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Dimanche 16 novembre
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30.
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Première lecture (Ml 3, 19-20a)
Psaume (Ps 97 (98), 5-6, 7-8, 9)
Deuxième lecture (2 Th 3, 7-12)
Première lecture (Ml 3, 19-20a)
Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme la fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, – dit le Seigneur de l’univers –, il ne leur laissera ni racine ni branche. Mais pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement. – Parole du Seigneur.
Ce passage oppose deux destins : celui des arrogants et des injustes, et celui de ceux qui « craignent le nom du Seigneur », c’est-à-dire ceux qui vivent dans le respect humble de Dieu. Le prophète ne se contente pas d’annoncer une punition théorique : il décrit un bouleversement cosmique, un « jour » où Dieu révélera publiquement la vérité des cœurs.
L’image du feu brûlant comme la fournaise symbolise le jugement. Le prophète veut ainsi libérer ses auditeurs de la tentation du découragement : même si l’injustice semble prospérer pour un temps, le mal n’aura pas le dernier mot. « Ceux qui commettent l’impiété » n’auront plus de racine : c’est-à-dire qu’ils ne pourront plus recommencer. Ils n’auront plus de branche, c’est-à-dire qu’ils n’auront plus de manière détournée de commettre le mal. De fait, ils seront « consumés ».
En parallèle, une autre image surgit : le « soleil de justice ». C’est une des plus belles métaphores messianiques de toute la Bible. Elle exprime : - La lumière qui dévoile ce qui était caché, - La chaleur qui réchauffe et guérit, - La fidélité de Dieu qui se lève comme l’aurore, irrésistiblement.
La même réalité divine est donc feu destructeur pour les arrogants, et soleil bienfaisant pour ceux qui respectent Dieu. Ce n’est pas Dieu qui change : c’est la disposition intérieure de chacun qui détermine si sa venue sera salut ou jugement.
Dans la tradition chrétienne, ce « soleil de justice » a souvent été interprété comme une annonce du Christ, d’abord sa venue sur la terre au moment de son Incarnation, puis sa venue dans nos cœurs chaque fois que nous nous mettons en prière, et enfin, comme il l’a lui-même annoncé, son retour glorieux.
Au moment de l’Incarnation, le thème du « soleil levant » est repris dans le Benedictus, le cantique de Zacharie : « Grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, quand nous visite l’astre d’en haut [c’est-à-dire le soleil], pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres… » (Lc 1,78-79). Le Christ est ce soleil de justice annoncé par Malachie. Sa lumière se donne humblement, comme une aurore qui attend d’être accueillie.
Le Christ vient aussi dans nos cœurs chaque fois que Dieu se rend présent à notre conscience, dans sa Parole, dans un visage, dans une épreuve. Chaque rencontre avec lui est à la fois feu et soleil : elle purifie ce qui doit disparaître et fait éclore ce qui attendait la lumière. Plutôt que de craindre ce feu, le croyant est invité à l’accueillir volontairement : « Seigneur, brûle ce qui en moi refuse ta lumière, afin que je sois réchauffé par elle. » La justice de Dieu, c’est sa fidélité à faire triompher la vie sur tout ce qui la détruit. Elle révèle, elle brûle le mal, mais elle guérit ceux qui s’ouvrent à lui. Nous avons en nous des zones d’ombre qui craignent la lumière — habitudes, compromis, orgueil… Et nous avons aussi ce désir profond d’être éclairé, réchauffé, guéri. Ce passage peut donc se lire comme un appel à choisir dès maintenant dans quelle lumière nous voulons nous tenir.
Le Christ reviendra dans la gloire, et après sa venue glorieuse, l’Apocalypse montre l’humanité restaurée dans une ville symbolique, la Jérusalem nouvelle, qui n’a plus besoin « ni du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine, et l’Agneau [Jésus] est son flambeau » (Ap 21,23). Enfin, dans la conclusion de l’Apocalypse, Jésus se dit « l’étoile brillante du matin » (Ap 22,16), car il est déjà présent à ceux qui attendent l’aube.
Dans l’Évangile de Luc, Jésus parle d’effondrement : « Il viendra des jours où, de ce que vous contemplez, il ne restera pas pierre sur pierre » (Lc 21,6). Puis il décrit les bouleversements : « On se dressera nation contre nation… il y aura de grands tremblements de terre » (Lc 21,10-11). Et comme si cela ne suffisait pas, il ajoute la persécution personnelle : « On portera la main sur vous… à cause de mon nom » (Lc 21,12). C’est l’heure du chaos, là où rien ne ressemble encore à la lumière promise par Malachie ou révélée dans l’Apocalypse.
Mais au cœur de cette nuit, Jésus place une parole de stabilité : « Mettez-vous bien dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense… car moi-même je vous inspirerai un langage » (Lc 21,14-15), puis cette promesse étonnante : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu » (Lc 21,18). Enfin, il donne la clé : « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie » (Lc 21,19).
Ceux que Malachie appelait « ceux qui craignent le nom du Seigneur » (Ml 3,20) sont les mêmes que Jésus appelle à tenir sans se laisser terrasser. Ce sont eux qui, un jour, verront ce que Luc prépare en creux : « le soleil de justice se lèvera » (Ml 3,20) et « l’Agneau sera leur flambeau » (Ap 21,23). Autrement dit, la lumière finale ne se donne pas à ceux qui attendent un signe spectaculaire, mais à ceux qui traversent la nuit en gardant les yeux tournés vers l’Orient.
Ce n’est pas quand le « soleil de justice » brillera en plein midi (Ml 3,20) qu’il faudra choisir, mais dans l’aube encore grise, quand l’étoile du matin scintille à peine (Ap 22,16) et que tout en nous pourrait douter. Ce qui revient à dire : ne regarde pas si le monde s’effondre, mais prends position là où tu es.
À Medjugorje, Marie dit :
«Chers enfants, aujourd’hui, comme Mère, je vous appelle à la conversion. Ce temps est pour vous, chers enfants, un temps de silence et de prière. C’est pourquoi, dans la chaleur de votre cœur, puisse croître un germe d’espérance et de foi, et de jour en jour vous ressentirez, petits enfants, le besoin de prier davantage. Votre vie sera ordonnée et responsable. Vous comprendrez, petits enfants, que vous êtes de passage ici sur la terre et vous ressentirez le besoin d’être plus proches de Dieu. Avec amour, vous témoignerez de l’expérience de votre rencontre avec Dieu, et vous la partagerez avec les autres. Je suis avec vous et je prie pour vous, mais je ne peux pas sans votre OUI. Merci d'avoir répondu à mon appel.» (25 janvier 2019)
Ce que l’on peut rapprocher des paroles de Malachie. Quand elle dit : « Ce temps est pour vous un temps de silence et de prière », elle indique la posture concrète de ceux qui « craignent le nom du Seigneur » (Ml 3, 19-20). Le cœur passe sous les rayons du Soleil de justice, jusqu’à devenir lui-même lumière pour ceux auxquels « vous partagerez votre expérience ». Enfin, quand Marie dit : « Je ne peux pas sans votre OUI », elle rejoint l’appel de Malachie à choisir son camp.
Psaume (Ps 97 (98), 5-6, 7-8, 9)
Jouez pour le Seigneur sur la cithare, sur la cithare et tous les instruments ; au son de la trompette et du cor, acclamez votre roi, le Seigneur ! Que résonnent la mer et sa richesse, le monde et tous ses habitants ; que les fleuves battent des mains, que les montagnes chantent leur joie. Acclamez le Seigneur, car il vient pour gouverner la terre, pour gouverner le monde avec justice et les peuples avec droiture !
Le psaume 97 (98) est un hymne de louange universelle. Il se situe dans la série des psaumes « de royauté » (Ps 95-100) qui proclament le règne du Seigneur sur toutes les nations et sur la création entière.
Après les vv. 1-3 qui font mémoire des grandes œuvres de Dieu, ce psaume est une explosion de joie : tout ce qui existe est invité à se faire instrument. Ce ne sont plus seulement les mains humaines qui jouent de la cithare ou sonnent du cor, mais la mer qui résonne, les fleuves qui battent des mains, les montagnes qui chantent. La création entière devient liturgie. Le monde matériel, souvent silencieux ou indifférent à nos yeux, est vu ici comme capable de jubilation. Et cette joie n’est pas vague : elle s’adresse à quelqu’un. « Acclamez votre roi, le Seigneur ! » C’est la venue de Dieu qui déclenche cet enthousiasme universel.
Mais pourquoi tant d’allégresse à l’annonce d’un roi ? Parce que ce roi vient « gouverner avec justice et droiture ». Sa royauté n’est pas domination arbitraire, mais restauration. Gouverner avec justice, c’est redonner à chaque être sa place, sa dignité, sa liberté. Le monde ici acclame un jugement… mais un jugement désiré, espéré, attendu. C’est le renversement complet de notre crainte habituelle : là où nous aurions peur d’être confrontés à la vérité, la création entière sait que la vérité de Dieu est libératrice.
Ce psaume rejoint donc la promesse de Malachie : « Le jour qui vient les consumera, – dit le Seigneur de l’univers –, il ne leur laissera ni racine ni branche. Mais pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement. » (Ml 3, 19-20).
Le psalmiste appelle la mer à résonner, les fleuves à battre des mains, les montagnes à chanter leur joie (Ps 97,7-8). Pris à la lettre, cela semble absurde : une vague n’a pas de volonté, un fleuve n’a pas de mains, une montagne ne compose pas de chant. Le psaume ne prétend pas que les éléments de la nature auraient une conscience — il use d’un procédé classique de l’Écriture : la personnification ou prosopopée (cf. Is 55,12 ; Rm 8,22). Mais cette image n’est pas pure poésie. Elle exprime une vérité théologique : la création tout entière est liée au dessein de Dieu, et elle participe à sa manière à la manifestation de sa gloire.
Comment ? Non pas par des mots, mais par son ordre et son existence même : toute créature loue Dieu par le fait d’être ce qu’elle doit être, selon l’harmonie prévue par le Créateur. La nature loue Dieu en étant bonne et belle, même sans le savoir. C’est une louange objective, inscrite dans la structure de l’être, parce que la création est une signature permanente du Créateur.
Alors, pourquoi le psalmiste appelle-t-il les fleuves à « battre des mains » ? Parce que l’homme peut lire ce langage muet et en faire une parole. La création, c’est une partition silencieuse ; l’homme, c’est le musicien qui l’interprète. L’homme devient alors le traducteur de la louange cosmique. Il est à la fois lecteur — celui qui découvre la parole muette du monde — et messager — celui qui la fait remonter vers Dieu. Il ne parle pas à la place du cosmos ; il parle pour lui, comme un prêtre parle au nom d’un peuple. Ainsi, la mission du croyant est de faire chanter le monde. Là où certains ne voient l’univers que comme un vaste mécanisme, lui voit une louange latente.
Cependant, l’Écriture dit aussi que la création gémit (Rm 8,22). Cela signifie que lorsque l’homme vit dans le désordre, il désaccorde aussi ce qui l’entoure : violence, exploitation, pollution… Elle gémit comme un instrument mal accordé. Certes, la louange cosmique ne culminera vraiment qu’au jour où l’homme sera pleinement réconcilié avec Dieu. Car alors, ce que le monde manifeste déjà en silence deviendra acclamation consciente. Le cosmos ne pensera pas davantage, mais il brillera justement, et l’homme — rétabli dans son rôle — n’aura plus qu’à dire : « Tout cela était louange, et je le savais à peine. »
Le psaume annonce en effet une autre scène : « Acclamez le Seigneur, car il vient pour gouverner la terre avec justice » (Ps 97,9). Lorsque Dieu rétablira la justice (Ml 3,19-20), la création retrouvera son ordre, comme un orchestre accordé. Ce jour-là, la louange cosmique sera réelle — non parce que les montagnes auront acquis une conscience, mais parce que tout sera redevenu juste. Et l’homme, s’il a persévéré (Lc 21,19), deviendra la voix consciente de cette harmonie retrouvée.
Le Psaume chante : « Acclamez le Seigneur, car il vient pour gouverner la terre ». Mais dans l’Évangile de Luc (21,5-19), Jésus annonce des nations qui se dressent les unes contre les autres (Lc 21,10) et des disciples livrés, trahis, jugés (Lc 21,12.16). Le psaume proclame : « Joie universelle ! » et Jésus semble dire : « Tremblements universels ! » Mais ce n’est pas une contradiction, c’est un itinéraire. Le psaume montre l’arrivée du Roi, l’Évangile nous rappelle que cette venue ne se fera pas dans la facilité : il faudra tenir au milieu des secousses. Avant que la création chante, le cœur de l’homme doit choisir son camp. C’est pourquoi Jésus ajoute : « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie » (Lc 21,19). Autrement dit : seuls ceux qui tiennent dans la tourmente pourront entrer dans la louange.
Lisons donc le psaume non comme une échappatoire naïve, mais comme la destination finale après les secousses. Ceux qui restent debout malgré la peur, malgré la haine, malgré la solitude, sont justement ceux qui, un jour, prendront place dans le grand chœur de la création. La mer, les fleuves, les montagnes — et eux. Ne vous laissez pas abattre par ce que vous voyez ; votre endurance aujourd’hui est déjà le prélude de la grande symphonie qui vient.
Et Paul, en 2 Th 3, nous montre comment tenir concrètement : non pas en regardant le ciel les bras croisés, mais en vivant notre quotidien avec sérieux et dignité. Ainsi, celui qui veut chanter avec les fleuves et les montagnes (Ps 97) doit d’abord apprendre à persévérer dans les tâches simples. La vraie louange n’est pas un débordement d’émotion : c’est une fidélité humble qui, un jour, se transformera en clameur cosmique.
Deuxième lecture (2 Th 3, 7-12)
Frères, vous savez bien, vous, ce qu’il faut faire pour nous imiter. Nous n’avons pas vécu parmi vous de façon désordonnée ; et le pain que nous avons mangé, nous ne l’avons pas reçu gratuitement. Au contraire, dans la peine et la fatigue, nuit et jour, nous avons travaillé pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous. Bien sûr, nous avons le droit d’être à charge, mais nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter. Et quand nous étions chez vous, nous vous donnions cet ordre : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Or, nous apprenons que certains d’entre vous mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire. À ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus-Christ cet ordre et cet appel : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné. – Parole du Seigneur.
Saint Paul rappelle aux Thessaloniciens qu’ils savent « ce qu’il faut faire pour nous imiter » (v.7). Avant même de donner un enseignement, il propose un exemple : celui d’une vie non désordonnée. Il ne s’est pas comporté en maître exigeant ou en prédicateur entretenu par ses fidèles, mais en travailleur fatigué « nuit et jour » (v.8), refusant d’être « à la charge de quiconque » — non parce qu’il n’en avait pas le droit (v.9), mais parce qu’il voulait être un « modèle à imiter » (v.9).
Ce témoignage n’est pas un détail biographique : il devient une règle spirituelle. Paul la formule clairement : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (v.10). Et ceux qui « mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire » (v.11), Paul les reprend fermement, mais sans dureté : « nous leur adressons […] cet ordre et cet appel : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné » (v.12).
Dans l’attente de la venue du Seigneur, certains à Thessalonique s’étaient peut-être retirés du monde, convaincus que l’imminence du retour du Christ les dispensait des tâches ordinaires. Paul répond avec vigueur : l’attente du Royaume ne dispense pas du travail. Le croyant n’est pas celui qui déserte le réel, mais celui qui l’assume avec calme, mesure et responsabilité, et pour faire de son quotidien un témoignage silencieux.
Le travail n’est pas seulement une nécessité économique : il devient un acte de charité (ne pas peser sur autrui), de justice (gagner son pain) et de louange (ordonner sa vie selon la volonté de Dieu). La fidélité aux tâches simples devient la manière la plus concrète d’attendre le Christ debout (cf. Lc 21,19).
Un acte de charité, d’abord, car celui qui travaille « n’est à la charge de personne » (2 Th 3,8). Paul refuse d’être un poids pour les autres. Il montre ainsi que le premier geste d’amour, avant même de donner, c’est parfois de ne pas prendre. Travailler, dans cette perspective, c’est soutenir les autres en les déchargeant du fardeau qu’on pourrait leur imposer. La charité commence par la discrétion.
Un acte de justice, ensuite, car « manger le pain qu’on a gagné » (v.12), c’est reconnaître que la vie a une structure morale. Il n’est pas juste de recevoir sans contribuer, ni de profiter sans participer. Travailler, ce n’est pas seulement produire : c’est honorer la dignité de ce qu’on reçoit.
Un acte de louange, enfin, car le travail ordonne la vie. Paul oppose les « vies déréglées » (ataktōs en grec, littéralement : sans ordre, v.11) à ceux qui « travaillent dans le calme » (v.12). Le travail bien vécu met les choses à leur place : le temps, le corps, l’énergie, la prière. Il crée un rythme, il structure l’existence — et l’ordre est toujours proche de Dieu. Travailler, ce n’est donc pas seulement faire : c’est entrer dans une harmonie, participer à la construction d’un monde habitable, devenir coopérateur de la création (Gn 2,15).
Ainsi, loin d’être un simple devoir social, le travail devient une forme de liturgie quotidienne. Il peut être vécu comme fatigue, mais il peut devenir offrande. Il peut être subi comme charge, mais il peut être assumé comme participation à l’œuvre de Dieu. En ce sens, celui qui travaille « dans le calme » n’imite pas seulement Paul — il imite le Créateur lui-même, qui « agit sans cesse » (Jn 5,17).
Le psaume nous a invité à acclamer la venue du Seigneur comme Roi. Jésus nous avertit que cette venue passera par des épreuves. En lisant Lc 21, on pourrait croire que Jésus nous prépare à une époque où tout s’effondre : guerres, tremblements de terre, divisions familiales, persécutions… Dans un tel contexte, la tentation serait de ne plus rien faire, d’attendre la fin les bras croisés. C’est précisément ce que Paul refuse dans 2 Th 3 : il ne veut pas d’une attente passive. Jésus non plus. Il ne dit pas : « attendez que ça passe. » Il dit : « Tenez bon » (Lc 21,19).
Or tenir bon, ce n’est pas seulement résister intérieurement — c’est demeurer à son poste, humblement, fidèlement. Le croyant reste à son travail, mais avec une conscience nouvelle. Il ne vit pas « comme si tout allait continuer », mais comme si tout était confié. Le simple fait de faire son devoir, de ne pas se disperser, de garder le calme dans le tumulte, devient alors un témoignage. Jésus le dit : « Cela vous amènera à rendre témoignage » (Lc 21,13). Quand tout tremble, la première forme de foi consiste peut-être simplement à continuer de faire ce qui est juste, sans céder ni à la peur ni à l’agitation.
Pendant que certains se dispersent ou s’agitent (2 Th 3,11), Paul enseigne la fidélité aux tâches quotidiennes comme lieu de sanctification. Ainsi, le vrai veilleur n’est pas celui qui scrute le ciel en spéculant, mais celui qui demeure à son poste, humble et constant. C’est ainsi que la persévérance de Lc 21,19 devient concrète dans la fidélité à l’ordinaire, là où le Seigneur veut nous trouver « débout et au travail » quand se lèvera enfin le Soleil de justice (Ml 3,20). Celui qui travaille avec droiture, celui qui refuse de peser sur les autres, celui qui garde le calme dans la tourmente ne voit sans doute pas encore le soleil de justice dont parle Malachie, mais il est déjà du côté de la lumière. Et lorsque le Roi (le Christ) viendra, il ne sera pas surpris. Il reconnaîtra cette lumière, car il l’aura servie avant de la voir. Prions :
Seigneur,
tu viens comme feu pour purifier et comme soleil pour guérir.
Donne-moi de tenir dans la fidélité des jours simples,
dans le travail humble et juste,
dans la patience qui ne fuit pas son poste.
Quand tout s’agite autour de moi,
garde mon cœur dans le calme.
Que je ne me décourage pas avant l’aube,
mais que je serve ta lumière avant même de la voir.
Et lorsque viendra l’heure où la mer résonnera,
où les fleuves battront des mains
et où toute la création acclamera ton règne,
fais que je sois trouvé parmi ceux qui auront déjà choisi la lumière.
Évangile (Lc 21, 5-19)
La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).
« 5 Et tandis que certains disaient du Temple / qu’il était orné par de belles pierres et par des ex-votos,
Jésus leur dit :
6 Ces choses-ci, / que vous voyez,
viendront des jours, / durant lesquels,
il ne sera pas laissé pierre sur pierre, / qui ne sera jetée bas !
7 Et ils l’interrogeaient / en disant :
‘Docteur [enseignant] ! / Quand ces choses-ci seront-elles ?
Quel sera le signe / quand ces choses-ci seront proches ?’
8 Or, lui, / il leur dit :
Faites attention : / que vous ne vous trompiez !
Beaucoup, en effet, / viendront en mon Nom.
Et ils diront : / ‘C’est moi le Messie !’
Et ‘le temps / s’est approché !’
N’allez pas cependant, / à leur suite !
9 Et lorsque vous entendrez [parler] de combats et de tumultes, / ne craignez pas !
Ces choses, en effet, / elles doivent advenir auparavant.
Cependant, / la fin ne sera pas encore arrivée.
10 On se dressera, en effet, peuple contre peuple, / et royaume contre royaume ;
11 et ce seront de grandes secousses / partout ;
et des famines / et des [fléaux] meurtriers ;
Et ce seront des peurs / et des terreurs ;
Et des grands signes / apparaîtront depuis le Ciel ;
Et de grandes tempêtes [de grands hivers] / adviendront !
12 Avant cependant, / toutes ces choses-ci,
ils mettront la main sur vous, / et ils vous persécuteront,
et ils vous livreront aux synagogues, / et à la prison ;
et ils vous feront comparaître devant des rois, / et des gouverneurs,
à cause de mon nom.
13 Cela adviendra donc pour vous / pour un témoignage.
14 Mettez bien dans votre cœur / que vous n’avez pas à vous exercer à votre défense :
15 Moi, en effet, / je vous donne une bouche et une sagesse,
à l’encontre de laquelle ne pourra tenir debout / aucun de vos ennemis !
16 Or, vous livreront vos parents / et vos frères,
et vos cousins / et vos amis !
et ils en feront mourir / parmi vous.
17 Et vous serez haïs de tous / à cause de mon Nom.
18 Et pas un cheveu de votre tête / ne sera perdu !
19 En outre, par votre endurance / vous aurez la maîtrise de vous-mêmes.” »
– Acclamons la Parole de Dieu.
Des gens admirent la beauté du Temple ; Jésus les désarçonne en leur annonçant la chute de ces pierres qu’ils admirent ; les interlocuteurs admettent ce pronostic et interrogent Jésus sur la date et la nature d’un signe avant-coureur (v. 5-7). Lc 21, 8 : Jésus entame un long discours « il dit » (v. 8). Il parle de signes (v. 10. 25) mais ce ne sont pas les signes avant-coureurs de la chute des pierres du Temple. Jésus opère un glissement : la dévastation de Jérusalem (v. 20-24), et donc la chute des pierres admirées, sera elle-même l’un des signes précédant la venue glorieuse du Fils de l’homme (v. 25-27). De plus, alors que la question des gens était de l’ordre d’une curiosité qui ne les engageait pas, la réponse de Jésus les met en garde contre les faux prétendants messianiques. Aux faux messies succèdent les bruits de guerres, combats et tumultes (Lc 21, 9) ainsi que les persécutions (v. 12-19), jusqu’à l’arrivée du Fils de l’homme (v. 25-27), qui sera une délivrance pour les fidèles (v. 28). On peut voir une structure en chiasme mais l’évangile de ce dimanche n'en donne qu’une partie.
Lc 21, 5-7 Jésus annonce que les pierres du temple seront jetées bas, et, avec leur chute, la fin des sacrifices sanglants animaux, que Jésus peut d’autant plus prévoir qu’il a déjà annoncé son propre sacrifice sanglant. Il s’agit de choses qui « seront [en araméen : nehwyān] » (Lc 21, 7) sans notion d’accomplissement de la Fin.
Lc 21, 8 La formulation de l’avertissement contre les faux messies, « Ne pas marcher à la suite » (Lc 21, 8) n’est pas banale, elle exprime un engagement religieux (cf. Dt 6, 14 ; Ac 9, 31). S’il y avait des faux messies avant le Christ, par exemple Theudas (Ac 5, 36), et il y en aura encore après lui, et ce sera pire puisqu’ils pourront parodier l’idée chrétienne du salut du monde en s’instituant eux-mêmes juge pour éliminer ceux qui ne croient pas en leur idée d’un tel salut. C’est le drame de tous les messianismes politiques qui s’accompagnent de goulag, djihad, et diverses guillotines. Mais les disciples doivent savoir distinguer Jésus le Messie et toutes les parodies qui ne font que diviniser des humains ou des idéologies humaines. La grande différence est que la venue du vrai Messie Jésus sera glorieuse : elle n’utilisera pas les moyens terrestres qui sont coercitifs, mais elle opèrera par l’attraction de l’amour céleste.
Lc 21, 9-11 Jésus évoque, et c’est la suite logique, les guerres et les tumultes, même si les guerres sont très destructrices, il ne faut pas les confondre avec la Fin : le monde doit accomplir le but pour lequel il a été créé, et Dieu est assez puissant pour faire réussir son dessein d’amour !
Doit ici être noté le vocabulaire évocateur de l’Exode biblique.
Le livre de l’Exode est un récit de combat, les Égyptiens dirent : « Fuyons devant Israël, car le SEIGNEUR combat [racine qrb] avec eux contre les Égyptiens ! » (Ex 14, 25) et ensuite il est montré comment le SEIGNEUR « est en guerre [racine qrb] contre Amaleq » (Ex 17, 8.9.10.16). Jésus dit que les guerres ou combats [racine qrb] (Lc 21, 9) doivent arriver mais ne doivent pas être confondus avec la Fin.
Les grandes secousses [racine zwᶜ] dont parle Jésus (Lc 21, 11) rappellent différents passages de l’Exode : après le passage de la mer, Moïse dit que les peuples entendent et « frémissent [racine zwᶜ] » (Ex 15, 14), au Sinaï, la crainte de Dieu fait trembler [racine zwᶜ] le peuple (Ex 19, 16) et la révélation divine fait trembler [racine zwᶜ] la montagne (Ex 19, 18).
Jésus parle aussi de la famine et des fléaux meurtriers (Lc 21, 11). La « famine », c’est ce qui a conduit Jacob et ses fils en Égypte (Gn 42 – 47), les « [fléaux] meurtriers (pestes, défaites…) [mawtāne] », ce sont la 5e plaies d’Égypte (Ex 9, 3 – peste du bétail), la 8e plaie (Ex 10, 17 les sauterelles) et la 10e plaie (Ex 12, 13 mort des nouveaux nés), ces fléaux mortels [mawtāne] poussèrent pharaon à laisser repartir les hébreux. Beaucoup plus importants que le jeu de mots grec, « peste et famine [λοιμοι και λιμο] »), les allusions au livre de l’Exode donnent à comprendre que les événements difficiles ont un rôle équivalent aux fléaux d’Égypte : sortir de l’oppression du Mal.
Lc 21, 12-19 Il peut y avoir une suite logique : les adeptes des faux messies (Lc 21, 8) persécuteront les chrétiens parce que leur vision du salut contredira la leur. Une première annonce de la persécution (v. 12-13) est suivie d’une parole de réconfort : Jésus vous donnera pour votre défense une sagesse irrésistible (v. 14-15).
Jésus fait une seconde annonce de la persécution, venant de la parenté (v. 16-17), suivie d’une parole de réconfort : « aucun cheveu de votre tête ne sera perdu » (v. 18). La perte des cheveux représente la perte d’énergie (Jg 16, 15-31) et la providence divine veille en protégeant les cheveux (1S 14, 45 ; 2S 14, 11).
Au secours divin doit répondre la fidélité des disciples : « par votre endurance [msaybrānūṯā endurance, patience, retenue, abstinence], vous aurez la maîtrise de vous-mêmes [teqnon (vous posséderez, vous acquerrez, vous aurez) napšḵon (votre âme, vous-mêmes)] » (Lc 21, 19).
Lc 21, 12-19 est le centre du discours eschatologique de Jésus. D’ailleurs, le « noyau » de l’Apocalypse est aussi marqué par l’annonce d’une persécution par le Dragon (Ap 12, 13) où par la bête (Ap 13, 7), et par un encouragement à la persévérance (Ap 12, 17 et 13, 10 Cf. Françoise BREYNAERT, L’Apocalypse revisitée, Parole et Silence 2020, ad loc.)
Date de dernière mise à jour : 15/10/2025