- Accueil
- Préparer Dimanche
- Année C
- Carême et temps pascal
- 2e dimanche de carême C
2e dimanche de carême C
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
2e carême Evangile Lc 9, 28-36 (121.3 Ko)
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Gn 15, 5-12.17-18)
Psaume (Ps 26 (27), 1, 7-8, 9abcd, 13-14)
Deuxième lecture (Ph 3, 17 – 4, 1)
Évangile (Lc 9, 28b-36) La Transfiguration
Première lecture (Gn 15, 5-12.17-18)
En ces jours-là, le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Il le fit sortir et lui dit : ‘Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux...’ Et il déclara : ‘Telle sera ta descendance !’ Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste. Puis il dit : ‘Je suis le Seigneur, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te donner ce pays en héritage.’ Abram répondit : ‘Seigneur mon Dieu, comment vais-je savoir que je l’ai en héritage ?’ Le Seigneur lui dit : ‘Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe.’ Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. Comme les rapaces descendaient sur les cadavres, Abram les chassa. Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux tomba sur Abram, une sombre et profonde frayeur tomba sur lui. Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux. Ce jour-là, le Seigneur conclut une alliance avec Abram en ces termes : ‘À ta descendance je donne le pays que voici, depuis le Torrent d’Égypte jusqu’au Grand Fleuve, l’Euphrate.’ » – Parole du Seigneur.
Cette lecture nous parle d’une Alliance. « Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux tomba sur Abram, une sombre et profonde frayeur tomba sur lui. Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses ». Nous sommes troublés et hors de notre sens quand nous sommes saisis par la rencontre de quelque puissance supérieure, un ange du Seigneur ou la divinité elle-même. Le brasier fumant et la torche enflammée sont aussi les signes d’une réalité intérieure. « La splendeur que lui donne ce flambeau de l’être de Dieu en tant qu’il est tout-puissant, lui donne lumière et chaleur d’amour de Dieu en tant qu’il est tout-puissant, et suivant cela, Dieu est désormais à l’âme un flambeau d’omnipotence qui lui donne lumière et toute connaissance touchant cet attribut ; et la splendeur que lui donne ce flambeau de l’être de Dieu, en tant qu’il est sagesse, l’éclaire et lui donne chaleur d’amour de Dieu en tant que sage, et ainsi Dieu lui sert désormais d’un flambeau de sagesse ; et la splendeur que ce flambeau de Dieu, en tant qu’il est bonté, lui apporte, donne à l’âme lumière et chaleur d’amour de Dieu en tant qu’il est bon, et selon cela, Dieu lui est désormais un flambeau de bonté ; et ni plus ni moins, il lui est flambeau de justice, et de force, et de miséricorde, et de tous les autres attributs qui se présentent ici conjointement à l’âme en Dieu. » (Saint Jean de la Croix, Vive Flamme B, 3,3).
Cette lecture nous parle de la promesse d’une descendance et de la promesse d’une terre. Commençons par la plus difficile à comprendre, la promesse d’une terre. Dans le livre de la Genèse, c’est une promesse à géométrie variable. En Gn 12, 7, elle se limite à ce qu’Abram peut voir autour de lui, à partir de Sichem. En Gn 17, 8, elle se limite « à toute la terre de Canaan », c’est-à-dire l’ancienne Palestine. Mais, en Gn 15, 18, il s’agit d’un territoire « depuis le Torrent d’Égypte jusqu’au grand fleuve, le fleuve d’Euphrate » : l’expression pourrait désigner tout le monde connu par Abraham. Saint Paul choisit cette dernière lecture en disant : « Abraham hérite du monde » (Rm 4, 13), non pas à la manière d’un empereur mais parce que toutes les familles de la terre « se béniront par lui » (Gn 18, 18) et « se béniront par sa postérité » (Gn 22, 18). On peut approfondir avec David Neuhauss et Alain Marchadour, La Terre, La Bible et L’Histoire : Vers le pays que je te montrerai... Paris, Bayard, 2006
Voyons maintenant la promesse d’une descendance. Abraham n’avait pas d’enfants, et lorsque la servante Agar, rentrée sous le toit de la famille, lui eut donné un fils, Abraham devenu père après tant d’années, ne goûta quelque joie que pour éprouver bientôt une tristesse plus grande. Abraham savait en effet que le Seigneur avait dit d’Ismaël : « Il ne sera pas ton héritier, mais celui qui viendra de toi » (Gn 15,4). Or, dans la lecture de ce dimanche, Dieu renouvelle la promesse d’une descendance. Il faut se souvenir que dès que Dieu l’appelle, Abraham part "comme le lui avait dit le Seigneur" (Gn 12,4). La prière d’Abraham s’exprime d’abord par des actes : homme de silence, il construit, à chaque étape, un autel au Seigneur. Plus tard seulement apparaît sa première prière en paroles : une plainte voilée qui rappelle à Dieu ses promesses qui ne semblent pas se réaliser (cf. Gn 15, 2-3). Dès le début apparaît ainsi l’un des aspects du drame de la prière : l’épreuve de la foi en la fidélité de Dieu. Il faut « travailler à croire » (Jn 6, 29-30), c’est un travail intérieur qui consiste à le bénir, à l’adorer, à l’attendre, à offrir nos peines dans la confiance. Et Abraham crut. « Abraham réalise ainsi la définition de la foi donnée par l’épître aux Hébreux : "La foi est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas" (He 11,1). "Abraham eut foi en Dieu, et cela lui fut compté comme justice" (Rm 4,3 cf. Gn 15,6). Grâce à cette "foi puissante" (Rm 4,20), Abraham est devenu "le père de tous ceux qui croiraient" (Rm 4,11 ; 4,18 cf. Gn 15,5). » (CEC 146).
Quant à la Vierge Marie, après avoir reçu par le message de l’ange Gabriel l’annonce de l’Incarnation de Jésus, le Saint de Dieu, le Fils du Très Haut, elle entonne chez sa parente Élisabeth un cantique, le Magnificat, qui commence par les mots « 46 Mon âme exalte le SEIGNEUR, / 47 et se réjouit mon esprit en Dieu, celui qui me vivifie », et qui qui s’achève par le rappel de la promesse faite à Abraham :
« 54 Il a secouru Israël, son serviteur, / et il s’est souvenu de sa tendresse
55 comme il l’avait dit à nos pères, / avec Abraham et sa postérité pour toujours » (Lc 1, 46-55 – extrait de Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, Parole et Silence 2024).
Jésus est un descendant d’Abraham, physiquement. Mais il ne suffit pas d’appartenir à une généalogie : Jean-Baptiste (qui était aussi de la race d’Abraham) disait aux foules : « Engeance de vipères, qui vous a suggéré d’échapper à la Colère prochaine ? Produisez donc des fruits dignes du repentir, et n’allez pas dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham. Car je vous dis que Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham.» (Lc 3, 7-8).
Saint Irénée, qui a été déclaré docteur de l’Église en 2022, nous aide à éviter deux erreurs opposées.
D’une part, nous ne devons pas, comme le faisaient déjà, au IIe siècle, l’hérétique Marcion et ses disciples, « qui expulsent Abraham de l’héritage, alors que l’Esprit, par plusieurs et notamment par Paul, lui rend ce témoignage : "Il crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice Rm 4,3 Ga 3,6; Gn 15,6." » (Saint Irénée, Contre les Hérésies IV, 8). Éliminer l’Ancien Testament, c’est une grave faute, qui peu à peu nous fait oublier que Dieu le Créateur agit dans l’histoire. Dieu est le souverain maître de l’histoire, nous n’avons donc pas à essayer de sortir de l’histoire, de l’espace et du temps comme dans toutes les doctrines gnostiques.
D’autre part, nous ne devons pas oublier les paroles de Jean-Baptiste et plus encore celles de Jésus : C’est « l’Église qui, par Jésus-Christ, reçoit la filiation adoptive et l’héritage promis à Abraham. » (Saint Irénée, Contre les Hérésies IV, 8).
Psaume (Ps 26 (27), 1, 7-8, 9abcd, 13-14)
« Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ? Écoute, Seigneur, je t’appelle ! Pitié ! Réponds-moi ! Mon cœur m’a redit ta parole : ‘Cherchez ma face.’ C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face. N’écarte pas ton serviteur avec colère : tu restes mon secours. J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. ‘Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur’. »
Saint Augustin a fait deux commentaires de ce psaume. Nous allons suivre le premier, puis le second.
v. 1 « Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ? » Saint Augustin : « C’est le Seigneur qui doit repousser l’assaut et les embûches de mes ennemis, nul ne me fera peur ».
v.7. « Écoute, Seigneur, je t’appelle ! Pitié ! Réponds-moi ! » Saint Augustin : « Exaucez, ô Dieu, cette voix du coeur, que mes vifs désirs élèvent jusqu’à vos oreilles. Prenez-moi en pitié, exaucez-moi. Ayez pitié de moi, exaucez ma prière ».
v.8 « Mon cœur m’a redit ta parole : ‘Cherchez ma face.’ C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face. » Saint Augustin : « Ce n’est point devant les hommes que j’ai prié ; mais dans le secret où vous entendez seul, mon coeur vous a dit : Je cherche une récompense, non point hors de vous, mais dans vos regards bienveillants, ‘C’est ce regard, ô mon Dieu, que je veux chercher’. Ce regard, je le chercherai sans cesse ; rien de vil ne saurait me plaire ; mon amour pour vous sera sans bornes, parce que rien ne m’est plus précieux. »
v. 9 « N’écarte pas ton serviteur avec colère : tu restes mon secours. » Saint Augustin : « Ne m’abandonnez point, ne me méprisez point, ô Dieu, mon Sauveur. Ne méprisez point un mortel qui ose rechercher un Dieu éternel : c’est vous, ô mon Dieu, qui guérissez la plaie de mon péché. »
v. 13 « J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. » Saint Augustin : « Et parce que le Seigneur a souffert ces persécutions avant moi, si, à mon tour, je méprise les langues de ces hommes dévoués à la mort, ‘car la bouche qui ment, tue l’âme’ (Sg 1,11), je suis certain de voir les biens du Seigneur, dans la terre des vivants, où il n’y a plus de fausseté. » (« La terre des vivants », c’est le ciel, ou bien c’est la terre libérée de l’emprise de Satan au moment de la venue glorieuse du Christ, la Parousie, cf. St Augustin, sermon 259).
v. 14 « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur ». Saint Augustin : « Quand donc s’accomplira cette promesse? Au mortel d’accuser la difficulté, à l’amour d’accuser la lenteur ; écoute néanmoins la voix infaillible qui dit: ‘Attends le Seigneur’. Souffre courageusement le feu qui brûle tes reins, et vaillamment celui qui brûle ton coeur, ne regarde pas comme refusé ce que tu n’as pas reçu. Cccccc Contre le désespoir et la défaillance, écoute cette parole : ‘Attends le Seigneur’».
En suivant le 2e commentaire de saint Augustin :
« Le Seigneur notre Dieu, voulant nous adresser des paroles consolantes, […] daigne emprunter notre langage pour nous parler, afin de nous montrer, non seulement qu’il nous a créés, mais encore qu’il habite avec nous. […] Celui qui est assez compatissant pour daigner adresser la parole à des malheureux, a daigné prendre aussi le langage du malheur. Il est donc vrai de dire que ces paroles sont les nôtres et qu’elles ne nous appartiennent point ; que c’est la voix de l’Esprit Saint, et que néanmoins elle n’est pas la sienne. C’est la parole de l’Esprit Saint, puisqu’elle n’est dans notre bouche que par son inspiration ; mais elle n’est point sa parole, en ce sens qu’il ne ressent ni la misère ni la fatigue, et ces paroles sont les cris de la douleur et du travail. Elles sont nos paroles, puisqu’elles témoignent de notre misère ; mais elles ne viennent point de nous, puisque c’est à sa grâce que nous devons de pouvoir gémir. »
v. 1 : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, que pourrai-je craindre ?» C’est lui qui m’éclaire; arrière les ténèbres! c’est lui qui est mon salut, arrière l’infirmité! En marchant dans la force et dans la lumière, qu’ai-je à craindre ? Ce salut qui vient de Dieu n’est point un salut qu’on puisse m’arracher ; ni sa lumière un flambeau que l’on puisse éteindre. C’est donc Dieu qui nous éclaire, et nous qui sommes éclairés, c’est Dieu qui nous sauve, et nous qui sommes sauvés. Si donc c’est Dieu qui est lumière, nous qui sommes éclairés, lui qui est sauveur, nous qui sommes sauvés, sans lui nous ne serions que ténèbres et que faiblesse. Ayant donc en lui une espérance ferme, fondée, inébranlable, qui pouvons-nous craindre ? Le Seigneur est donc ta lumière, le Seigneur est ton sauveur. Crains encore, si tu trouves une puissance plus grande. J’appartiens donc au Dieu plus puissant que tous, car il est le Tout-Puissant ; c’est lui qui m’éclaire, lui qui me sauve ; je le crains, et n’ai pas d’autre crainte. «C’est le Seigneur qui protège ma vie, qui pourrait me faire peur ?»
v. 7 « Mon cœur m’a redit ta parole : ‘Cherchez ma face.’ » Saint Augustin : « La lumière sensible est pour les yeux du corps, mais la lumière divine pour ceux du coeur. Or, voulez-vous voir cette lumière qui est faite pour les yeux du cœur ? car c’est Dieu lui-même, comme l’a dit saint Jean : ‘Dieu est lumière, et il n’y a point de ténèbres en lui (Jn 1,5)’ ; voulez-vous donc voir cette lumière ? Purifiez l’oeil qui la voit : ‘Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu’ (Mt 5,8).»
v. 8-9 « C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face. N’écarte pas ton serviteur avec colère : tu restes mon secours. J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. » Saint Augustin : « On ne pouvait rien dire de plus magnifique et de plus divin. [c’est-à-dire ‘C’est ta face, Seigneur, que je cherche’] […] Vous m’aiderez, car je suis l’ouvrage de vos mains; vous n’abandonnez pas vos créatures ».
v. 14 « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur » Saint Augustin : « En lui tu n’attendras pas un Dieu menteur, un Dieu qui se trompe, un Dieu qui ne puisse trouver de quoi vous donner. C’est le Tout-Puissant qui vous a promis, celui qui est fidèle par excellence, celui qui est la vérité même. ‘Attends donc le Seigneur, et travaille en homme de cœur’. Ne te laisse pas abattre, afin de n’être point avec ceux dont il est dit : ‘Malheur à ceux qui ont perdu la constance’ (Si 2,16). ‘Attends le Seigneur, agis en homme de cœur ; affermis ton âme et attends le Seigneur’. C’est par la confiance que tu posséderas le Seigneur, tu posséderas celui que tu auras attendu.
Deuxième lecture (Ph 3, 17 – 4, 1)
« Frères, ensemble imitez-moi, et regardez bien ceux qui se conduisent selon l’exemple que nous vous donnons. Car je vous l’ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant : beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ. Ils vont à leur perte. Leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre.
Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir. Ainsi, mes frères bien-aimés pour qui j’ai tant d’affection, vous, ma joie et ma couronne, tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés. » – Parole du Seigneur.
« Leur dieu, c’est leur ventre » Dans les premiers versets (Ph 3, 17-19), saint Paul critique ceux qui mettent leur confiance dans le fait d’être circoncis plutôt que dans la croix et la résurrection du Christ, ce qui est beaucoup plus important que la circoncision. La circoncision, c’est la première alliance, la croix et la résurrection du Christ, c’est l’Alliance nouvelle et éternelle.
Puis, aux versets 20-21 – « Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir » – saint Paul décrit l’attente de la Venue glorieuse du Christ qui est un événement que nous attendons, et que nous devons attendre, car alors il soumettra tout sous son pouvoir. – on pourra lire mes ouvrages « la venue glorieuse du Christ » (Jubilé) « L’Apocalypse revisitée (Parole et Silence) ou mon manuel « L’avenir du monde » (amazon).
Mais même pour ceux qui ne vivront pas jusqu’à son retour glorieux, la résurrection de Jésus est aussi pour chacun de nous l’assurance de notre propre résurrection. Jésus-Christ est appelé ‘le premier né d’entre les morts’ [Ap 1,5 ; Col 1,18]. Et Saint Paul nous dit de Lui : ‘Le Christ est ressuscité d’entre les morts, comme les prémices de ceux qui dorment. Car si la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’arrive la résurrection. Et de même que tous meurent en Adam, ainsi tous revivront en Jésus-Christ, mais chacun dans son rang, Jésus-Christ d’abord comme les prémices, puis ceux qui sont à Jésus-Christ.’ [1Co 15,20 et seq.] Ce n’est pas comme la résurrection de Lazare (Jn 11) dont le retour à la vie n’enlève pas la nécessité de mourir une seconde fois ; Jésus-Christ, au contraire, nous dit le catéchisme du concile de Trente, « vainquit et dompta tellement la mort par sa Résurrection qu’Il ne pouvait plus mourir. C’est l’enseignement formel de Saint Paul ‘Jésus-Christ ressuscité des morts ne meurt plus. Et la mort désormais n’aura plus d’empire sur Lui’ (Rm 6,9). »
Et encore, « Il était nécessaire que Jésus-Christ ressuscitât, pour faire éclater la justice de Dieu. En effet, Dieu se devait à lui-même de glorifier Celui qui, pour obéir, S’était volontairement humilié et avait accepté tous les outrages. C’est la raison même que nous donne l’Apôtre écrivant aux Philippiens: ‘Il s’est humilié Lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu L’a élevé.’ (Ph 2,8-9)
Une seconde raison de la Résurrection, c’est qu’elle était nécessaire pour fortifier en nous la Foi sans laquelle l’homme ne saurait être justifié. Car ce qui prouve le mieux que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, c’est sa Résurrection d’entre les morts, et par sa propre vertu.
En troisième lieu, la Résurrection de Notre Seigneur était nécessaire pour nourrir et soutenir notre espérance. En effet, par le seul fait que Jésus-Christ est ressuscité, nous avons le droit d’espérer d’une manière certaine que nous aussi nous ressusciterons. Car les membres doivent, de toute nécessité, partager le sort de la tête. C’est à cette conclusion que l’Apôtre veut arriver dans ses lettres si motivées aux Fidèles de Corinthe [1Co 15,12] et de Thessalonique [1Th 4,13] ; c’est également le raisonnement du Prince des Apôtres, qui nous dit: ‘Béni soit Dieu le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés par la Résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, en nous donnant l’espérance vive d’un héritage incorruptible’ [1P 1,3].
[…] Par sa mort, Jésus-Christ nous avait délivrés de nos péchés ; par sa Résurrection, Il nous rendait ces biens précieux que le péché nous avait fait perdre. Voilà pourquoi l’Apôtre n’a pas manqué de dire: ‘Jésus-Christ a été livré pour nos péchés, et Il est ressuscité Pour notre justification’ [Rm 4,25]. Afin que l’oeuvre de notre salut fût complète, la Résurrection de Notre Seigneur était donc nécessaire, aussi bien que sa mort. […]
Nous voyons dans ce prodige un Dieu immortel, plein de gloire, vainqueur de la mort et du démon, car tous ces titres appartiennent à Jésus-Christ ; nous le croyons fermement, et nous faisons profession de le croire.
Ensuite la Résurrection du Sauveur nous mérite et nous assure notre propre résurrection. […] Voici en effet ce que nous affirme l’Apôtre en parlant de la résurrection des corps: ‘La mort est venue par un homme, et la résurrection des morts arrivera aussi par un homme’ 1Co 15,21. Tant il est vrai que tout ce que Dieu a fait dans le mystère de notre rédemption, Il l’a fait en se servant de l’humanité de son Fils comme d’un moyen efficace. Ainsi sa résurrection a été comme un instrument pour opérer la nôtre. Et nous disons encore qu’elle est le modèle de la nôtre, parce qu’elle est la plus parfaite. De même que le corps de Jésus-Christ, en ressuscitant, s’est élevé dans sa transformation à une gloire immortelle, de même aussi nos corps, aujourd’hui faibles et mortels, seront, après la résurrection, revêtus de gloire et d’immortalité. Car, dit l’Apôtre, nous attendons le Sauveur Notre Seigneur Jésus-Christ, qui réformera notre corps humilié, en le rendant semblable à son corps de gloire Ph 3,20-21.
Nous avons donc deux choses à faire pour imiter la Résurrection de Jésus-Christ. D’abord, après nous être lavés des souillures du péché, nous devons embrasser un nouveau genre de vie, où l’on puisse voir briller la pureté des moeurs, l’innocence, la sainteté, la modestie, la justice, la charité et l’humilité. Ensuite, il est nécessaire de persévérer dans cette vie nouvelle, de manière à ne jamais nous écarter, avec la grâce de Dieu, de la voie de la justice.
Or, les paroles de l’Apôtre que nous venons de citer ne nous apprennent pas seulement que la Résurrection de Jésus-Christ nous est proposée comme modèle de la nôtre, mais qu’elle nous donne en réalité la vertu de ressusciter un jour, et que, en attendant, elle nous communique les lumières et les forces nécessaires pour persévérer dans la sainteté, dans la justice et dans l’accomplissement des préceptes divins. » (Catéchisme du concile de Trente § 60).
Évangile (Lc 9, 28b-36) La Transfiguration
La traduction sur la Pshitta (le texte liturgique des églises de langue araméenne ou syriaque) est faite pour la récitation, avec une reprise de souffle, avec un léger balancement, comme si nous marchions. La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024.
« 28 Or il advint, après qu’il eut dit ces paroles, / environ huit jours,
que Jésus emmena Simon, / Jacques et Jean
et monta à la montagne / pour prier.
29 Et, tandis qu’il priait, / l’apparence de son visage se changea
et ses vêtements blanchirent, / et ils étincelaient comme l’éclair.
-----
30 Et voici, deux hommes parlaient / avec lui,
qui étaient Moïse et Élie, / 31 qui se montraient dans la gloire.
Or ils parlaient au sujet de son Exode, / qui allait s’accomplir à Jérusalem.
32 Et ils étaient alourdis par le sommeil, / Simon et ceux qui étaient avec lui,
et à peine se tinrent-ils éveillés et virent-ils sa gloire, / et celle des deux hommes qui se tenaient debout auprès de lui.
-----
33 Et, lorsqu’ils commencèrent à se séparer de lui, / Simon dit à Jésus :
‘Mon Rabbi !
Il est beau pour nous / que nous soyons ici même
et que nous fassions trois tentes / pour toi, une !
pour Moïse, une ! / et pour Élie une !’
Il ne sait pas / quoi dire.
34 Et ayant dit / ces choses-là…
Ce fut une nuée… / Et elle les couvrit !
Et ils craignirent / lorsqu’ils virent Moïse et Élie qui entrèrent dans la nuée !
-----
35 Et ce fut une voix, depuis la nuée, / qui disait :
‘Celui-ci est mon fils bien-aimé, / écoutez-le !’
36 Et, lorsque ce fut la voix, / Jésus se trouva seul.
Et, eux, / ils se turent.
-----
Et à personne / ils ne dirent, en ces jours-là, la chose qu’ils avaient vue… »
Lc 9, 28-29. Jésus monte à la montagne pour prier, « et l’apparence de son visage se changea et ses vêtements blanchirent, et ils étincelaient comme l’éclair ».
Cette description dépasse ce qui est dit de Moïse dont le visage rayonnait quand il avait parlé avec le Seigneur (Ex 34, 29.30). Marc parle de vêtements blancs plus que la neige, plus que ce que peut faire le blanchisseur (Mc 9, 3). Matthieu parle de vêtements blancs comme la lumière (Mt 17, 3). Comme Matthieu et Marc, Luc situe la Transfiguration après la première annonce de la Passion (Lc 9, 18-22). Cela signifie que Jésus a accepté une mort ignominieuse ; il va sans dire qu’une telle acceptation correspond à un amour incommensurable pour son Père et pour l’humanité. Il en devient incandescent.
Luc est le seul à dire que ses vêtements « étincelaient comme l’éclair » [araméen maḇrqīn ; grec ἐξαστράπτων], ce verbe rare semble tiré de la vision du char divin (Ez 1, 4.7). C’est ainsi la divinité du Christ qui se manifeste. Et, comme le char divin accompagne le peuple en exil (Ez 10 et 11), il se peut qu’il y ait ici une annonce voilée de ce qui deviendra un jour le rayonnement mondial du christianisme.
Lc 9, 30-32. La manifestation de Moïse et d’Élie fait ressortir la différence entre eux et Jésus, et justifie la manière dont Pierre a confessé sa foi en Jésus (Lc 9, 20). Après l’appel à porter leur croix (Lc 9, 23), c’est aussi une exhortation pour les apôtres : Moïse voulut donner sa vie à la place du peuple (Ex 32, 32) et après l’épisode du mont Carmel, Élie fut poursuivi par la reine Jézabel (1R 19, 1-2).
Sur la montagne, Moïse parlait avec Dieu (au Sinaï) ; de même Élie parlait avec Dieu (à l’Horeb). Ici, sur la montagne, les apôtres voient Moïse et Élie parler avec Jésus ! Le Fddddd
Les trois apôtres entendent Moïse et Élie parler de l’Exode [mappqānā] de Jésus (Lc 9, 31). Moïse fut le guide de la sortie d’Égypte et de la libération spirituelle concomitante. Le livre de l’Exode s’appelle « mappqānā ». L’Exode de Jésus sera aussi une sortie et une œuvre de libération. Jésus va être à l’origine d’un Exode (une sortie) vers les nations à travers la mission des apôtres, pour libérer le monde de l’empire de Satan (Ac 26, 18).
Élie ne mourut pas, mais il monta [racine slq] au ciel dans un char de feu (2R 2, 1.11) ; Jésus, après sa Passion, vivra aussi une Ascension [racine slq] dans la gloire du Père (Lc 24, 51). Les disciples peuvent entrevoir ce que sera la résurrection que Jésus a récemment annoncée pour la première fois (Lc 9, 22) : le « relèvement » d’entre les morts ne sera pas seulement un phénomène physique affectant le corps de Jésus, passant pour ainsi dire à travers les linges (linceul et bandelettes), mais un passage dans la gloire (Lc 24, 12).
Les disciples peuvent aussi entrevoir ce que sera la venue « du Fils de l’homme dans la gloire de son Père » (Lc 9, 5). Ils peuvent commencer à comprendre le projet divin de gloire sur toute la création, projet qui ne peut pas advenir sans préparation et en particulier sans l’adhésion de l’humanité. Ce projet divin se réalisera sur la terre lors du retour de Jésus dans la gloire ; l’humanité dans son ensemble pourra alors se préparer à vivre son assomption dans la gloire du Ciel.
Saint Paul et tous les apôtres ont commencé leur travail d’évangélisation à partir des synagogues, le long des routes commerciales tenues par les Hébreux (« les brebis dispersées d’Israël »). Et l’évangile selon saint Luc est un lectionnaire liturgique dans lequel l’épisode de la Transfiguration est proclamé à une période de l’année où l’on fait à la synagogue la lecture du livre des Nombres. Spécifique à Luc est aussi la mention de « l’Exode » de Jésus à Jérusalem (Lc 9, 31). Le livre des Nombres en éclaire le sens. « Aaron, le prêtre, monta à Hor-la-Montagne sur l’ordre du Seigneur » et c’est là qu’il meurt (Nb 33, 38). Jésus monte sur la montagne (Lc 9, 28), et là, il ne meurt pas, mais il est transfiguré en parlant de son Exode qui sera sa mort et son Ascension vers le Père, suivie de l’Exode des missionnaires vers le monde entier, de sorte que résonnera aussi cet autre verset du livre des Nombres : « c’est toi, Seigneur dont la nuée se tient au-dessus d’eux ; tu marches devant eux le jour dans une colonne de nuée, la nuit dans une colonne de feu » (Nb 14, 14).
Lc 9, 33-34. Simon désire dresser trois tentes (v. 33). En araméen, c’est la même racine dans les « tentes [mṭalīn] » et la nuée les « couvrait [maṭlā] » ; maṭlīn, c’est une tente « faite » de branchages pour faire de l’ombre l’été. Pour désigner une vraie tente en poil de chameau « plantée » pour y habiter, il y a un autre mot : maškénā. Mais ni Jésus, ni Moïse, ni Élie n’ont besoin de ces tentes dérisoires faites de main d’homme. La nuée est pour eux une tente (v. 34). L’équivalence entre « la tente » et la « nuée » se trouve d’ailleurs dans le Targum : le livre du Lévitique dit que les fils d’Israël sortant d’Égypte « habitent sous la tente » (Lv 23, 43) alors que le Targum Néofiti 1 dit que les enfants d’Israël demeurent « dans les nuées de la gloire de ma Shekina, sous l’image de huttes, au temps où je les fis sortir, libérés, du pays d’Égypte » (trad. R. Le Déaut, Targum du Pentateuque, II [SC 256] Paris 1979, p. 484 et 486).
Les disciples sont saisis de crainte en voyant Moïse et Élie entrer dans la nuée, eux-mêmes n’y entrent pas, ce qui est logique car ce n’est pas pour lui-même que Simon désirait une tente.
En grec aussi, la leçon la mieux attestée dit que ceux qui entrèrent dans la nuée sont Jésus, Moïse et Élie, et non pas les disciples. Nestlé Aland préfère la leçon qui suggère que les disciples entrent aussi dans la nuée, ce qui peut se comprendre cependant, le texte perd en logique.
L’évangile de Luc a une structure en pendentif d’oralité, de sorte que l’évangile de la transfiguration est introduite, dans un collier compteur, par la nuit de Noël, où « la gloire [ṯešbūḥtā] du SEIGNEUR resplendit sur eux [les bergers] » qui sont donc sous la gloire, comme sous une tente ! Et les bergers « craignirent [ḏḥel] d’une grande crainte » (Lc 2, 9). Lors de la Transfiguration, les apôtres virent Moïse et Élie dans la gloire [ṯešbūḥtā] ; ils virent aussi la gloire de Jésus [šūḇḥā], et ils craignirent [ḏḥel]. Les bergers de Noël témoignèrent, les apôtres ne témoignent pas, du moins pas en ces jours-là : il faut d’abord que « l’Exode » de Jésus puisse être compris et donc soit accompli.
Ce lien entre la Transfiguration et le récit de la Nativité explique une différence entre Marc et Luc qui n’a pas encore trouvé d’explication satisfaisante. Marc parle de « six jours après » que Pierre ait reconnu en Jésus le Messie (Mc 9, 2), mais Luc dit « environ huit jours après » (Lc 9, 28). L’originalité de Luc s’explique par le lien structurel le récitatif de Noël dans lequel l’imposition du nom de Jésus a lieu « huit jours » (Lc 2, 21) après l’annonce de la naissance du « Messie » (Lc 2, 11). Les deux perles de la Nativité et de la Transfiguration s’éclairent mutuellement : Jésus est le Sauveur « pour le monde entier » parce qu’il existe « dans la gloire » (Lc 2, 9 et Lc 9, 32) ; il n’a nullement besoin d’exercer une domination à la manière militaire de David : son règne se fait par l’attraction de son rayonnement qui peut atteindre tous les hommes.
Lc 9, 35-36. La voix céleste, celle du Père, se fait entendre : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le ! » (Lc 9, 35). Jésus est alors seul. Les apôtres ne disent rien en ces jours-là.
« Celui-ci est mon fils bien-aimé » (Lc 9, 35) exprime le rapport de Jésus à son Père.
« Écoutez-le ! » exprime le juste rapport des hommes à Jésus.
La lecture en fil d’oralité guide notre commentaire. Cette voix céleste advient entre la première et la seconde annonce de la Passion. La Passion sera une épreuve redoutable où Jésus pourra sembler être rejeté par Dieu, la voix céleste prévient cette tentation : il est le fils bien-aimé du Père. Les annonces de la Passion sont tellement difficiles à écouter que Jésus devra insister : « Mettez, quant à vous, ces paroles-ci dans vos oreilles ! » (Lc 9, 44). La Passion n’est pas un détail dans l’histoire, elle n’est pas une catastrophe, elle appartient au dessein divin. La Transfiguration et la voix céleste sont une éducation particulière pour préparer Pierre, Jacques et Jean, dont le rôle dans l’Église primitive sera majeur : « écoutez-le ! », ce qui implique une adhésion de l’intelligence et de la volonté.
Enfin, il nous faut analyser une question de critique textuelle sur le verset Lc 9, 35 que nous avons traduit « Celui-ci est mon fils bien-aimé » en suivant le texte reçu de la Pshitta. Or il existe une variante, qui se trouve dans le manuscrit syriaque du Sinaï : « voici mon fils mon élu, écoutez-le ! » (Lc 9, 35). Cette variante a son équivalent dans un certain nombre de manuscrits grecs, mais il ne faut pas majorer le problème, car en Is 42, 1 « l’élu » est aussi celui « en qui Dieu se complait ».
Date de dernière mise à jour : 01/02/2025