21e dimanche ordinaire C

Logo radio esperance

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30. 

 

Première lecture (Is 66, 18-21) 1

Psaume (Ps 116 (117), 1, 2) 3

Deuxième lecture (He 12, 5-7.11-13) 5

Évangile (Lc 13, 22-30)

 

7

Première lecture (Is 66, 18-21)

Ainsi parle le Seigneur : connaissant leurs actions et leurs pensées, moi, je viens rassembler toutes les nations, de toute langue. Elles viendront et verront ma gloire : je mettrai chez elles un signe ! Et, du milieu d’elles, j’enverrai des rescapés vers les nations les plus éloignées, vers les îles lointaines qui n’ont rien entendu de ma renommée, qui n’ont pas vu ma gloire ; ma gloire, ces rescapés l’annonceront parmi les nations. Et, de toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères, en offrande au Seigneur, sur des chevaux et des chariots, en litière, à dos de mulets et de dromadaires, jusqu’à ma montagne sainte, à Jérusalem, – dit le Seigneur. On les portera comme l’offrande qu’apportent les fils d’Israël, dans des vases purs, à la maison du Seigneur. Je prendrai même des prêtres et des lévites parmi eux, – dit le Seigneur. – Parole du Seigneur.

La lecture de ce dimanche reflète l’existence d’un prosélytisme juif : « j’enverrai des rescapés vers les nations les plus éloignées, vers les îles lointaines qui n’ont rien entendu de ma renommée, qui n’ont pas vu ma gloire ; ma gloire, ces rescapés l’annonceront parmi les nations » (Is 66, 19).

De la sorte, au temps de Jésus, il existait une importante diaspora juive dont le prosélytisme était bien connu des auteurs de l’Antiquité (Horace, Sénèque…) [1] ; Philon d’Alexandrie (né vers 20 av. J.-C. et mort vers 45 apr. J.-C.) se réjouissait de la diffusion du judaïsme qu’il observe « chez tous les peuples barbares, grecs, continentaux, insulaires, nations d’Orient, d’Occident, Europe, Asie, toute la terre habitée d’une extrémité à l’autre où l’on honore le saint jour du shabbat » (Vie de Moïse II, 20-21). Les Actes des apôtres donnent une idée de l’étendue de la diaspora juive qui envoyait à Jérusalem des pèlerins venus de toutes les régions de l’Empire parthe et de l’Empire romain (Ac 2, 5.9-11). Les apôtres ont été envoyés « vers les brebis qui se sont éloignées de la maison d’Israël » (Mt 10, 6), c’est-à-dire dans la diaspora juive. Ils ont suivi des routes commerciales où ils ont trouvé des traducteurs, à Rome et en Espagne, en Égypte et au Soudan, en Irak et en Inde, etc…

Les versets d’Isaïe trouvent un accomplissement dans le christianisme, quand Jésus ressuscité dit à ses disciples : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde [araméen : l’accomplissement du monde [šūlāmēh dālmā] » (Mt 28, 19-20). Et dans l’évangile de ce dimanche, nous entendrons Jésus qui prophétise le cortège des élus, le pèlerinage des nations, depuis les quatre points cardinaux. Vraie postérité d’Abraham, ils arriveront en dernier, mais, au vu de leur lutte pour entrer par la porte étroite, ils seront les premiers :

« 29 Et ils viendront de l’Orient et de l’Occident, / du sud et du nord,
et ils s’attableront / dans le royaume de Dieu.
30 Et, voici, il y aura des derniers / qui seront premiers,
et il y aura des premiers / qui seront derniers ! » (Lc 13, 29-30)

De plus, les versets d’Isaïe sont le fruit d’une longue maturation spirituelle que la Commission biblique internationale a résumé en ces termes :

« À travers l’expérience de l’Exil, Israël comprend que YHWH son Dieu lui est proche, quoi qu’il en soit et où que ce soit. Sa présence et son action salvifique ne sont pas limitées à un lieu déterminé (la Terre promise ou le Temple), mais sont vraiment universelles. Cette amplification correspond à l’émergence de la doctrine de la création. Le grand mystère, qui progressivement vient à la lumière, est précisément la perception du fait que le Dieu d’Abraham et de l’Exode est Celui qui, "au commencement, créa le ciel et la terre" (Gn 1,1). Dans l’horizon de cette ouverture (le Dieu des Pères et de l’Exode est le Seigneur de tout le créé), Dieu est Celui qui est destiné à être connu - et reconnu - par les peuples de la terre comme le Dieu du salut pour tous les hommes.

Israël comprend aussi que YHWH ne ressemble en rien aux dieux "des nations". Ceux-ci apparaissent comme des dieux impuissants à donner le salut, même à ceux qui se confient en eux : "Ils se trompent ceux qui transportent leurs idoles de bois et qui prient un dieu qui ne peut les sauver. […] Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre, parce que je suis Dieu et qu’il n’en est pas d’autre" (Is 45,20-22).

Au terme de cette lente maturation, […] Baruch exhorte le peuple à maintes reprises à ne pas avoir peur des idoles et à ne pas céder à leur séduction : "N’ayez pas peur, ils ne sont pas des dieux" (Ba 6,14 6,22 6,28 6,64) [2]. Le Livre de la Sagesse complète le processus, dévoilant l’origine purement humaine des idoles et des faux dieux : "Les idoles n’existaient pas à l’origine, et elles n’existeront pas toujours ; c’est la superficialité des hommes qui les a fait entrer dans le monde " (Sg 14,13-14). YHWH a toujours été, et pour toujours il demeurera, l’unique et seul Dieu.

21 L’unicité de Dieu, créateur du monde, obtient son sens absolu, en liaison avec l’ouverture du sens universel de son offre de salut. À mesure que s’affirme le caractère exclusif du lien de Dieu avec l’antique Israël, témoin élu de sa puissance et de son amour, s’accentue en proportion la destination universelle de son alliance avec la création. Le fil rouge de cette destination ouverte de la révélation était déjà tressé avec l’ancienne promesse faite à Abraham, à l’intérieur de laquelle "toutes les nations de la terre" étaient bénies par anticipation (Gn 12,3). Et, avant encore, il rutilait dans l’arc-en-ciel qui marquait symboliquement la promesse faite à Noé en faveur de toutes les créatures de la terre (Gn 9,8). Au point qu’il est devenu le motif dominant d’une "eschatologie de l’alliance", propre et véritable, en laquelle s’ouvre le temps de l’attente. Quand le peuple témoin de Dieu recevra un "coeur nouveau" (Jr 31,31 s ; Ez 16,59), "des peuples nombreux" viendront à la montagne du Seigneur, en demandant au "Dieu de Jacob" de leur "montrer ses chemins" et de "les accompagner sur leurs routes" (Is 2,3). La grande prophétie d’Israël ouvre à la fin - et nous assigne - l’horizon de l’affirmation sur l’unicité de Dieu qui s’accomplit selon le scénario (messianique, eschatologique, apocalyptique) d’une réconciliation définitive entre les hommes (cf. Is 66,18-21). Quand Dieu sera reconnu, parmi toutes les nations, comme le créateur puissant, le juste juge et le sauveur miséricordieux de tous les hommes, "un peuple ne lèvera plus l’épée contre un autre peuple" (Is 2,4). » (Commission biblique internationale, Dieu Trinité, unité des hommes, (2014) § 20-21)

Psaume (Ps 116 (117), 1, 2)

« Louez le Seigneur, tous les peuples ; fêtez-le, tous les pays !
Son amour envers nous s’est montré le plus fort ; éternelle est la fidélité du Seigneur ! »

Les mots du verset 2 :

En hébreu : « Son amour [ḥessed] envers nous s’est montré le plus fort ; éternelle est la fidélité [emet] du Seigneur ! »

ḥessed : l’amour ou la miséricorde n’est pas seulement un sentiment mais elle implique des actes, les œuvres de miséricorde, des bonnes choses [ṭaybūtā en araméen]…

emet : la fidélité est la qualité de ce qui est fiable, c’est une qualité liée à la vérité.

Grec de la LXX : « Car a été fortifiée (κραταιοω) sur nous sa miséricorde (ελεος), et la vérité (αληθεια) du Seigneur demeure pour toujours ».

Le texte syriaque (Bible de Mossoul) : « Car est forte / intense (ܥܫܢ) sur nous sa bonté / grâce [ṭaybūtā ܛܝܒܘܬܐ), vraiment (ܫܪܝܪܐܝܬ) le Seigneur est pour toujours ».

Le sens historique :

« Louez le Seigneur, tous les peuples ; fêtez-le, tous les pays !
Son amour envers nous s’est montré le plus fort ; éternelle est la fidélité du Seigneur ! »

Ce que fait Dieu pour le peuple élu est une bonne nouvelle pour tous les peuples.

L’amour de Dieu pour son peuple n’exclut pas les autres peuples.

Dieu étant le créateur de tout l’univers, son amour s’étend à tout l’univers, à tous les peuples et à tous les pays.

Dieu est UN, son acte est unique, son amour est unique, sa volonté est unique pour tous les hommes.

De plus, nous dit Benoît XVI, « Celui qui connaît la Parole divine connaît aussi pleinement la signification de toute créature. Si toutes les choses, en effet, ‘subsistent’ en Celui qui est ‘avant toutes choses’ (cf. Col 1,17), alors celui qui construit sa propre vie sur sa Parole bâtit vraiment de manière solide et durable.
La Parole de Dieu nous pousse à changer notre idée du réalisme : la personne réaliste est celle qui reconnaît dans le Verbe de Dieu, le fondement de tout. Nous en avons particulièrement besoin à notre époque, où de nombreuses choses sur lesquelles nous nous appuyons pour construire notre vie, sur lesquelles nous sommes tentés de reporter notre espérance, se révèlent éphémères. L'avoir, le plaisir et le pouvoir se manifestent tôt ou tard incapables de réaliser les aspirations les plus profondes du coeur de l'homme. En effet, pour construire sa vie, celui-ci a besoin de fondements solides, qui demeurent même lorsque les certitudes humaines s'estompent. En réalité, puisque ‘pour toujours, ta parole, Seigneur, se dresse dans les cieux’ et que la fidélité du Seigneur dure ‘d'âge en âge’ (cf. Ps 119,89-90), celui qui bâtit sur cette parole construit la maison de sa vie sur le roc (cf. Mt 7,24). Que notre coeur puisse dire tous les jours à Dieu : ‘Toi mon abri, mon bouclier, j'espère en ta parole’ (Ps 119,114) et, comme saint Pierre, que nous puissions agir tous les jours en nous en remettant au Seigneur Jésus : ‘sur ton ordre, je vais jeter les filets’  (Lc 5,5) » (Benoit XVI, exhortation apostolique postsynodale 2010 Verbum Domini § 10)

À la fidélité du Seigneur doit répondre la nôtre :

« La voix de Dieu entendue au Sinaï, transmise et codifiée par Moïse, continue de se manifester dans l'histoire d'Israël à travers la parole des prophètes qui, semblables à Moïse (Dt 18,15), sont les témoins de la fidélité du Seigneur à son alliance et aux commandements qui la rendent effective.

Apparaît ici significative l'inclusion entre la première page du recueil prophétique, où se trouve l'invitation à ‘prêter l'oreille à la Torah de Dieu’ (Is 1,10), et l'un des derniers versets du même recueil, où l'on peut lire : ‘Souvenez-vous de la Loi de mon serviteur Moise, à qui J'ai donné, à l'Horeb, des lois et des coutumes pour l'ensemble d'Israël’ (Ml 3,22). Les prophètes, en effet, ont le devoir de rappeler le peuple à l'observance de ce que Dieu a prescrit comme condition de l'alliance (Mi 6,8) […]

Jésus, comme les prophètes anciens, a enseigné à ‘observer’ la Loi, non en paroles, en disant ‘Seigneur, Seigneur’, mais en mettant en pratique les paroles du Seigneur (Mt 7,21-27 21,28-31 ; voir 1Jn 3,18). » (Commission biblique pontificale, 2019 Qu'est-ce que l'homme § 288)

Voilà pour la fidélité du Seigneur : « éternelle est la fidélité du Seigneur ! »

Ce psaume a aussi un sens marial.

« Louez le Seigneur, tous les peuples ; fêtez-le, tous les pays !
Son amour envers nous s’est montré le plus fort ; éternelle est la fidélité du Seigneur ! »

L’Assomption de la Vierge Marie est « la preuve vivante de la fidélité du Seigneur à sa promesse : en effet, celui-ci a préparé à son humble Servante une récompense magnifique en réponse à son adhésion fidèle au projet divin, c’est-à-dire une destinée de plénitude et de bonheur éternel, de glorification de son âme immaculée et de son corps virginal, et de parfaite configuration à son Fils ressuscité ». (Congrégation pour le culte divin 2001, Piété populaire et Liturgie - - L’Assomption de la bienheureuse Vierge Marie)

C’est parce que la Vierge Marie était fidèle que Dieu a pu lui confier son bien le plus précieux : le Verbe divin, le Verbe incarné !

Que la Vierge Marie soutienne donc notre fidélité, pour être chaque jour fidèle, fidèle, fidèle… De sorte que Dieu puisse aussi nous confier le bien ultime que tous attendent : sa venue glorieuse, la Parousie, l’accomplissement du dessein du Créateur.

Ce psaume a aussi un sens pour chacune de nos familles.

« Dans la famille, on apprend à connaître l'amour et la fidélité du Seigneur et la nécessité d'y correspondre Ex 12,25-27; 13,8.14-15; Dt 6,20-25; 13,7-11; 1S 3,13; les enfants apprennent les premières leçons, les plus décisives, de la sagesse pratique à laquelle sont liées les vertus Pr 1,8-9; 4,1-4; 6,20-21; Si 3,1-16; 7,27-28). C'est pour cela que le Seigneur se fait garant de l'amour et de la fidélité conjugale Ml 2,14-15 » (2004 Compendium DS de l'Eglise § 210)

« Louez le Seigneur, tous les peuples ; fêtez-le, tous les pays !
Son amour envers nous s’est montré le plus fort ; éternelle est la fidélité du Seigneur ! »

 

Deuxième lecture (He 12, 5-7.11-13)

« Frères, vous avez oublié cette parole de réconfort, qui vous est adressée comme à des fils : Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches. Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons ; il corrige tous ceux qu’il accueille comme ses fils. Ce que vous endurez est une leçon. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ? Quand on vient de recevoir une leçon, on n’éprouve pas de la joie mais plutôt de la tristesse. Mais plus tard, quand on s’est repris grâce à la leçon, celle-ci produit un fruit de paix et de justice. C’est pourquoi, redressez les mains inertes et les genoux qui fléchissent, et rendez droits pour vos pieds les sentiers tortueux. Ainsi, celui qui boite ne se fera pas d’entorse ; bien plus, il sera guéri. » – Parole du Seigneur.

« Quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ? »

Les adultes doivent faire la discipline pour donner aux jeunes générations d’apprendre l’autodiscipline afin de devenir des adultes responsables.

Donner une bonne leçon ne signifie pas donner des gifles ou des coups. Le problème étant de savoir ce que retient réellement un enfant ainsi corrigé, peut-être a-t-il simplement retenu qu’il pourra, quand il sera plus grand, s’imposer et dominer par la force et l’humiliation du prochain !

Il y a bien d’autres façons de faire, et cela dès le plus jeune âge.

  • Donner à l’enfant trois secondes 1.2.3. pour obéir avant de recevoir une conséquence, c’est instaurer un cadre clair et prévisible.
  • Donner un temps de pause pour aider l’enfant à se calmer seul, et à gérer ses émotions de manière constructive.
  • Séparer temporairement ceux qui se disputent trop, pour leur permettre de réfléchir individuellement et favoriser la résolution autonome des conflits.
  • Utiliser l’humour.
  • Chuchoter pour capter l’attention de l’enfant tout en réduisant les cris et les confrontations. Le chuchotement crée une connexion intime et rassurante entre parent et enfant.
  • Être précis dans les reproches – Plutôt que de dire : tu es désordonné, dire : « peux-tu ranger tes jouets ou tes chaussures » – et être précis dans les compliments.

Certains adultes ne reprennent pas assez leurs enfants, et c’est un drame. La Bible en donne un exemple très fameux.

L’histoire se passe au sanctuaire de Silo où Samuel vient d’être placé par ses parents pour y servir le Seigneur en présence du prêtre Eli (1Sam 2, 11). « Or les fils d'Eli étaient des vauriens, qui ne se souciaient pas de Yahvé ni du droit des prêtres vis-à-vis du peuple: […] on n'avait pas encore fait fumer la graisse que le serviteur du prêtre venait et disait à celui qui sacrifiait: "Donne de la viande à rôtir pour le prêtre, il n'acceptera pas de toi de la viande bouillie, seulement de la viande crue." Et si cet homme lui disait: "Qu'on fasse d'abord fumer la graisse, puis prends pour toi à ta guise", il répondait: "Non, tu vas me donner tout de suite, sinon je prends de force." Le péché des jeunes gens était très grand devant Yahvé, car ils traitaient avec mépris l'offrande faite à Yahvé. » (1Sam 2, 12-17)

Leur père Eli leur adresse un reproche, mais rien de sévère, juste un avertissement : « Bien qu'Eli fût très âgé, il était informé de tout ce que ses fils faisaient à tout Israël. Il leur dit: "Pourquoi agissez-vous de la manière que j'entends dire par tout le peuple? Non, mes fils, elle n'est pas belle la rumeur que j'entends le peuple de Yahvé colporter. Si un homme pèche contre un autre homme, Dieu sera l'arbitre, mais si c'est contre Yahvé que pèche un homme, qui intercédera pour lui ?" Cependant ils n'écoutèrent pas la voix de leur père. » (1Sam 2, 22-25)

« Un homme de Dieu vint chez Eli et lui dit: "Ainsi parle Yahvé. Voilà donc que je me suis révélé à la maison de ton père quand ils étaient en Egypte, esclaves de la maison de Pharaon. Je l'ai distinguée de toutes les tribus d'Israël pour exercer mon sacerdoce, pour monter à mon autel, pour faire fumer l'offrande, pour porter l'éphod en ma présence, et j'ai concédé à la maison de ton père toutes les viandes offertes par les Israélites. Pourquoi piétinez-vous l'offrande et le sacrifice que j'ai ordonnés pour ma Demeure, et honores-tu tes fils plus que moi, en vous engraissant du meilleur de toutes les offrandes d'Israël, mon peuple? » (1Sam 2, 27-29)

Finalement, un soir, le Seigneur appela Samuel et lui dit : « J'accomplirai contre Eli tout ce que j'ai dit sur sa maison, du commencement à la fin. Tu lui annonceras que je condamne sa maison pour toujours; parce qu'il a su que ses fils maudissaient Dieu et qu'il ne les a pas corrigés. C'est pourquoi -- je le jure à la maison d'Eli -- ni sacrifice ni offrande n'effaceront jamais la faute de la maison d'Eli." » (1Sam 3, 12-14).

La lecture de ce dimanche suit celle de dimanche dernier qui s’achevait par « Vous n'avez pas encore résisté jusqu'au sang dans la lutte contre le péché. » (Hé 12, 4). Saint Paul parle de reproche concernant le péché, les situations de péchés, les compromissions avec les péchés (occultisme, sacrilège, meurtre, adultère, vol, mensonge).

Quand on reçoit un reproche, on se sent rétréci, diminué, physiquement angoissé, c’est-à-dire, littéralement, resserré, à l’étroit, mais il ne faut pas se décourager, c’est le moment d’entendre l’évangile où Jésus nous dit : « Luttez pour entrer par la porte étroite ! » (Lc 13, 24).

On peut repousser un reproche par le déni : ce que tu me reproches n’a jamais existé, je n’ai pas dit ceci, je n’ai pas fait cela. À ceux-là, Jésus dit : « Beaucoup chercheront à entrer, et n’y parviendront pas ! » (Lc 13, 24).

On peut repousser un reproche en l’ignorant pendant longtemps, puis en déclarant : « c’est une vieille histoire », et, en corollaire, celui qui fait le reproche « en fait une obsession ». Et en fin de compte, on aura pourri la situation et raté l’occasion, car, dit saint Paul, « quand on s’est repris grâce à la leçon, celle-ci produit un fruit de paix et de justice ».

On peut repousser un reproche en attaquant celui qui nous adresse le reproche : il est écrit de ne pas juger ! il a de mauvaises intentions ! c’est un malade ! c’est un tordu ! on ne peut pas collaborer avec cette personne ! il se prend pour Dieu ! etc. Et en fin de compte, on n’a pas écouté le reproche, l’avertissement… À ceux-là, Jésus dit : « Beaucoup chercheront à entrer, et n’y parviendront pas ! » (Lc 13, 24).

Soyons ceux qui acceptent de passer par l’angoisse, ceux qui acceptent en face l’angoisse d’accepter un reproche : « Luttez pour entrer par la porte étroite ! » (Lc 13, 24).

Évangile (Lc 13, 22-30)

Traduction et commentaire extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris).Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).

«  13,22 Et il pérégrinait par les villages et les chefs-lieux / en enseignant et en allant vers Jérusalem.

23 Or, un homme lui demanda / s’ils étaient peu nombreux, ceux qui sont sauvés [vivifiés] ?

24 Jésus, donc, leur dit :

Luttez pour entrer / par la porte étroite !
Je vous le dis, / en effet :
Beaucoup chercheront à entrer, / et n’y parviendront pas !

25 Dès que le maître de maison se sera levé, / et aura fermé la porte,
et vous vous tiendrez debout au-dehors, / et vous frapperez à la porte,

et vous vous mettrez à dire :
‘Notre Seigneur, notre Seigneur / ouvre-nous !’

Et lui, il répondra, / et dira :
‘Je vous [le] dis :
Je ne sais pas, quant à vous, / d’où vous êtes !’

26 Et vous vous mettrez à dire :
‘Devant toi nous avons mangé et bu, / et tu as enseigné sur nos places !’
27 Et il vous dira :
‘Je ne sais pas, quant à vous, / d’où vous êtes ! 
Éloignez-vous de moi, / cultivateurs d’imposture !’

 28 Là seront la lamentation / et le grincement des dents,
lorsque vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, / et tous les prophètes
dans le Royaume de Dieu,
vous, en revanche, / vous serez expulsés dehors !

-----

29 Et ils viendront de l’Orient et de l’Occident, / du sud et du nord,
et ils s’attableront / dans le royaume de Dieu. 

30 Et, voici, il y aura des derniers / qui seront premiers,
et il y aura des premiers / qui seront derniers ! »

Lc 13, 22-23. Un auditeur pose une question. Jésus n’y répond pas.

La seule question utile ne porte pas sur le nombre des sauvés, mais comment s’engager pour être du nombre. Jésus l’exprime avec deux images, celle de la porte étroite, qui s’entend pour une ville (Lc 13, 24), et celle de la porte d’une maison (Lc 13, 25-27).

« Luttez pour entrer / par la porte étroite ! » (Lc 13, 24), cela peut être, comme on l’a entendu en commentant la Lettre aux Hébreux, accepter le resserrement, l’angoisse créée par un reproche. Répondre par le déni, ou répondre en attaquant celui qui adresse le reproche, c’est contourner cette porte étroite, c’est chercher à entrer sans passer par l’étroitesse angoissante du reproche : « Beaucoup chercheront à entrer, / et n’y parviendront pas ! » (Lc 13, 24).

Lc 13, 24. Les villes étaient fortifiées et avaient une grande et lourde porte que l’on fermait à la tombée de la nuit. La porte étroite était une petite ouverture ou une petite porte située à côté. Jésus évoque donc le temps présent comme une tombée de la nuit, une situation d’urgence où la petite porte est encore accessible.

Le couple de verbes « chercher / être capable, parvenir, ou trouver » (Lc 13, 24) se trouvait aussi dans l’épisode du recouvrement de Jésus au Temple (Lc 2, 44-45) ; les docteurs qui se sont émerveillés de la sagesse du jeune Jésus ne sont pas pour autant sauvés : il leur faut passer par la « porte étroite »… C’est tout l’intérêt de la structure en pendentif d’oralité de mettre en relation ces deux épisodes.

Lc 13, 25-28. Dans la seconde comparaison, intervient un maître de la maison qui ferme la porte. « Vous » vous mettrez à frapper, mais il répondra qu’il ne vous connaît pas. « Vous » vous mettrez à essayer de vous faire reconnaitre, mais les arguments extérieurs seront sans valeur. Au refus d’ouvrir s’ajoute une formule de rejet.

Le psaume 6 donne « éloignez-vous de moi, faiseurs d’imposture [āḇḏay šūqrā] » (Ps 6, verset 8 dans la Bible de Mossoul, verset 9 dans la Bible de Jérusalem). L’évangile de Luc parle des « cultivateurs d’imposture [pālḥay šūqrā] » (Lc 13, 27) ; cette modification ne change pas la signification mais permet les jeux d’écho du fil d’oralité. Ces « cultivateurs d’imposture » s’opposent au patient cultivateur de la parabole (Lc 13, 6-9 perle 1). S’il y a une croissance dans le bien jusqu’à la plénitude (cf. perle 3), il y a aussi une croissance dans le mal, et cultiver l’imposture, c’est le sommet de l’hypocrisie. Ces cultivateurs d’imposture ne pourront pas entrer dans « la maison ». Ils iront là où « seront la lamentation et le grincement des dents ! » (Lc 13, 28) : un lieu de remords, qui n’est pas l’enfer habituellement décrit comme un feu qui ne s’éteint pas, la Géhenne. Il faudrait parler de « purgatoire » : ce mot est un anachronisme, mais on connaissait déjà la prière « pour les morts afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés » (2Mac 12, 45), ce qui ne s’explique que dans la perspective d’un « purgatoire » considéré comme un parvis de la résurrection bienheureuse.

L’arrière-plan de la lecture synagogale de la Genèse est éloquent. Le Créateur avait ordonné de « cultiver [plḥ] » le jardin (Gn 2, 15) ; les « cultivateurs [racine plḥ] d’imposture » en sont exclus (Lc 13, 27). « Abraham, Isaac et Jacob » à qui Dieu avait promis une terre (Gn 50, 24), sont maintenant dans le royaume (Lc 13, 28). Or le royaume se conquiert de haute lutte : la postérité d’Abraham « conquerra » la porte de ses ennemis (Gn 22, 17), et lors de la bénédiction de Rébecca, il est dit : « Que ta postérité conquière la porte de ses ennemis ! » (Gn 24, 60). Jacob a connu « une maison de Dieu et la porte du ciel ! » (Gn 28, 17) et il a combattu avec quelqu’un avant de passer le gué pour entrer en terre promise (Gn 32, 25). Quant à Jésus, il déclare : « luttez pour entrer par la porte étroite ! » (Lc 13, 22)

Lc 13, 29-30. Jésus prophétise le cortège des élus, le pèlerinage des nations, depuis les quatre points cardinaux. Vraie postérité d’Abraham, ils arriveront en dernier, mais, au vu de leur lutte pour entrer par la porte étroite, ils seront les premiers.

Alors, chers auditeurs, luttons pour entrer par la porte étroite, et ne soyons comme cette l’église de Laodicée dont parle l’Apocalypse. « 14 "A l'Ange de l'Église de Laodicée, écris: Ainsi parle l'Amen, le Témoin fidèle et vrai, le Principe de la création de Dieu. 15 Je connais ta conduite: tu n'es ni froid ni chaud -- que n'es-tu l'un ou l'autre! -- 16 Ainsi, puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. 17 Tu t'imagines: me voilà riche, je me suis enrichi et je n'ai besoin de rien; mais tu ne le vois donc pas: c'est toi qui es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu! 18 Aussi, suis donc mon conseil: achète chez moi de l'or purifié au feu pour t'enrichir; des habits blancs pour t'en revêtir et cacher la honte de ta nudité; un collyre enfin pour t'en oindre les yeux et recouvrer la vue. 19 Ceux que j'aime, je les semonce et les corrige. Allons! Un peu d'ardeur, et repens-toi! 20 Voici, je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. 21 Le vainqueur, je lui donnerai de siéger avec moi sur mon trône, comme moi-même, après ma victoire, j'ai siégé avec mon Père sur son trône. 22 Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Eglises." » (Ap 3, 14-22)

 

[1] HORACE (65-8 av. J.-C.) en parle dans Satires I, 4 ; I, 9 ; SÉNÈQUE (né vers l’an 4 av. J.-C. et mort en 65 ap. J.-C. à Rome) est cité en ce sens par saint Augustin De Civitate Dei VI, 10, etc.

[2] Appelée aujourd’hui Lettre de Jérémie (Lt-Jr 14.22.28.64).

Date de dernière mise à jour : 07/07/2025