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Dimanche 19 octobre
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
(Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
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Première lecture (Ex 17, 8-13)
Psaume (Ps 120 (121), 1-2, 3-4, 5-6, 7-8)
Deuxième lecture (2 Tm 3, 14 – 4, 2)
Première lecture (Ex 17, 8-13)
En ces jours-là, le peuple d’Israël marchait à travers le désert. Les Amalécites survinrent et attaquèrent Israël à Rephidim. Moïse dit alors à Josué : « Choisis des hommes, et va combattre les Amalécites. Moi, demain, je me tiendrai sur le sommet de la colline, le bâton de Dieu à la main. » Josué fit ce que Moïse avait dit : il mena le combat contre les Amalécites. Moïse, Aaron et Hour étaient montés au sommet de la colline. Quand Moïse tenait la main levée, Israël était le plus fort. Quand il la laissait retomber, Amalec était le plus fort. Mais les mains de Moïse s’alourdissaient ; on prit une pierre, on la plaça derrière lui, et il s’assit dessus. Aaron et Hour lui soutenaient les mains, l’un d’un côté, l’autre de l’autre. Ainsi les mains de Moïse restèrent fermes jusqu’au coucher du soleil. Et Josué triompha des Amalécites au fil de l’épée. – Parole du Seigneur.
Le bref épisode d’Ex 17, 8-13 — la bataille contre Amalec à Rephidim, pendant laquelle Moïse tient les mains levées pendant que Josué combat — est l’un des récits les plus denses de l’Exode. En quelques versets, il articule le rapport entre prière et action, médiation et communauté, mémoire et espérance.
Les Amalécites apparaissent ici comme des groupes nomades pratiquant des razzias sur des populations itinérantes.
v. 8 : « Les Amalécites survinrent » — l’attaque est brusque, initiative de l’ennemi. Dans Dt 25, 17-19, on se souviendra qu’Amalec a attaqué « les traînards » à l’arrière-garde, et harcèla les faibles.
Bibliquement, Amalec est rattaché à Ésaü : « Amalec » est présenté comme petit-fils d’Ésaü (Gn 36, 12), mais ailleurs il est qualifié de « premier des peuples » (Nb 24, 20). Immanuel Velikovsky (avec les références précises à Ages in Chaos: From the Exodus to King Akhnaton, Doubleday, 1952) identifie les Hyksôs (Amu) de l’Égypte pharaonique aux Amalécites (p. 94), il décrit les Amalécites/Hyksôs comme venus d’Arabie après des catastrophes parallèles aux plaies d’Égypte. Pasteurs d’une grande cruauté, bâtissant une forteresse-capitale à Avaris, ils auraient dominé le Proche-Orient pendant près de cinq siècles (p. 93-94), jusqu’à ce que le roi Saül réalise le siège d’Avaris. L’auteur rapproche l’inscription de l’officier Ahmose (siège d’Avaris) et 1 S 15. (p. 71-72). Il affirme en outre que les Hyksôs vaincus se replièrent à Sharouhen (lecture authentique), et que l’erreur tardive de Manéthon parlant de Jérusalem a nourri une confusion Hyksôs = Israélites, matrice d’un antisémitisme ancien (p. 95-96). paravel.net. Pour étayer l’équivalence Amu = Amalec, il invoque des sources arabes (p. 94) : chez le lexicographe Djauhari, Amu/Omaya serait « une désignation d’un homme amalécite ». Ce n’est qu’une hypothèse historique discutée.
Pour nous, dans notre situation présente, que symboliserait Amalec, cet ennemi qui attaque nos points faibles ?
v. 9 : Le livre de l’Exode montre un double mouvement : l’organisation du combat (Josué qui choisi les hommes) et la montée de Moïse en posture liturgique, au sommet de la colline, le bâton de Dieu à la main. Le « bâton de Dieu » est l’instrument des signes devant convaincre Pharaon de laisser partir le peuple hébreu (cf. Ex 4, 20 ; 14, 16). Notons l’apparition soudaine de Josué (première mention dans le Pentateuque) sans présentation : le rédacteur suppose déjà connu ce personnage.
v. 10 : Pendant que Josué combat en bas, Moïse « se tient » en haut (v. 9-10) L’obéissance de Josué – « Josué fit ce que Moïse avait dit : il mena le combat contre les Amalécites » – inscrit l’action militaire dans l’obéissance à la parole.
Aaron et Hour accompagnent Moïse : la médiation n’est pas solitaire. v. 11 : « Quand Moïse tenait la main levée, Israël était le plus fort. Quand il la laissait retomber, Amalec était le plus fort. » Le geste des mains levées est la posture orante (cf. Ps 28, 2 ; 63, 5). La victoire ne vient pas de la seule stratégie humaine (Josué), mais de l’alliance entretenue par la prière (Moïse). Quand les mains montent, Israël est fort, quand elles s’abaissent, Amalec l’emporte (v. 11) ; devant la fatigue, la communauté (Aaron et Hour) soutient le médiateur Moïse (v. 12).
Le verset 12 emploie le mot hébreu ‘emunah pour dire que « les mains de Moïse restèrent fermes jusqu’au coucher du soleil ». Or ‘emunah peut signifier stabilité, fermeté, fidélité — de la même racine que « amen ». Ce n’est pas seulement une posture physique : c’est la constance de la foi en acte.
Ce passage souligne l’association de la prière et de l’action : ni activisme (Josué sans Moïse) ni angélisme (Moïse sans Josué).
Et nous, savons-nous porter l’action de la semaine par une prière sérieuse le dimanche ? Savons-nous porter nos initiatives importantes par une démarche de prière ? L’action est portée, orientée, purifiée par l’intercession…
De plus, Moïse ne tient pas seul. La foi d’Israël est ecclésiale avant l’heure : chacun a sa place (le chef d’armée, le médiateur, les soutiens). Saint Jean Chrysostome, insiste sur l’efficacité communautaire : la victoire n’est pas le fait d’un héros solitaire, mais d’un peuple priant avec son pasteur. Pour un responsable, demander du soutien n’est pas de la faiblesse mais un acte de gouvernement. À l’inverse, pour l’assemblée, soutenir la prière et la mission de ses pasteurs, c’est une corresponsabilité. À la Messe, la prière universelle et la préface chantée les mains levées par le prêtre rappellent que l’intercession soutient la mission.
Plus généralement, il est bon de trouver des personnes qui s’associent à notre prière, qui prient avec nous à telle ou telle intention. Ce n’est pas une marque de faiblesse, c’est ce qu’a fait Moïse et c’est un exemple pour tous.
Dès les premiers siècles, les Pères reconnaissent dans Moïse aux mains étendues une préfiguration de la Croix : quand les bras sont en croix, le peuple l’emporte ; quand ils retombent, l’ennemi prend l’avantage. Justin, Tertullien et beaucoup d’autres soulignent que la victoire sur Amalec (figure du Mal) vient de la puissance du Crucifié rendue présente par la prière de l’Église.
La règle de saint Benoît cristallise l’équilibre ora et labora : la prière (ora) soutient l’action (labora) comme les bras de Moïse soutiennent le combat de Josué.
Saint François de Sales insiste sur la persévérance, qui plus que l’ardeur passagère, fait le saint ; Ex 17 offre l’icône de cette constance discrète.
Le Curé d’Ars et d’autres pasteurs ont souvent présenté l’adoration eucharistique et l’intercession des fidèles comme la force invisible qui porte la paroisse : si les mains retombent (on relâche prière et pénitence), alors « Amalec » (tiédeur, divisions) regagne du terrain.
Nous entendrons l’Évangile de la veuve importune (Lc 18, 1-8) : d’un côté Moïse persévère, de l’autre Jésus leur dit une parabole « pour qu’en tout moment ils prient et qu’on ne se lasse pas » (Lc 18, 1)
Psaume (Ps 120 (121), 1-2, 3-4, 5-6, 7-8)
Je lève les yeux vers les montagnes : d’où le secours me viendra-t-il ? Le secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Qu’il empêche ton pied de glisser, qu’il ne dorme pas, ton gardien. Non, il ne dort pas, ne sommeille pas, le gardien d’Israël. Le Seigneur, ton gardien, le Seigneur, ton ombrage, se tient près de toi. Le soleil, pendant le jour, ne pourra te frapper, ni la lune, durant la nuit. Le Seigneur te gardera de tout mal, il gardera ta vie. Le Seigneur te gardera, au départ et au retour, maintenant, à jamais.
Le Psaume 120 (121) appartient à la collection des « cantiques des montées » (Ps 119–133), chants de pèlerinage entonnés par Israël en route vers Jérusalem pour les grandes fêtes (cf. Dt 16,16). L’expression « montées » renvoie d’abord aux montées physiques vers Sion, bâtie sur les collines de Juda, mais elle devient très vite une catégorie spirituelle : gravir, c’est apprendre à mettre sa vie à la hauteur de Dieu. Le pèlerin n’est pas seulement un marcheur ; il est un croyant qui confie sa route à Celui « qui a fait le ciel et la terre ».
Dans l’arrière-plan historique, on peut imaginer des caravanes exposées aux dangers de la route : soleil accablant, froid nocturne, ravins, brigands. La prière est donc concrète : ce psaume est une bénédiction de route, une liturgie de protection.
« Je lève les yeux vers les montagnes : d’où le secours me viendra-t-il ? » Lever les yeux, c’est déjà sortir de soi et reconnaître son besoin. Les « montagnes » peuvent désigner les collines de Sion : signe de la proximité du Temple et donc du Dieu vivant, mais elles peuvent aussi désigner les hauts lieux idolâtriques : autrefois, on offrait des cultes sur les « hauts lieux » dont le psalmiste prend ses distances en affirmant que son secours vient du Seigneur. Le secours vient du Créateur (« qui a fait le ciel et la terre »). Cette formule, solennelle, ancre la protection dans la puissance même qui a tiré l’univers du néant. À la différence des idoles locales, YHWH n’est pas un « dieu de montagne » ou de vallée : il est Seigneur de tout.
« Qu’il empêche ton pied de glisser, qu’il ne dorme pas, ton gardien.
Non, il ne dort pas, ne sommeille pas, le gardien d’Israël. » (v. 3-4). Demander que « le pied ne glisse pas signifie : « que ma route ne se dérobe pas, que je ne dévie pas ». Une voix liturgique (prêtre, lévite, compagnon ?) semble répondre au pèlerin par une bénédiction à la deuxième personne (« ton gardien »). La formule redoublée (« ne dort pas, ne sommeille pas ») est une assurance absolue : Dieu n’est pas intermittent ; sa sollicitude est continue.
Dans le désert, l’ombre est vie. L’Exode avait déjà figuré Dieu par la nuée qui ombrage et conduit (Ex 13,21–22). « Le Seigneur, ton gardien, le Seigneur, ton ombrage, se tient près de toi » (v. 5) : sa présence est fidèle : non pas une force abstraite, mais un Visage proche.
« Le soleil, pendant le jour, ne pourra te frapper, ni la lune, durant la nuit » (v. 6). Le soleil et la lune sont un binôme qui embrasse le tout, pour dire la totalité du temps et des circonstances. Le soleil peut écraser (insolation) ; la lune était associée aux troubles nocturnes (d’où « lunatique »). Le psaume affirme que rien ne domine la destinée de celui qui se confie au Seigneur.
Dans la lectio divina, nous notons où « le pied glisse » qu’est-ce qui peut dévier dans ma vie ; que sont mes « soleils » (ce qui m’échauffe) et mes « lunes » (ce qui me refroidit). « Garde mes pas ; je ne demande pas de voir au loin — un seul pas me suffit » aimait dire John Henry Newman (The Pillar of the Cloud).
« Le Seigneur te gardera de tout mal, il gardera ta vie.
Le Seigneur te gardera, au départ et au retour, maintenant, à jamais. » (v. 7-8)
Trois fois « le Seigneur te gardera ». L’objet de cette garde culmine dans « ta vie » (nephesh : souffle, personne). Puis viennent deux paires qui élargissent la promesse. « Au départ et au retour » : toute circulation, toute mission, toute existence. « Maintenant, à jamais » : le présent concret et l’horizon d’éternité. La bénédiction suit le croyant jusque dans l’ultime Pâque.
Quelques lectures patristiques… Origène voit dans les « cantiques des montées » une pédagogie de l’âme : on monte de psaume en psaume. Grégoire de Nysse parlera d’« épectase », tension infinie vers Dieu. Le Psaume 120 est alors lu comme une étape : la conscience des dangers suscite la confession du Créateur ; la prière transforme la peur en foi.
En commentant ce psaume, saint Augustin fait une lecture allégorique. Les « montagnes » peuvent figurer les saints ou les Écritures, sommets qui élèvent et orientent ; mais le secours n’est pas d’eux, il est du Seigneur. Autrement dit, l’Église (ses pasteurs, ses docteurs) est un signe, non la source. Saint Augustin aime aussi lire le jour et la nuit symboliquement : le jour, ce sont les prospérités qui risquent d’échauffer l’orgueil ; la nuit, les adversités qui pourraient glacer l’espérance. Dieu protège de l’une et de l’autre. Enfin, le « ne sommeille pas » est pour lui la figure du Christ Ressuscité, Vivant qui veille sur son Corps.
Ce psaume est une bénédiction de départ (voyage, mission, rentrée, hospitalisation, nouvelle étape). C’est aussi l’occasion de demander que Dieu nous garde pour un départ tel qu’une décision, ou un nouveau départ tel qu’une réconciliation. On peut aussi lui demander la persévérance finale jusqu’à notre ultime passage « maintenant et à jamais ».
Ce psaume démythifie les astres « le soleil… la lune » et refuse la superstition. Le chrétien n’est pas livré à des forces aveugles ; il s’abandonne à une Providence.
Ce psaume est l’occasion d’une vie spirituelle profonde : rester sous l’ombre du Seigneur, chercher à se mettre en sa présence protectrice. Vivre à l’ombre de Dieu, par un repos sabbatique, par le silence ou la liturgie qui protègent des soleils brûlants de l’activisme et des nuits glacées du découragement. La répétition « il ne dort pas » devient invitation à la veille du cœur : sobriété, attention, intercession. Dans la nuit (insomnie, inquiétude), ce verset devient un souffle : si je ne dors pas, Dieu veille ; sa présence tient la barque.
Ce psaume est aussi l’occasion d’inspirer notre comportement. Dieu me garde pour que je garde à mon tour. Garde de la prière quotidienne, des liens, des plus vulnérables. Si Dieu est celui qui nous garde fidèlement, est-ce que nous sommes, nous aussi, de bons gardiens pour nos frères ? Pouvons-nous ces jours-ci poser un geste de garde envers quelqu’un (appel, visite, accompagnement) ?
Deuxième lecture (2 Tm 3, 14 – 4, 2)
Bien-aimé, demeure ferme dans ce que tu as appris : de cela tu as acquis la certitude, sachant bien de qui tu l’as appris. Depuis ton plus jeune âge, tu connais les Saintes Écritures : elles ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, en vue du salut par la foi que nous avons en Jésus Christ.
Toute l’Écriture est inspirée par Dieu ; elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ; grâce à elle, l’homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien.
Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. – Parole du Seigneur.
Le passage 2 Tm 3,14 – 4,2 s’inscrit dans le climat d’un testament apostolique. Saint Paul, conscient de son départ proche, remet à Timothée une orientation de vie : rester arrimé à l’Écriture reçue dans l’Église, et servir la Parole « à temps et à contretemps ». D’une part, la fidélité (demeurer dans ce qu’on a appris), d’autre part la mission (proclamer, reprendre, encourager, avec patience).
Les Pères ont lu ce texte comme une charte de la formation chrétienne et du ministère pastoral ; la tradition spirituelle y a reconnu le cœur de la lectio divina et de l’accompagnement. Saint Jean Chrysostome nous rappelle de revenir sans cesse à l’Écriture, saint Augustin que tout vise la charité, saint Jérôme que l’étude est un acte d’amour, saint Grégoire que la patience est la forme de toute correction, Origène et saint Basile que l’Esprit respire dans le texte. Alors, équipés, nous pouvons faire « toute sorte de bien ».
3,14-15 « Demeure ferme… sachant de qui tu l’as appris. » La foi de Timothée est enracinée dans une chaîne vivante. Au début de sa lettre, Paul avait écrit : « J’évoque le souvenir de la foi sans détours qui est en toi, foi qui, d’abord, résida dans le coeur de ta grand’mère Loïs et de ta mère Eunice et qui, j’en suis convaincu, réside également en toi » (2Tm 1,5) ; l’apprentissage est d’abord ecclésial et familial. Chacun ici, pour lui-même, peut faire mémoire de qui il a reçu (parents, prêtres, catéchistes, parrain marraine, amis, etc.) « Savoir de qui tu l’as appris » : les Pères lisent ici le primat des témoins (les apôtres ont signé de leur martyre le témoignage qu’ils ont rendu) et le lien entre la tradition (les personnes) et l’Écriture (le texte).
Saint Paul souligne le statut de l’Écriture : « Toute l’Écriture est inspirée par Dieu [θεόπνευστος] » (v. 16). Origène, dans De principiis, commente ce mot θεόπνευστος : l’Esprit parle dans l’Écriture, qui a des profondeurs destinées à éduquer par stimulation — y compris par des passages difficiles qui nous poussent à chercher. Origène aime dire que l’Écriture est « animée du souffle de Dieu », ce qui explique sa profondeur inépuisable [1].
Saint Paul affirme l’efficacité de l’Écriture « elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ». Cela touche quatre dimensions : l’intelligence (enseigner), le discernement (réfuter), l’agir (corriger), l’habitus vertueux (éduquer).
- Enseigner : donner la substance du texte.
- Réfuter : dénouer une contre-vérité courante.
- Corriger : proposer une conversion concrète.
- Éduquer : indiquer un exercice pour la semaine.
Saint Grégoire le Grand, dans la Règle pastorale, dit que « Le gouvernement des âmes est l’art des arts » [2] et il explique que les modes de correction varient selon les personnes : les abattus doivent être encouragés, les présomptueux repris, les simples instruits, tous avec patience [3].
Saint Paul continue : « grâce à elle [l’Écriture], l’homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien ». L’expression « homme de Dieu » renvoie dans la Bible au prophète (Moïse, Élie). L’expression désigne tout ministre façonné par l’Écriture, et la tradition spirituelle élargit à tout baptisé, appelé à « toute œuvre bonne ».
4,1-2 Saint Paul conjure Timothée d’une manière solennelle. « Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne ». Apprenons à distinguer le jugement particulier à l’heure de notre mort, et la Manifestation de Jésus au moment de sa venue glorieuse, qui n’est pas la Fin du monde, mais à travers le jugement du monde, sa Manifestation inaugure le Règne de Dieu sur la terre comme au ciel (Mt 6, 10) avant l’assomption finale (1Co 15, 24) ; donc saint Paul dit : « au nom de sa Manifestation et de son Règne ».
« Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire.» (2Tm 4,2)
Dans ses Homélies sur 2 Timothée, saint Jean Chrysostome commente « À temps et à contretemps », c’est refuser de laisser la Parole se retirer devant l’opinion : la vérité a toujours son heure.
Saint Augustin rappelle que la charité est la forme de toute correction : si elle n’édifie pas, elle n’est pas évangélique.
En résumé :
La lettre de saint Paul nous invite à unir Écriture et Tradition : « sachant de qui tu l’as appris » : la Bible se lit dans l’Église, avec les Pères de l’Église comme compagnons.
La lettre de saint Paul n’oppose pas foi et morale : la vérité forme la vie et la vie vérifie la vérité.
La lettre de saint Paul unit le regard vers les fins dernières (l’Eschatologie) et le présent : proclamer la parole sous le regard du Juge libère de la servilité aux modes, mais cela oblige aussi à la charité envers les personnes.
La traduction est faite depuis la Pshitta – En araméen il n’existe pas de shewa comme en hébreu (ce qui donnerait Peshitta), je dis donc Pshitta. Et le commentaire est extrait de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, Paris 2024.
Observons le rythme du texte, qui se prête bien au balancement du corps gauche/ droite et à une mémorisation corporelle.
« 18, 1 Il leur dit, donc, / aussi une parabole,
pour qu’en tout moment ils prient / et qu’on ne se lasse pas.
2 Il y avait un juge / en un certain chef-lieu
qui, de Dieu, / n’avait aucune crainte,
et, des hommes, / n’avait aucun respect.
3 Or, il y avait une veuve / en ce chef-lieu ;
qui venait auprès de lui, / en disant :
‘Défends ma cause, / contre ma partie adverse !’
4 Et il ne voulait pas, / pendant longtemps.
Après, cependant, / il dit en lui-même :
‘Même si, de Dieu, / je n’ai aucune crainte,
et, des hommes, / je n’ai aucun respect,
5 du moins, parce qu’elle aussi me fatigue, / cette veuve-ci,
je demanderai compte pour elle / pour qu’à tout moment elle ne vienne pas me casser la tête !’.
6 Et notre Seigneur dit :
‘Écoutez / ce que dit ce juge inique !
7 Or, Dieu, / ne fera-t-il pas les comptes pour ses élus,
qui crient vers Lui, jour et nuit, / et fera-t-il attendre son Esprit pour eux ?
8 Je vous le dis,
il demandera compte pour eux / promptement.
Mais [quand] le Fils de l’homme viendra, / trouvera-t-il la foi sur la terre ?’» (Lc 18, 1-8)
Cette perle illustre l’enseignement sur le jour du fils de l’homme par la parabole d’une veuve aux prises avec un juge inique : justice sera rendue.
Dans son monologue, le juge inique dit : « je demanderai compte pour elle [racine tbᶜ] » et Jésus affirme que Dieu « fera les comptes [racine tḇᶜ] pour ses élus » (Lc 18, 7.8). (Lc 18, 7.8). Le verbe « tbᶜ » signifie suivre, demander, demander les comptes, harceler, exhorter, punir ; le nom qui en découle signifie demande, demande de compte, vengeance et peut avoir le sens de rachat, rédemption. Il y a une idée de justice. Le Dieu bon est aussi le Dieu de toute justice, ce que soulignera Tertullien, Contre Marcion, IV, 36.
La parabole vise en particulier, dans la perle correspondante du collier compteur, Hérode le Tétrarque (Lc 3, 19) car on peut aussi dire de lui : « de Dieu il n’avait aucune crainte, et, des hommes aucun respect » (Lc 18, 4). Jean-Baptiste est injustement emprisonné, mais Dieu lui fera justice ; même son martyre ne sera pas le dernier mot de l’histoire.
La parabole vise surtout la communauté chrétienne, qui, dès lors que Jésus va mourir (Lc 17, 25), sera comme une veuve, souvent persécutée ou dans le dénuement social.
La parabole vise plus généralement toutes les victimes de la corruption qui crient vers le ciel, et auxquelles Dieu rendra justice à l’heure de la Parousie.
La veuve est humiliée par la lenteur du juge, or le Siracide dit : « car l’or est éprouvé dans le feu, et les élus dans la fournaise de l’humiliation » (Si 2, 5). Est introduite l’image du feu ; qui rappelle Jean-Baptiste annonçant que Jésus « immergera dans l’Esprit et le feu » (Lc 3, 16 collier compteur) ; avec le feu est alors associé l’Esprit, et Luc transmet ici la parole de Jésus sur l’Esprit : « Or, Dieu, ne fera-t-il pas les comptes pour ses élus, qui crient vers Lui, jour et nuit, et fera-t-il attendre son Esprit pour eux ? » (Lc 18, 7).
« Ses élus ». La théologie biblique de l’élection n’a rien d’élitiste, c’est un appel et une responsabilité : on est élu pour écouter la parole et pour en transmettre le témoignage (Dt 6–7). L’expression « les élus » ne peut pas se réduire à « un titre ecclésiologique dans la communauté de Luc » ; unique dans l’évangile de Luc, l’appellation est très présente chez Matthieu et se trouve aussi chez Marc (Mt 13, 20 ; 20, 16 ; 22, 14 ; 24, 22-31 ; Mc 13, 22 ; 13, 27 ; Lc 18, 7) : elle remonte tout simplement à Jésus.
L’idée de Dieu qui ne fait pas attendre fait écho au livre du Siracide : « Et le Seigneur ne tardera pas, il n’aura pas de patience à leur égard » (Si 35, 21).
« Mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8b). Jésus semble encore reprendre le livre du Siracide « Malheur à vous qui avez perdu l’endurance, que ferez-vous lorsque le Seigneur vous visitera ? » (Si 2, 14) Mais il y a plus. Jésus parle de foi. Quand il (re)viendra (dans la gloire), la justice s’accomplira, mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’elle nécessitera encore la foi, c’est-à-dire la confiance, parce que la justice de Dieu fait participer les élus à sa vie. Il y a là une révélation qui passe souvent inaperçue !
Prenons quelques exemples.
“Dieu m’a gardé de l’amertume”. Infirmier de nuit, j’étais pris pour cible par un chef injuste : horaires coupés, remarques humiliantes. Chaque matin, je répétais simplement : « Seigneur, fais-moi justice ». Je notais les faits, je restais poli, et je priais avant chaque entretien. Trois mois plus tard, l’hôpital a mené un audit : plusieurs collègues avaient aussi parlé. Mon chef a été déplacé. Ce jour-là, j’ai surtout compris que la première justice que Dieu m’a donnée, c’est un cœur qui n’a pas haï. Sans la prière, j’aurais explosé ou démissionné ; avec elle, j’ai tenu jour et nuit et je me suis senti gardé.
“L’exaucement n’a pas été celui que j’attendais”. Notre fils s’était éloigné et accumulait des dettes. Pendant un an, chaque soir, je disais le chapelet sur un seul cri : « Regarde ma détresse, fais-nous justice. » Rien ne bougeait. Puis un soir, il nous a appelés : pas pour s’excuser, mais pour demander de l’aide pour entrer en soins. La justice de Dieu a pris la forme d’un chemin de vérité : pas d’effacement magique des dettes, mais la force de reconnaître, de réparer, d’avancer. Et moi, j’ai découvert une foi plus nue, qui ne négocie pas avec Dieu mais s’accroche à Lui.
La parabole de la veuve (Lc 18,1-8) concerne aussi les peuples : des nations entières crient jour et nuit contre l’injustice, et leur plainte ne se perd pas — elle monte comme l’encens devant Dieu. Si un juge inique finit par céder, combien plus le Juge fidèle fera droit. Le Christ, l’Agneau, Roi des rois, vaincra « la Bête et le faux prophète » et les jettera « dans l’étang de feu » (Ap 19,20) : la tyrannie aura une fin. En attendant, l’Église prie en veuve pour les peuples meurtris et refuse de pactiser avec le mensonge. La patience de Dieu n’est pas indifférence : elle prépare un jugement vrai et un salut offert aux humbles. La prière persévérante convertit la colère en intercession et maintient la foi dans la nuit des nations. La parabole promet que Dieu « fera justice », tandis que l’Apocalypse en dessine les étapes : au jugement concomitant à la Parousie, la Bête et le Faux Prophète sont précipités dans l’étang de feu (Ap 19,20). L’issue est certaine : sur la terre nouvelle, « les nations marcheront à sa lumière » (Ap 21,24) — c’est la réponse plénière au cri de la veuve et des peuples opprimés. « Mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8b).
[1] Origène, Traité des Principes, t. I–IV, éd. H. Crouzel & M. Simonetti, trad. fr., Paris, Cerf (Sources Chrétiennes 252, 253, 268, 269). Repères utilisés : Préface § 8 (SC 252, p. 85-86) ; IV, 1, 1 (SC 268, p. 257-259).
[2] Grégoire le Grand, La Règle pastorale, I, 1, 4 (SC 381, p. 128-129) (F. Rommel (texte crit.), trad. C. Morel, Paris, Cerf).
[3] Grégoire le Grand, La Règle pastorale, III, 25 (SC 382, p. 428).
Date de dernière mise à jour :