). Jésus est le nouvel Adam, resté fidèle là où le premier a succombé à la tentation. Jésus accomplit parfaitement la vocation d'Israël : contrairement à ceux qui provoquèrent jadis Dieu pendant quarante ans au désert (cf. Ps 95,10).

« Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? » Le temps est entre les mains du Père ; c'est dans le présent que nous le rencontrons, ni hier ni demain, mais aujourd'hui. Cet "aujourd'hui" du Dieu vivant où l'homme est appelé à entrer est "l'Heure" de la Pâque de Jésus qui traverse et porte toute l'histoire…

Ce que ne dit pas l’extrait choisi dans le Missel, c’est que ce psaume désigne le but, qui est d’entrer dans « le repos de Dieu » [Ps 95, 11]. Dans l’Ancien Testament, le « repos de Dieu » (cf. Gn 2,2) est le repos offert par lui au peuple de l'exode avec l'entrée dans la terre promise. Par exemple, en quittant le Sinaï : « Moïse dit au Seigneur : ‘Vois, tu me dis : Fais monter ce peuple, et tu ne me fais pas connaître qui tu enverras avec moi. Tu avais pourtant dit : Je te connais par ton nom et tu as trouvé grâce à mes yeux. Si donc j'ai trouvé grâce à tes yeux, daigne me faire connaître tes voies pour que je te connaisse et que je trouve grâce à tes yeux. Considère aussi que cette nation est ton peuple’. Le Seigneur dit : ‘J'irai moi-même, et je te donnerai le repos’ » (Ex 33, 12-14).

La Lettre aux Hébreux au chapitre 3 reprend ce sens matériel : « 15 Dans cette parole : Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos coeurs comme cela s'est produit dans la Querelle, 16 quels sont donc ceux qui, après avoir entendu, ont querellé ? Mais n'étaient-ce pas tous ceux qui sont sortis d'Égypte grâce à Moïse? 17 Et contre qui s'irrita-t-il pendant 40 ans ? N'est-ce pas contre ceux qui avaient péché et dont les cadavres tombèrent dans le désert ? 18 Et à qui jura-t-il qu'ils n'entreraient pas dans son repos [Ps 95, 11], sinon à ceux qui avaient désobéi ? 19 Et nous voyons qu'ils ne purent entrer à cause de leur infidélité » (Hé 3, 15-19).

Puis, au chapitre 4, la Lettre aux hébreux continue : « 1 Craignons donc que l'un de vous n'estime arriver trop tard, alors qu'en fait la promesse d'entrer dans son repos reste en vigueur. 2 Car nous aussi nous avons reçu une bonne nouvelle absolument comme ceux-là. Mais la parole qu'ils avaient entendue ne leur servit de rien, parce qu'ils ne restèrent pas en communion par la foi avec ceux qui écoutèrent. 3 Nous entrons en effet, nous les croyants, dans un repos, selon qu'il a dit : Aussi ai-je juré dans ma colère : Non, ils n'entreront pas dans mon repos [Ps 95, 11]. Les oeuvres de Dieu certes étaient achevées dès la fondation du monde, 4 puisqu'il a dit quelque part au sujet du septième jour : Et Dieu se reposa le septième jour de toutes ses oeuvres. 5 Et de nouveau en cet endroit : Ils n'entreront pas dans mon repos. [Ps 95, 1]6 Ainsi donc, puisqu'il est acquis que certains doivent y entrer, et que ceux qui avaient reçu d'abord la bonne nouvelle n'y entrèrent pas à cause de leur désobéissance, 7 de nouveau Dieu fixe un jour, un aujourd'hui, disant en David, après si longtemps, comme il a été dit ci-dessus : Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos coeurs... 8 Si Josué avait introduit les Israélites dans ce repos, Dieu n'aurait pas dans la suite parlé d'un autre jour. 9 C'est donc qu'un repos, celui du septième jour, est réservé au peuple de Dieu. 10 Car celui qui est entré dans son repos lui aussi se repose de ses oeuvres, comme Dieu des siennes » (Hé 4, 1-10).

La révélation du Nouveau Testament qui enseigne qu’après Jésus, l’histoire est une lutte qui trouvera son paroxysme lors de la manifestation de l’Antichrist que la Venue glorieuse du Messie anéantira (2Th 2, 3-12), en apportant à ceux qui l’attendent le salut et la vie – « Ainsi le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude, apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut [la vie] de ceux qui l’attendent » (He 9, 28) – permettant alors la réalisation du Règne de Dieu sur la terre comme aux Ciel (Mt 6, 10). L’étude de nombreux textes montre qu’il y a en effet un temps intermédiaire entre la Venue glorieuse du Christ et l’Assomption finale dans l’éternité. S. Irénée utilise le terme « Royaume des justes » qui n’est pas « le Ciel » mais une réalité terrestre par laquelle les justes s’accoutumeront à l’éternité. Et de nombreux Pères de l’Église désignent le temps de la Parousie en parlant du « septième jour » c’est-à-dire comme le jour du shabbat, le repos de Dieu, avant le « huitième jour » qui figure la vie éternelle (par exemple, saint Augustin, Sermon 259 ; cf. Gabrielle Lévy, Le 3e Temple et l’ultime Shabbat, l’arbre de vie et le secret de Marie, éditions Vérone, Paris 2022).

Sens littéral (historique), allégorique, moral ou anagogique (eschatologique).

« La lettre enseigne les faits, l’allégorie ce que tu crois, le sens moral ce que tu fais, l’anagogie ce vers quoi tu tends » (CEC 118).

Psaume (Ps 64 (65), 10abcd, 10e-11, 12-13, 14)

Tu visites la terre et tu l’abreuves, tu la combles de richesses ; les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau, tu prépares les moissons. Ainsi, tu prépares la terre, tu arroses les sillons ; tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies, tu bénis les semailles. Tu couronnes une année de bienfaits, sur ton passage, ruisselle l’abondance. Au désert, les pâturages ruissellent, les collines débordent d’allégresse. Les herbages se parent de troupeaux et les plaines se couvrent de blé. Tout exulte et chante !

Un psaume a un sens littéral, moral, allégorique et eschatologique.

Un sens littéral. Chacun sait que pour qu’une terre agricole retienne bien l’eau, il faut qu’elle soit riche en matière organique, en humus. Avant l’introduction des engrais chimique, la norme était autour de 8% de matière organique, maintenant, on se contente de 2% et moins encore. Chacun sait aussi que les haies d’un bocage limitent le ruissellement et aident l’eau à s’infiltrer jusqu’à la nappe phréatique. Mais, au-delà des savoir-faire humains, chacun est conscient que la vie vient du Créateur. Jamais l’homme ne saurait créer l’environnement vivant qui nous entourne. Nous ne savons que le préserver, lui donner des conditions favorables, ou pas. Il est donc tout à fait rationnel que le peuple hébreu remercie le Créateur pour la fécondité de la terre et des troupeaux.

Nous pouvons continuer à prier ce psaume dans son sens littéral. Au cours de l’histoire, même très récente, certaines populations chrétiennes éprouvées, ont eu des miracles pour se nourrir, en pleine guerre, en Herzégovine, des maisonnées chrétiennes envahis de réfugiés, ont vu des productions extraordinaires dans des potagers. Autre exemple, celle de la résurrection inespérée, d'une renaissance miraculeuse que plus personne n'attendait, celle de la mer d'Aral. Dans les années 1960, ce lac d'eau salée s'étendait sur plus de 65.000 kilomètres carrés entre le Kazakhstan et l'Ouzbékistan en Asie centrale. Quelques décennies plus tard, il avait perdu 70% de sa surface. La disparition de la mer d'Aral a été reconnue comme l'une des plus grandes catastrophes écologiques du XXe siècle. Une catastrophe fruit de l'activité humaine : c'est à cause du détournement des deux fleuves qui l'alimentaient que la mer s'est peu à peu changée en désert. Et avec elle, ont disparu les ports florissants et les filets remplis de poissons. Mais, Dieu sait pourquoi, "la Petite Aral" a commencé à se remplir à nouveau. Un retour qui a transformé le quotidien des riverains.

Le sens moral consiste à prendre en considération, l’Auteur de la vie et le Créateur de l’univers. Que penser de celui qui passe sa vie sans jamais un regard de reconnaissance ? Alors remercions Dieu pour tout ce que nous avons.

Le psaume a aussi un sens allégorique. On peut comparer celui qui lit la Bible chaque jour, ou le Missel, avec cette terre que Dieu visite : « Tu visites la terre et tu l’abreuves, tu la combles de richesses ; les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau, tu prépares les moissons ». Et en effet, celui qui lit la Parole de Dieu souvent prépare une belle moisson, des fruits de charité et de sainteté dans sa vie.

On peut comparer celui qui pleure ses péchés et fait une pénitence à la terre que Dieu prépare à un bel avenir : « Ainsi, tu prépares la terre, tu arroses les sillons ; tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies, tu bénis les semailles ».

On peut dire aussi, avec saint Augustin : « creusons d'abord des sillons qui seront ensuite arrosés ; que notre coeur trop dur s'ouvre au soc de la parole de Dieu. ‘Arrosez ses sillons, multipliez ses fruits’. Voilà ce que nous voyons ; les hommes croient, leur foi engendre d'autres croyants, et ces croyants d'autres croyants encore… Ainsi se multiplie la semence ; on jette quelques grains et des moissons surgissent » (Augustin, sur les Psaumes 65)

On peut comparer celui qui vient à l’Eucharistie (Eucharistie signifie action de grâce) à celui qui dit au Seigneur : « Tu couronnes une année de bienfaits, sur ton passage, ruisselle l’abondance. Au désert, les pâturages ruissellent, les collines débordent d’allégresse. Les herbages se parent de troupeaux et les plaines se couvrent de blé. Tout exulte et chante ! »

Avec saint Augustin : « Il y eut une première moisson, il y en aura une seconde à la fin des temps. La première moisson se composa de Juifs, parce que c'était à eux que les Prophètes étaient envoyés pour prêcher l'avènement du Sauveur. C'est pourquoi le Seigneur disait à ses disciples : ‘Voyez comme les campagnes blanchissent pour la moisson (Jn 4, 35)’ : c'étaient les campagnes de la Judée. ‘D'autres’, leur dit-il encore, ‘ont travaillé, et vous êtes entrés dans leurs travaux (Jn 4, 38)’. Les prophètes ont travaillé pour semer, et vous, c'est avec la faux que vous entrez dans leurs labeurs. La première moisson est donc faite, et c'est de ce premier froment qui fut alors purifié, que l'on a ensemencé toute la terre, pour produire cette autre moisson que l'on doit recueillir à la fin des temps […] De même que dans la première moisson les Prophètes travaillèrent jusqu'à l'arrivée du Sauveur : ainsi, dans cette seconde, ont travaillé les Apôtres, et travaillent tous les prédicateurs de la vérité, jusqu'à la fin des siècles, alors que le Seigneur enverra ses anges pour la récolte. C'était donc tout d'abord le désert, mais les confins du désert se sont engraissés. Voilà que dans les endroits où les Prophètes ne s'étaient pas fait entendre, on a reçu le Seigneur des Prophètes : les confins du désert s'engraisseront, et les collines auront une ceinture de joie ». (Augustin, sur les Psaumes 65).

Il y a un sens eschatologique.

« Tu prépares les moissons. […] Au désert, les pâturages ruissellent, les collines débordent d’allégresse. Les herbages se parent de troupeaux et les plaines se couvrent de blé. Tout exulte et chante ! »

Ces versets auront un accomplissement lors de la Venue glorieuse du Christ car nous lisons à la fin de l’Apocalypse :

« Puis l'Ange me montra le fleuve de Vie, limpide comme du cristal, qui jaillissait du trône de Dieu et de l'Agneau. Au milieu de la place, de part et d'autre du fleuve, il y a des arbres de Vie qui fructifient douze fois, une fois chaque mois ; et leurs feuilles peuvent guérir les païens. De malédiction, il n'y en aura plus ; le trône de Dieu et de l'Agneau sera dressé dans la ville, et les serviteurs de Dieu l'adoreront ; ils verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts » (Ap 22, 1-4 BJ)

Saint Paul dit : « Frères, j’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. »

Psaume (Ps 84 (85), 9ab-10, 11-12, 13-14)

J’écoute : Que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles. Son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre. Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice. Le Seigneur donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit. La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin. 

Ce psaume est une prière qui constitue une belle réponse à l’histoire du prophète Élie qui, après le miracle du mont Carmel, fut persécuté par la reine Jézabel, et marcha jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb. Dans le silence de la nuit, Élie aurait pu dire ce psaume : « J’écoute : Que dira le Seigneur Dieu ? » Et le murmure d’une brise légère qu’Élie entendit devait être la suite du psaume : « Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles. Son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre. »

Persécuté, Élie a connu la peur, il a été un vrai petit qui ne peut plus aller de l’avant par lui-même, et qui gémit vers son Dieu : "C'en est assez maintenant, Seigneur ! Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères" (1R 19, 4). Oui, et comme Élie, toi qui écoutes, tu expérimentes toute ta faiblesse. Désormais tu sauras que ce n’est que par la force de Dieu que tu tiens debout. Désormais tu ne pourras plus te complaire en toi-même. Tu ne seras fort que de la force de ton Dieu. Oui, désormais tu avanceras comme dans l’Exode, porté par la force de ton Dieu. Comme Élie, acceptons d’être constitués perdus et libérés, portés, emmenés par notre Dieu.

« Amour [ṭaybūtā : bonté, grâce, miséricorde] et vérité [qūštā : vérité ou justice] se rencontrent »

Dans toutes ses oeuvres Dieu montre sa bienveillance, sa bonté, sa grâce, son amour [ṭaybūtā] mais aussi sa fiabilité, sa constance, sa fidélité, sa vérité [qūštā]. Il est la Vérité, car "Dieu est Lumière, en Lui point de ténèbres" (1Jn 1,5); Il est "Amour", comme l'apôtre Jean l'enseigne (1Jn 4,8).

« La vérité [haymānutā : la vérité, la foi, la fidélité] germera de la terre et du ciel se penchera la justice [zadiqūtā].».

Le symbole des cieux nous renvoie au mystère de l'Alliance que nous vivons lorsque nous prions notre Père. Il est aux cieux, c'est sa Demeure, la Maison du Père est donc notre "patrie". « Or c'est dans le Christ que le ciel et la terre sont réconciliés (cf. Is 45,8 Ps 85,12), car le Fils "est descendu du ciel", seul, et il nous y fait remonter avec lui, par sa Croix, sa Résurrection et son Ascension » (CEC 2795)

Le psaume nous parle ainsi de Jésus, et nous pourrions parler aussi de Marie. « Personne n'a expérimenté autant que la Mère du Crucifié le mystère de la croix, la rencontre bouleversante de la justice divine transcendante avec l'amour : ce "baiser" donné par la miséricorde à la justice (Ps 85, 11 selon le latin) ». (Jean-Paul II, encyclique Dives in Misericordia 9)

« Le Seigneur donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit. »

Ce psaume contient une promesse, notre terre donnera son fruit.

Cette promesse a un sens au temps d’Élie : il va pleuvoir et il y aura une bonne récolte.

Cette promesse a un sens au temps de Jésus : la terre, en la personne de la Vierge Marie, va porter son fruit béni, Jésus : « notre terre donnera son fruit. »

Cette promesse a un sens eschatologique : la terre doit accomplir le dessein du créateur, quand l’humanité ayant accueilli son Sauveur, accomplira la volonté de Dieu sur la terre comme au Ciel. Cela aussi se réalisera un jour : « notre terre donnera son fruit. »

« La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin ». 

La justice, c’est zadiqūtā : justice, probité, un mot qui a les mêmes consonnes que le mot zedqetā aumône, bienfaisance. Nous trouvons ce mot en Mt 6, 1 traduit par justice ou par aumône selon les manuscrits, ce qui constitue d’ailleurs une preuve de l’origine araméenne de l’évangile, l’évangile a été composée oralement par Matthieu qui parlait araméen, et c’est ensuite que l’évangile a été traduite en grec. 

Le monde doit pratiquer la justice zadiqūtā, à la fois la probité et la bienfaisance. La première charité étant de donner aux autres ce qui leur est dû, mais la justice est aussi bienfaisance.

Psaume (Ps 96, 1-2, 4-5, 6.9)

Le Seigneur est roi ! Exulte la terre ! Joie pour les îles sans nombre ! Ténèbre et nuée l'entourent, justice et droit sont l'appui de son trône. Quand ses éclairs illuminèrent le monde, la terre le vit et s'affola ; les montagnes fondaient comme cire devant le Seigneur, devant le Maître de toute la terre. Les cieux ont proclamé sa justice, et tous les peuples ont vu sa gloire. Tu es, Seigneur, le Très-Haut sur toute la terre, tu domines de haut tous les dieux. 

1. À un premier niveau, ce psaume correspond à la foi d’Isaïe pour qui Dieu est le Roi des rois. Nous savions depuis les temps anciens, avec Samuel, que le peuple n’a pas d’autre roi que le Seigneur Dieu (1Sam 8). Mais ce qui est nouveau avec Isaïe, c’est que le Dieu d’Israël est perçu comme le Roi de toute la terre, lisons le récit de la vocation d’Isaïe : « L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui […]. Ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : "Saint, saint, saint est YHWH Sabaot, sa gloire emplit toute la terre" » (Isaïe 6, 1-3). A cette vision d’Isaïe fait ainsi écho le psaume : « Le Seigneur est roi ! Exulte la terre ! Joie pour les îles sans nombre ! Ténèbre et nuée l'entourent, justice et droit sont l'appui de son trône [….] Tu es, Seigneur, le Très-Haut sur toute la terre, tu domines de haut tous les dieux ».

2. À un second niveau, ce psaume correspond à un passage plus tardif du livre d’Isaïe, après l’épreuve de l’exil à Babylone, le prophète s’écrie : « Regarde Seigneur et vois... Tu es notre Père, notre rédempteur... Reviens à cause de tes serviteurs... Ah ! Si tu déchirais les cieux et si tu descendais, devant ta Face fondraient les montagnes... » (Is 63,15-19). On attend que le silence soit rompu et que Dieu de nouveau, dans sa fidélité, parle. Il s’agit d’une percée qui rejoint l’aujourd’hui de Dieu ou d’une attente pour les "derniers temps".

3. Or Dieu a répondu à l’attente d’Israël par l’incarnation de Jésus, le Messie, le Fils de Dieu. Sa venue a été humble, mais elle a été entourée de signes tels que les anges de Noël, la lumière de la Transfiguration, le tremblement de terre au moment de sa mort, et un autre tremblement de terre au moment de sa Résurrection, sa gloire a ensuite été annoncée à tous les peuples par les apôtres. Ce qui donne un troisième sens au psaume : « Quand ses éclairs illuminèrent le monde, la terre le vit et s'affola ; les montagnes fondaient comme cire devant le Seigneur, devant le Maître de toute la terre. Les cieux ont proclamé sa justice, et tous les peuples ont vu sa gloire ». Le Christ est Seigneur et il est roi pour tous ceux qui accueillent son salut. Il apporte la justice et la vie. Mais une partie des habitants du monde ont rejeté sa lumière, sa justice, et sa gloire.

4. C’est ainsi que ce psaume attend encore un accomplissement futur en écho avec la première lecture et la vision du prophète Daniel : « Je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » (Dn 7, 13-14).

L’Apocalypse s’ouvre sur une contemplation du Christ Jésus qui fait (entre autre) référence au chapitre 7 de Daniel : « Je me retournai pour regarder la voix qui me parlait ; et m’étant retourné, je vis sept candélabres d’or, et, au milieu des candélabres, comme un Fils d’homme revêtu d’une longue robe serrée à la taille par une ceinture en or. Sa tête, avec ses cheveux blancs, est comme de la laine blanche, comme de la neige, ses yeux comme une flamme ardente, ses pieds pareils à de l’airain précieux que l’on aurait purifié au creuset, sa voix comme la voix des grandes eaux » (Ap 1, 12-15). « Comme un Fils d’homme » fait penser à Daniel 7, 13 et « les cheveux blancs » à Daniel 7, 9. Plus profondément, l’ensemble du livre de l’Apocalypse constitue une interprétation du chapitre 7 de Daniel. En effet, les derniers chapitres de l’Apocalypse décrivent un jugement du monde, un jugement qui met fin à l’oppression du faux prophète et de la « bête », et ce jugement ne constitue pas l’ultime fin, mais le processus de la fin, laissant place à un mystérieux millénium dans lequel il y a place pour un royaume des justes sur la terre dans une transition vers l’éternité, ce qui correspond bien à la vision de Daniel ainsi bien sûr qu’au psaume 96.

Plus généralement, à la description de la corruption de Babel la grande (Ap 17) correspond le psaume 141, qui est une prière contre l’entraînement au mal : « que l’huile de l’impie jamais n’orne ma tête, car je me compromettrais encore dans leurs méfaits » (Ps 141, 4-5). Le psaume suivant demande : « Fais sortir de prison mon âme » (Ps 142, 8). Lui fait écho l’appel fait au croyant de sortir de Babel la grande : « Sortez, ô mon peuple ! » (Ap 18, 4). La supplique « En ton amour, anéantis mes ennemis ! » (Ps 143, 12) s’accomplit quand un ange puissant mime avec une meule jetée dans la mer la perte de Babel la grande (Ap 18, 21-24). Le psaume 147 invite Jérusalem à fêter son Dieu, et cette joie s’épanouira dans la Jérusalem nouvelle (Ap 20, 11 – 21, 8).

Psaume (Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14, 18)

1 Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ; je bénirai ton nom toujours et à jamais !
2 Chaque jour je te bénirai, je louerai ton nom toujours et à jamais.

8 Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour.
9 La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres.

10 Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent !

11 Ils diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits.

13 Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit, fidèle en tout ce qu’il fait.
14 Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, il redresse tous les accablés.

18 Le Seigneur est proche de tous ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité.

20 Le Seigneur garde tous ceux qui l'aiment, tous les impies, il les détruira.
21 Que ma bouche dise la louange du Seigneur, que toute chair bénisse son saint nom, toujours et à jamais !

Dans la Bible, le psaume est intitulé « Louange. De David » (Ps 145, 1). David est traditionnellement considéré comme l’auteur des psaumes. Mais, pour les chrétiens, Jésus-Christ est le Fils de David, ou plutôt le Seigneur de David (Mc 12, 36) et donc l’Orant des Psaumes, à partir de qui et avec qui nous les lisons et qui les prions. La signification historique originelle des textes ne doit pas être pour autant abolie, mais elle doit être dépassée.

« La lettre enseigne les faits, l’allégorie ce que tu crois, le sens moral ce que tu fais, l’anagogie ce vers quoi tu tends » (CEC 118).

« La lettre enseigne les faits » (CEC 118). Le sens historique se lit par exemple dans la vie de David, quand il adressa à Dieu un cantique pour le bénir de l’avoir délivré de tous ses ennemis et de la main de Saül « Dans mon angoisse j’invoquai Yahvé et vers mon Dieu je lançai mon cri ; il entendit de son temple ma voix et mon cri parvint à ses oreilles » Et « Tu m’exaltes par-dessus mes agresseurs, tu me libères de l’homme de violence. Aussi je te louerai, Yahvé, chez les païens, et je veux jouer pour ton nom. Il multiplie pour son roi les délivrances et montre de l’amour pour son oint, pour David et sa descendance à jamais. » (2Samuel 22).

« L’allégorie enseigne ce que tu crois » (CEC 118). L’allégorie, c’est ce qui annonce le Christ. « Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ; je bénirai ton nom toujours et à jamais ! » c’est ce qu’a fait la foule, peu avant la Passion de Jésus, en portant des rameaux. La foule « acclame » Jésus « roi d’Israël », et le salut apporté par la royauté du Messie (Jn 12, 12-13), tandis que Jésus accomplit la prophétie de Zacharie « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux [victorieux de Satan], humble, monté sur un âne » (Za 9, 9). David avait été délivré de la violence de Saul, Jésus a été soumis à la violence satanique de ses bourreaux, mais il a été délivré de la mort. Il est sorti du tombeau. Il est vivant, vainqueur de Satan, du mal et de la mort. « Chaque jour je te bénirai, je louerai ton nom toujours et à jamais ». Et la meilleure manière de le faire consiste à participer à la Messe, à l’Eucharistie, le mot « Eucharistie » signifiant « action de grâce » (même si nous ne communions pas) : Nous le bénissons pour la Passion d’amour et pour sa mort d’amour et pour sa résurrection d’amour. Nous bénissons le Père pour tout ce que le Christ a vécu. La bonté du Seigneur, c’est la bonté de Dieu le Père, et c’est aussi la bonté de son Fils Jésus, et cette bonté est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres. De même, on peut dire de Jésus : « Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, il redresse tous les accablés ».

« Le sens moral enseigne ce que tu fais » (CEC 118). Le sens moral pourrait être résumé en ces termes : aujourd’hui, je suis invité à me laisser aimer, à me faire pardonner, à être consolé. « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ». Ensuite, à mon tour, je suis invité à aimer les autres et à avoir de la tendresse pour mon entourage, car « la bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres ». Le sens moral, c’est aussi de savoir témoigner de l’action de Dieu dans notre vie : « Ils diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits ».

« L’anagogie enseigne ce vers quoi tu tends » (CEC 118). L’anagogie peut être développée à partir du verset : « Ils diront la gloire de ton règne » (v. 11). En effet, la gloire du règne du Christ sera manifestée lors de la Parousie. Le Christ aura son royaume sur la terre comme au Ciel, et il offrira ce royaume au Père, alors ce sera la Fin et la vie éternelle.

 

Saint Augustin, grand commentateur des psaumes

Psaume (Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)

« Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante. Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ; j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. »

Saint Augustin fit un beau commentaire de ce psaume. J’ai glané pour vous :

« 1. C'est l'Église qui s'adresse au Christ : ‘Le Seigneur me dirige et rien ne me manquera’ (Ps 22,1). Le Seigneur Jésus est mon pasteur, et je ne manquerai de rien.

2. ‘Il m'a placé dans un lieu de pâturage (Ps 22,2)’. Il m'a placé, pour me nourrir, dans ce lieu de pâturage qui commence par me conduire à la foi. ‘Il m'a entretenu le long des eaux salutaires’. Il m'a fait grandir par les eaux du baptême, qui rendent la force et la santé à ceux qui ont langui. [on pourrait ajouter aussi l’eau bénite, qui est un rappel du baptême).

3. ‘Il rend la force à mon âme, et me fait marcher dans les sentiers de la justice, pour la gloire de son nom (Ps 22,3)’. Il m'a conduit dans les sentiers étroits de sa justice, où peu savent marcher ; non point à cause de mes mérites, mais pour la gloire de son nom.

4. ‘Quand même je marcherais au milieu des ombres de la mort’. Dussé-je marcher au milieu de cette vie, qui est l'ombre de la mort… ‘Je ne craindrai aucun mal, parce que vous êtes avec moi (Ps 22,4)’. Je ne craindrai aucun mal, parce que vous habitez dans mon coeur par la foi, et maintenant vous êtes avec moi, afin qu'après les ombres de la mort, je sois avec vous.

Seigneur, vous avez préparé un festin sous mes yeux, afin que le lait de l'enfance (1Co 3,2) ne fût plus mon aliment, mais que, devenu plus grand, je prisse une nourriture qui me fortifiât contre ceux qui me persécutent. ‘Vous avez répandu sur ma tête une huile parfumée’. Vous avez donné à mon coeur une joie spirituelle. ‘Quelle délicieuse ivresse dans la coupe que vous m'avez donnée (Ps 22,5) !’ Combien est doux votre breuvage qui nous fait oublier les vains plaisirs !

6. ‘Et votre miséricorde me suivra tous les jours de ma vie (Ps 22,6)’; c'est-à-dire tant que je suis en cette vie mortelle, qui n'est pas la vôtre, mais la mienne. Afin que j'habite la maison du Seigneur, dans les jours éternels. Elle me suivra, non seulement ici-bas, mais elle me donnera la maison du Seigneur, pour la vie éternelle. » (Saint Augustin, sur les Psaumes, 23).

Psaume 32 (33), 4-5, 18-19, 20.22

« Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ; il est fidèle en tout ce qu’il fait. Il aime le bon droit et la justice ; la terre est remplie de son amour. Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour, pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de famine. Nous attendons notre vie du Seigneur : il est pour nous un appui, un bouclier. Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi ! »

Je voudrais vous faire découvrir, et goûter, le commentaire de saint Augustin sur ce psaume :

Le psaume : « Oui, elle est droite, la parole du Seigneur »

Saint Augustin, sur les Psaumes, 33 : « Autant Dieu est au-dessus de l'homme, autant la volonté divine est au-dessus de la volonté humaine. C'est pourquoi le Christ s'étant fait homme, nous donne sa vie comme un modèle, et voulant tout à la fois nous apprendre à vivre et nous en mériter la grâce, nous fait voir en lui une certaine volonté humaine et privée, qui figurait à la fois la sienne et la nôtre, car il est notre chef, et vous le savez, nous lui appartenons comme ses membres : «Mon Père», dit-il, «s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi». Voilà une volonté humaine, qui s'arrêtait sur un objet propre et particulier. Mais comme il voulait que l'homme eût le coeur droit, afin de le porter à redresser sur le modèle qui est toujours droit, ce qu'il pouvait avoir de tortueux, quelque peu que ce fût, il ajoute : «Et pourtant, non point ce que je veux, mais ce que vous voulez, ô mon Père». Or, quelle volonté perverse pouvait avoir le Christ? Que pouvait-il vouloir, que ne voudrait point son Père ? Ils n'ont qu'une même divinité, et ne peuvent avoir une volonté différente. […] Comment pourrais-tu être séparé de Dieu ; quand tu veux ce qu'il veut ? C'est alors que tu seras droit, et qu'il te siéra de bénir Dieu : «Car c'est aux coeurs droits de le louer».

Mais si ton coeur est tortueux, tu béniras Dieu dans la prospérité, pour le blasphémer dans le malheur ; et toutefois le mal n'est plus un mal quand il est juste ; et il est juste quand il vient de la part d'un Dieu qui ne peut rien faire d'injuste. Tu seras donc dans la maison paternelle comme l'enfant ingrat, tu aimeras ton père quand tu en recevras des caresses, et tu le haïras s'il vient à te châtier : comme si ses châtiments aussi bien que ses caresses ne te préparaient pas à devenir son héritier.

Il faut apprendre à ceux qui déjà bénissent Dieu dans la prospérité, à reconnaître qu'il est père encore quand il châtie, à ne point murmurer contre sa main qui les afflige, de peur qu'ils ne demeurent dans la dépravation, qu'ils ne déméritent et ne soient justement privés de l'héritage éternel ; il le faut, afin qu'ils deviennent droits, et ils seront droits quand rien dans les actes de Dieu ne leur déplaira. »

Le psaume : « Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ; il est fidèle en tout ce qu’il fait. Il aime le bon droit et la justice ». Saint Augustin : « Je ne veux pas vous questionner au sujet de votre justice ; car nul d'entre vous sans doute n'oserait me répondre: Je suis juste ; mais je vous interroge au sujet de votre foi ; et de même que nul n'oserait me répondre : Je suis juste ; nul aussi n'oserait me dire: Je n'ai pas la foi. Je ne cherche donc point quelle est ta vie, je demande ce que tu crois. Tu me répondras que tu crois en Jésus-Christ. N'entends-tu point l'Apôtre qui te dit : «Le juste vit de la foi ?» Ta foi, c'est là ta justice : car, si tu crois, tu es sur tes gardes ; si tu es sur tes gardes, tu fais des efforts, et tes efforts sont connus de Dieu. »

Le psaume : «La terre est pleine des miséricordes du Seigneur ». Saint Augustin : « La divine miséricorde se diversifie à l'infini : Dieu a de la patience, de la longanimité. Les biens dont il gratifie les méchants ne nous montrent que mieux ceux qu'il réserve aux bons […] Où donc l'Évangile n'est-il pas prêché ? Où cette parole de Dieu ne se fait-elle pas entendre ? Où n'offre-t-on pas le salut ? Le psaume : «La terre est pleine des miséricordes du Seigneur » !

Le psaume : « Voilà que les yeux du Seigneur s'arrêtent sur ceux qui le craignent ». Saint Augustin : Si tu cherches le salut, Dieu incline son amour sur ceux qui le craignent. « Et qui espèrent en sa miséricorde». Qui espèrent, non dans leur propre vertu, mais dans la divine miséricorde.

Le psaume : «Afin d'arracher leurs âmes à la mort, et de les nourrir pendant la famine ». Saint Augustin : Afin de les nourrir de son Verbe et de l'éternelle vérité, qu'ils avaient perdue en présumant de leurs forces, et ils ont faim de la justice.

Le psaume : « Notre âme attendra patiemment le Seigneur ». Saint Augustin : Pendant qu'elle est en cette vie, notre âme attendra patiemment le Seigneur. « Car il est notre secours et notre protecteur». Il nous aide quand nous nous dirigeons vers lui ; il nous protège quand nous résistons à l'ennemi. Il nous protège quand nous résistons à l'ennemi !

Le psaume : « C'est en lui que s'épanouira notre coeur ». Saint Augustin : Ce n'est pas en nous, puisque nous n'y trouvons que misère quand Dieu n'y est point, mais en Dieu que notre coeur s'épanouira. Nous avons mis notre espoir dans « la sainteté de son nom». Et si nous espérons arriver un jour à Dieu, c'est qu'il nous a fait connaître son nom par la foi, quand nous étions éloignés de lui.

Le psaume : « Que votre miséricorde, ô Dieu, descende sur nous, selon que nous avons espéré en vous ». Saint Augustin : Oui, Seigneur, que votre miséricorde s'épanche sur nous, car nous avons mis notre espérance en vous, et cette espérance est infaillible.

Psaume (Ps 50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17)

« Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. Contre toi, et toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint. Rends-moi la joie d’être sauvé ; que l’esprit généreux me soutienne. Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange ».

Nous allons suivre et résumer le commentaire de saint Augustin sur ce psaume :

 En voici le titre : «Psaume de David, lorsque le prophète Nathan vint le trouver, après son adultère avec Bethsabée»; car Bethsabée était femme et épouse d'un autre homme. Nous ne le disons qu'avec douleur et en tremblant; et pourtant ce n'est point pour qu'on en garde le silence, que le Seigneur l'a fait consigner dans l'histoire. David fit même tuer à la guerre le mari de cette femme; à l'adultère il joignit le meurtre: et après ce crime le prophète Nathan lui fut envoyé, et envoyé par le Seigneur, pour lui reprocher un si grand forfait 2S 11,1-14 Il faut donc veiller à cette faiblesse de la chair, et se souvenir de ces paroles de l'Apôtre: «Que le péché ne règne pas dans votre chair mortelle Rm 6,12». L'Apôtre n'a pas dit: Qu'il n'y soit point; mais: «Qu'il n'y règne pas». Le péché est en toi, quand tu en ressens l'attrait; il y règne, si tu y consens. Il faut réprimer l'attrait charnel, surtout lorsqu'il nous porte à ce qui est défendu, à ce qui est funeste, et non lui lâcher les rênes. Il faut le dominer, et non pas en être dominé. Regarde sans crainte, si tu n'as rien qui te porte au mal. Mais, diras-tu, je résiste avec force. Es-tu donc plus fort que David? Ecoute aussi, toi pécheur, et dis avec David: «Ayez pitié de moi, ô mon Dieu, selon la grandeur de votre miséricorde +Ps 50,3». Implorer une grande miséricorde, c'est avouer une grande misère. 

« Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. »

Je ne m'oublie point moi-même pour regarder les autres, je ne cherche point à ôter la paille de l'oeil de mon frère, quand il y a une poutre dans mon oeil Mt 7,3 ; «J'ai péché contre vous, contre vous seul, j'ai commis le mal en votre présence», Que veut dire cette parole? Est-ce que l'adultère de cette femme et le meurtre du mari ne furent connus d'aucun homme ? Tous ne savaient-ils point le crime de David? Que signifie: «J'ai péché contre vous seul, j'ai commis le mal en votre présence?» C'est que Dieu seul est sans péché. Celui-là seul punit avec justice, qui n'a rien en soi que l'on doive punir. 

« Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. » Comme il était coupable d'un crime, et qu'avant ce crime il était plus innocent, il nous montre ainsi la valeur de cette expression: «Créez. Et renouvelez au fond de mon âme l'esprit de droiture». Mon crime, dit-il, avait détruit et courbé la droiture de mon esprit. Il dit dans un autre psaume: «Ils ont, courbé mon âme ». Et quand l'homme se penche vers les convoitises du temps, il se courbe en quelque sorte; quand il s'élève aux biens d'en haut, de manière à trouver la douceur en Dieu, son coeur devient droit. «Combien est bon le Dieu d'Israël, pour ceux «qui ont le coeur droit !» Donc, mes frères, écoutez.

Souvent Dieu châtie de ses péchés en cette vie l'homme auquel il pardonne pour l'autre vie. David lui-même, à qui Dieu avait dit par son Prophète: «Votre péché vous est remis », dut subir les châtiments dont Dieu l'avait menacé à cause de sa faute. Son fils Absalon lui fit une guerre sanglante et le réduisit à d'humiliantes extrémités. Il marchait dans la douleur, dans l'affliction et le mépris, tellement soumis à Dieu qu'il reconnaissait sa justice dans ces traitements, et confessait qu'il ne souffrait rien qu'il n'eût mérité. Déjà son coeur était redressé, et Dieu ne lui déplaisait point. Il entendit patiemment un homme qui l'injuriait et lui jetait à la face des imprécations,un homme qui se déclarait son ennemi, et marchait avec les soldats de son fils rebelle. A ces malédictions jetées au roi, un des compagnons de David voulut courir sur cet insolent et le tuer; mais David le retint. En quels termes? «C'est Dieu», dit-il, «qui l'a envoyé pour me maudire». Il reconnaît donc sa faute, il en approuve le châtiment, il ne cherche point sa propre gloire; il bénit le Seigneur du bien qu'il trouve en lui-même, il bénit le Seigneur des maux qu'il endure, il bénit le Seigneur en tout temps; la louange du Seigneur est toujours en sa bouche.

Tels sont les hommes au coeur droit: bien différents de ces hommes dépravés qui se croient justes et Dieu pervers; qui jubilent quand ils font le mal; qui blasphèment quand ils souffrent; qui sous le fouet de la tribulation s'écrient dans leur âme dépravée: Dieu, que t'ai-je fait? En vérité, ils n'ont rien fait pour Dieu, ils ont tout fait pour eux-mêmes : «Renouvelez dans mes entrailles l'esprit de droiture».

« Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint »

«Ne me repoussez point de votre présence». Détournez vos regards de mes péchés, mais ne m'éloignez pas de votre présence. Il redoute le regard de Dieu, et néanmoins il invoque ce regard. «Ne m'éloignez pas de votre présence, et ne retirez pas de moi votre Esprit Saint ». Car le Saint-Esprit est dans celui qui avoue ses fautes. Que votre péché vous déplaise, c'est là un don de l'Esprit Saint. Le mal plaît à l'esprit impur, il déplaît à l'esprit de sainteté : et quoique, d'une part, tu demandes encore pardon à Dieu, néanmoins comme d'autre part, tu as en aversion le mal que tu as fait, tu es uni à Dieu, puisque tu hais ce qu'il hait. Ainsi, vous voilà deux contre la fièvre, le médecin et toi. Aussi le Prophète ne dit point : Donnez-moi votre Esprit Saint, mais : « Ne le retirez pas de moi. Ne retirez pas de moi votre Esprit Saint ».

«Seigneur, vous ouvrirez mes lèvres, et ma bouche publiera vos louanges.
Vos louanges, parce que vous m'avez créé ; vos louanges, parce que vous ne m'avez pas abandonné, malgré mon péché ;

os louanges, parce que vous m'avez averti de confesser ma faute ;
vos louanges, parce que vous m'avez purifié afin que je fusse en sûreté :
V
ous ouvrirez mes lèvres, et ma bouche publiera vos louanges».

Psaume (Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9)

« Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! Allons jusqu’à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête, acclamons-le ! Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits. Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu’il conduit. Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? ‘Ne fermez pas votre cœur comme au désert, où vos pères m’ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit’. » 

Saint Augustin offre ce commentaire :

« Accourez, chantons au Seigneur ». Il nous invite au grand festin de l'allégresse, non point à nous réjouir selon le monde, mais selon Dieu. S'il n'y avait point dans le monde une allégresse condamnable, qu'il faut distinguer de la sainte allégresse, il suffirait de dire « Accourez, et chantons ». Mais un seul mot marque la distinction. Qu'est-ce qu'une joie sainte ? Celle que l'on prend en Dieu. La joie est donc mauvaise quand elle est selon le monde, légitime quand elle est selon Dieu. Il te faut goûter en Dieu une sainte joie, si tu veux sans crainte mépriser le siècle.
Mais pourquoi dire : «Venez?» D'où vient qu'il appelle, qu'il fait venir ceux avec lesquels il veut se réjouir dans le Seigneur, sinon parce qu'ils sont loin encore de venir et de s'approcher, loin de s'approcher et d'arriver, loin d'arriver et de se réjouir ? […]

Ce n'est point par la distance des lieux que l'on s'éloigne de Dieu, mais pas la dissemblance. Qu'est-ce à dire, dissemblance ? Une vie mauvaise, des moeurs dépravées. Si une vie pure nous rapproche de Dieu, une vie désordonnée nous en éloigne. […] C'est donc à ceux qu'une vie dissolue éloignait de Dieu, que notre psaume vient dire : ‘Venez et chantons au Seigneur ». Où allez-vous ? Pourquoi vous écarter ? Vous éloigner ? Où fuyez-vous en prenant part aux joies du siècle ? «Venez, réjouissons-nous dans le Seigneur ». Pourquoi ces joies qui feront votre perte ? Venez, réjouissons-nous dans celui qui nous a faits. ‘Venez, tressaillons dans le Seigneur’. […] Ne devons-nous pas ressentir cette joie du ciel qui laisse bien loin les paroles humaines ? » (Augustin, sur les Psaumes 95)

Psaume (Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8) le « De profundis ».

« Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne. J’espère le Seigneur de toute mon âme ; je l’espère, et j’attends sa parole. Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. Oui, près du Seigneur, est l’amour ; près de lui, abonde le rachat. C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes ».

Ce psaume très célèbre est appelé le « De profundis ».

Le psaume s’adresse à Dieu en disant : « près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne ». La crainte est une attitude de respect et d’amour. Il est significatif que ce qui fait naitre la crainte n’est pas le châtiment mais le pardon. Plus que la colère de Dieu, c’est sa générosité, sa magnanimité qui provoque en nous une sainte crainte.

« J’espère le Seigneur de toute mon âme ; je l’espère, et j’attends sa parole » : c’est l’expression de la certitude que Dieu prononcera une parole de libération qui effacera le péché.

La finale du psaume est branchée sur la foi historique du peuple de l’Alliance. « Oui, près du Seigneur, est l’amour ; près de lui, abonde le rachat. C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes ». C’est un rappel de l’histoire où Dieu fit tant de miracles pour son peuple, en particulier au moment de la sortie d’Égypte.

Écoutons maintenant comment saint Augustin méditait ce psaume :

« Du fond de l'abîme le Prophète a crié vers le Seigneur. Cet abîme est celui du péché, et l'homme qui a pu y tomber ne saurait s'en relever par lui-même. Crier c'est déjà en sortir ; compter sur soi-même, ou s'abandonner au mal par désespoir, c'est dédaigner le secours divin, et Jésus-Christ est venu nous soulever afin de nous faire crier. C'est donc le pécheur qui crie, et il crie par espérance, et cette espérance lui vient de Jésus-Christ. […]

Mais crier du fond de l'abîme, c'est sortir de l'abîme, et ce cri même empêche qu'on soit longtemps dans ces profondeurs. [….]

Il voit que la vie humaine est un long aboiement du péché, que toutes les, consciences sont condamnées par leurs propres pensées, et qu'il n'est pas un coeur assez chaste pour présumer de sa justice. […] Un sang innocent a été répandu pour laver les péchés des coupables ; et une telle rançon a racheté tous les captifs de la puissance de l'ennemi qui s'en était rendu maître. Il y a donc en vous [Seigneur] propitiation. [Dans l’Ancien Testament, on aspergeait le couvercle de l’Arche d’Alliance, le propitiatoire, du sang du sacrifice, en rémission des péchés]. Si vous n'étiez enclin à pardonner, si vous ne vouliez être qu'un juge sans miséricorde, examiner, rechercher toutes les iniquités, qui pourrait subsister ? qui pourrait se tenir en votre présence, et vous dire : Je suis innocent? Qui pourrait soutenir l'éclat de votre jugement ? Il ne nous reste donc pour unique espérance « que la propitiation qui est en vous ». […]

Le pécheur en effet s'était oublié, il ne se voyait point, et la loi lui fut donnée afin qu'il se vît. La loi donc a rendu l'homme coupable, mais le législateur l'a délivré : ce législateur est le souverain Maître. La loi donc a été donnée pour effrayer, pour tenir le pécheur dans des liens ; elle ne délivre donc pas des péchés, mais elle montre le péché. Peut-être que l‘interlocuteur, placé sous la loi, a reconnu dans l'abîme tous les crimes qu'il a commis contre la loi, et alors il s'est écrié : « Si vous examinez les iniquités, qui donc pourra subsister, ô mon Dieu ? […]

[« Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore »]. L’aurore. Comme donc c'est à la vigile du matin que le Christ a commencé à ressusciter; c'est alors que notre âme a commencé à espérer. C'est à la résurrection du Sauveur qu'a commencé ton espérance, qu'elle ne finisse qu'à ta sortie de ce monde. Si tu n'espères en effet jusqu'à la nuit, ton espérance passée est perdue. Il est en effet des hommes qui commencent à espérer, mais qui ne persévèrent pas jusqu'à la nuit. […]

Mais tu pourrais avoir cette pensée : Si le chef est ressuscité parce qu'il n'était point chargé d'iniquités, et parce qu'il n'avait en lui aucun péché, nous autres que pourrons-nous devenir ? Pouvons-nous espérer une résurrection semblable à celle de Notre Seigneur, accablés de péchés comme nous le sommes ? Pour l'écarter, vois ce qui suit : « Car dans le Seigneur est la miséricorde et une abondante rédemption. Et il rachètera Israël de toutes ses iniquités ». Si donc Israël se trouvait accablé, voici la divine miséricorde. Celui qui était sans péché a marché le premier, afin d'effacer les péchés de ceux qui le suivraient » (St Augustin, sur les Psaumes 130)

Synthèse Françoise Breynaert


[1] Le latin, le grec et le français donnent partout le même verbe « sauver », mais l’araméen a deux verbes différents. Au verset 35b et 37 nous avons « naḥḥe », impératif du verbe vivre ḥyā conjugué à l’aphael : sauver, vivifier. Mais au verset 39 nous avons « paṣṣā » impératif du verbe paṣṣī : sauver délivrer.

[2] Barsanuphe et Jean de Gaza, Epistolario, 39: Collection de Textes patristiques, XCIII, Rome 1991, p. 109

Date de dernière mise à jour : 05/09/2023