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3e dimanche de l’Avent (A)

Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30.
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Psaume 145 (146), 7, 8, 9ab.10a
1e lecture Is 35
« Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! La gloire du Liban lui est donnée, la splendeur du Carmel et du Sarone. On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu. Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. » Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent, ils entrent dans Sion avec des cris de fête, couronnés de l’éternelle joie. Allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuient. – Parole du Seigneur » (Lecture Is 35, 1-6a.10).
Chers auditeurs, le livre d’Isaïe traverse trois périodes, avant l’exil, pendant l’exil, et au retour d’exil. L’exil des Hébreux à Babylone en l’an 587 ou 597 avant J-C, au temps de l’empereur Nabuchonodosor fut un drame terrible : Jérusalem fut détruite, le Temple saccagé, le roi partit les yeux crevés... Mais les grands empires se succèdent. Et après les Assyriens, c’est au tour des Perses de dominer la région. Or le perse Cyrus, en l’an 538 avant J-C, émet un décret permettant aux Hébreux de rentrer chez eux et de rebâtir leur Temple ; Isaïe y voit la main du Seigneur, et il dit : « Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent ». La lecture de ce dimanche nous fait goûter la joie de cette libération et de ce retour. Le prophète vit tous ces événements dans la foi, la foi en Dieu qui règne sur les empereurs, la foi en Dieu Souverain maître de l’histoire.
En racontant sa vocation, Isaïe dit : « Je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler. Ils se criaient l'un à l'autre ces paroles : Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaot, sa gloire emplit toute la terre » (Is 6, 1-3). À travers tout le livre d’Isaïe, nous lisons cette toute-puissance de Dieu... et c’est la première fois dans la Bible, que l’on parle d’un plan de Dieu sur le monde. Dieu règne sur « toute la terre ».
La lecture d’aujourd’hui annonce une visite de Dieu, « Voici votre Dieu, il vient lui-même ». Tout l’Ancien Testament attend la venue de Dieu, la visite de Dieu. « Il vient ». La visite de Dieu est généralement une délivrance (Gn 50, 24-25 ; Ex 3, 16 ; 4, 31 ; 13, 19 ; 30, 12 ; Is 23, 17 etc.), mais dans certains cas cette visite est un châtiment (Ps 88, 33 ; Si 2, 14) : Dieu ne peut délivrer de l’emprise du mal sans aussi juger et châtier ceux qui rejettent sa loi.
« Il vient lui-même ». Va-t-il venir à travers un événement miraculeux, comment imaginer qu’il vienne en s’incarnant dans le sein de la Vierge Marie ? L’Ancien Testament ne savait pas de quelle manière Dieu allait venir, du moins, pas précisément. En tout cas, la visite de Dieu est attendue avec joie, avec confiance. Dieu le créateur est un Dieu d’amour dont la visite est un cadeau, une heureuse surprise, un honneur, une gloire, une splendeur. Il est le Créateur, il est aussi le médecin qui visite pour soigner, et il est aussi le Sauveur. Le dimanche de Gaudete, le dimanche de la joie, nous donne à entendre l’annonce de cette visite : « Voici votre Dieu […] Il vient lui-même » (Is 35, 4)
L’évangile qui développe le plus ce thème de la visite de Dieu, est probablement celui de Luc. Élisabeth s’émerveillait de la visite de « la mère de mon Seigneur » (Lc 1, 43), tandis que Zacharie annonçait le temps où « nous visitera le soleil levant d’en haut » (Lc 1, 78). La visite de Dieu en la personne de Jésus est notamment reçue par un centurion, avec grande vénération, et lui apporte la joie de la guérison de son précieux serviteur (Lc 7, 1-10). La visite de Dieu en la personne de Jésus est une entière surprise pour une veuve ayant perdu son fils unique que Jésus ressuscite, suscitant l’acclamation du peuple : « Dieu a visité son peuple ! » (Lc 7, 11-17). La visite de Jésus s’étend jusqu’au pays en face de la Galilée, et opère un exorcisme (Lc 8, 26-33), de retour en Galilée, il apporte la vie et la fécondité à travers la guérison de l’hémorroïsse et la résurrection d’une jeune fille de 12 ans (Lc 8, 40-56). On peut y entendre une préfiguration de la seconde visite de Jésus, dans la gloire, qui sera accompagnée d’un refoulement de Satan en enfer (Ap 20, 3) et d’une vivification de ceux qui l’attendent (He 9, 28).
C’est en ce sens que vaut pour nous aujourd’hui, actuellement, cette parole du prophète Isaïe (Is 35, 3-4) : « Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu », et mot à mot de l’araméen, « il vient en demandant des comptes », participe présent du verbe [tḇᶜ] qui signifie suivre, demander, demander des comptes, nous retrouvons ce verbe dans une parabole de l’évangile de Luc à la fin du chapitre 17 ; une veuve réclame longtemps justice à un juge inique et finalement, le juge se dit : « je demanderai compte pour elle eṯbᶜīh [racine tbᶜ] » et Jésus conclut la parabole en affirmant que Dieu fera les comptes « tḇaᶜṯā [racine tḇᶜ] pour ses élus » (Lc 18, 7.8).
« Il vient lui-même et va vous sauver ». En araméen, le verbe sauver c’est « praq ». La prophétesse Anne « parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la délivrance [racine prq] de Jérusalem » (Lc 2, 38). Dans la prière du Notre Père, en araméen, l’évangile de Luc dit : « délivre-nous [racine prq] du mal » (Lc 11, 4).
Alors, redisons avec Isaïe : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu… Il vient lui-même et va vous sauver ».
Le psaume donne le programme de la visite de Dieu.
La deuxième lecture nous indique que Dieu va nous visiter, et ce sera la venue glorieuse du Christ.
Et dans l’évangile, Jésus dit aux disciples de Jean-Baptiste : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle ».
Psaume 145 (146), 7, 8, 9ab.10a
« Le Seigneur fait justice aux opprimés, aux affamés, il donne le pain, le Seigneur délie les enchaînés. Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes. Le Seigneur protège l’étranger, il soutient la veuve et l’orphelin. D’âge en âge, le Seigneur régnera ». (Psaume 145 (146), 7, 8, 9ab.10a)
Chers auditeurs, commençons par situer ces quelques versets de psaume dans l’ensemble du psaume et même du psautier.
Ce psaume fait partie du petit corpus des « Hallel final » (Ps 146–150), les cinq derniers psaumes du Psautier qui forment une grande louange : chacun de ces psaumes commence et se termine par « Alléluia ! »
Ce psaume fut probablement composé après le retour d’exil à Babylone : Israël a fait l’expérience de la chute des rois et des princes et la confiance s’est déplacée de la monarchie humaine vers Dieu seul.
Le psaume a aussi un accent universaliste : Dieu est le Créateur de tout, et son action s’oriente vers tous les pauvres et opprimés, pas seulement Israël.
C’est un hymne de louange que l’on peut découper ainsi :
Invitation personnelle à louer (vv. 1-2) : le psalmiste engage son âme à louer le Seigneur toute sa vie.
Mise en garde contre la confiance dans les puissants (vv. 3-4) : ne pas mettre sa confiance dans les princes ni les fils d’homme, car ils sont mortels.
Béatitude : Heureux celui qui met sa foi dans le Seigneur (vv. 5).
Motifs de confiance (vv. 6-9) : le Seigneur est Créateur et gardien des petits, il agit pour la justice, libère, nourrit, relève, aime les justes.
Conclusion solennelle : le règne éternel du Seigneur (v. 10).
Reprenons les versets de la liturgie de ce dimanche.
« Le Seigneur fait justice aux opprimés, aux affamés, il donne le pain » (v. 7).
C’est une constance. On ne fait donc pas avancer le règne de Dieu, le règne du bien, le monde idéal, par des chemins injustes, par exemple en provoquant des guerres ou des cataclysmes pour ensuite imposer une certaine idéologie.
« Le Seigneur délie les enchaînés » (v. 7). Il délie d’abord des chaînes démoniaques, des addictions. L’alcool est une addiction, un verre, ça passe, trois c’est trop, l’ivresse amène le malheur, une habitude enchaîne. La pornographie est une ivresse qui enchaîne très rapidement et ruine les existences. Les jeux vidéos sont aussi une ivresse qui ruine l’existence, et les jeux d’argent… « Le Seigneur délie les enchaînés ». Toutes les chaînes, le Seigneur les délie. Mais il faut désirer son salut. Le Seigneur en délivre… parce qu’il est le plus beau. Parce qu’il offre une joie incomparable. Parce que, quand on a goûté la fierté d’une journée passée sous son regard, dans sa sagesse, dans son amour, dans sa joie qui est simple, on ne veut plus aucun autre ersatz. Quand on a rendu service et qu’on a fait de son mieux, le soir, on n’a pas envie de se droguer.
« Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles » (v. 8). Dans les Évangiles, ce verset prend chair : Jésus ouvre réellement les yeux des aveugles (cf. Mc 10,46-52 ; Jn 9). Ces gestes ne sont pas seulement des miracles physiques, mais des signes du Royaume : le Christ ouvre les yeux de la foi pour reconnaître en lui le Sauveur. Le psalmiste proclame que ce n’est pas l’homme qui s’ouvre lui-même les yeux, mais Dieu qui agit. Dans nos nuits intérieures — doutes, incompréhensions, épreuves — Dieu peut nous faire entrevoir un chemin, une clarté nouvelle. Il est le Dieu qui éclaire. Prions. Du péché qui empêche de voir clair, libère-nous Seigneur. De la peur qui empêche de voir clairement ce qu’il convient de faire, libère-nous Seigneur. Du repli sur soi, qui empêche de voir le bien que nous pourrions faire autour de nous, libère-nous Seigneur. Des illusions du monde, libère-nous Seigneur.
« Le Seigneur redresse les accablés » (v. 8). Qui n’a jamais été accablé ? Trop de choses à faire, trop de trahisons, de malentendus. Et pourtant, après un temps de prière, parfois un cri vers le Seigneur, parfois un pèlerinage, même très simple tout près de chez nous, Jésus nous redresse. Par exemple, ce petit récitatif que l’on peut mémoriser et mimer :
« 10 Or, tandis que Jésus enseignait pendant le shabbat / dans une des assemblées,
11 il y avait là une femme qui avait un esprit de maladie, / depuis dix-huit ans,
et elle était courbée, / et ne pouvait pas se redresser, complètement.
12 Or, Jésus la vit et l’appela, / et il lui dit :
‘Femme, / tu es déliée de ta maladie !’
13 Et il posa sa main sur elle,
et, aussitôt, elle se redressa, / et elle glorifiait Dieu ! » (Lc 13, 10-13, du syriaque)
« Le Seigneur aime les justes » (v. 8). Dieu aime les justes, il maintient le monde dans l’existence par amour pour les justes qui feront réussir son plan, le dessein de la création, le but et la grandeur pour lesquels nous avons été créés. Dieu aime les justes, il maintient le monde dans l’existence par amour pour les justes qui feront réussir le dessein de la création.
« Le Seigneur protège l’étranger, il soutient la veuve et l’orphelin, il égare les pas du méchant. » (v. 9). Le Seigneur protège celui qui n’a pas de droits parce que justement, il est étranger. La loi et la politique ont toujours des limites et il y a toujours des cas non prévus. Mais Dieu voit. C’est la raison d’être des actions humanitaires et caritatives ; il y en aura toujours.
« D’âge en âge, le Seigneur régnera » (v. 10) ; il s’agit d’un futur. Pour l’instant, nous pouvons avoir l’impression que Satan règne, mais le Seigneur règnera, il est le maître du monde, le maître de l’histoire. Le Seigneur régnera. C’est une promesse. En commentant « Que ton règne vienne » (Mt 6,10), le catéchisme de l’Église catholique (§ 2817, 2818) nous dit que cette demande c’est le "Marana Tha", autrement dit, la prière typique pour demander la Venue glorieuse du Christ (cf. Ap 22,20), le cri de l’Esprit et de l’Épouse : "Viens, Seigneur Jésus". Jésus a enseigné la prière du Notre Père pour demander que son règne vienne et afin que sa Volonté se fasse sur terre comme au Ciel. Si ce règne ne devait pas venir, il aurait été inutile d’enseigner une telle prière. Attention, la venue du Seigneur sera une venue glorieuse : Jésus ne reviendra pas d’une manière corporelle pour exercer une contrainte politique et militaire, mais sa royauté s’exercera spirituellement par une attraction d’amour. Alors les justes seront comme les rameaux au cep de la vigne, enrichis, vivifiés de l’intérieur.
Le Seigneur régnera, il règne aussi dans les personnes qui appellent son règne dans leur vie. Prions ce psaume avec la lecture de saint Jacques (Jc 5, 7-10) : « Frères, en attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme, car la venue du Seigneur est proche. Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés. Voyez : le Juge est à notre porte. Frères, prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur. – Parole du Seigneur ».
Deuxième lecture Jc 5, 7-10
« Frères, en attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme, car la venue du Seigneur est proche. Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés. Voyez : le Juge est à notre porte. Frères, prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur. – Parole du Seigneur » (Jc 5, 7-10)
Chers auditeurs, saint Jacques invite à la patience tout en considérant que la venue du Seigneur est proche.
Il nous parle du jugement, mais il a bien conscience que la Venue du Seigneur n’est pas la fin du monde.
Le juge est à notre porte, cela Jacques le dit plusieurs fois, par exemple : « ... Vous avez amassé un feu [sur vous-mêmes, lkōn dans la Peshitta] pour les jours à venir [Araméen : lyāwmātā ’ḥrāyē ; Grec: én ‘eskhataïs ’êmeraïs,– c’est-à-dire pour le Jugement qui va venir sur vous] !» (Jc 5,3).
Il faut bien observer que, pour l’apôtre, il y a des jours à venir. Tout ne s’arrête pas au jugement. D’ailleurs, pour passer au jugement, la mort suffit.
Lors de la Parousie, le monde, libéré de l’emprise du Mal, deviendra, comme l’a pensé et écrit Irénée évêque de Lyon et mort martyr autour de l’an 201, « le prélude de l’incorruptibilité, royaume par lequel ceux qui en auront été jugés dignes s’accoutumeront peu à peu à saisir Dieu »[1].
C’est pourquoi le psaume dit que Dieu aime les justes : il les protège, car c’est sur eux que repose la réussite de tout son projet quand il a lancé sa création !
Jacques parle de patience.
La tribulation est nécessaire à ceux qui sont sauvés, pour que, « étant en quelque sorte moulus, puis pétris par la patience avec le Verbe de Dieu, et enfin cuits au four, ils soient aptes au festin du Roi. Comme l’a dit quelqu’un des nôtres [saint Ignace d’Antioche], condamné aux bêtes à cause du témoignage rendu par lui à Dieu : "Je suis le froment du Christ, et je suis moulu par la dent des bêtes, pour être trouvé un pur pain de Dieu"[2] » (Traité contre les hérésies, V, 28, 3).
On pourrait observer aussi que dans le livre de l’Apocalypse, les premiers hommes dont la résurrection (et l’ascension) est décrite sont des témoins pénitents (revêtus de sacs) et martyrs, autrement dit, des hommes unis au mystère de la croix (Ap 11, 11-13).
Je me suis demandé quelle « valeur », pour notre société, développe l'idée de la venue glorieuse avec le royaume des justes. À l'évidence, la première valeur est la tolérance. Quoi ? Je fais référence à une culture chrétienne millénaire, est-ce que c'est un discours tolérant ? Et bien écoutez la suite : dans Apocalypse 17, est-ce qu'on voit des chrétiens faire une croisade pour détruire Babylone la cité marchande où il y a même de la marchandise humaine et plein de perversion ? Pas du tout ! Qui est-ce qui détruit Babylone ? Et bien figurez-vous que c'est la bête et le faux prophète ! La bête et le faux prophète qui ont suscité Babylone vont la prendre en dégoût et la détruire ! Quel Nihilisme ! Le faux prophète conduit au néant. Il est vide. Il conduit à la solitude, même s'il fait une grande ville. Il conduit à la destruction, à l’auto-destruction.
Si vous m’avez suivi jusqu’ici, vous comprenez qu’une nouvelle piste d'espoir de paix se dégage : si on approfondissait ce processus de la fin, et bien on attendrait avec confiance, espérance, cette venue glorieuse du Christ qui anéantira l'Antichrist, et ce sont les anges qui arracheront l’ivraie (cf. Mt 13) et on se garderait bien de faire des Jihads, des goulags, des épurations ethniques, par ce qu'on se souviendrait que c'est le Christ qui va anéantir les mauvais et les mécréants, l’antichrist, et on deviendrait patient. À deux reprises dans la 2e lecture de ce dimanche, saint Jacques déclare : « Prenez patience ».
Finalement une définition de la tolérance, la meilleure définition, n'est-ce pas la patience ? La tolérance c'est la patience. Je suis tolérant parce que je suis patient. Je ne juge pas parce que je suis patiente ; je ne juge pas par ce que le jugement final ne m'appartient pas. Saint Jacques, dans la 2e lecture de ce dimanche nous dit : « Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés ». Bien sûr, je ne dis pas qu'il ne faut pas un ministère de la justice.
Et puis je me suis demandé ce qu'on peut faire avec cette idée de la venue glorieuse du Christ et du royaume des justes. Parce que c'est une vision positive. C'est une pensée constructive.
Si on croit que le monde, cette terre, avant l'éternité, connaîtra un royaume des justes, alors le nihilisme s'évapore et on peut avoir envie de faire plein de belles choses sur cette terre. On peut avoir envie en toute confiance d'être ingénieur, ingénieur des eaux et forêts, agronome (développer la vie des sols !), médecin, pédagogue, éducateur, et que sais-je artiste, bâtisseur, architecte.
Si on croit que nous serons vivifiés et que seront vivifiés tous ceux qui s'opposent au mal, et pas seulement les chrétiens, alors on peut faire des rassemblements très joyeux, à Paris, à Rome, à Jérusalem, à Sarajevo, non pas pour déclarer la guerre mondiale, mais pour déclarer la « paix mondiale » ! Bien sûr que la paix mondiale ne peut définitivement venir qu'au moment de la venue glorieuse du Christ, quand le mal sera exorcisé de la terre. Mais on peut déjà commencer le germe de la paix mondiale.
Jacques enseigne à prendre pour « modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur ». Il y a des prophètes qui ont précédé la première venue de Jésus, par exemple Isaïe. Il y a aussi des prophètes dans l’Église, qui soutiennent la marche de l’Église qui la préparent à la seconde venue de Jésus. La fonction de prophète était importante aux yeux des apôtres. « Dieu a établi dans l’Église premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont le don des miracles, puis ceux qui ont les dons de guérir, de secourir, de gouverner, de parler diverses langues » (1Co 12,28). La dimension du prophétisme correspond à celle de l’Esprit Saint.
Évangile Mt 11, 2-11
La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Matthieu, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Traduction depuis la Pshitta. Préface Mgr Mirkis (Irak) ; Mgr Dufour (France) et Mgr Kazadi (Congo RDC). Parole et Silence, 2025.
« 2 Or Jean, parmi les prisonniers, / lorsqu’il entendit les actes du Messie,
envoya, / par l’intermédiaire de ses disciples lui dire :
3 ‘Es-tu celui qui vient, / ou bien c’est un autre que nous attendons ?’
4 Jésus répondit / et leur dit :
‘Allez, racontez à Jean les choses que vous entendez et voyez :
5 les aveugles / voient,
les boiteux / marchent,
les lépreux / sont purifiés,
les sourds / entendent,
les morts / ressuscitent,
les pauvres / reçoivent la Bonne Nouvelle.
6 Et bienheureux / celui qui ne trébuchera pas à mon sujet’.
7 Comme ils s’en étaient allés, / Jésus se mit à parler de Jean aux foules :
‘Qu’êtes-vous sortis voir dans les terres arides ? / Un roseau agité par le vent ?
8 Sinon, qu’êtes-vous sortis voir ? / Un homme vêtu d’habits soyeux ?
Voici, ceux qui sont en habits soyeux, / c’est chez les rois qu’ils sont !
9 Sinon, qu’êtes-vous sortis voir ? / Un prophète ?
Oui, je vous dis, / et plus que les prophètes.
10 C’est lui, en effet, / duquel il est écrit :
Voici, moi j’envoie mon messager devant ta face, / pour qu’il restaure le chemin devant toi.
11 Amen, / je vous le dis :
il ne s’en est pas levé, parmi ceux qui sont nés de femmes, / de plus grand que Jean le Baptiste. » Acclamons la parole de Dieu.
L’évangile de Matthieu est un « collier en pendentif » dans lequel les perles d’un collier compteur introduisent la suite. L’épisode que nous avons entendu est ainsi introduit par Mt 3,1-12 qui nous montre combien Jean était un personnage connu : « sortait auprès de lui Jérusalem et toute la Judée et toute la région du Jourdain » (Mt 3,5). Il avait annoncé la venue d’un plus fort que lui : « Lui, il vous baptisera dans l’Esprit de Sainteté et dans le feu. Lui, dont la pelle à vanner est dans la main et il va nettoyer son aire : et il amassera son grain dans ses greniers ; et il brûlera la paille au feu qui ne s’éteint pas » (Mt 3,11-12).
Le voici maintenant qui envoie questionner Jésus. Deux interprétations font concurrence : pour les uns, Jean-Baptiste commence à douter en voyant sa propre mort arriver sans que Jésus n’ait opéré le jugement. Pour les autres, dire : « Allez à Jésus, il est plus fort que moi », ne suffisait pas toujours, certains de ses disciples attribuant ce langage à sa modestie. De là ce petit stratagème qui consiste à les envoyer questionner Jésus : « Es-tu celui qui vient ? ».
La formulation de Matthieu « lorsqu’il entendit les actes du Messie » (Mt 11,2) signifie que Jean a reconnu dans les actes de Jésus les signes qu’il est le Messie, mais les disciples de Jean attendaient sans doute un messie royal selon les promesses faites à David, et ils ne voient pas en Jésus le comportement attendu d’un roi.
Jésus ne leur répond pas directement, car on lui aurait reproché de se rendre témoignage à lui-même. Les disciples de Jean connaissent déjà les actes de Jésus, mais ce qui leur manque, et que la réponse de Jésus leur apporte, c’est de percevoir que ces œuvres accomplissent l’Écriture et la promesse des prophètes : les signes que les disciples « voient » correspondent aux Écritures qu’ils « entendent » (Mt 11,4) : Is 35,5-6 annonce la guérison des aveugles, des sourds, des boiteux et des muets. Élisée purifiant un lépreux (2R 5) annonce Jésus. Is 26,19 annonce que les morts ressuscitent. Des aveugles guéris aux morts qui ressuscitent, il y a un crescendo, mais, pour Jésus, l’apothéose est atteinte par la bonne nouvelle annoncée aux pauvres (Is 61,1), dans une année de grâce (Is 61,2). Si le Messie se fait reconnaître à partir du rouleau d’Isaïe, il faut entendre tout le rouleau, y compris l’annonce du serviteur qui n’élève pas le ton (Is 42,2) et qui semble peiner pour rien (Is 49,4). S’explique ainsi la béatitude : « bienheureux celui qui ne trébuchera [kšl] pas à mon sujet [bī : à cause de Jésus ou contre Jésus] » (Mt 11,6).
Dans la suite de ce fil d’oralité, la parabole du semeur fait mieux comprendre le verbe « trébucher [kšl] » :
« 20 [La semence] semée sur la pierraille, / c’est celui qui entend la Parole et la reçoit sur l’heure avec joie ;
21 cependant, il n’a pas de racines en lui, / mais il est l’homme d’un moment :
dès qu’advient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, / il trébuche [kšl] aussitôt » (Mt 13,20-21).
Jésus, aussitôt, fait l’éloge de Jean-Baptiste (Mt 11,7-10). C’est la preuve que la question que Jean fit poser à Jésus n’était pas motivée par son propre doute. Jean n’est pas un homme changeant et léger comme un roseau agité par le vent.
L’image du roseau peut suggérer un sens plus profond. En effet, un roseau se caractérise par une tige structurée avec des nœuds successifs ; de même, dans une civilisation d’oralité, les « colliers » des Écritures sont structurés par des « perles » agencées les unes avec les autres. Le mot araméen « roseau [qanyā] » donnera le mot « canon » des Écritures, qui a d’abord désigné un ensemble fiable, mémorisable, et retenu comme faisant autorité. De plus, le mot rūḥā peut désigner le vent, le souffle ou l’Esprit (saint).
Ici, la double conjonction « sinon [wellā] » isole l’image de l’homme aux vêtements soyeux. Au contraire, Jean ne serait-il pas, soit un roseau-canon-des-Écritures que meut l’Esprit Saint, soit un prophète ? Il est celui que Malachie a prophétisé : « Voici, moi j’envoie mon messager devant ta face, pour qu’il restaure [natqen racine tqn] le chemin devant toi » (Mt 11,10 cf. Ml 3,1). Il y a plus que le simple verbe « préparer », il y a l’idée des plans de l’architecte, comme aussi quand on restaure un bâtiment ; on retrouvera ce mot en Mt 12,13 où il s’agit d’une main guérie, « restaurée ».
Jean prépare le royaume, il n’y est pas entré. Il est à l’extrême pointe du temps des prophètes, il « est » Élie selon Malachie : « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que n’arrive le Jour du SEIGNEUR, grand et redoutable » (Ml 3,23).
Dans le collier compteur, Jean-Baptiste insiste sur les efforts et les luttes : « Produisez donc des fruits qui soient dignes de la pénitence [tyāḇūṯā] » (Mt 3,8) et « tyāḇūṯā » désigne la lutte que le pécheur s’impose pour changer de vie, en pleurant pour tuer le péché, en s’efforçant de remporter la victoire sur soi-même pour faire le bien. Nous retrouvons cette idée d’effort en Mt 11,12 :
« En effet, depuis les jours de Jean-Baptiste, / et jusqu’à maintenant, le royaume des Cieux / est conduit par l’effort [ba-qṭīrā]
et les lutteurs [qṭīrāne] / s’en emparent » (Mt 11,12).
Nous allons fêter à Noël, le premier avènement de Jésus, c’est lui qui nous sauve, et nous accueillons son salut. Ayant accueilli son salut, nous devenons des justes et nous n’aurons rien à craindre de sa venue glorieuse, au contraire, Dieu « aime les justes » dit le psaume 145. La Parousie, saint Irénée dit que c’est « le prélude de l’incorruptibilité [= l’éternité], royaume par lequel ceux qui en auront été jugés dignes s’accoutumeront peu à peu à saisir Dieu » (Saint IRÉNÉE, Contre les hérésies, V,32,1).
Et n’oublions pas, « le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui [Jean Baptiste] » nous sommes grands aux yeux de Dieu du fait d’avoir été regardés et d’avoir été aimés par Jésus le Sauveur.
Date de dernière mise à jour : 17/11/2025