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2ème Dimanche de l’Avent (année A)

Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30.
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Psaume Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 12-13, 17)
1ère lecture - Is 11, 1-10
« 1 En ce jour-là, un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines. » (Is 11, 1)
Isaïe annonce Jésus le Messie, mais il ne discerne pas sa première venue et sa venue glorieuse.
La lettre aux Romains applique la prophétie d’Isaïe à la première venue de Jésus : « Le Christ s’est fait ministre des circoncis à l’honneur de la véracité divine, pour accomplir les promesses faites aux patriarches, et les nations glorifient Dieu pour sa miséricorde, […] Isaïe dit à son tour : Il paraîtra, le rejeton de Jessé [Is 11, 1], celui qui se dresse pour commander aux nations. En lui les nations mettront leur espérance » (Rm 15, 8-12).
L’Apocalypse applique la prophétie d’Isaïe à la seconde venue de Jésus « Moi, Jésus, j’ai envoyé mon Ange publier chez vous ces révélations concernant les Eglises. Je suis le rejeton de la race de David, l’Étoile radieuse du matin. » (Ap 22, 16 // Is 11, 1). C’est seulement au moment de la seconde venue de Jésus que le jugement du monde s’accomplira, et alors, « du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant » (Is 11, 4), ce qui s’accomplit dans l’Apocalypse, spécialement au chapitre 19.
Dans l’évangile selon saint Jean : « Et Jean [Baptiste] rendit témoignage en disant : ‘J’ai vu l’Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel, et demeurer sur lui’. » (Jn 1, 32 // Is 11, 2)
Lisons justement la suite de la prophétie d’Isaïe.
« 2 Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur – 3 qui lui inspirera la crainte du Seigneur. » (Is 11, 2-3)
Le don de sagesse nous fait juger, apprécier, goûter. Il perfectionne la vertu de charité et réside en même temps dans l’intelligence et dans la volonté, parce qu’il répand dans l’âme lumière et chaleur, vérité et amour.
Le don d’intelligence nous manifeste l’harmonie intime des vérités révélées ; en ce temps de l’Avent, remarquons que personne n’a eu d’une manière aussi fine que la Vierge Marie "le sens du Christ."
Le don de conseil perfectionne la vertu de prudence, en nous faisant juger rapidement et sûrement par une sorte d’intuition surnaturelle ce qui convient de faire, spécialement dans les cas difficiles. Ce don fut admirable en Marie, appelée par l’Église "Mère du bon conseil". Cette rapidité de Marie à s’adresser à Dieu et à recevoir les éclairages divins, dans toutes les circonstances de sa vie, maintenait dans son âme une parfaite paix.
Le don de force perfectionne la vertu de force, en donnant à la volonté une poussée et une énergie qui la rend capable d’opérer ou de souffrir de grandes choses, joyeusement et intrépidement, en dépassant tous les obstacles. Marie, en s’appuyant sur Dieu, dépassa chaque difficulté, surmonta tous les dangers, et accomplit l’entreprise ardue de coopérer avec le Christ au rachat du genre humain, stable comme un rocher sur le calvaire. En même temps, Marie se repose en Dieu comme un enfant entre les bras de sa mère, car c’est Dieu qui est fort.
L’objet du don de science, ce sont les choses créées en tant qu’elles nous mènent à Dieu, de qui elles proviennent et par qui elles sont conservées. La prière du Magnificat manifeste la science que la Vierge Marie avait du sens de l’histoire.
Le don de piété peut se méditer avec la parole qu’Élisabeth adressa à Marie lors de sa Visitation : « Et comment m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? […] Car dès l’instant de ta salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse dans mon sein. » Jean-Baptiste, qui ne voit rien, reçoit sa grâce. Il faut y penser quand on songe à l’immensité de ceux qu’on ne peut pas atteindre, qui sont derrière des barreaux ou derrière des murs qui les isolent. On peut les atteindre par la prière, secrètement.
Le don de crainte perfectionne en même temps la vertu d’espérance et la vertu de tempérance : la vertu d’espérance, en nous faisant craindre de déplaire à Dieu et d’être séparé de Lui ; la vertu de tempérance, en nous détachant des faux plaisirs qui pourraient nous faire perdre Dieu. C’est donc un don qui incline la volonté vers le respect filial de Dieu, nous éloigne du péché parce qu’il lui déplaît, et nous fait espérer en son aide.
Le don de crainte, déjà, a fait choisir à Marie la condition de virginité, alors qu’en Israël les femmes espéraient engendrer le Messie ou du moins sa lignée. Quand l’ange lui dit « Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi ». Et elle fut troublée par ces paroles. Dieu presque toujours jette comme un voile sur les âmes qu’Il aime de plus, en sorte qu’elles sont les dernières à connaître leur profondeur. La crainte de Marie est celle de la créature qui sent son Dieu venir à elle. Crainte que l’on voit souvent dans la vie des saints quand l’extase va tomber sur eux, on les sent comme tremblants et comme disloqués au contact de cette grâce de Dieu, de cette descente de Dieu en eux. La Vierge Marie est toute tremblante de subsister encore en face de Lui.
Continuons la lecture d’Isaïe :
« Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. 4 Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. Du bâton de sa parole, il frappera le pays ; du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant. [cela c’est le jugement eschatologique, dans l’Apocalypse, c’est Jésus, roi des rois, Verbe de Dieu, il élimine la bête et le faux prophète non pas par des armes mais par l’épée de sa bouche, c’est-à-dire sa parole, comme Isaïe dit, « par le bâton de sa parole »]
5 La justice est la ceinture de ses hanches ; la fidélité est la ceinture de ses reins.
6 Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau,
le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira.
7 La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits auront même gîte.
Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. 8 Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main.
9 Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. 10 Ce jour-là, la racine de Jessé sera dressée comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront, et la gloire sera sa demeure. – Parole du Seigneur. » (Is 11, 3-10)
« Le loup habitera avec l’agneau, etc. » (Is 11, 6-8) décrit le temps de la parousie après le jugement eschatologique qui « fera mourir le méchant » (Is 11, 4), ces images représentent l’harmonie sociale dans le royaume des justes et l’harmonie entre les nations.
Psaume Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 12-13, 17)
« Dieu, donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice, qu’il fasse droit aux malheureux !
En ces jours-là, fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer, et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !
Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie.
Que son nom dure toujours ; sous le soleil, que subsiste son nom !
En lui, que soient bénies toutes les familles de la terre ; que tous les pays le disent bienheureux ! »
Chers auditeurs, on n’obtiendra pas un monde idéal, un grand Reset comme on dit de nos jours, en provoquant un chaos généralisé.
La figure du roi David était souvent décevante, tout comme celle de tant de rois au cours des siècles. Le psaume annonce la figure lumineuse et glorieuse du Messie, dans le sillage de l’espérance prophétique exprimée par Isaïe dans la première lecture : « Il jugera les faibles avec justice, il rendra une sentence équitable pour les humbles du pays » (Is 11, 4).
Dans ce psaume, il est fait trois fois mention de la justice. Nous nous trouvons naturellement en présence d’éléments qui appartiennent au style des poésies de cour, avec l’emphase qui leur est propre. Mais ces paroles acquièrent désormais leur vérité dans l’action du roi parfait, attendu et espéré, le Messie. La justice et la paix sont les signes de l’entrée du Messie dans notre histoire. L’élément décisif pour reconnaître la figure du roi messianique est surtout la justice et son amour pour les pauvres (cf. vv. 12-14).
Celle-ci est en particulier rendue aux pauvres qui, en revanche, sont généralement les victimes du pouvoir. Celui qui ne respecte pas le droit n’accomplit pas seulement un acte politiquement incorrect et moralement injuste. Il commet également un acte contre Dieu, un délit religieux, car le Seigneur est le protecteur et le défenseur des pauvres et des opprimés, des veuves et des orphelins, c’est-à-dire de tous ceux qui n’ont pas de protecteurs humains (JEAN PAUL II, Audience du mercredi 1er décembre 2004).
Toute l’humanité, oubliant et effaçant même chaque division, convergera vers ce souverain de justice, accomplissant ainsi la grande promesse faite par le Seigneur à Abraham : « Bénies seront en lui toutes les races de la terre » (Ps 71, 17; cf. Gn 12, 3).
Dans la figure de ce roi-Messie, la tradition chrétienne a perçu le portrait de Jésus-Christ. Et Jésus fut acclamé roi le dimanche des rameaux par une foule joyeuse qui fut témoin de son amour pour les pauvres.
Saint Augustin, dans son Commentaire sur le Psaume 71, explique que les humbles et les pauvres, au secours desquels le Christ vient, sont "le peuple des croyants en lui", afin que ce roi, fils du roi, les libérât du puissant", c’est-à-dire de Satan, le "calomniateur", le "puissant". "Mais notre Sauveur a humilié le calomniateur, et il est entré dans la maison du puissant, en emportant ses vases après l’avoir enchaîné; il "a libéré le petit du puissant, et le pauvre qui n’avait personne pour le secourir". En effet, aucune puissance créée n’aurait été capable d’accomplir cela : ni celle de quelque homme juste, ni même celle de l’ange. Il n’y avait personne en mesure de nous sauver ; voilà alors qu’il est venu lui-même, en personne, et qu’il nous a sauvés" (Saint Augustin, Commentaire sur le Psaume 71, 14: Nuova Biblioteca Agostiniana, XXVI, Roma 1970, pp. 809-811).
« Qu’il domine de la mer à la mer, et du Fleuve jusqu’au bout de la terre ! » C’est ici qu’entre en scène une dimension universaliste, qui va de la Mer Rouge ou de la Mer Morte jusqu’à la Méditerranée, de l’Euphrate, le grand "fleuve" oriental, jusqu’aux frontières extrêmes de la terre (cf. v. 8). Il s’agit d’un regard qui s’étend sur toute la carte du monde alors connu.
En Jésus, Israël s’ouvre à l’universel ; alors que l’Ancien Testament décrit les frontières de la terre promise à Abraham, saint Paul écrit : « Abraham hérite du monde » (Rm 4, 13)[1]. C’est vrai au temps de saint Paul (qui est juif), et ce sera encore vrai dans les derniers temps.
On le comprend bien, pour qu’il domine sur la terre entière, il faut que les ennemis de Dieu aient été jugés, c’est ce qui a été entrevu par le prophète Isaïe dans la première lecture : « Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. […] il fera mourir le méchant » (Is 11, 4).
Tout ceci n’est pas un discours facile. Nous parlons d’un Jugement, et pas seulement un jugement entre le bien et le mal qui sont au fond de mon cœur mais d’un jugement entre les hommes. Ce n’est pas un jugement que moi je vais faire, ou que ma nation va faire, c’est un jugement qu’un autre fera. Dans le Nouveau Testament, il est question d’un Antichrist et de se positionner pour ou contre l’Antichrist. Même un non-chrétien peut se positionner contre l’Antichrist, quoiqu’il soit généralement dans un système postchrétien antichristique, en disant « non ça c’est pervers je n’en veux pas, je veux pas ça ».
Cette révélation est importante pour notre société. Trop souvent on veut accomplir tout seul l’idée d’un monde où il n’y aurait plus de mal ! Et donc on va vouloir éliminer les méchants les mécréants, ceux qui ne pensent pas comme nous, les mauvais et ça va donner des goulags, des Jihads, des dictatures, des épurations ! Ces mécanismes sont les conséquences d’une contrefaçon du christianisme, une idée chrétienne tronquée, amputée.
Comprenons bien l’importance de l’évangile : « Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il rassemblera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas » (Mt 3, 12).
Gardons l’espérance, comme dit le psaume : Dieu, donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice. Dieu donnera au roi, Jésus, ses pouvoirs, lui qui est le Fils de Roi, le fils de Dieu qui est Roi de l’univers, et souverain maître de l’histoire.
Deuxième lecture Rm 15, 4-9
« Frères, tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire, afin que, grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures, nous ayons l’espérance. Que le Dieu de la persévérance et du réconfort vous donne d’être d’accord les uns avec les autres selon le Christ Jésus. Ainsi, d’un même cœur, d’une seule voix, vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Accueillez-vous donc les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu. Car je vous le déclare : le Christ s’est fait le serviteur des Juifs, en raison de la fidélité de Dieu, pour réaliser les promesses faites à nos pères ; quant aux nations, c’est en raison de sa miséricorde qu’elles rendent gloire à Dieu, comme le dit l’Écriture : C’est pourquoi je proclamerai ta louange parmi les nations, je chanterai ton nom. – Parole du Seigneur ». (Rm 15, 4-9)
Chers auditeurs, saint Paul répète deux fois le mot « persévérance ». Et il nous dit de vivre « selon le Christ Jésus », selon le Messie Jésus. La stabilité de notre intention de vivre selon le Christ rend gloire à Dieu. Notre persévérance dans l’union au Christ produit une unité les uns avec les autres. On a parfois l’idée qu’un peu d’esprit du monde, un peu de compromis avec la corruption peut ménager l’unité, c’est exactement l’inverse. Plus on est « comme Jésus », « selon Jésus », plus l’unité se fortifie.
On lit dans les Actes des apôtres que la mission chez les païens pose problème (Ac 15). Ce problème reposait [2], entre autres, sur la conviction, tirée des Écritures, que cette mission ne procédait pas suivant le déroulement attendu. Selon Amos 9, 11-12 (ou encore selon Isaïe 1,1-2, Michée 4, 1-2), Israël devait sûrement être restauré en premier, avant que la question des nations ne se pose. Or Israël était encore sous domination romaine. Mais le baptême de Jésus au Jourdain a une certaine analogie avec la traversée du Jourdain par Israël au temps de Josué. On peut donc dire que Jésus a été la hutte de David, branlante et ruinée sur la croix et que la restauration d’Israël annoncée par les prophètes, c’est la Résurrection de Jésus. La restauration d’Israël, c’est aussi le fait que des Juifs (beaucoup, mais cependant pas tous) l’ont reconnu comme Messie. Alors que les Juifs étaient aux alentours de 2% de la population mondiale au temps du Christ, leur nombre a chuté brutalement au temps de la première génération chrétienne, non pas qu’ils soient morts, mais parce qu’ils sont devenus chrétiens.
Ainsi, tout est en ordre parce que la conversion des nations a commencé après Pâques, c’est-à-dire après la résurrection de Jésus. Et l’apôtre saint Jacques, peut clore le débat et justifier la mission de Paul chez les païens en citant le prophète Amos : «Dieu a pris soin de tirer d’entre les païens un peuple réservé à son Nom. 15 Ce qui concorde avec les paroles des Prophètes, puisqu’il est écrit : Après cela je reviendrai et je relèverai la tente de David qui était tombée ; je relèverai ses ruines et je la redresserai, afin que le reste des hommes cherchent le Seigneur, ainsi que toutes les nations qui ont été consacrées à mon Nom, dit le Seigneur qui fait connaître ces choses depuis des siècles [= Amos 9, 11-12]. C’est pourquoi je juge, moi, qu’il ne faut pas tracasser ceux des païens qui se convertissent à Dieu » (Actes 15, 14-19).
Un détail important doit être signalé. Le texte hébreu dit « afin qu’ils possèdent le reste d’Edom » (Amos 9, 12), mais Jacques cite Amos dans le texte de la Septante : « afin que le reste des hommes cherchent le Seigneur » (Amos 9, 12), en effet, il ne s’agit pas de posséder les nations, autrement dit de les incorporer par la circoncision dans l’entité politique d’Israël, mais d’accueillir la quête des hommes en préservant la distinction entre Israël et un peuple (pagano-chrétien) tiré des nations.
Dans l’évangile de ce jour, nous entendrons les paroles de Jean le Baptiste : « N’allez pas dire en vous-mêmes : ‘Nous avons Abraham pour père’ ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham » (Mt 3, 9).
Il ne faut pas oublier l’Ancien Testament parce qu’il nous enseigne combien Dieu inscrit son Alliance dans notre histoire, et qu’il est le maître de l’Histoire. Et la Venue glorieuse du Christ accomplit les antiques prophéties, comme l’explique saint Irénée, – disciple de saint Polycarpe, disciple de saint Jean :
« "Lorsque les villes des nations seront dépeuplées, faute d’habitants, ainsi que les maisons, faute d’hommes, et lorsque la terre sera laissée déserte... (Is 6,11) "Dieu éloignera les hommes, et ceux qui auront été laissés se multiplieront sur la terre (Is 6,12)." […] Toutes les prophéties de ce genre se rapportent sans conteste à la résurrection des justes, qui aura lieu après l’avènement de l’Antéchrist et l’anéantissement des nations soumises à son autorité : alors les justes régneront sur la terre, croissant à la suite de l’apparition du Seigneur [la Parousie] ; ils s’accoutumeront, grâce à lui, à saisir la gloire du Père et, dans ce royaume, ils accéderont au commerce des saints anges ainsi qu’à la communion et à l’union avec les réalités spirituelles. […] Mais lorsque cette "figure" aura passé, que l’homme aura été renouvelé, qu’il sera mûr pour l’incorruptibilité au point de ne plus pouvoir vieillir, "ce sera alors le ciel nouveau et la terre nouvelle (Is 65,17)", en lesquels l’homme nouveau demeurera, conversant avec Dieu d’une manière toujours nouvelle. » (AH, V, 35 – 36,1).
En parlant d’un royaume sur la terre, saint Irénée n’ouvre pas la porte aux faux messies, car ce royaume advient dans la grâce de vivification concomitante avec la Venue glorieuse du Christ.
Face à toutes les tentations messianiques, le christianisme fait entendre l’avertissement sur la venue de l’Antichrist :
« 675 L’imposture religieuse suprême est celle de l’AntiChrist, c’est-à-dire celle d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair (cf. 2Th 2,4-12 ; 1Th 5,2-3 ; 2Jn 7 ; 1Jn 2,18 2,22).
676 Cette imposture anti-christique se dessine déjà dans le monde chaque fois que l’on prétend accomplir dans l’histoire l’espérance messianique qui ne peut s’achever qu’au-delà d’elle à travers le jugement eschatologique : même sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté cette falsification du Royaume à venir sous le nom de millénarisme [3], surtout sous la forme politique d’un messianisme sécularisé, "intrinsèquement perverse" (cf. Pie XI, enc. "Divini Redemptoris" condamnant le "faux mysticisme" de cette "contrefaçon de la rédemption des humbles" [4]). » (Catéchisme 675-676).
La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Matthieu, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Traduction depuis la Pshitta le texte liturgique araméen). Préface Mgr Mirkis (Irak) ; Mgr Dufour (France) et Mgr Kazadi (Congo RDC). Parole et Silence, 2025.
« 1 Or, en ces jours-là, / survint Jean le Baptiste,
et il prêchait dans le désert de Judée, / en disant :
2 ‘Convertissez-vous : / il s’est approché, le royaume des Cieux !’
3 C’est en effet, celui dont il était dit, / par le prophète Isaïe :
‘Une voix ! / qui crie dans le désert :
Préparez la voie du SEIGNEUR, / rendez dignes ses sentiers !’
4 Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, / et une ceinture de cuir autour des reins ;
et sa nourriture : / des sauterelles et du miel agreste.
5 Alors sortaient auprès de lui / Jérusalem
et toute la Judée / et toute la région du Jourdain.
6 Et ils étaient baptisés par lui / dans le fleuve Jourdain
tandis qu’ils confessaient leurs péchés.
7 Et lorsqu’il vit beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens / venir être baptisés,
il leur dit :
Engeance de vipères ! / Qui vous a indiqué de fuir la colère qui vient ?
8 Produisez donc des fruits / qui soient dignes de la pénitence.
9 Ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : / ‘Pour père, nous avons Abraham’ ;
car, je vous dis : de ces pierres-ci, / Dieu peut faire se lever des enfants à Abraham.
10 Or voici, la hache est placée / à la racine des arbres :
tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits / sera coupé et il tombera au feu[5].–-
11 Moi, je vous baptise dans l’eau, / pour la conversion.
Mais celui qui vient après moi / est plus fort que moi,
je ne suis pas digne / de lui retirer ses sandales.
Lui, il vous baptisera dans l’Esprit Saint [Esprit de Sainteté] / et dans le feu.
12 Lui, dont la pelle à vanner est dans la main / et il va nettoyer[6] son aire :
et il amassera son grain dans ses greniers ; / et il brûlera la paille au feu qui ne s’éteint pas. »
(Mt 3, 1-12)
L’évangile de Matthieu est un lectionnaire liturgique qui s’écoute en lien avec le calendrier synagogal. En l’occurrence, nous sommes ici en écho au livre du Deutéronome dont cet évangile offre une lecture chrétienne. La localisation du baptême de Jean « au-delà du Jourdain » rappelle celle de l’ensemble du Deutéronome, et l’appel à se convertir est un thème majeur du Deutéronome.
Dans la proclamation orale, le ton des v. 1-6 est plutôt avenant, c’est le ton d’un prophète invitant à préparer la venue d’un personnage attendu et espéré : le SEIGNEUR ! La « pénitence » est donc éclairée par la joie du « royaume » qui vient. Dans la récitation orale, Mt 3,6 se mime avec le geste de rejeter et de lâcher (les péchés dans le courant du Jourdain).
Mt 3,1-6.
Jean-Baptiste est la voix qui crie. Le désert [ḥūrbā – dérivant du verbe tuer, dévaster] évoque la dévastation due au péché et Jean crie : « convertissez-vous ! [tūḇ] » (Mt 3,2).
Mt 3,3 est une reprise d’Isaïe 40,3, avec la ponctuation de la Septante et non pas celle de l’Ancien Testament hébreu ou araméen, où il s’agit de préparer le chemin dans le désert, c’est-à-dire de se préparer à un nouvel Exode. Jean-Baptiste crie dans le désert où se trouvent les pénitents. Et, surprise, puisque le messager est Jean-Baptiste et qu’il annonce Jésus, la citation d’Isaïe sert à annoncer la venue de Jésus comme étant celle du SEIGNEUR !
Les vêtements de Jean le font ressembler au prophète Élie (2R 1,8), ce qui attire sur lui la confiance et la vénération du peuple, tout en suscitant une attente eschatologique, car il est écrit : « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que n’arrive le Jour du SEIGNEUR , grand et redoutable » (Ml 3,23).
Le baptême de Jean est une paraliturgie : les gens sortent dans le désert au-delà du Jourdain, et rejouent le passage du Jourdain et l’entrée en Terre promise. C’est pourquoi il est important que la Pshitta dise « sortait [verbe npaq] auprès de lui » (Mt 3,5). Les vieilles syriaques (SyrS et Syrc), en écrivant « vinrent [verbe etā] auprès de lui » ne permettent pas de voir cette situation. Nous avons là un argument en faveur de l’antériorité de la Pshitta.
Alors, chacun se faisait baptiser, en confessant ses péchés (Mt 3,6) ; bien que le récit ne dise pas que le baptême de Jean obtienne la rémission des péchés, il apparaît cependant que, pour obtenir cette rémission, les sacrifices du Temple n’ont plus l’exclusivité ! Il y avait à cette époque une discussion sur le maintien ou non de la présence divine dans le Temple au cas où Israël se serait souillé (un roi ou un sacerdoce illégitime pouvant être une souillure). Si la présence divine n'était pas maintenue, il fallait que Dieu prépare d’autres voies pour la rémission des péchés.
Des Pharisiens et des Sadducéens se présentent et se rencontrent dans un même engouement pour le baptême de Jean-Baptiste. Leur légalisme tremble certainement devant le jugement de Dieu (cf. Ml 3,23), et ils acceptent les dures paroles de Jean.
Jean les enjoint de produire « des fruits qui soient dignes de la pénitence [tyāḇūṯā] » (Mt 3,8) : non pas des pratiques extérieures, mais des actes concrets qui engagent l’homme tout entier – « tyāḇūṯā » désigne la lutte que le pécheur s’impose pour changer de vie, en pleurant pour tuer le péché, en s’efforçant de remporter la victoire sur soi-même pour faire le bien. Nous retrouverons cette idée d’effort quand Jésus fera l’éloge de Jean-Baptiste (Mt 11,12).
Ce n’est donc pas uniquement en recevant la grâce que l’on passe soudainement d’une mauvaise personne à une bonne personne. Le disciple travaille constamment sur lui-même, lutte, s’améliore et change. Celui qui proclame le récitatif ne suggèrera pas l’idée d’une violence (traductions usuelles) mais l’idée d’un effort, d’une lutte sur soi-même. Saint Thomas d’Aquin n’a rien inventé quand il enseigne qu’il « est impossible qu’un péché soit remis sans la pénitence en tant que vertu » (Somme théologique III Tertia Pars Qu.86 a.2).
L’appellation « Fils d’Abraham » (Mt 3,9) servait aux Juifs à se targuer d’une noble origine, mais on sait bien que la généalogie de Matthieu, qui descend d’Abraham, ne correspond ni à une pureté raciale, ni à une pureté morale (Mt 1,2-17)… Ce n’est pas d’après les vertus ou les vices des aïeux qu’on est vertueux ou méchant, digne de gloire ou de honte.
« De ces pierres-ci, Dieu peut faire se lever des enfants à Abraham » (Mt 3,9) : tirer l’homme de la pierre, c’est quelque chose comme rendre fécond le sein stérile de Sara, et par leur vertu, disait saint Jean Chrysostome, beaucoup d’autres hommes pourront se dire fils d’Abraham.
Et il y a urgence : « la hache est placée à la racine des arbres » (Mt 3,10). De ce verset on a conclu que Jean-Baptiste considérait que le jugement eschatologique et la Fin du monde étaient imminents, ce qui l’opposerait à Jésus qui ne cessera de guérir et de faire miséricorde. En réalité, la venue de Jésus est une lumière qui opère bel et bien un jugement : saint Jean dira brièvement que ceux dont les œuvres sont mauvaises ne viennent pas à la lumière (Jn 3,20). Saint Matthieu associe à cette perle un fil d’oralité où Jésus rappelle Jean-Baptiste et annonce, comme lui et à sa suite, le jugement (par exemple Mt 11,20-24).
Mt 3,11-12. Jésus baptise « dans l’Esprit de Sainteté et dans le feu » (Mt 3,11). Suite au thème de la colère (Mt 3,7), l’image du feu correspond au jugement : « comme fond la cire en face du feu, ils périssent, les impies, en face de Dieu » (Ps 68,3), ce qui implique que Jésus est le maître du jugement, dans une union parfaite à Dieu le Père source de la vie et de la loi.
Mt 3,12 décrit le jugement par étapes : d’abord l’aire est nettoyée par l’action de la pelle à vanner, ce qui signifie que l’on voit le grain sur l’aire (les justes sur la terre), puis on passe à l’éternité avec le grain dans les greniers (les justes au ciel) et la paille dans le feu éternel (les mauvais en enfer). Saint Augustin développe cela dans le Sermon 259 :
« Le huitième jour figure la vie nouvelle qui suivra la fin des siècles, comme le septième désigne le repos dont jouiront les saints sur cette terre ; car le Seigneur y régnera avec ses saints […] C’est sur cette terre effectivement que l’Église apparaîtra d’abord environnée d’une gloire immense, revêtue de dignité et de justice. Point de déceptions alors, point de mensonge, point de loup caché sous une peau de brebis. […] Dans ce moment donc il n’y aura plus de méchants, ils seront séparés d’avec les bons ; et, semblable à un monceau de froment qu’on voit sur l’aire encore, mais parfaitement nettoyé, la multitude des saints sera placée ensuite dans les célestes greniers de l’immortalité.
Ne vanne-t-on pas le froment dans le lieu même où on l’a battu ? Et l’aire où on l’a foulé pour le séparer de la paille ne s’embellit-elle point de la beauté de ce froment que rien ne dépare ? Si nous y voyons encore, quand on a vanné, la paille amoncelée d’un côté, nous y voyons d’autre part le blé entassé ; mais nous savons à quoi est destinée cette paille et avec quelle allégresse le laboureur contemple ce froment. […] À la suite de ce septième jour, quand on aura contemplé sur l’aire même cette belle récolte, la gloire et les mérites des saints, nous entrerons dans cette vie et dans cette paix dont il est dit que "l’œil n’a point vu, que l’oreille n’a point entendu, que dans le cœur de l’homme n’est point monté ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment" »
[1] En Gn 12, 7, la promesse se limite à ce qu’Abraham peut voir autour de lui, à partir de Sichem. En Gn 17, 8, la terre promise à Abraham se limite « à toute la terre de Canaan », c’est-à-dire l’ancienne Palestine, mais en Gn 15, 18, il s’agit d’un territoire étonnant : « depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, le fleuve d’Euphrate » (Gn 15,18) : tout le monde connu par Abraham ! Lorsque saint Paul évoque « la promesse faite à Abraham ou à sa descendance de recevoir le monde en héritage » (Rm 4, 13), ce n’est donc pas tant une déformation de l’Ecriture qu’un choix théologique. Et dans ce cas, l’idée de terre promise n’a plus aucune implication politique puisqu’elle concerne toute la terre.
[2] Cf. P. W. L. WALKER, Jesus and the Holy land, B. Eerdmans Publishing Co, Michigan, 1996, p. 292-296
[3] Cf. DS 3839.
[4] Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et Spes 20-21.
Date de dernière mise à jour : 31/10/2025