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22e dimanche ordinaire (C)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
(Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Si 3, 17-18.20.28-29)
Psaume (Ps 67 (68), 4-5ac, 6-7ab, 10-11)
Deuxième lecture (He 12, 18-19.22-24a)
Première lecture (Si 3, 17-18.20.28-29)
« Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute. » – Parole du Seigneur.
Le Siracide commence sur le registre de la relation aux autres : « Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur ». Dans la vie sociale, nous préférons recevoir un salaire plutôt qu’une aumône, car nous n’avons pas seulement des besoins matériels, nous avons besoin d’une reconnaissance. Dans la vie sociale, il y a des bienfaiteurs, mais il arrive souvent que l’on soit mal à l’aise avec un bienfaiteur parce qu’en quelque sorte il a acheté notre reconnaissance et notre amitié, et, dès lors, notre amitié est déséquilibrée, elle n'est plus sur un plan d'égalité, surtout si le bienfaiteur se pose en supérieur, en garant, en inspirateur, finalement en propriétaire de notre travail et de notre personne. « Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur ». Et un psaume dit : « Les humbles posséderont la terre, réjouis d’une grande paix. » (Ps 37,11)
Quand dans un couple l’un des deux est incroyant, « l'amour conjugal sincère, la pratique humble et patiente des vertus familiales et la prière persévérante peuvent préparer le conjoint non croyant à accueillir la grâce de la conversion. » (CEC 1637)
Le Siracide continue sur le registre de la relation à Dieu : « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. »
Dieu est très puissant, mais nous ne devons pas vivre dans un esprit de puissance. Plus tu es grand, par exemple dans la hiérarchie de l’Église, ou dans la hiérarchie de ton entreprise ou de ton université, plus il faut t’abaisser parce que l’orgueil empêche le Seigneur de se donner complètement.
La liturgie a omis les versets 21 à 24 qui traitent de l’orgueil de l’esprit, il y a beaucoup de connaissances qu’il nous est inutile d’acquérir : « Ne te tracasse pas de ce qui te dépasse, l'enseignement que tu as reçu est déjà trop vaste pour l'esprit humain. » (Si 3, 23). Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas se cultiver, cela veut dire que l’homme ne peut pas prétendre à une compréhension exhaustive de tout. La théorie quantique montre plus que jamais que notre intellect humain au fur et à mesure qu’il se déploie, découvre des réalités en dehors de l’espace et du temps et par conséquent de véritables gouffres d’inconnaissance. Nous pouvons entrer en dialogue avec l’intellect divin, mais nous n’avons pas un intellect divin. Ne construisons donc pas de tour de Babel tentant de tout expliquer !
La liturgie a aussi omis les versets 26 et 27 : « 26 Un coeur obstiné finira dans le malheur et qui aime le danger y tombera. 27 Un coeur obstiné se charge de peines, le pécheur accumule péché sur péché. » Alors vient la suite : « La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute ».
La bienheureuse Vierge Marie dit : « il s’est penché sur son humble servante » (Lc 1, 48). Pourquoi humble ? Marie sait qu’elle a reçu de Dieu le don de la vie. Avec cette attitude d’humilité, Dieu peut lui dire : j’ai un plan pour toi. Marie sait qu’elle est libre de choisir, et elle choisit encore la volonté de Dieu. Elle choisit le service de Dieu quelque soit ce que les gens pensent, pour ou contre. Elle n’a pas voulu être comme x ou y, elle a voulu correspondre au don qui était le sien. C’est cela l’humilité. Marie est aussi Notre-Dame du Carmel, elle inspira à saint Jean de la Croix ces conseils très profonds : « Aimez à être inconnu de vous et des autres, et ne vous occupez jamais du bien et du mal d’autrui. »
Ne pas se glorifier : ces biens dont nous voudrions nous glorifier, « nous ne savons même pas si les possédons. »
Voici les « litanies de l’humilité » du Cardinal Merry del Val, qui fut cardinal très jeune. Elles sont en trois parties : les désirs intéressés, les peurs, l’esprit de comparaison.
La première partie concerne le désir qui gonfle l’âme, un désir qui suscite des tempêtes et qui fait sortir de la lumière de la volonté divine.
O Jésus! doux et humble de cœur, Écoute-moi.
Du désir d'être estimé, Délivre-moi, Jésus.
Du désir d'être aimé, Délivre-moi, Jésus.
Du désir d'être exalté, Délivre-moi, Jésus.
Du désir d'être honoré, Délivre-moi, Jésus.
Du désir d'être loué, Délivre-moi, Jésus.
Du désir d'être préféré à d'autres, Délivre-moi, Jésus.
Du désir d'être consulté, Délivre-moi, Jésus.
Du désir d'être approuvé, Délivre-moi, Jésus.
La seconde partie concerne les peurs, ces peurs qui s’enracinent dans notre volonté humaine susceptible et orgueilleuse.
De la peur d'être humilié, Délivre-moi, Jésus.
De la peur d'être méprisé, Délivre-moi, Jésus.
De la crainte d’être rejeté, Délivre-moi, Jésus.
De la crainte d'être calomnié, Délivre-moi, Jésus.
De la peur d'être oublié, Délivre-moi, Jésus.
De la peur d'être ridiculisé, Délivre-moi, Jésus.
De la peur d'être lésé, Délivre-moi, Jésus.
De la crainte d'être soupçonné, Délivre-moi, Jésus.
La troisième partie concerne l’esprit de comparaison aux autres, qui est un véritable poison qui nous fait oublier que la grâce agit en nous pour les autres, et qu’elle agit chez les autres pour nous, toute comparaison n’ayant aucun sens car chaque fois que nous sommes dans la volonté divine, nous sommes dans une dimension infinie et éternelle.
Que d'autres puissent être aimés plus que moi,
Jésus, accorde-moi la grâce de le désirer.
Que d'autres puissent être estimés plus que moi,
Jésus, accorde-moi la grâce de le désirer.
Que, selon le monde, d'autres puissent croître et moi diminuer,
Jésus, accorde-moi la grâce de le désirer.
Que d'autres puissent être choisis et moi mis de côté,
Jésus, accorde-moi la grâce de le désirer.
Que d'autres puissent être loués et qu’on ne fasse pas attention à moi,
Jésus, accorde-moi la grâce de le désirer.
Que d'autres puissent être préférés à moi en tout,
Jésus, accorde-moi la grâce de le désirer.
Que d'autres deviennent plus saints que moi,
pourvu que je puisse devenir aussi saint que je le devrais.
Jésus, accorde-moi la grâce de le désirer.
Cardinal Merry del Val (1865-1930)
Psaume (Ps 67 (68), 4-5ac, 6-7ab, 10-11)
« Les justes sont en fête, ils exultent ; devant la face de Dieu ils dansent de joie. Chantez pour Dieu, jouez pour son nom. Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face. Père des orphelins, défenseur des veuves, tel est Dieu dans sa sainte demeure. À l’isolé, Dieu accorde une maison ; aux captifs, il rend la liberté. Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse, et quand il défaillait, toi, tu le soutenais. Sur les lieux où campait ton troupeau, tu le soutenais, Dieu qui es bon pour le pauvre. »
« Les justes sont en fête, ils exultent ; devant la face de Dieu ils dansent de joie. Chantez pour Dieu, jouez pour son nom. »
« [Le bonheur rétorque à l’affliction] : Tu es envieuse, parce que sans confiance en Dieu, ne demandant pas d’aide, tu n’en reçois pas. Mais moi je l’appelle et Il me répond. Je lui demande miséricorde et je suis exaucé. Je suis rempli de joie profonde. Je joue de la harpe en sa présence et je dispose mon œuvre autour de lui. Je place ma vérité en Dieu et place ma vie entre ses mains. » (Sainte Hildegarde, LVM II, 19).
« Le sourire maternel de la Vierge, si souvent reproduit dans l’iconographie mariale, manifeste une plénitude de grâce et de paix qui veut se communiquer. » (Pape Jean Paul II, Audience générale du 25.11.95)
Et nous avons un exemple dans la vie de sainte Thérèse de Lisieux, qui avait perdu sa maman à l’âge de quatre ans, puis qui tomba malade quand sa grande soeur, qui lui servait de seconde maman, partit au carmel. « Tout à coup, la Sainte Vierge me paru belle, si belle, que jamais je n’avais vu rien de si beau. Son visage respirait une bonté et une tendresse ineffables, mais ce qui me pénétra jusqu’au fond de l’âme, ce fut le ravissant sourire de la Sainte Vierge. » (Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, Ms A, 30r°)
Saint Augustin, quant à lui, commente le psaume en ces termes :
« Soyez pleins de joie dans votre espérance, et patients dans la tribulation. Tressaillez en présence de Dieu. Mais ceux qui jettent le trouble en vous devant les hommes, seront troublés à leur tour, devant la face de Dieu qui est le Père de l'orphelin, et rend justice à la veuve. Ils regardent comme dans la désolation ceux que le glaive de la parole de Dieu vient séparer, les parents des enfants, les époux de leurs épouses ; mais ceux qui sont ainsi délaissés, et dans le veuvage, reçoivent les consolations de celui qui est le Père des orphelins, qui rend justice à la veuve; ils reçoivent ses consolations, ceux qui lui disent: Voilà que mon père et ma mère m'ont délaissé, mais le Seigneur m'a pris sous sa garde : qui ont mis leur espoir en Dieu, qui ont persisté nuit et jour dans la prière : en présence de Dieu, ils seront dans le trouble, ces méchants qui verront qu'ils n'ont rien obtenu parce que le monde entier a suivi le Seigneur » (Augustin, sur les Psaumes 68)
Le psaume « Père des orphelins, défenseur des veuves, tel est Dieu dans sa sainte demeure » ou cet autre psaume : «Que son sanctuaire soit notre héritage (Ps 82,13) ! » Voilà ce que disent les pauvres, dit saint Bernard, mais sans doute uniquement devant Dieu, qui entend le langage des coeurs; car ils n'oseraient vous le dire en face, parce qu'ils sont contraints d'implorer tous les jours votre assistance pour les nécessités de la vie. Mais un jour viendra où ils s'élèveront avec force contre ceux qui les tiennent maintenant dans ces douloureuses angoisses, ils auront alors pour défenseur celui qui est le père des orphelins et le protecteur de la veuve, et il vous dira: «Tout ce que vous n'avez pas voulu faire pour le moindre de mes serviteurs, c'est à moi-même que vous avez refusé de le faire (Mt 25,40).» (St Bernard aux évêques 2007)
Le psaume dit encore : « Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse, et quand il défaillait, toi, tu le soutenais. » C’est une mémoire des Hauts faits du Seigneur, notamment au temps de l’Exode, ou encore au temps d’Élie. Mais on peut aussi en faire une lecture chrétienne, comme le fit saint Irénée :
« Car, comme de farine sèche on ne peut, sans eau, faire une seule pâte et un seul pain, ainsi nous, qui étions une multitude, nous ne pouvions non plus devenir un dans le Christ Jésus Rm 12,5; 1Co 10,17; Ga 3,28 sans l'Eau venue du ciel. Et comme la terre aride, si elle ne reçoit de l'eau, ne fructifie point, ainsi nous-mêmes, qui n'étions d'abord que du bois sec Lc 23,31, nous n'aurions jamais porté du fruit de vie sans la Pluie généreuse Ps 68,10 venue d'en haut. Car nos corps, par le bain Ep 5,26; Tt 3,5 du baptême, ont reçu l'union à l'incorruptibilité, tandis que nos âmes l'ont reçue par l'Esprit Jn 3,5. […]
C'est parce qu'il voyait d'avance la grâce de ce don que Gédéon, cet Israélite que Dieu avait choisi pour sauver le peuple d'Israël de la domination des étrangers, changea sa demande Jg 6,36-40: il prophétisa par là que sur la toison de laine, qui seule avait d'abord reçu la rosée et qui était la figure du peuple d'Israël, viendrait la sécheresse, c'est-à-dire que ce peuple ne recevrait plus de Dieu l'Esprit Saint - selon ce que dit Isaïe: "Je commanderai aux nuées de ne pas pleuvoir sur elle Is 5,6" -, tandis que sur toute la terre se répandrait la rosée, qui est l'Esprit de Dieu. C'est précisément cet Esprit qui est descendu sur le Seigneur, "Esprit de sagesse et d'intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de science et de piété, Esprit de crainte de Dieu Is 11,2-3". » (Irénée, Contre les Hérésies Liv.3 ch.16)»
Cette pluie, nous dit le psaume, est généreuse. Et les âmes qui la reçoivent deviennent généreuses à leur tour. Le concile nous dit que Marie a été «associée généreusement à son œuvre à un titre absolument unique, humble servante du Seigneur», elle «apporta à l'œuvre du Sauveur une coopération sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle» (Vatican II, Lumen gentium chapitre VIII).
« Il faut comprendre quel grand bonheur est la paix de l’âme procurée par notre consécration totale à l’Immaculée. Cette paix profonde est un bonheur intraduisible. Et si sur cette terre déjà elle est comme un goût du ciel, ce que ce sera dans le ciel, on ne peut pas le dire ! » (St Maximilien Kolbe, ESI. p.145)
Deuxième lecture (He 12, 18-19.22-24a)
« Frères, quand vous êtes venus vers Dieu, vous n’êtes pas venus vers une réalité palpable, embrasée par le feu, comme la montagne du Sinaï : pas d’obscurité, de ténèbres ni d’ouragan, pas de son de trompettes ni de paroles prononcées par cette voix que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre. Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle. » – Parole du Seigneur.
Et puisque nous achevons cette semaine la série de lectures sur la lettre aux Hébreux, nous allons faire une brève réflexion sur son auteur. La tradition d’Orient ne doutait pas que la Lettre aux Hébreux fut de Paul, il en était de même dans l’église latine avant le concile, et ensuite, chacun fut libre de penser ce qu’il voulait. On remarque en effet qu’en grec les styles sont diffèrent entre la lettre aux Hébreux et les lettres de Paul, cependant, d’après Mgr Alichoran, les styles sont similaires en araméen. De plus, saint Jérôme dit que « L’apôtre Paul était un homme très savant, formé aux pieds de Gamaliel. Il possédait la science des Écritures, le don de parler diverses langues. Il s’en félicite dans le Seigneur et dit : ‘Je rends grâce à Dieu de parler plus de langues que vous tous’. Et cependant quand il s’agissait en grec d’exprimer dans une langue digne la noblesse du Message divin, il ne le pouvait pas. Il avait donc Tite pour traducteur […]. Voilà donc pourquoi Paul […] partit pour la Macédoine afin d’y retrouver Tite et avoir enfin un compagnon de traduction et d’évangile. »[1] Alors, ne mesure-t-on pas en grec les styles des traducteurs plutôt que celui ou ceux de l’auteur du texte original, qui serait bel et bien saint Paul ?
La lecture de ce dimanche est comme l’apothéose de la lettre aux Hébreux, ce qui nous donne l’occasion d’un regard d’ensemble.
Au début, saint Paul invite à ouvrir notre cœur à la Parole du Fils. Dieu nous a parlé par le Fils, il est plus grand que les anges, son message, transmis par les apôtres est confirmé par les signes (He 2, 1-4). Toutes choses seront soumises au Fils, il est le grand prêtre miséricordieux qui vient secourir ceux qui sont éprouvés.
« Nous sommes devenus participants du Christ, si toutefois nous retenons inébranlablement jusqu'à la fin, dans toute sa solidité, notre confiance initiale. « (He 3, 14).
La parole est plus qu’une épée à deux tranchants, approchons-nous de la Révélation pour obtenir Miséricorde et secours. Le Messie, Jésus, est le grand prêtre selon l’ordre de Melchisédek (He 5, 1-10). Il faut maintenant passer à la Parole de la perfection (He 5, 11 – 6, 3).
Dieu a fait serment à Abraham. Encouragé par ce serment, tenons fermes dans l’espérance. Le sacerdoce de Melchisédek est plus grand qu’Abraham qui lui offrit la dîme. Or, avec Jésus, nous passons du sacerdoce lévitique, celui d’Aaron, à un nouveau sacerdoce, selon l’ordre de Melchisédek. Jésus est le grand prêtre qu’il nous fallait, ayant offert son sacrifice une fois pour toutes (He 7, 26-27).
Notre Grand Prêtre est médiateur d’une Alliance supérieure (He 8, 1-6). Dans la première Alliance, le chemin du Saint des Saints n’était pas encore ouvert (He 9, 1-8). Le sang du Messie purifiera notre conscience. Le Messie offert une seule fois, apparaîtra une seconde fois pour donner le salut à ceux qui l’attendent – c’est son retour glorieux, sa Parousie (He 9, 24-28).
L’ancienne Loi ne peut sanctifier pleinement par ses sacrifices. Et saint Paul invite au qūrbānā (Qourbana), le mot araméen que les chrétiens orientaux utilisent pour parler de la Messe. Ce mot signifie : sacrifice, offrande, rencontre. Remarquons ici qu’à la Messe, le prêtre est un grand prêtre dans l’unique sacerdoce du Christ, présent dans le tabernacle.
La foi est la persuasion, la confiance des choses qu’on espère (He 11, 1-2). Foi de Noé. Foi d’Abraham, épreuve d’Abraham… Foi de Moïse et de ceux qui ont conquis la terre promise. Mais Dieu nous promet quelque chose de meilleur.
Saint Paul invite à courir dans la carrière qui nous est ouverte (He 12, 1). Considérez Jésus en croix, ne vous laissez pas décourager dit-il. Vous êtes châtiés car vous êtes de vrais fils. « Rendez droits pour vos pas les sentiers tortueux, afin que le boiteux ne dévie point, mais plutôt qu'il guérisse » (Hé 12, 13).
Et voici alors la lecture de ce dimanche. On y rappelle l’Alliance au Sinaï, mais au mont Sion, à Jérusalem, il s’est passé une Alliance plus grande encore, la mort et la résurrection de Jésus, qui nous a laissé le sacrement de l’Eucharistie. Ont été omis les versets 20-21 qui rappellent l’ambiance de cataclysmes qui fut celle des plaies d’Égypte, de l’Exode et de la révélation au Sinaï : « Si terrible était le spectacle que Moïse dit : Je suis effrayé et tout tremblant. » (Hé 12, 21). I Velikovsky (Le désordre des siècles) montra que ces sons de trompettes et les phénomènes effrayants étaient très probablement des sons cosmiques dus à des collisions cosmiques au moment de la formation de ce qui deviendra la planète Venus. Côté égyptien, le papyrus d’Ipuwer a décrit des cataclysmes comparables.
L’assemblée dominicale célèbre la mort et de la résurrection de Jésus qui ont eu lieu au Mont Sion. Le parallèle avec le Mont Sinaï indique que le jour du Seigneur, le dimanche, est « le jour de la libération, qui fait participer à la réunion de fête… et anticipe la célébration de la Pâque définitive dans la gloire du ciel. » (Compendium DS de l'Eglise § 285) Saint Paul nous invite à venir à la Messe : « vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle. »
« On y admire des millions d'anges et d'archanges ; là, des troupes de prophètes, ailleurs les choeurs des martyrs, le collège des apôtres, les assemblées des justes et de toutes les âmes agréables à Dieu... » (St Jean Chrysostome, Homélies 261). « Les témoins qui nous ont précédés dans le Royaume (cf. He 12,1), spécialement ceux que l’Église reconnaît comme "saints", participent à la tradition vivante de la prière. » (CEC 2683) Suivons donc Jésus en portant son opprobre et sa croix « car, conclut saint Paul, nous n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous recherchons celle de l'avenir. » (Hé 13, 14).
Évangile (Lc 14, 1.7-14)
La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).
Le v. 1 donne le contexte.
« 1 Et il advint, tandis qu’il était entré à la maison / d’un des chefs des pharisiens
pour prendre un repas, / pendant le jour du shabbat,
et eux, / ils l’observaient. »
Loin de fuir le complot d’Hérode (Lc 13, 31), Jésus accepte une invitation. L’un des « chefs des Séparés (des pharisiens) » désigne un membre du conseil du sanhédrin, c’est un notable. « Ils l’observaient » (Lc 14, 1) : ils étaient dans leur attitude « professionnelle » – ce verbe « observer [ntar] » est utilisé pour dire « garder (la loi) », « observer (les commandements) ». Or parmi les sages d’Israël, l’application du règlement du shabbat est l’objet de discussions. C’est l’objet des versets 2 à 6. Si le taureau tombe dans le puits le jour du shabbat, faut-il seulement le nourrir ou peut-on le hisser et l’en remonter ? Après tout, on peut attendre le lendemain. En ajoutant le cas d’un enfant, d’un fils, Jésus émeut ses auditeurs et clôt le débat.
Seul l’araméen permet de voir que le mot « tawrā » est un mot crochet dans le fil d’oralité : le texte grec, comme aussi le français, l’a traduit par « bœuf (de labour) » (Lc 13, 15 et 14, 19 perle 3 et 7) ; « taureau » en Lc 14, 5 (perle 7) ; « veau (gras) » en Lc 15, 23.27.30 de sorte que l’on ne voit plus les échos du fil d’oralité.
L’association du « fils » et du « taureau » évoque un passage précis de l’Écriture : « J’ai bien entendu le gémissement d’Éphraïm : "Tu m’as corrigé, j’ai subi la correction, comme un jeune taureau non dressé. Fais-moi revenir, que je revienne, car tu es YHWH, mon Dieu ! Car après m’être détourné je me suis repenti, j’ai compris et je me suis frappé la poitrine. J’étais plein de honte et je rougissais ; Oui, je portais sur moi l’opprobre de ma jeunesse" -- Ephraïm est-il donc pour moi un fils si cher, un enfant tellement préféré, que chaque fois que j’en parle je veuille encore me souvenir de lui ? C’est pour cela que mes entrailles s’émeuvent pour lui, que pour lui déborde ma tendresse, oracle de YHWH » (Jr 31, 18-20).
Si les auditeurs perçoivent l’allusion, alors ils sont disposés à entendre les corrections qui vont suivre, et qui les concernent, eux.
Lc 14, 7-11 : Le choix des places
« 7 Et il disait une parabole / à l’adresse de ceux qui étaient invités là,
du fait qu’il les voyait / en train de choisir les places en tête des tables.
8 ‘Quand tu es invité par quelqu’un à un banquet, / ne va pas t’attabler en tête de table,
de peur qu’un plus honorable que toi n’ait été invité là / 9 et que ne vienne celui qui vous a invités, toi et lui,
et qu’il ne te dise : / ‘Donne la place à celui-ci !’
et que tu n’aies honte, en te mettant debout / et en prenant la dernière place.
10 Mais lorsque tu es invité, / va t’attabler à la dernière place,
de façon qu’à son arrivée / celui qui t’a invité te dise :
Mon ami, avance-toi jusqu’en haut, / et attable-toi.
Et ce sera pour toi la gloire, / devant tous les autres convives.
11 Car quiconque s’élève / sera humilié,
et celui qui s’humilie / sera élevé’. »
À quoi sert une ascension rapide, si derrière il n’y a pas de vraies qualités et une vraie compétence ? Jésus invite à la modestie qui est une forme de sérieux.
L’enseignement « a du piquant » parce que Jésus est ici invité chez un des chefs des pharisiens. La tentation de celui qui enseigne, ou son défaut professionnel, c’est de se croire plus honorable que les autres. La parabole ressemble fortement à la situation réelle, sauf qu’il s’agit d’un « banquet » alors que Jésus se trouve à un repas plus simple.
Jésus donne une considération de sagesse : « mieux vaut qu’on te dise : "Monte ici !" que d’être abaissé en présence du prince » (Pr 25, 7), autant qu’un oracle prophétique : « ce qui est bas sera élevé, ce qui est élevé sera abaissé » (Ez 21, 31), avec un passif divin qui situe les interlocuteurs devant le Créateur.
Lc 14, 12-14 : A ton qūbālā, appelle les pauvres !
« 12 Et il disait donc aussi / à celui qui l’avait appelé :
‘Lorsque tu donnes un dîner, / n’appelle pas tes amis,
ni même tes frères ou tes parents, / ni de riches voisins,
de peur qu’eux aussi ne t’appellent / et que ceci ne soit pour toi une rétribution !
13 Mais lorsque tu fais une réception [qūbālā], / appelle :
les pauvres, les invalides, / les boiteux, les aveugles !
14 Et bienheureux seras-tu / parce qu’ils n’ont pas de quoi te rétribuer !
Car cela sera ta rétribution / lors de la résurrection des justes’. »
Le qūbālā (qoubala, pluriel : qoubalé) est une réception qui fait partie des traditions sociales de la civilisation orale hébréo-mésopotamienne.
Le qūbālā devient dans l’Église primitive une catéchèse liturgique où l’on se retrouve pour échanger la Parole apprise en maisonnée et pour partager de la nourriture. Le mot qūbālā vient de la racine araméenne « qabel » et désigne un temps pour recevoir les personnes (avec une nourriture) et accueillir la parole (en la prenant dans son cœur, en l’apprenant par cœur). Ceci avait lieu le samedi soir, comme un shabbat chrétien. Paul raconte qu’à l’une de ces occasions, un adolescent s’endormit sur le rebord d’une fenêtre et tomba, et Paul lui rendit la vie (Ac 20, 1-12). À la fin de cette réunion, les catéchumènes rentraient chez eux, et ne restaient que les baptisés qui priaient le reste de la nuit.
C’est seulement aux lueurs de l’aurore que ceux-ci célébraient le « qūrbānā », réalisé par un « ancien » (ou « prêtre »). Ceci deviendra la seconde partie des célébrations du dimanche. Le mot qūrbānā a plusieurs significations qui découlent l’une de l’autre : il désigne une offrande rituelle, un sacrifice, ainsi qu’une rencontre jusqu’au toucher : il s’agit de l’action de toucher (Dieu) ou d’être touché (par Dieu) ; y a-t-il une plus belle définition de la Rencontre ?
Le qūbālā du samedi soir ou veille de fêtes est ainsi une étape intermédiaire où s’enracine le rôle des diacres : le samedi soir, les diacres veillent à la bonne transmission des récitatifs oraux, ils observent qui est prêt à être baptisé, ce qui explique qu’ils les accompagnent dans le baptême, et le dimanche matin ils présentent les offrandes des fidèles baptisés.
L’ignorance occidentale de cette institution des qūbbālé dans l’Eglise primitive a fait prendre les « Saints Mystères » pour un repas convivial, le qūbālā, dont parlent les Evangiles et les lettres apostoliqes, mais qui a lieu avant. Cette confusion a contribué à estomper la dimension sacrificielle de la Messe, ou à ne pas comprendre la distinction des ministères du diacre et du prêtre.
Jésus prépare le « qūbālā » chrétien qui n’est pas un « entre-soi » où l’on se rétribue mutuellement (ne serait-ce qu’en se félicitant les uns les autres) mais un repas missionnaire où est offerte la parole qui sauve et qui guérit. « Les pauvres, les invalides, les boiteux, les aveugles » (14, 13) doivent y occuper la place de « tes amis » (14, 12). Et l’on a encore à l’oreille « mon ami avance-toi plus haut ! » (Lc 14, 6). C’est pour les faire avancer, à tous les niveaux (social, culturel, et les initier à la vie de la foi), qu’il faut inviter les pauvres, les invalides, les boiteux, les aveugles.
Amen !
[1] Lettre 120 dans la collection Budé, tome 6, ou « Critique sacrée - Explications de divers passages de l'écriture sainte a Hédibia - Onzième question »)
Date de dernière mise à jour : 14/07/2025