25e dimanche ordinaire C

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Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30. 

Première lecture (Am 8, 4-7)

Psaume (Ps 112 (113), 1-2, 5-6, 7-8)

Deuxième lecture (1 Tm 2, 1-8)

Évangile (Lc 16, 1-13)

 

Première lecture (Am 8, 4-7)

« Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays, car vous dites : ‘Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le shabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment !’ Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits. » – Parole du Seigneur. 

Commençons par le contexte historique d’Amos. Alors que Jérusalem n’est qu’une petite place forte sur le mont Sion, il y a dans le royaume du Nord, depuis les rois Omri et Achab, des villes construites sur de vastes terrassements en haut des collines… notamment Samarie, la capitale.

Au temps de Déborah ou de David, malgré l’infériorité du développement matériel vis-à-vis des cités cananéennes de la plaine côtière, certaines victoires pouvaient fournir la preuve qu’on avait raison d’être différents des autres peuples. Mais au VIII° siècle avant J-C, au temps de Jéroboam II, le prophète Amos comprend que, de toute façon, l’histoire ne sera plus faite de victoires : il voit venir de loin le danger et la menace de l’Assyrie dont la capitale est Ninive (Amos 1 et 2), elle menace les rois araméens, mais aussi Israël.

 Le pays est encore en paix, mais aux yeux du prophète, ce n’est pas une preuve que l’on soit sur le bon chemin. C’est une époque prospère, mais l’important n’est pas les signes extérieurs tels que la paix, la prospérité. Pour Amos, seuls comptent les signes intérieurs : la vérité du vécu de l’Alliance. Or, dit Amos, « ils écrasent la tête des faibles sur la poussière de la terre », «  fils et père vont à la même fille afin de profaner mon saint nom » (Am 2, 7). Les sacrifices religieux déplaisent au Seigneur quand manque le droit (Am 5, 21-27).

L’histoire ne sera plus faite de victoires. Malgré la promesse faite à Abraham, Dieu n’est pas tenu à une logique en faveur de son peuple. Dieu n’est pas non plus la projection de nos désirs. L’histoire n’est pas le juge ultime. Les signes extérieurs ne sont pas l’unique façon dont Dieu se communique, ni même la première façon. L’important, c’est le vécu intérieur, la justice et le vrai culte.

On lit aussi en Amos 4, 6-12 un contre-Exode, un Exode à l’envers : au lieu de vous donner l’eau du rocher comme avec Moïse, Dieu dit : « je vous ai privé d’eau ». Et : « J’ai envoyé parmi vous une peste comme celle d’Égypte … et vous n’êtes pas revenus à moi ! » (Am 4, 10). Autrement dit, Israël est devenu comme l’Égypte, car ce qui compte c’est le cœur, et la terre sainte n’est pas sainte en elle-même.

Dans le passage que nous avons entendu, Amos dit : « Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays », les deux sont liés : quand sont écrasés les malheureux, bafoué le droit, négligé ce qui est dû à chacun, alors les humbles, c’est-à-dire ceux qui ont une foi simple et droite, ceux-là sont scandalisés et anéantis.

Il y en a qui célèbrent les fêtes religieuses, par exemple la journée du shabbat, qui est le repos hebdomadaire, du vendredi soir au samedi soir. Ils font comme tout le monde et célèbrent ce jour saint, mais leur cœur est loin de Dieu. Ils ne connaissent pas leur Créateur. Le shabbat existe pour que l’homme cesse de vivre sur le registre de la production, de la quantité à vendre et de l’argent à encaisser. Le shabbat existe pour que l’homme puisse rencontrer son Créateur et reconnaître sa bonté dans la création. Le shabbat existe pour que l’homme puisse se reposer et reconnaître le dessein de son Créateur, participer à sa bonté et entrer dans sa volonté. Celui qui s’impatiente le jour du shabbat et pense déjà à écouler sa récolte de blé, c’est comme s’il était invité à manger un festin en compagnie d’un roi et qu’il restait debout en regardant par la fenêtre.

Pire encore, il y en a qui, bien qu’ils célèbrent les rites religieux et le jour du Seigneur, calculent déjà en eux-mêmes les fraudes qu’ils vont faire. « Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. » Ces gens profanent le jour du Shabbat en calculant comment tromper et voler leur prochain.

Le jour du Shabbat, il est rappelé que tout homme est créé par Dieu, chacun est une belle créature du Seigneur. C’est un jour où chacun, même le serviteur et même l’étranger, doit se reposer dans la dignité. Or, il y en a qui pensent, avec leurs arnaques, qu’ils pourront « acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! » (Am 8, 6). Ce verset parle à notre époque où, par exemple, les salaires mensuels des producteurs dans les pays du Sud sont l’équivalent d’une paire de sandales chez nous.

Or, hier comme aujourd’hui, les gens qui font tout cela continuent de vivre, bien tranquilles. On les considère parfois comme des justes ou, de nos jours, comme de grands chrétiens, car, en même temps que leurs crapuleries, ils font de belles œuvres. Mais Dieu a le temps, c’est lui qui a créé le temps ! Et la vie opulente de ces gens puissants ne durera pas toujours, elle ne durera pas pour toujours, elle n’appartient pas à la pensée divine, elle n’appartient pas à la volonté divine, elle n’appartient pas à l’éternelle vie qui est la vie divine.

Tous ces riches pouvaient bien, du fait de leurs richesses, imaginer être bénis par Dieu, mais finalement l’Empire assyrien a envahi la région et Samarie fut conquise en l’an -721. Ils furent déportés et ils ne sont jamais revenus. Il n’y aura plus aucune trace de leur foi.

Après la chute de Samarie en l’an 721 avant Jésus-Christ, le message d’Amos sera conservé avec ceux qui viendront se réfugier à Jérusalem. On ne se souviendra plus des riches qui se croyaient bénis de Dieu et qui bafouaient le droit, mais on se souviendra du message du prophète Amos : la vraie foi est inséparable du droit.

Ainsi, chers auditeurs, cette lecture nous invite à demeurer dans la droiture, même si nous sommes entourés de personnes plus ou moins malhonnêtes. Dans la justice humaine, le délai de prescription désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice, civile ou pénale, n'est plus recevable. Mais le prophète Amos dit que Dieu n’oublie pas. « Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits » (Am 8, 7). Cela ne veut pas dire que Dieu n’a pas de miséricorde et ne peut pas pardonner, mais cela veut dire qu’en Dieu, tout est harmonieux, la miséricorde et la justice sont équilibrées, et à la justice divine, personne n’échappe. Si l’on veut que Dieu pardonne et oublie nos méfaits, il faut une contrition sincère et un acte de repentir qui répare dans la mesure du possible, alors le Seigneur pardonne et déverse ses grâces en abondance.

Psaume (Ps 112 (113), 1-2, 5-6, 7-8)

« Louez, serviteurs du Seigneur, louez le nom du Seigneur ! Béni soit le nom du Seigneur, maintenant et pour les siècles des siècles ! Qui est semblable au Seigneur notre Dieu ? Lui, il siège là-haut. Mais il abaisse son regard vers le ciel et vers la terre. De la poussière il relève le faible, il retire le pauvre de la cendre pour qu’il siège parmi les princes, parmi les princes de son peuple. » 

«  Le Psaume 112 vient de retentir dans sa simplicité et sa beauté, constituant une véritable porte d'entrée à un petit recueil de Psaumes allant du 112 au 117, conventionnellement appelé le "Hallel égyptien". C'est l'alleluia, c'est-à-dire le chant de louange, qui exalte la libération de l'esclavage du pharaon et la joie d'Israël à servir le Seigneur en liberté sur la terre promise (cf. Ps 113).

Ce n'est pas pour rien que la tradition juive avait relié cette série de Psaumes à la liturgie pascale. La célébration de cet événement, selon ses dimensions historiques, sociales et surtout spirituelles, était ressentie comme un signe de la libération du mal, dans la multiplicité de ses manifestations…

2. La première strophe (cf. Ps 112, 1-3) exalte le "nom du SEIGNEUR" qui - comme on le sait - indique dans le langage biblique la personne même de Dieu, sa présence vivante et agissante dans l'histoire humaine.

À trois reprises, avec une insistance passionnée, retentit "le nom du SEIGNEUR" au centre de la prière d'adoration.

Tout l'être et le temps tout entier - "du lever du soleil à son coucher", dit le Psalmiste (v. 3) - participe à une unique action de grâce. C'est comme si un souffle incessant s'élevait de la terre vers le ciel pour exalter le Seigneur ; Créateur du cosmos et Roi de l'histoire.

3. C'est précisément à travers ce mouvement vers le haut que le Psaume nous  conduit au mystère divin. La deuxième partie (cf. vv. 4-6) célèbre, en effet, la transcendance du Seigneur, décrite par des images verticales qui dépassent le simple horizon humain. On proclame :  le Seigneur est "très haut", il "s'élève pour siéger", et personne ne peut l'égaler ; même pour regarder les cieux il doit se "baisser" car "plus haut que tous les cieux, sa gloire" (v. 4).

Le regard divin se dirige sur toute la réalité, sur les êtres terrestres et sur les êtres célestes. Toutefois, ses yeux ne sont pas hautains et détachés, comme ceux d'un empereur distant. Le Seigneur - dit le Psalmiste - "s'abaisse pour voir" (v. 6).

4. On passe ainsi au dernier mouvement du Psaume (cf. vv. 7-9), qui déplace l'attention des hauteurs célestes jusqu'à notre horizon terrestre. Le Seigneur se baisse avec prévenance sur notre petitesse et notre indigence, qui nous inciterait à nous replier avec crainte. Il va directement, avec son regard plein d'amour et son engagement efficace, vers les derniers et les misères du monde :  "De la poussière il relève le faible, du fumier il retire le pauvre" (v. 7).

Dieu se penche donc sur les indigents et ceux qui souffrent pour les réconforter et cette parole trouve sa dernière force, son dernier réalisme dans le moment où Dieu se penche au point de s'incarner, de devenir l'un de nous, et précisément l'un des pauvres du monde. Il confère au pauvre le plus grand honneur, celui de s'"asseoir au rang des princes" ; oui, "au rang des princes de son peuple" (v. 8). À la femme seule et stérile, humiliée par la société de l'Antiquité comme si elle était une branche sèche et inutile, Dieu donne l'honneur et la grande joie d'avoir de nombreux enfants (cf. v. 9). Le Psalmiste loue donc un Dieu bien différent de nous dans sa grandeur, mais en même temps très proche de ses créatures qui souffrent.

Il est facile de découvrir dans ces versets finaux du Psaume 112, la préfiguration des paroles de Marie dans le Magnificat, le cantique des choix de Dieu "qui a jeté les yeux sur l'humilité de sa servante". Plus radicale que notre Psaume, Marie proclame que Dieu "a renversé les potentats de leur trône et élevé les humbles" (cf. Lc 1, 48-52; cf. Ps 112, 6-8).

5. Un "Hymne vespéral" très ancien [c’est-à-dire un hymne pour la prière du soir], conservé dans ce qu'on appelle les Constitutions des Apôtres (VII, 48), reprend et développe le début joyeux de notre Psaume. Nous le rappelons ici, au terme de notre réflexion, pour mettre en lumière la relecture "chrétienne" que la communauté des débuts faisait des Psaumes :  "Louez, enfants, le Seigneur, / louez le nom du Seigneur. / Nous te louons, nous te chantons, nous te bénissons / pour ta gloire immense. / Seigneur roi, Père du Christ agneau immaculé, / qui enlève le péché du monde. / À toi revient la louange, à toi l'hymne, à toi la gloire, / à Dieu le Père, par l'intermédiaire du Fils dans l'Esprit Saint / pour les siècles des siècles. Amen" (S. Pricoco - M. Simonetti, La prière des chrétiens, Milan 2000, p. 97). » (Benoît XVI, audience du Mercredi 18 mai 2005).

Le psaume ne dénonce personne, il ne menace personne, mais en montrant que Dieu se penche sur les indigents et ceux qui souffrent pour les réconforter, il constitue un écho au prophète Amos. Il est vain de rêver d’ « acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales », il est inconvenant de se dire : « Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! » (Am 8, 6). Car le Seigneur « retire le pauvre de la cendre pour qu’il siège parmi les princes, parmi les princes de son peuple. » (Ps 112 (113)).

La question du psaume « Qui est semblable au Seigneur notre Dieu ? » est une variante de la question « Qui est comme Dieu ? » en hébreu Mi-ka-El, Michel, l’archange du jugement. La bonté de Dieu fait la joie de ses fidèles, et cette bonté sait aussi être juste : « Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits. » (Am 8, 7).

Dans ce que j’appelle le « noyau » de l’Apocalypse, le nom de Michel (Ap 12, 7) est donné sans explication. Il est supposé connu. De tout l’Ancien Testament et du Nouveau, seul le livre de Daniel en a parlé. Daniel voit le Fils de l’homme lui expliquant que Michel l’aide à combattre l’Empire perse, puis l’Empire grec (Dn 10, 13.21). L’Empire perse prétendait rassembler tous les peuples dans sa lumière qui était une sagesse humaine, scientifique, politique, philosophique. D’une certaine manière, l’Empire grec aussi. « Michel » en hébreu, Mi-ka-El, signifie « Qui est comme Dieu ? ». On peut aimer un idéal humaniste, mais cet idéal ne nous aime pas. Le peuple hébreu a résisté à cette séduction, et il est resté fidèle au Seigneur Dieu. « Écoute, Israël, le Seigneur est l’unique ». Il n’est pas une idée, il nous aime ! Il est passionné d’amour. Il aime, il délivre, il pardonne. Saint Michel est celui qui nous fait souvenir de l’amour de Dieu. Qui est comme Dieu, le Maître de la vie ? Qui est comme Dieu, l’ami des hommes ?

Cf. Françoise BREYNAERT, L’Apocalypse revisitée. Une composition orale en filet. Imprimatur. Parole et Silence, 2022. 377 pages.

Deuxième lecture (1 Tm 2, 1-8)

Bien-aimé, j’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité.

Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. En effet, il n’y a qu’un seul Dieu, il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous. Aux temps fixés, il a rendu ce témoignage, pour lequel j’ai reçu la charge de messager et d’apôtre – je dis vrai, je ne mens pas – moi qui enseigne aux nations la foi et la vérité.

Je voudrais donc qu’en tout lieu les hommes prient en élevant les mains, saintement, sans colère ni dispute. – Parole du Seigneur. 

Saint Paul commence par encourager à la prière universelle, puis, au centre, il parle de la connaissance de Jésus-Christ, unique médiateur, et ensuite il encourage de nouveau à la prière. On pourrait dire que cette lecture forme un chiasme : un début, un milieu, et une fin qui reprend le début.

Au milieu donc, saint Paul dit que « Dieu "veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (1Tm 2,4), c'est-à-dire du Christ Jésus (cf. Jn 14,6). Il faut donc que le Christ soit annoncé à tous les peuples et à tous les hommes et qu'ainsi la Révélation parvienne jusqu'aux extrémités du monde » (Catéchisme de l’Église catholique § 74).

La mission de l’Église est d’annoncer l’Évangile à tous les hommes (Concile Vatican II, décret Ad gentes, 1). Ce qui a été rappelé par le pape Léon XIV aux participants à la réunion des évêques de l’Amazonie, en août  2025 à Bogotá : 

« Le Saint-Père, le Pape Léon XIV, salue cordialement Votre Éminence ainsi que les participants à la réunion des évêques de l’Amazonie, qui se tient du 17 au 20 août à Bogotá.

Sa Sainteté vous remercie pour vos efforts en vue de promouvoir le bien spirituel de l’Église au bénéfice des fidèles du cher territoire amazonien et, en tenant compte de ce qui a été appris lors du Synode concernant l’écoute et la participation de toutes les vocations dans l’Église, il vous exhorte à rechercher, sur la base de l’unité et de la collégialité propre à un « organisme épiscopal » (cf. Document final du Synode spécial pour l’Amazonie, n. 115), des moyens concrets et efficaces d’aider les évêques diocésains et les vicaires apostoliques à accomplir leur mission.

À cet égard, il vous invite à garder à cœur trois dimensions interconnectées dans le travail pastoral de cette région : la mission de l’Église d’annoncer l’Évangile à tous (cf. Décret Ad gentes, n. 1), le traitement juste des peuples qui l’habitent, et la sauvegarde de la maison commune. Il est nécessaire que Jésus-Christ, en qui tout est récapitulé (cf. Éph 1,10), soit annoncé avec clarté et immense charité parmi les habitants de l’Amazonie, afin que nous nous efforcions de leur offrir avec fraîcheur et pureté le pain de la Bonne Nouvelle et la nourriture céleste de l’Eucharistie, unique moyen d’être véritablement peuple de Dieu et Corps du Christ. Dans cette mission, nous sommes animés par la certitude, confirmée par l’histoire de l’Église, que là où le nom du Christ est proclamé, l’injustice recule proportionnellement — car, comme l’affirme l’apôtre Paul, toute exploitation de l’homme par l’homme disparaît si nous sommes capables de nous accueillir mutuellement comme frères (cf. Phlm 1,16). Dans cette doctrine perpétuelle, ne sont pas moins évidents le droit et le devoir de prendre soin de la ‘maison’ que Dieu, le Père, nous a confiée comme des intendants diligents, afin que personne ne détruise inconsidérément les biens naturels qui témoignent de la bonté et de la beauté du Créateur, ni ne s’y soumette comme un esclave ou un adorateur de la nature, puisque les choses nous ont été données pour atteindre notre fin qui est de louer Dieu et ainsi obtenir le salut de nos âmes (cf. saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels, n. 23).
Avec ces vœux, le Saint-Père accorde de tout cœur la bénédiction apostolique implorée, qu’il a le plaisir d’étendre à tous ceux qui sont confiés à vos soins pastoraux. 
»

(Télégramme du Saint-Père à S. Ém. Rév. le Card. Pedro Ricardo Barreto Jimeno, S.J., Président de la Conférence ecclésiale de l’Amazonie, Bollettino du Vatican le 18 août 2025)

Dans sa lettre à Timothée, saint Paul, à deux reprises, encourage à prier.

« Bien-aimé, j’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. »

Par de telles prières, nous nous préparons, nous formons en nous-mêmes un espace où recevoir cette tranquillité et ce calme, nous acquerrons l’amour nécessaire pour aimer le calme, nous acceptons les sacrifices qu’il faut pour posséder cette paix. Nos convoitises perdent du terrain, nous entrons dans les vues divines, nous nous disposons à faire la volonté de Dieu, à nous laisser façonner par la volonté divine. Et Dieu, se voyant prié, se prépare à son tour à nous donner cette ère de paix à laquelle nous aspirons. Prier, c’est comme envoyer de petites lettres à Dieu, des lettres qui contiennent des sollicitations, des supplications, ou encore des accords qu’on veut passer avec le Seigneur, et ce jusqu’à la dernière lettre scellant l’accord final.

« Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. En effet, il n’y a qu’un seul Dieu, il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous. »

Au v. 6, le grec parle d’une rançon αντιλυτρον, ce qui n'est pas très heureux car on se demande à qui Jésus paye. Le texte latin donne redemptionem (rédemption). Notons que dans la langue des apôtres, l’araméen, le mot pūrqānā (rançon, rédemption) dérive du verbe praq, délivrer, racheter. Jésus a donné sa vie pour nous délivrer de l’emprise du mal, encore faut-il le connaître et accueillir ce qu’il nous donne.

La paix sera, de manière ultime, octroyée par la venue glorieuse du Christ. Ayant jugé les ennemis de Dieu, il apportera le règne de Dieu sur la terre comme au ciel, règne heureux, car Dieu est un Dieu de Paix et de Vie. Pour obtenir ce règne, il faut déjà savoir qu’on peut l’obtenir. Qui pourrait penser à un bien, le désirer et l’aimer s’il ne sait pas qu’il peut l’obtenir ? Personne. Au contraire, quand on sait qu’on peut avoir un bien, on use de toutes sortes de méthodes et d’arrangements et on emploie les moyens qui conviennent pour l’obtenir.

«  Aux temps fixés, il a rendu ce témoignage, pour lequel j’ai reçu la charge de messager et d’apôtre – je dis vrai, je ne mens pas – moi qui enseigne aux nations la foi et la vérité. Je voudrais donc qu’en tout lieu les hommes prient en élevant les mains, saintement, sans colère ni dispute. »

Nous prions en sachant que Dieu veut donner ce règne. C’est là le fondement et l’espoir certain de l’obtenir. C’est aussi ce qui permet de procéder aux ultimes préparatifs. Rappelons que, commentant le début du « Notre Père », le catéchisme de l’Église catholique dit : « Dans la prière du Seigneur, il s’agit principalement de la venue finale du Règne de Dieu par le retour du Christ (cf. Tt 2, 13). » (CEC 2818).

Si ce règne ne devait pas venir, il aurait été inutile que Jésus enseigne une telle prière, le « Notre Père ». Et si le monde nous semble corrompu et nauséabond, souvenons-nous que Jésus ressuscita Lazare au tombeau depuis quatre jours avec une odeur putride. Dieu est assez puissant pour faire réussir son projet créateur. Il attend nos prières. Aussi pouvons-nous prier avec confiance pour la paix et la régénération de ce monde, et nous pouvons reprendre la dernière prière du livre de l’Apocalypse « Amen, viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22, 20)

Évangile (Lc 16, 1-13)

La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).

Bancales et inappropriées sont les interprétations imaginant que Jésus aurait donné l’intendant malhonnête en modèle à ses disciples à cause de « sa sagesse », et lisant dans les versets suivants une sorte de correction par la communauté primitive. Jésus suit une pédagogie logique : en Lc 16, 1-8, sa parabole fait parler la fausse sagesse du monde, puis, à partir du verset 9 qui marque une rupture tranchante (« moi, je vous dis »), Jésus va montrer en quoi consiste sa sagesse à lui.

Apprécions ce récitatif rythmé qui frappe la mémoire.

  1. Lc 16, 1-8 : La sagesse des fils de ce siècle

« 16,1 Et il dit une parabole, / à l’adresse de ses disciples :
Il y avait un homme riche / qui avait un intendant.
Et ils le dénoncèrent auprès de lui, / car il dissipait son avoir.
2 Son seigneur l’appela / et lui dit :
‘Qu’est-ce que ceci / que j’entends sur toi ? 
Rends-moi compte de ton intendance,
/ de fait, tu ne peux plus, en conséquence, être intendant pour moi.’

3 Cet intendant se dit en lui-même : / Que ferai-je, puisque mon seigneur m’enlève l’intendance ?
Que je creuse ? Je n’en suis pas capable ! / quant à mendier, j’en ai honte.
4 Je sais ce que je ferai, pour que, quand je serai sorti de l’intendance, / ils m’accueillent en leurs maisons !
5 Et il appela, un à un, / les débiteurs de son seigneur.

Et il dit au premier : / ‘de combien es-tu débiteur à mon seigneur ?’
6 Il lui dit : / ‘de cent métrètes d’huile’.
Il lui dit : / Prends ta note écrite !
Et assieds-toi, vite, écris : / cinquante métrètes’.

7 Et il dit à un autre : / ‘de combien es-tu débiteur à mon seigneur ?’
Il lui dit : / ‘de cent mesures de blé’.
Il lui dit : / ‘Prends ta note écrite !
Et assieds-toi, écris : / 80 mesures’.

8 Et notre Seigneur glorifia l’intendant malhonnête, / de ce qu’il avait agi sagement :
‘Les fils, en effet, / de ce siècle,
sont plus sages que les fils de la lumière, / en leur génération que voici’. 

  1.  Lc 16, 9-13 : Et moi, je vous dis

9 Et, moi / je vous dis aussi :
Faites-vous des amis, / à partir de ce Mammon d’iniquité,
en sorte que, lorsqu’il cessera, / ils vous accueillent dans leurs demeures d’éternité !

10 Qui, en peu de choses est fiable, / aussi dans les grandes choses est fiable ;
et qui est inique en peu de choses, / est inique aussi en beaucoup de choses.
11 Si, par conséquent, vis-à-vis du Mammon inique, / vous n’avez pas été dignes de foi,
la crédibilité envers vous, / qui la croira ?
12 Et si, dans ce qui n’est pas à vous, / vous n’avez pas été trouvés dignes de foi,
ce qui est à vous, / qui vous le donnera ?

13 Il n’y a pas de serviteur qui puisse travailler / pour deux seigneurs !
ou bien, en effet, il hait l’un / et aime l’autre ;
ou bien il honore l’un, / et méprise l’autre.
Vous ne pouvez travailler pour Dieu… / et pour Mammon ! »

Cette parabole de l’intendant malhonnête (Lc 16, 1-8) fait résonner la parabole précédente, celle du fils prodigue (Lc 15, 11-32). Comme le fils cadet a vécu « prodigalement [parrāḥāyīṯ] » (Lc 15, 13), l’intendant a « dissipé [parraḥ] » l’avoir du seigneur (Lc 16, 1). Mais le contraste est évident : le fils prodigue se dit : « j’irai chez mon père » (Lc 15, 18), alors que l’intendant veut aller dans les maisons des débiteurs (Lc 16, 4).

Le père du fils prodigue ne flatte pas son fils, mais il l’aime avec pitié et le restaure dans sa dignité. Le maître de l’intendant fait l’éloge des magouilles égoïstes de son intendant, c’est le signe que cette fausse sagesse leur est commune. Certes, l’intendant lui a fait perdre de l’argent, mais le seigneur est « un homme riche » et il lui suffit de le renvoyer de sa gérance. Faire l’éloge et éjecter en même temps n’est pas un problème pour lui.

Le fils prodigue reconnaît son péché, alors que l’intendant s’endurcit dans le sien : déjà coupable de dissiper l’avoir de son seigneur (Lc 16, 1), il continue de le spolier en réduisant les dettes sans son accord (Lc 16, 5-7) et c’est après cette manœuvre que « notre Seigneur » le qualifie de « malhonnête » (Lc 16, 8).

Le même mot « seigneur » se retrouve pour qualifier Mammon ou Dieu (Lc 16, 13). Le terme « Mammon » désigne, à l’époque du Christ, l’argent. Il représente le système auquel nous sommes tous soumis, et qui est une contrefaçon de la royauté de Dieu sur le monde. Il parodie « Notre Seigneur », Jésus le Messie.

Lc 16, 9. Jésus révèle que Mammon est « inique » : il pervertit les relations humaines. Il révèle aussi que Mammon, un jour, « cessera » ou « périra » [racine gmr]. Le jour où quelqu’un est en faillite, il a besoin d’amis. À la mort, au ciel, l’argent ne régit pas les relations humaines. En attendant, Jésus conseille de se faire des amis à partir de Mammon, mais pour des demeures (les tentes) d’éternité (Lc 16, 9), c’est donc l’attitude inverse de celle de l’intendant malhonnête qui se faisait des amis pour des maisons terrestres.

Le verset 10 évoque ce que la scolastique appelle un « habitus » : les actes mauvais forment un mauvais pli dans une personnalité, et ils vont en se multipliant. Habituellement, quelqu’un qui a volé, volera encore. Certes, l’argent est seulement temporel, mais notre vie éternelle se joue dans notre comportement vis-à-vis de lui.

Le verset 11 évoque les relations interhumaines : celui qui n’est pas fiable vis-à-vis de l’argent n’est plus crédible en rien. Pour se faire des amis à partir de l’argent (Lc 16, 9), il faut être digne de foi (v. 11), à l’opposé de l’intendant malhonnête (v. 1-8) qui se faisait des amis par un avantage financier « inique », corrompu. Observons que dans cette perle, Jésus ne parle pas d’aumône, ni de partage, il demande seulement d’être crédible, fiable.

Le verset 12 évoque le rapport à Dieu : « si, dans ce qui n’est pas à vous, vous n’avez pas été trouvés dignes de foi, ce qui est à vous, qui vous le donnera ? ». Le « qui ? » désigne Dieu qui voudrait pouvoir nous remettre ses dons divins et éternels.

Les versets 11 et 12 sont parallèles, Mammon (v. 11) est parallèle à « ce qui n’est pas à vous » (v. 12) : l’argent demeure étranger à l’identité profonde des gens ; l’argent aliène les humains de leur véritable identité de créature de Dieu.

Lc 16, 13 : Il n’existe pas de serviteur pour deux « seigneurs » : « Vous ne pouvez travailler [plḥ] pour Dieu et pour Mammon ! ». Ainsi, dans la parabole (Lc 16, 1-8), l’argent doit rapporter et devient le but à aimer et à honorer. Le verbe travailler [plḥ] exprime aussi le fait de rendre un culte. Avoir beaucoup d’argent donne l’illusion d’une toute-puissance, d’être comme des dieux. Souvent, les gens se fient en Mammon (l’argent) plus facilement qu’ils se fient à Dieu. Mammon finit par éliminer ses serviteurs, on le voit aujourd’hui !

Or Jésus nous dit que nous pouvons avoir un autre seigneur : Dieu. Il nous appelle à nous soustraire à la seigneurie de Mammon et à le haïr. Et à aimer Dieu, l’honorer, travailler pour lui.

Être le serviteur de Mammon est une servitude, être le serviteur de Dieu est un titre de noblesse, une liberté.

Comme tout ce site internet, © Françoise Breynaert

Date de dernière mise à jour : 26/08/2025