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26e dimanche ordinaire C
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30.
Première lecture (Am 6, 1a.4-7)
Psaume (Ps 145 (146), 6c.7, 8.9a, 9bc-10)
Deuxième lecture (1 Tm 6, 11-16)
Première lecture (Am 6, 1a.4-7)
« Ainsi parle le Seigneur de l’univers : Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Sion, et à ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie. Couchés sur des lits d’ivoire, vautrés sur leurs divans, ils mangent les agneaux du troupeau, les veaux les plus tendres de l’étable ; ils improvisent au son de la harpe, ils inventent, comme David, des instruments de musique ; ils boivent le vin à même les amphores, ils se frottent avec des parfums de luxe, mais ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël ! C’est pourquoi maintenant ils vont être déportés, ils seront les premiers des déportés ; et la bande des vautrés n’existera plus. » – Parole du Seigneur.
Alors que Jérusalem n’est qu’une petite place forte sur le mont Sion, il y a dans le royaume du Nord, depuis les rois Omri et Achab, des villes construites sur de vastes terrassements en hauts des collines… notamment Samarie, la capitale. C’est la région des prophètes Élie, puis Amos et Osée.
Au VIIIe siècle avant J-C, au temps de Jéroboam II, le prophète Amos comprend que l’histoire ne sera plus faite de victoires : il voit venir de loin le danger et la menace de l’Assyrie dont la capitale est Ninive (Amos 1 et 2), elle menace les rois araméens, mais aussi Israël. Le pays est encore en paix, mais aux yeux du prophète, ce n’est pas une preuve qui prouve que l’on soit sur le bon chemin. Alors que l’on est dans une époque prospère, Amos veut faire comprendre que l’important n’est pas les signes extérieurs tels que la paix et la richesse. Pour Amos, seuls comptent les signes intérieurs : la vérité du vécu de l’Alliance, c’est-à-dire, et de manière indissociable, l’authenticité de la justice sociale et du vrai culte.
Dans la lecture de ce dimanche, Amos annonce la déportation. Il ne le fait pas à la manière d’un journaliste avisé et fin connaisseur de la géopolitique, il le fait à la manière d’un prophète qui comprend que le désastre d’Israël est d’abord intérieur : un excès de luxe a affadi la foi, le laxisme moral rend vaine la louange du Seigneur, même si on invente des instruments de musique comme le roi David.
Les « lits d’ivoire » sont le symbole du luxe importé, réservé à une élite. Des fragments de mobilier incrusté d’ivoire ont été retrouvés à Samarie. Ils « mangent les agneaux… les veaux à l’engrais » : la consommation de viande grasse était un privilège rare ; Amos montre ici l’excès. Ils « improvisent au son de la harpe… comme David » : ils détournent l’art de la musique, non pour louer Dieu mais pour se divertir. David composait pour louer le Seigneur (Ps 150), eux ne font que s’amuser. Ils « boivent le vin à même les amphores » : c’est-à-dire sans modération, une consommation directe et ostentatoire. Ils « se frottent avec les parfums » (myrrhe, aloès, huiles importées), c’est encore un signe de luxe superflu. Mais le plus grave : « ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël ! (dans la Bible de Jérusalem, le désastre de Joseph ». « Israël » ou « Joseph » désigne ici le royaume du Nord. Amos reproche aux élites de fermer les yeux sur la corruption et la fragilité de la société. Autrement dit, ces élites vivent dans l’insouciance, ignorant la ruine spirituelle et sociale de leur peuple
Le verset 7 annonce une sanction divine : ceux qui se croient les premiers par leur rang social seront « les premiers des déportés ». La « fête des vautrés » (ceux qui s’affalent dans le luxe) prendra fin brutalement. Ironie amère : eux qui s’estiment « premiers » par leur richesse seront premiers… mais pour le châtiment.
Malgré la chute de Samarie en l’an 721 avant Jésus-Christ, le message d’Amos sera conservé avec ceux qui viendront se réfugier à Jérusalem. On se souviendra du message du prophète : la vraie foi est inséparable du droit.
Chers auditeurs, Dieu condamne non pas la joie ou la beauté en elles-mêmes, mais l’égoïsme, l’excès et l’indifférence à la souffrance des autres. Le plaisir devient fuite. La fête devient indifférence. Le confort devient anesthésie de la conscience. « Ils ne se tourmentent pas du désastre d’Israël ». C’est-à-dire : ils vivent comme si leur peuple n’allait pas à la ruine.
L’injustice sociale et l’insouciance spirituelle attirent le jugement divin. Amos relie directement la prospérité injuste au châtiment de l’exil : le luxe coupé de la solidarité est fragile et voué à s’effondrer.
Ce passage rejoint Marie dans le Magnificat : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles » (Lc 1,52). Il est aussi repris par Jésus dans la parabole du riche et de Lazare (Lc 16,19-31) où le riche festoie sans se soucier de son frère dans la misère.
La sanction divine adviendra pour chacun à l’heure de la mort, mais elle adviendra aussi, collectivement, au moment du retour du Christ. En ce sens, saint Jacques écrit : « 1 Eh bien, maintenant, les riches! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver. 2 Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont rongés par les vers. » (Jc 5, 1-2) Et il continue, selon la Bible de Jérusalem « Votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille vous accusera, elle dévorera vos chairs, comme un feu. Vous avez amassé [de l’argent alors que nous sommes] dans les derniers temps ! » (Jc 5, 3 BJ) – alors qu’il serait plus judicieux de traduire littéralement : « ... Vous avez amassé un feu [sur vous-mêmes, lkōn dans la Pshitta] pour les jours à venir [Araméen : lyāwmātā ’ḥrāyē ; Grec : én ‘eskhataïs ‘êmeraïs,– c’est-à-dire pour le Jugement qui va venir sur vous] ! » (Jc 5, 3). (rappelons que le jugement eschatologique n’est pas la fin du monde mais le jugement de la bête et du faux prophète, alors Dieu règnera sur la terre comme au ciel, avant l’assomption finale). Nous avons ensuite, aux versets 4-6, des reproches qui répètent ceux d’Amos : « 4 Voyez: le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur des Armées. 5 Vous avez vécu sur terre dans la mollesse et le luxe, vous vous êtes repus au jour du carnage. 6 Vous avez condamné, vous avez tué le juste: il ne vous résiste pas. » (Jc 5, 4-6)
À l’opposé, nous pouvons prendre pour exemple saint François d’Assise (1181-1226) : Né dans une famille riche de marchands, il aurait pu vivre « sur des lits d’ivoire ». Mais il renonce à l’opulence et choisit une vie de pauvreté radicale. Il fait corps avec les pauvres et les lépreux, voyant en eux le visage du Christ.
Sainte Élisabeth de Hongrie (1207-1231) : princesse mariée à un landgrave, elle vivait dans un château. Mais elle choisit de se priver de ses richesses pour nourrir les pauvres, construire un hôpital et soigner elle-même les malades.
Saint Charles de Foucauld (1858-1916) : issu d’une famille aisée, il connaît d’abord une vie facile et mondaine. Mais sa rencontre avec le Christ le pousse à choisir une vie cachée parmi les Touaregs du Sahara. Il se dépouille de tout luxe pour partager le quotidien des plus humbles, se faisant « frère universel ».
Mère Teresa de Calcutta (1910-1997) : elle aurait pu vivre une vie religieuse relativement confortable dans une congrégation enseignante. Elle choisit d’aller aider les plus pauvres parmi les pauvres à Calcutta : son cœur était consumé par le désastre des laissés-pour-compte.
Psaume (Ps 145 (146), 6c.7, 8.9a, 9bc-10)
Le Seigneur garde à jamais sa fidélité, il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés. Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège l’étranger. Il soutient la veuve et l’orphelin, il égare les pas du méchant. D’âge en âge, le Seigneur régnera : ton Dieu, ô Sion, pour toujours !
Chers auditeurs, commençons par situer ces quelques versets de psaume dans l’ensemble du psaume et même du psautier.
Ce psaume fait partie du petit corpus des « Hallel final » (Ps 146–150), les cinq derniers psaumes du Psautier qui forment une grande louange : chacun de ces psaumes commence et se termine par « Alléluia ! »
Ce psaume fut probablement composé après le retour d’exil à Babylone : Israël a fait l’expérience de la chute des rois et des princes et la confiance s’est déplacée de la monarchie humaine vers Dieu seul.
Le psaume a aussi un accent universaliste : Dieu est le Créateur de tout, et son action s’oriente vers tous les pauvres et opprimés, pas seulement Israël.
C’est un hymne de louange que l’on peut découper ainsi :
Invitation personnelle à louer (vv. 1-2) : le psalmiste engage son âme à louer le Seigneur toute sa vie.
Mise en garde contre la confiance dans les puissants (vv. 3-4) : ne pas mettre sa confiance dans les princes ni les fils d’homme, car ils sont mortels.
Béatitude : Heureux celui qui met sa foi dans le Seigneur (vv. 5).
Motifs de confiance (vv. 6-9) : le Seigneur est Créateur et gardien des petits, il agit pour la justice, libère, nourrit, relève, aime les justes.
Conclusion solennelle : le règne éternel du Seigneur (v. 10).
v. 6 « Le Seigneur garde à jamais sa fidélité ».
Dans la Bible, la fidélité de Dieu (hébreu : ’émounah) exprime sa constance à tenir sa parole, notamment l’Alliance, c’est aussi sa fiabilité, sa vérité.
Dieu n’est pas changeant comme l’homme, il n’abandonne pas ses promesses. Contrairement aux puissants humains qui passent et trahissent parfois, le Seigneur reste le même « hier, aujourd’hui et à jamais » (cf. He 13,8).
Une fidélité « à jamais », ou « pour toujours » (hébreu lé’olam) souligne que cette fidélité n’est pas ponctuelle ou conditionnée. Elle traverse l’histoire et s’accomplit pleinement dans le Christ. Pour le croyant, cela signifie une espérance indéfectible : même dans l’épreuve ou l’exil, Dieu demeure fidèle à son Alliance.
La fidélité divine n’est pas une abstraction, mais une attention vivante aux pauvres et aux souffrants. La fidélité du Seigneur est tournée vers les plus petits : le contexte du Psaume 145 montre que la fidélité de Dieu s’exprime concrètement : il fait justice aux opprimés, il donne du pain aux affamés, il délie les enchaînés, il soutient l’orphelin et la veuve…
« Le Seigneur fait justice aux opprimés, aux affamés, il donne le pain » (v. 7). C’est une constance. On ne fait donc pas avancer le règne de Dieu, le règne du bien, le monde idéal, par des chemins injustes, par exemple en provoquant des guerres ou des cataclysmes pour ensuite imposer une certaine idéologie.
« Le Seigneur délie les enchaînés » (v. 7). Il délie d’abord des chaînes démoniaques, des addictions. L’alcool est une addiction, un verre, ça passe, trois c’est trop, l’ivresse amène le malheur, une habitude enchaîne. La pornographie est une ivresse qui enchaîne très rapidement et ruine les existences. Les jeux vidéos sont aussi une ivresse qui ruine l’existence, et les jeux d’argent… « Le Seigneur délie les enchaînés ». Toutes les chaînes, le Seigneur les délie. Mais il faut désirer son salut. Le Seigneur en délivre… parce qu’il est le plus beau. Parce qu’il offre une joie incomparable. Parce que, quand on a goûté la fierté d’une journée passée sous son regard, dans sa sagesse, dans son amour, dans sa joie qui est simple, on ne veut plus aucun autre ersatz. Quand on a rendu service et qu’on a fait de son mieux, le soir, on n’a pas envie de se droguer.
« Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles » (v. 8). Dans les Évangiles, ce verset prend chair : Jésus ouvre réellement les yeux des aveugles (cf. Mc 10,46-52 ; Jn 9). Ces gestes ne sont pas seulement des miracles physiques, mais des signes du Royaume : le Christ ouvre les yeux de la foi pour reconnaître en lui le Sauveur. Le psalmiste proclame que ce n’est pas l’homme qui s’ouvre lui-même les yeux, mais Dieu qui agit. Dans nos nuits intérieures — doutes, incompréhensions, épreuves — Dieu peut nous faire entrevoir un chemin, une clarté nouvelle. Il est le Dieu qui éclaire. Prions. Du péché qui empêche de voir clair, libère-nous Seigneur. De la peur qui empêche de voir clairement ce qu’il convient de faire, libère-nous Seigneur. Du repli sur soi, qui empêche de voir le bien que nous pourrions faire autour de nous, libère-nous Seigneur. Des illusions du monde, libère-nous Seigneur.
« Le Seigneur redresse les accablés » (v. 8). Qui n’a jamais été accablé ? Trop de choses à faire, trop de trahisons, de malentendus. Et pourtant, après un temps de prière, parfois un cri vers le Seigneur, parfois un pèlerinage, même très simple tout près de chez nous, Jésus nous redresse.
« Le Seigneur aime les justes » (v. 8). Dieu aime les justes, il maintient le monde dans l’existence par amour pour les justes qui feront réussir son plan, le dessein de la création, le but et la grandeur pour lesquels nous avons été créés. Dieu aime les justes, il maintient le monde dans l’existence par amour pour les justes qui feront réussir le dessein de la création,
« Le Seigneur protège l’étranger, il soutient la veuve et l’orphelin, il égare les pas du méchant. » (v. 9). Le Seigneur protège celui qui n’a pas de droits parce que justement, il est étranger. La loi et la politique ont toujours des limites et il y a toujours des cas non prévus. Mais Dieu voit. C’est la raison d’être des actions humanitaires et caritatives ; il y en aura toujours.
« D’âge en âge, le Seigneur régnera » (v. 10) ; il s’agit d’un futur. Pour l’instant, nous pouvons avoir l’impression que Satan règne, mais le Seigneur règnera, il est le maître du monde, le maître de l’histoire. Attention, la venue du Seigneur sera une venue glorieuse : Jésus ne reviendra pas d’une manière corporelle pour exercer une contrainte politique et militaire, mais sa royauté s’exercera spirituellement par une attraction d’amour. Alors les justes seront comme les rameaux au cep de la vigne, enrichis, vivifiés de l’intérieur.
Deuxième lecture (1 Tm 6, 11-16)
Toi, homme de Dieu, recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur. Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! C’est à elle que tu as été appelé, c’est pour elle que tu as prononcé ta belle profession de foi devant de nombreux témoins. Et maintenant, en présence de Dieu qui donne vie à tous les êtres, et en présence du Christ Jésus qui a témoigné devant Ponce Pilate par une belle affirmation, voici ce que je t’ordonne : garde le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochable jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. Celui qui le fera paraître aux temps fixés, c’est Dieu, Souverain unique et bienheureux, Roi des rois et Seigneur des seigneurs, lui seul possède l’immortalité, habite une lumière inaccessible ; aucun homme ne l’a jamais vu, et nul ne peut le voir. À lui, honneur et puissance éternelle. Amen. – Parole du Seigneur.
La première lettre à Timothée appartient aux Épîtres pastorales, adressées à des collaborateurs de Paul. Le chapitre 6 parle des dangers liés à l’amour de l’argent (vv. 3-10) mais saint Paul exhorte Timothée à un autre chemin.
« Toi, homme de Dieu, recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur. » (v. 11) – « homme de Dieu » est une expression rare dans le Nouveau Testament, mais fréquente dans l’Ancien Testament pour désigner un prophète (Moïse, Samuel, Élie). Timothée est ici placé dans cette lignée prophétique.
Il ne s’agit pas seulement d’éviter le mal, mais d’un dynamisme positif. « Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! » (v. 11). Le mot « combat » est ici une métaphore militaire ou sportive, le « combat de la foi » est noble parce qu’il conduit à la vie éternelle, l’éternelle Vie qui commence dès maintenant dans le Christ. « C’est à elle que tu as été appelé, c’est pour elle que tu as prononcé ta belle profession de foi devant de nombreux témoins. » (v. 12). La « belle profession de foi » fait probablement référence au baptême de Timothée accompagnée d’une confession publique de sa foi.
Ces versets, en s’adressant à Timothée, s’adressent aussi à toute l’Église. Ils décrivent la vocation du disciple, appelé à une identité prophétique, enracinée dans la confession de foi et dans un style de vie marqué par les vertus.
Le « bon combat de la foi » (1 Tm 6,12) inclut la fidélité doctrinale et morale, c’est-à-dire rester attaché à la parole de Dieu et à l’enseignement de Jésus. Cette fidélité s’oppose explicitement aux déviations des faux docteurs, déviation dont la première lettre à Timothée donne un aperçu assez détaillé. En reprenant l’ensemble de la lettre, on peut cerner plusieurs caractéristiques des faux prophètes, et mettre en vis-à-vis les vertus citées par saint Paul.
En 1 Tm 6, 5-10 on apprend que certains considèrent la piété comme une source de profit. Leur attachement à l’argent est dénoncé comme racine de nombreux maux. Contrairement à l’authentique disciple, qui doit rechercher la piété et la justice sans esprit de gain. À la cupidité s’oppose la vertu de « justice » (1Tm 6, 11) [grec δικαιοσυνην, araméen zaddīqūṯā. Dans le sermon sur la montagne, Jésus dit qu’il faut rechercher la justice [zaddīqūṯā] de Dieu (Mt 6, 33), c’est-à-dire selon Dieu, et non pas selon le plus grand profit (Mammon). On peut aussi considérer que le vrai disciple avance dans la « persévérance » (1Tm 6, 11), sans tenir compte des intérêts financiers.
En 1 Tm 4, 1-3 nous apprenons qu’il y en a qui interdisent le mariage et certains aliments, sous prétexte de piété. Cela reflète un ascétisme exagéré, peut-être lié à des tendances dualistes (méfiance vis-à-vis du corps et du créé). Paul leur répond en réaffirmant la bonté de la création : tout ce que Dieu a créé est bon (4,4). À l’ascétisme excessif (4,3) s’oppose la vertu de Piété (6,11) : la vraie piété accueille la création comme un don de Dieu, un cadeau sans cesse renouvelé dont nous pouvons jouir comme de bons fils reconnaissants.
En 1 Tm 1,3-4, Paul dit de ne pas s’attacher à des « fables » et des « généalogies sans fin ». C’était probablement des spéculations juives (midrashiques) ou influencées par des courants gnostiques, centrées sur des récits légendaires ou ésotériques. À ces discussions stériles s’oppose la vertu de Foi qui s’attache à la Parole reçue, dans la simplicité et la profondeur spirituelle.
En 1 Tm 1,7, Paul dit que certains veulent être « docteurs de la Loi » mais ne comprennent même pas ce qu’ils disent. Au mauvais usage de la Loi (interprétation légaliste ou détournée de la Loi de Moïse) s’oppose la justice qui consiste à la fidélité aux commandements, mise en pratique droite de la volonté de Dieu.
En 1 Tm 6, 4-5, on voit que les faux docteurs sont malades de disputes et de querelles de mots, ce qui mène à l’envie, aux calomnies, aux soupçons injustes. La polémique doctrinale devient pour eux une fin en soi, au lieu de construire la foi. À l’esprit querelleur s’opposent les vertus de la charité et la douceur (6,11) qui construisent la communion fraternelle et ouvrent à l’écoute.
Saint Paul adjure ensuite solennellement Timothée (v. 13-14). « Et maintenant, en présence de Dieu qui donne vie à tous les êtres, et en présence du Christ Jésus qui a témoigné devant Ponce Pilate par une belle affirmation… » De même que Jésus a témoigné devant Pilate, Timothée doit garder le commandement (probablement tout l’enseignement reçu, ou la fidélité à l’Évangile). « Voici ce que je t’ordonne : garde le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochable jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. ». « Jusqu’à la manifestation », en grec nous avons le mot (ἐπιφάνεια, epiphaneia), en araméen nous avons le mot gelyānā, la révélation, l’Apocalypse.
« Celui qui le fera paraître aux temps fixés, c’est Dieu » : ce ne sont pas les hommes qui vont produire le Christ, le Christ n’est pas une idée fumeuse, c’est le Fils de Dieu qui est né de la Vierge Marie, est mort, a été enseveli, est ressuscité, et qui reviendra dans la gloire, c’est-à-dire comme une apparition du ressuscité que tout le monde verra. Ainsi saint Paul encourage Timothée dans une attente confiante de la venue glorieuse du Christ, qui, rappelons-le, n’est pas la fin du monde mais l’accomplissement du règne de Dieu sur la terre, avant l’assomption finale dans la gloire [1].
Dieu le Créateur est transcendant et il est aussi le maître de l’histoire. Saint Paul dit qu’il est « Souverain unique et bienheureux, Roi des rois et Seigneur des seigneurs, lui seul possède l’immortalité, habite une lumière inaccessible ; aucun homme ne l’a jamais vu, et nul ne peut le voir. À lui, honneur et puissance éternelle. Amen. »
Évangile (Lc 16, 19-31)
« 19 Or il y avait un homme riche,
il s’habillait de byssus / et de pourpre,
et, chaque jour il festoyait / magnifiquement.
20 Et il y avait un pauvre / dont le nom était Lazare,
et il gisait à la porte de ce riche, / couvert d’ulcères,
21 et il désirait [désirait vivement] remplir son ventre / des miettes qui tombaient de la table de ce riche ;
et même les chiens venaient / pour lécher ses ulcères.
22 Or il advint que mourut ce pauvre,
et les anges le conduisirent / au sein d’Abraham.
Ce riche aussi mourut / et il fut enterré.
23 Et tandis qu’il était tourmenté dans le Shéol,
il leva les yeux, / au loin,
et vit Abraham, / et Lazare dans son sein.
24 Il cria d’une voix forte, / et dit :
‘Père Abraham, / aie pitié de moi,
et envoie Lazare, pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau / et qu’il m’humecte la langue ;
car voici que je suis tourmenté / dans cette flamme !’
25 Abraham lui dit : / Fils !
Souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, / et que Lazare ses maux ;
et maintenant voici qu’il repose ici-même, / et que toi, tu es tourmenté.
26 Et, avec tout ceci, / un grand abîme est posé entre nous et vous,
de sorte que ceux qui veulent,
d’ici passer chez vous, / ne le peuvent ;
ni de même, de là-bas, / passer chez nous.
27 Il lui dit :
‘Je te prie donc, / père,
que tu l’envoies / à la maison de mon père ;
28 j’ai en effet cinq frères : / qu’il aille leur rendre témoignage,
afin qu’ils ne viennent pas aussi / dans ce lieu de tourments !’
29 Abraham dit :
‘Ils ont Moïse et les prophètes, / qu’ils les écoutent !
30 Or lui, il lui dit : / ‘Non, père Abraham,
mais si quelqu’un des morts va chez eux, / ils se convertiront !
31 Abraham lui dit :
‘Si Moïse et les prophètes, / ils n’écoutent pas
pas même si quelqu’un des morts ressuscitait / ils ne le croiront !’ » (Lc 16, 19-31).
– Acclamons la Parole de Dieu.
Cette parabole souligne le contraste entre deux personnages. Un riche est couvert de vêtements de luxe, un pauvre est couvert d’ulcères. Le pauvre a un nom (Lazare), le riche n’a pas de nom. À sa mort, Lazare est chaleureusement porté par les anges dans le sein d’Abraham ; le riche est prosaïquement enterré.
Dans la perle correspondante du collier compteur (cf. Les explications dans mon livre), Jean-Baptiste invitait les foules à partager tuniques et nourriture (Lc 3, 11), ce que le riche de la parabole n’avait pas fait pour Lazare (Lc 16, 19). Jean-Baptiste exhortait à ne pas se relâcher en se disant « Nous avons pour père Abraham » (Lc 3, 8), et avertissait que l’arbre stérile « sera coupé et il tombera au feu » (Lc 3, 9) ; parfaite illustration, le riche, mort, enseveli et tourmenté par une flamme, appelle Abraham « père ! » (Lc 16, 24.27.30) ; Abraham le reconnaît comme « fils », mais il repousse toutes ses demandes !
Le pauvre s’appelle Lazare, « lāᶜāzar », et il est emporté par les anges [2] dans le sein d’Abraham. À l’opposé, le riche défunt est tourmenté. Sa faute est d’avoir vécu dans un luxe excessif. Il portait de manière habituelle des vêtements dignes d’un empereur, et il festoyait chaque jour (Lc 16, 19). Le pauvre était à sa porte, et il a passé sans le voir.
Quand Jésus avait dit : « La Loi et les prophètes : jusqu’à Jean ! » (Lc 16, 16 perle 1 dans ce fil d'oralité), ce n’était pas pour abolir la Loi, bien au contraire : pour éviter le tourment de l’homme riche au séjour des morts, il suffit de suivre « Moïse et les prophètes » (Lc 16, 29.31). Moïse avait dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18) et parmi les prophètes, Amos avait dit : « Je sais combien nombreux sont vos crimes […], vous qui, à la Porte, déboutez les pauvres » (Am 5, 12).
Cependant, Jésus ouvre une issue de secours que la Loi n’avait pas manifestée : au séjour des morts, le riche défunt apprend progressivement à aimer :
Il voit Lazare alors que, de son vivant, il a vécu sans le regarder. Il ne se plaint pas d’être tourmenté par une flamme qui est son juste châtiment, mais il recherche un soulagement en demandant que Lazare aille le rafraîchir (v. 24). Ce n’est pas possible pour un motif de justice, le riche a son juste châtiment (et n’a pas les autres à son service) et pour un motif de topologie (un « abîme » les sépare).
Le riche défunt devient alors moins égoïste : il veut éviter à ses cinq frères de pareils tourments, et cela en utilisant encore Lazare pour les avertir (v. 27). Abraham refuse sa demande et explique que ce n’est pas nécessaire.
Dans sa troisième demande, le riche défunt se soucie de ses frères sans prendre le pauvre Lazare pour serviteur, c’est encore un progrès. Il demande que quelqu’un d’entre les morts aille chez ses frères (v. 30), mais Abraham explique que ce serait inutile (effectivement, la résurrection de Jésus n’a pas apporté la conversion de tout le peuple élu).
L’Ancien Testament était parvenu à la compréhension d’un séjour des morts provisoire, « le pays de la poussière », précédant le jugement dernier : « Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle » (Dn 12, 2).
L’Ancien Testament connaissait aussi la prière « pour les morts afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés », ce qui ne s’explique que dans la perspective d’un « purgatoire » considéré comme un parvis de la résurrection bienheureuse : « Car, s’il [Judas Maccabée] n’avait pas espéré que les soldats tombés dussent ressusciter, il était superflu et sot de prier pour les morts, et s’il envisageait qu’une très belle récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété, c’était là une pensée sainte et pieuse. Voilà pourquoi il fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu’ils fussent délivrés de leur péché. » (2M 12, 44-45).
Dans la parabole de Jésus, le séjour des morts est compartimenté de manière stricte : le riche voit Lazare de loin, mais Lazare ne peut pas venir le soulager, c’est une question de justice (v. 25). La goutte d’eau demandée par le riche défunt est la réciproque des miettes désirées par le pauvre durant sa vie (v. 21) mais désormais, et c’est une question de géographie, un « grand abîme » les sépare (v. 26).
En accord avec Tertullien[3] et Grégoire de Nysse[4], nous pouvons affirmer que cette parabole se situe avant le jugement dernier. En effet, le riche défunt fait un chemin spirituel : il demande d’abord pour lui-même, il accepte son sort, il demande ensuite pour ses frères, mais en utilisant le pauvre, puis il demande pour ses frères sans utiliser le pauvre. La flamme qui tourmente le riche n’est donc pas le feu de l’enfer ou « l’horreur éternelle » (Dn 12, 2) : c’est une flamme qui l’accompagne dans un chemin de purification intérieure. Ce que nous pourrions appeler : le purgatoire.
[1] Cf. CEC 2818 ou 675-677. On pourra lire aussi : Françoise BREYNAERT, L’Apocalypse revisitée. Une composition orale en filet. Imprimatur. Parole et Silence, 2022. 377 pages. réédité en 2024
[2] Le Targum du Cantique des Cantiques 4, 12 évoquait déjà le soutien des anges conduisant les âmes (les anges « psychopompes »).
[3] TERTULLIEN, Contre Marcion, IV, 34, 14.
[4] GRÉGOIRE DE NYSSE, De anima et resurrectione, PG 46, 80B-88A.
Date de dernière mise à jour : 02/09/2025