Un 5° dogme

 

Table des matières

La demande d’un 5° dogme, les diverses réactions. 1

Le site officiel des apparitions. 2

1995. Le mouvement de pétition pour un nouveau dogme.. 2

1997. Le frein de la PAMI. 3

Les propositions de A. M. Calero.. 3

Le 5° dogme face aux monismes. 5

Permanence et ampleur du mouvement de pétition.. 7

Les difficultés œcuméniques et la nécessité d’un approfondissement. 8

Le groupe des Dombes et quelques réactions à ses propos. 8

L’œcuménisme favorable à l’idée de co-rédemption.. 9

Le 5° dogme et le questionnement de Luther. 10

La connaissance des théologies juives éclaire le débat sur les fonctions de Marie   12

Le pluralisme juif a atteint une opposition.. 12

Le péché originel : des sources juives à l’Immaculée conception.. 16

Le juste : des sources juives à la coopération objective de Marie.. 19

Les causes, les mérites, le but ultime : des sources juives au discours marial.  21

La théologie mariale doit opérer un choix.. 23

Pureté et pauvreté pour recevoir l’Esprit Saint. 26

La Dame de tous les peuples, la « mère du Fils de l’homme ».. 27

Fils de l’homme : un titre qui dit « royaume ».. 28

Fils de l’homme et humble condition humaine.. 31

La fin de la vie du Fils de l’homme.. 33

« Fils de l’homme » : un appel à participer à la rédemption.. 34

Mère du Fils de l’homme, corédemptrice, médiatrice : un tout !. 36

« Fils de l’homme » : une allusion à la Bonne nouvelle aux défunts ?. 37

« Parce qu’elle est Immaculée Conception… ».. 38

La « Dame de tous les peuples » et les non-chrétiens. 40

Le rapport complexe entre chrétiens et païens. 40

La Dame a un langage précis. 42

Le message d’Amsterdam sort la théologie d’une dérive qui la conduisait à l’apostasie.  42

La Dame de tous les peuples, le 5° dogme, la Femme de l’Apocalypse.. 46

 

 

La demande d’un 5° dogme, les diverses réactions

            Le 25 mars 1945, en la fête de l’Annonciation, la Vierge Marie apparaît à une femme toute simple, Ida Peerdeman (+1996), qui habite à Amsterdam avec ses sœurs. C’est la première de 56 apparitions qui vont se succéder par intermittence, entre 1945 et 1959. L’évêque diocésain a reconnu le caractère surnaturel des messages de la Dame de tous les Peuples le 31 mai 2002[1].

            Avant d’énoncer la demande d’un dogme auquel correspond une image et une prière, les messages expriment la tendre sollicitude de Marie envers les hommes, envers tous les hommes, les foules anonymes, les pauvres, les habitants des contrées lointaines, les hommes d’autres religions.

 

            Un dogme ? Un bref coup d’œil sur l’histoire de l’Eglise nous montre que les dogmes sont toujours à la fois une louange de Dieu, l’expression du sens commun des fidèles, et la réfutation d’une erreur fréquente à une époque donnée.

            Par exemple, le dogme de « Marie mère de Dieu » a été proclamé au concile d’Ephèse (en 431) pour préserver les croyants des hérésies concernant le Christ, surtout l’arianisme qui voulait réduire Jésus à un simple homme. Et après leur réflexion adorante, les pères du concile proclamèrent le dogme avec des sentiments d’ineffable joie.

            Autre exemple, le dogme de l’Immaculée conception en 1854 a rappelé à l’humilité une époque dont l’optimisme euphorique et l’illusion d’une auto-salvation par la science en plein essor faisait oublier la vérité du péché originel et la nécessité de la grâce… Le dogme fut accueilli dans la liesse populaire.

            On peut s’étonner que le dogme de l’Assomption ait été proclamé en 1950 alors que la doctrine remonte aux premiers siècles de l’Eglise, et la fête au VI° siècle… Sans doute était-il important de proclamer que Marie était au ciel avec son corps et son âme après la seconde guerre mondiale qui avait tant méprisé le corps humain. Le dogme fut acclamé dans l’exultation.

 

            Sur cette ligne, le 5° dogme pourrait préserver – aux pasteurs de mesurer combien cela est nécessaire – des erreurs opposées aux trois titres offerts :

            Le thème de la corédemption (au sens de coopération au Christ Rédempteur) oblige à penser à la Croix et s’oppose ainsi à l’erreur d’imaginer une rédemption sans la croix, un règne du Christ sans la croix. L’influence islamique ou franc-maçonne, ou tout simplement une certaine mondanité peuvent rendre une telle erreur tentante.

            Le thème de la corédemption (au sens de coopération au Christ Rédempteur) s’oppose à l’erreur de croire en un salut facile qui n’aurait pas besoin de la participation d’une coopération humaine, ou, en corollaire, à l’erreur de penser que l’homme se comporte purement passivement devant Dieu de sorte que la trahison de Judas ne serait pas moins l’œuvre de Dieu que la vocation de Paul. Ce genre de prédestination a été dénoncé par le concile de Trente[2], mais ce sont des erreurs qui pourraient bien réapparaitre sous l’influence islamique, ou gnostique, ou hindoue.

            La coopération de Marie, dit le concile, est « absolument sans pareille » (LG 61). Le titre corédemptrice, utilisé depuis le XV° siècle jusqu’aux années ayant précédé le concile Vatican II, voulait souligner cela. La doctrine pré-conciliaire majoritaire était que Marie étant immaculée, elle ne coopère pas seulement comme nous à sa propre rédemption, mais elle coopère à la rédemption des autres, donc à la manière de Jésus, quoique d’une manière subordonnée et qui n’est pas en soi nécessaire. Une telle doctrine est un modèle une bonne nouvelle qui donne un sens à l’offrande de toute souffrance innocente.

            La Méditation très pure de la Vierge Marie et de l’Eglise dont Marie est le modèle a toujours été une protection contre les hérésies christologiques. Oublier cette médiation, c’est tôt ou tard négliger le contact avec le Verbe incarné ou négliger les sacrements.

            Le titre « Avocate » s’oppose à l’erreur de négliger l’intercession de Marie notre avocate en ces temps de grands dangers matériels et spirituels, alors que le concile Vatican II nous recommande d’y recourir.

 

Le site officiel des apparitions

            Le site officiel des apparitions semble soutenir positivement la demande d’un 5° dogme :

            « Les quatre premiers dogmes marials étaient orientés sur la vie et la montée au ciel de la Vierge Marie. Le cinquième dogme à présent, prévoit de définir sa mission universelle dans le Plan de Dieu. « En effet, élevée au ciel, - comme le précisent les textes conciliaires - elle n’a pas déposé cette fonction salvifique, mais elle continue, par son instante intercession, à nous obtenir des grâces en vue de notre salut éternel » (cf. Lumen Gentium 62).
            La corédemption et la médiation de Marie ne sont pas le produit de la pensée humaine. C’est le Dessein de Dieu, le désir profond du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. En en proclamant solennellement le dogme, l’Eglise exprime sa libre adhésion à la Rédemption et glorifie Dieu par l’acceptation de Son Plan de salut.

            Si cette proclamation se fait, nous donnerons à la Vierge Marie la possibilité de déployer pleinement la force inhérente à son titre et à sa maternité universelle en donnant aux hommes et au monde "la Grâce, la Rédemption et la Paix". Telle est la voie qui conduit à un nouveau "miracle de Cana" (cf. Jn 2,5), où la Vierge Marie touche le cœur de Son Fils et obtient en notre époque tragique, une venue toute particulière de l’Esprit-Saint. Telle est la porte qui s’ouvre sur une nouvelle évangélisation et un véritable œcuménisme en ce troisième millénaire. »[3]

 

1995. Le mouvement de pétition pour un nouveau dogme.

            Le premier ouvrage collectif ouvertement dédié à la promotion du «nouveau dogme» a été publié en 1995 par M. I. Miravalle[4]. Une introduction signée par M. I. Miravalle présente ce travail. Le nouveau dogme, écrit-il, semble particulièrement approprié: si les dogmes antérieurs ont défini les dons et les prérogatives de la Vierge [Immaculée conception, virginité, maternité divine, Assomption], on aurait la doctrine complète uniquement si on soulignait également sa mission unique dans le plan rédempteur, et le dogme serait précisément « la perfection de la formulation de la doctrine. »[5]

            A cela s’ajoutent des raisons d’opportunité: le dogme offrirait un fondement solide à la dévotion mariale en la sauvegardant des excès opposés, et il répondrait de manière adéquate au féminisme radical, il donnerait au peuple de Dieu un modèle ecclésial profond où chaque chrétien est présenté comme un «collaborateur» (cf. 1Co 3, 9) ou corédempteur dans le Christ.

            La définition, au contraire des apparences, serait un « service véritable et durable à la mission œcuménique authentique de l’Eglise »[6] et une promotion de la vraie dignité de la personne humaine.

 

1997. Le frein de la PAMI

            Le Saint Siège ayant demandé qu’au XII° Congrès Mariologique International (PAMI) rassemblé à Czestochowa (Pologne) on étudie la possibilité et l’opportunité de la définition des titres mariaux de Médiatrice, Co-rédemptrice et avocate, comme certains cercles le demandent actuellement au Saint Siège, il a semblé opportun de constituer une Commission en choisissant quinze théologiens spécifiquement compétents pour en discuter ensemble et analyser le problème avec une réflexion mûre. Au-delà de leur préparation théologique on a voulu qu’il y ait entre eux une hétérogénéité géographique maximale, afin que leurs consentements éventuels soient particulièrement significatifs. Et on a enrichi ce groupe d’étude en lui joignant, en tant que membres extérieurs, quelques théologiens non catholiques présents au Congrès. On est ainsi parvenu à une double conclusion[7]:

            1) Les titres, tels qu’ils sont proposés, se révèlent ambigus, puisqu’ils peuvent être compris de manières très différentes. Il est aussi apparu qu’il ne fallait abandonner la ligne théologique du concile Vatican II qui n’a voulu définir aucun de ces titres : il n’a pas utilisé dans son magistère le titre de Co-rédemptrice, et il a fait un usage très sobre des titres de Médiatrice et Avocate (Cf. Lumen gentium 62). En réalité le terme "Co-rédemptrice" n’est pas utilisé dans les documents pontificaux ayant une importance doctrinale, et cela, depuis le pape Pie XII. Et il y a des témoignages sur le fait que ce dernier en ait intentionnellement évité l’usage. En ce qui concerne le titre de médiatrice, on ne devrait pas oublier les événements historiques assez récents: dans les premières décennies de ce siècle, le Saint Siège demanda à trois commissions différentes d’étudier la possibilité d’en donner une définition, or cette étude conduisit le Saint Siège à prendre la décision de laisser de côté le problème.

            2) Même si on attribue aux titres un contenu dont on pourrait accepter l’appartenance au dépôt de la Foi, leur définition, dans la situation actuelle, ne serait cependant pas perspicace théologiquement car les doctrines qui correspondent à ces titres nécessitent encore un autre approfondissement dans une nouvelle perspective trinitaire, ecclésiologique et anthropologique.

            Enfin, les théologiens, spécialement les non catholiques, se sont montrés sensibles aux difficultés œcuméniques qu’impliquerait une définition des titres susdits. 

 

Les propositions de A. M. Calero

            Plusieurs théologiens ont exprimé la nécessité de reformuler la doctrine de la rédemption, afin de bien comprendre la coopération de Marie, mais peu ont osé faire des propositions concrètes dans ce domaine[8]. A. M. Calero est l’un de ceux-ci[9].

 

  • Redécouvrir que la question de la rédemption déborde l’heure de la croix.

            En laissant de côté la controverse sur le 5° dogme, A. M. Calero dit qu’il faut reformuler la doctrine concernant le salut sur de nouvelles bases afin de redéfinir la question de Marie co-rédemptrice[10]. Déjà Vatican II a fait redécouvrir que Jésus ne donne pas le salut uniquement par son sacrifice sur la croix mais aussi à chaque moment de sa vie (le mystère pascal constituant un sommet), et en conséquence, la coopération de Marie ne se réduit pas seulement à la « compassion ».

            Ces remarques sont en harmonie avec les messages d’Amsterdam qui sont centrés sur la Croix mais qui évoquent aussi l’ensemble de la vie du Christ rédempteur. Le rosaire encouragé par l’apparition célèbre notre salut et englobe non seulement la Passion, mais aussi les mystères joyeux, lumineux et glorieux… Beaucoup de messages de Celle qui se présentent comme la Corédemptrice évoquent les mystères joyeux, lumineux ou glorieux. Le 7 mai 1949, Ida voit une grotte, de la paille, l’Enfant… Le 31 mai 1956 l’apparition évoque les noces de Cana et annonce que le règne de Dieu est proche, comme dans le deuxième et le troisième mystère lumineux. Etc.

 

  • Redécouvrir la dimension trinitaire de la rédemption et de tout ce qui va avec.

            Pour A. M. Calero, le Christ est le seul médiateur, ou plutôt il est la médiation personnifiée, il ne se pose pas strictement entre Dieu et l’homme, puisque lui-même est à la fois Dieu et l’homme dans l’unité d’une personne. Cela ouvre un écart inimaginable entre la «médiation» du Christ et la «médiation» d’une créature.

            Les apparitions d’Amsterdam ne disent pas le contraire : le 15 avril 1951, l’apparition souligne que seul le Fils est le « rédempteur », Marie le « précède » (comme mère) ou elle le « suit »…

 

  • Redécouvrir la dimension communautaire de l’Eglise.

            Les baptisés ne sont pas de simples bénéficiaires de la rédemption, mais ils sont appelés à y coopérer activement. A. M. Calero parle de coopération subjective, entendue comme la réception de la grâce, et de coopération objective, qui est «l’action d’un membre au profit d’autres. »[11]

            Mon chapitre sur la connaissance des théologies juives va éclairer la possibilité de coopération objective. Remarquons dès maintenant que les apparitions d’Amsterdam parlent à plusieurs reprises de la dimension communautaire de l’Eglise. En montrant les Eglises, la Dame dit : « Il faut que ce soit une seule et grande communauté. » (29 août 1945). La Dame de tous les peuples parle aussi tout simplement de l’amour, comme commandement universel (28 mars 1948).

 

  • Renouveler la compréhension de la grâce, qui dans le passé a été trop chosifiée.

            A. M. Calero pense que la grâce est une relation avec Dieu, «“l’auto-communication” que Dieu donne à l’homme, et que l’homme accepte (ou n’accepte pas). » [12]

            J’ajouterai dans ma dernière partie des remarques importantes sur la différence entre la grâce du salut (qui dépend de la foi en Jésus mort et ressuscité et qui consiste dans un don plénier de l’Esprit Saint) et l’Esprit Saint déjà présent chez les non-chrétiens pour les préparer à reconnaître Jésus.

 

  • Marie très sainte.

            A. M. Calero voit en Marie la «Femme réconciliée»[13], qui est, d’abord et avant tout, sujet passif de la Rédemption. Etant rachetée, elle vit une relation nouvelle avec la Trinité et se comporte en fille bien-aimée du Père, Mère de Dieu le Fils et temple vivant et saint du Saint-Esprit[14].

            Cette réconciliation a lieu en Marie dans une double direction logique : d’abord, elle est réconciliée en vue de la maternité divine, mais elle a également été réconciliée en vue de la coopération dans le rachat du reste de l’humanité[15].

            Cette explication conduit finalement à surmonter l’objection classique du choix entre bénéficier de la rédemption et coopérer à la rédemption, car, au contraire, plus on est racheté, plus on est appelé à participer à la rédemption des autres.

            Ceci étant dit, A. M. Calero termine par l’appel à abandonner la terminologie de la corédemption qui "se prête à une confusion notable et regrettable." [16]

 

            Enfin, pour A.M. Calero, une des questions récurrentes concerne la définition du caractère unique du rôle de Marie (il n’y a qu’une mère de Dieu) et du caractère exemplaire et commun à toute l’Eglise de ce rôle,  et comment ces deux aspects se complètent et s’articulent.

            Nous verrons qu’en nous intéressant au titre « mère du fils de l’homme », titre donné par l’apparition d’Amsterdam le 1° avril 1951, il devient plus facile de comprendre comment s’articulent le rôle unique de Marie et le rôle commun de l’Eglise.

 

Le 5° dogme face aux monismes

            Beaucoup de religions ancestrales considèrent que l’existence a une cause première, une source, une origine créée, « Dieu » est le donateur de l’existence. (Le polythéisme imagine que « Dieu » peut avoir des « enfants » ou des « subordonnés »). L’homme est créé et il reçoit la vie comme un cadeau de la part d’un donateur. Le fait pour l’homme d’enterrer ses morts exprime l’attente d’un nouveau don de la part du donateur de la vie (une re-surrection).             Dans les paganismes, « Dieu » reste cependant lointain, et la relation à « Dieu » est obscurcie par des pratiques magiques. Il ne s’agit pas d’une alliance et d’une coopération de l’homme avec Dieu, mais de la tentative de l’homme de capter les forces cosmiques et divines, de provoquer magiquement la victoire pendant la guerre, ou de convoquer le printemps, la fécondité des couples ou l’extase.

            La révélation judéo-chrétienne se distingue fortement des paganismes parce qu’elle rompt avec tout occultisme, et désir de mettre la main sur la source divine. La révélation développe la dynamique du don dans une relation d’Alliance, Dieu est perçu comme le Rédempteur, et l’homme lui répond par sa coopération confiante. De plus, le monothéisme chrétien révèle le Dieu unique en trois personnes.

 

            D’une manière extrêmement différente, dans les systèmes monistes (hindouisme, bouddhisme…), on considère que l’être s’explique par un principe unique (monisme), autrement dit, « Dieu » est comme un océan et tout ce qui existe est comme une goutte de cet océan (panthéisme). Ceci étant dit, « Dieu » peut avoir plusieurs manifestations ou avatars, de sorte qu’il peut aussi y avoir plusieurs divinités. L’homme n’est qu’une expression éphémère du grand flux énergétique cosmique. Le fait pour l’homme d’incinérer ses morts signifie une fusion avec le grand tout impersonnel, la fin de l’illusion du ‘je’ personnel. Il n’y a pas d’Alliance. Il n’y a pas de rédemption (tout au plus une auto-salvation, une rédemption de l’homme par l’homme), et pas de coopération entre l’homme et « Dieu ».

            La proclamation d’un 5° dogme (et notamment l’idée de corédemption) annonce donc aux traditions monistes orientale un message fort qui ôte toute éventuelle ambiguïté au dialogue inter-religieux.

 

            Pour dire les choses autrement, les notions de rédemption et de coopération s’inscrivent donc au plus profond de l’histoire d’Israël : à Dieu, qui promet un salut, répond la foi d’Abraham. A Dieu qui appelle répond l’homme qui marche avec son Dieu. C’est avec l’aide du « Dieu des Pères » que Moïse lutte contre Amaleck, que Déborah lutte contre Siséra, et David contre Goliath. Les notions de rédemption et de coopération reposent sur la foi en Dieu créateur, une foi qui se précise par la notion de création « ex nihilo » : le Dieu des Pères est le Dieu créateur qui a tiré le monde du néant comme il a tiré Israël du néant de l’esclavage en Egypte.

            La Torah est un don d’en haut, nous pourrions dire un don surnaturel. La notion chrétienne de « surnaturel » exprime l’action de l’incréé dans le créé. La résurrection des morts est un don surnaturel, donné par le Créateur au-delà des possibilités de notre nature mortelle. Créés à l’image de Dieu, nous portons en nous un désir de Dieu, parce que Dieu nous appelle à lui. Vivre dans le Christ, pour parler le langage du concile de Chalcédoine, c’est vivre à notre mesure l’union de la nature humaine et de la nature divine, sans confusion ou mutation, sans division ou séparation. La rédemption est une œuvre « surnaturelle ».

            Rien de tout cela n’est pensable dans les systèmes monistes des religions orientales.

            En dehors de la foi en un Dieu personnel et créateur, il ne peut y avoir qu’une auto-rédemption de l’homme par lui-même ou pour ses descendants (par exemple, on voit des hindous ou des bouddhistes convaincus que l’acceptation de leurs misères améliorera la condition de leurs descendants ou de leur propre existence réincarnée – logique du karma).

            La notion de coopération à la rédemption est incompréhensible en dehors de l’Alliance au Sinaï qui fonde tout le judéo-christianisme.

            La demande du 5° dogme, avec notamment le titre « corédemptrice », contient donc non seulement la proclamation d’un développement relativement récent de la mariologie, mais il contient une proclamation de la révélation judéo-chrétienne dans ce qu’elle a de plus fondamental. En un seul mot sont impliquées les bases du Credo (création, rédemption, Alliance). Ce rappel des fondamentaux de la foi chrétienne n’est pas sans intérêt à une époque de melting pot et de mondialisation.

            Ce rappel des fondamentaux de la foi chrétienne se fait par Marie. L’image donnée à Amsterdam est « la signification et la représentation du nouveau dogme » (8.12.1952). L’image est donc un commentaire du titre « corédemptrice ». Or l’apparition commente l’image en disant : « Je me tiens debout devant la Croix du Rédempteur. » (31 mai 1951). Le fait que Marie se tienne devant la Croix ne signifie nullement que la souffrance humaine de Marie puisse constituer en soi une rédemption, une auto-rédemption par l’humanité comme dans les systèmes monistes. Marie indique le Rédempteur, elle est aussi le don ultime du crucifié[17], un don qui est réactualisé d’une manière forte en notre temps par le message d’Amsterdam : « Le monde ne sait plus vers quoi aller. Eh bien ! peuples, faites confiance à votre Mère, elle qui n’a jamais abandonné ses enfants. Il lui est donné de venir sous ce nouveau titre : Corédemptrice, Médiatrice, Avocate. » (31 mai 1955).

            L’image donnée à Amsterdam, le 5° dogme, et l’enseignement qui les accompagnent touchent donc au point stratégique du dialogue entre le christianisme et les systèmes monistes. A moins de rester incompris, ils touchent au point névralgique et appellent un positionnement des gens. Il n’y a pas de syncrétisme possible entre la croyance en un flux d’énergie impersonnelle et la foi en Dieu créateur et rédempteur appelant une coopération humaine. Le titre corédemptrice, à moins d’être séparé de l’image où la Croix est « la Croix du Rédempteur », ne peut pas être confondue avec l’idée de l’homme essayant d’améliorer son « Karma ». L’image donnée à Amsterdam et les dogmes[18] qui l’accompagnent constituent une évangélisation des systèmes monistes.

 

Permanence et ampleur du mouvement de pétition

            En Juillet 1997, au moment de la réunion de la commission de Częstochowa, Miravalle avait déjà ramassé quatre millions et demi de signatures, dont celles de 42 cardinaux et plus de 500 évêques[19].

            Les Franciscains de l’Immaculée, qui en 1996 ont organisé le premier symposium sur la co-rédemption à Castelpetroso (Isernia), organisent annuellement depuis l’an 2000, le colloque « Marie au pied de la Croix », le plus souvent en Angleterre - presque exclusivement en anglais. Pour la promotion du dogme, a été organisé en 2005 un colloque à Fatima, «Marie, un coopérateur dans la Rédemption», promu et réalisé par six cardinaux: T. Toppo, L. Aponte Martínez, V. Vithayathil, E. Gagnon, R. Vidal et E. Corripio Ahumada, qui ont signé à la fin du colloque la déclaration de leur intention de soumettre une nouvelle demande à Benoît XVI.

            En février 2008, l’agence Zenit a rapporté qu’en Janvier 2008, cinq des six signataires (Cardinal E. Gagnon est décédé en Août 2007) ont envoyé aux évêques du monde entier une demande de pétition pour la définition dogmatique. La pétition - nous l’apprenons - a été présenté au Saint-Père par le Cardinal T. Toppo le 7 Juin 2006 et a proposé, en latin, une formulation possible du dogme:

 

« Jésus-Christ, le Rédempteur de l’homme, donna à l’humanité depuis la Croix sa Mère Marie, pour être la Mère spirituelle de tous les peuples, la corédemptrice, qui, dans la dépendance de et avec son Fils, a collaboré à la Rédemption de tous les peuples ; la Médiatrice de toutes les grâces, qui nous donne en tant que Mère les dons de la vie éternelle, et l’Avocate, qui présente nos prières à son Fils. »[20]

 

            En présence d’un phénomène dont l’importance est loin d’être marginale, il est clair que le problème, loin d’être résolu au Congrès mariologique de 1997, est encore dans une phase critique[21].

 

 

Les difficultés œcuméniques et la nécessité d’un approfondissement

Le groupe des Dombes et quelques réactions à ses propos

            Le Groupe des Dombes[22] reconnaît que la « coopération » de Marie au salut est un des problèmes centraux : les catholiques reconnaissent que « l’expression même de corédemption est objectivement fautive, car elle donne à penser que le rôle de Marie est du même ordre que celui du Christ »[23], tandis que pour les protestants le terme même de « coopération est soupçonné de véhiculer un degré de collaboration à égalité, du moins du même ordre, entre le Christ et Marie pour notre salut »[24].

            Le terme "coopération" exprime cependant quelque chose d’important pour les catholiques, et c’est le fait que le "oui" de Marie est rendue possible par la grâce, mais c’est une réponse libre.

            Heureusement, observe-t-on, ont été refusés les titres ambigus de "corédemptrice" et "médiatrice". Il est proposé comme un objectif acceptable la purification du terme "coopération", qui signifie que Marie, justifiée par la grâce et par la foi, peut être associée à l’œuvre de Dieu dans le Christ : la réception passive de la grâce (justification) devient active et responsable dans un deuxième temps, selon une "synergie" pour laquelle toute réponse est le résultat d’un travail conjoint de Dieu et de la liberté humaine[25].

 

            Mais le travail du Groupe des Dombes sur ce point est-il à la hauteur ? Citons certaines réactions :

            C. Duquoc[26] critique l’hypothèse fondamentale qui n’explique pas la singularité de la mère de Jésus, et la tentative par le groupe d’insérer un « noyau christologique» autour d’une hiérarchie des vérités de la foi semble vouée à l’échec dès le départ, étant donnée l’énorme diversité d’opinions déjà au sein des diverses dénominations protestantes (Barth, libéraux...). Dans l’ensemble, on a l’impression - conclut Duquoc - de s’orienter vers la recherche d’un « compromis ecclésiologique », un processus mieux adapté aux démocraties politiques qu’aux Eglises du Christ.

 

            A. Birmelé[27] observe que, pour les protestants, l’Eglise est uniquement destinataire du salut, tandis que dans une vision catholique elle est au service de la médiation du Christ, qu’elle rend efficacement présente. Tous concordent pour dire que Marie est le modèle des croyants mais dans la perspective catholique, cependant Marie est aussi davantage, parce que - comme l’a souligné Jean-Paul II, que semble bien ignorer le groupe des Dombes - Marie coopère, comme l’Eglise, à l’œuvre de sanctification, car elle est tellement sanctifiée qu’elle peut à son tour sanctifier.[28]

 

L’œcuménisme favorable à l’idée de co-rédemption

            L’un des reproches adressé par le congrès mariologique de 1997 à l’éventuel 5° dogme était : « Enfin, les théologiens, spécialement les non catholiques, se sont montrés sensibles aux difficultés œcuméniques qu’impliquerait une définition des titres susdits.”

            Or, dans le mouvement généré par Miravalle en faveur du 5° dogme, d’un point de vue œcuménique, les choses sont loin d’être négatives :

 

            V. Zelinsky, théologien russe orthodoxe[29], décrit la vision de Marie dans la théologie orthodoxe et conclut que les objections de l’Église orthodoxe à la définition du dogme [Marie corrédemptrice, médiatrice, avocate] ne concerneraient pas tant le titre lui-même, ni la doctrine sous-jacente, pleinement partagée, mais plutôt le style théologique occidental, qui tend à rationaliser le mystère. Mais - a conclu Zelinsky - si le « rationalisme marial » de l’Ouest a été sévèrement critiqué dans le passé par la théologie orthodoxe, il est en fait aussi un « instrument de louange et un langage spécifique de la prière »[30]. Et il ajoute : « L’absence même de dogme, telle qu’elle est vécue par le protestantisme, ne doit pas devenir un dogme à son tour ; l’essentiel est la fidélité à la « source divine du silence primordial de la Parole. »[31]

 

            Et le théologien anglican J. Macquarrie[32] aborde la question du côté réformé. La question centrale - dit Macquarrie - est la coopération de l’homme à son salut : la vision barthienne, selon laquelle le rachat est un acte objectivement, parfaitement accompli en dehors de nous, sans nous, et même contre nous, finit par réduire les êtres humains à des marionnettes, comme un mouton, et non à des êtres créés à l’image de Dieu, avec leur liberté et leur responsabilité. L’histoire même du salut, qui est l’histoire des hommes, finirait par perdre toute signification. A ce point, ce qui est en cause, c’est l’adage protestant de la sola gratia : Luther et d’autres en ont donné une lecture trop dure, issue d’une lecture erronée de Saint Paul. Si au contraire on accueille – propose Macquarrie - une lecture plus douce et respectueuse de la liberté humaine, on atteint sans problème une « corédemption » de la Vierge. Elle doit être lue :

- à la fois dans la relation fondatrice entre Marie et l’Eglise, le fait que sur ​​la terre Marie ait soutenu le travail du Christ est tout aussi valable pour l’Eglise,

- et à la fois par rapport à l’Incarnation, où le consentement de Marie lui donne de devenir "co-rédemptrice" de manière unique et irremplaçable[33].

           

Le 5° dogme et le questionnement de Luther

Le 5° dogme et l’accord œcuménique sur la justification.

            Force est de reconnaître que notre « oui » est celui d’hommes qui sont, même partiellement, corrompus, non ajustés à la sainteté de Dieu. Or, sans cet ajustement, nulle complète coopération n’est possible.

            M. Luther a vu cette difficulté. Il en a conclu qu’il fallait réduire la responsabilité humaine dans l’œuvre de sa propre justification à celle d’un simple acquiescement.

            Beaucoup de chrétiens, notamment protestants, n’osent pas penser une coopération au salut qui dépasserait l’acte d’un libre consentement sans lequel Dieu ne peut sauver. L’accord œcuménique sur la justification fait observer :

« Dans la compréhension luthérienne, la personne humaine est incapable de coopérer à son salut car elle s’oppose en tant que pécheur d’une manière active à Dieu et à son agir salvateur. Les luthériens ne nient pas que la personne humaine puisse refuser l’action de la grâce. Lorsqu’ils affirment qu’elle ne peut que recevoir la justification, ils nient par-là toute possibilité d’une contribution propre de la personne humaine à sa justification mais non sa pleine participation personnelle dans la foi, elle-même opérée par la parole de Dieu. »[34] 

 

            La compréhension luthérienne actuelle se fonde sur la considération de l’homme dans son état de pécheur. Dès lors que Marie est sans péché, rien ne s’opposerait à un rôle actif de Marie, ce qui correspondrait à l’enseignement catholique sur Marie : « Dieu a choisi Marie et a voulu sa libre coopération. »[35] 

 

            Durant les apparitions d’Amsterdam, le 4 avril 1954, la « Dame » explique qu’elle est Corédemptrice, médiatrice et avocate « parce qu’elle est l’Immaculée conception », et que là réside « la simplicité du dogme ». En effet, si Marie est Immaculée, il faut alors compléter l’accord œcuménique sur la justification et dire qu’exceptionnellement en Marie « s’ouvre la possibilité d’une contribution propre de la personne humaine à sa justification » [36] .

 

Le 5° dogme et la théologie spirituelle de Luther.

            Pour Luther, le Saint Esprit, troisième personne de la Sainte Trinité, a illuminé Marie et l’a enseignée, la lumière incréée remplit l’âme, l’esprit et le corps de Marie. Marie comprend l’Incarnation par l’illumination du Saint Esprit. Marie demeure humble et calme, tranquille, imperturbable (gelassen) selon le terme caractéristique du mysticisme médiéval allemand dont Luther est l’héritier. Mais elle ne devient jamais passive. Elle chante le Seigneur et elle intercède pour nous.

            Nous lisons dans la dédicace du Commentaire du Magnificat :

« Que la douce Mère de Dieu elle-même obtienne pour moi l’esprit de Sagesse pour que je puisse exposer et expliquer ce cantique de Marie... Que Dieu vienne à notre aide ! »

            M. Luther poursuit :

« Rien ne saurait plaire à Marie comme d’aller ainsi par elle à Dieu, comme d’apprendre par son exemple la confiance et l’espoir... même si nous devions connaître le mépris et l’humiliation, soit dans la vie soit dans la mort. Ce qu’elle veut ce n’est pas que nous allions à elle, mais que, par elle, nous allions à Dieu. »[37]

 

            Luther exprime à sa façon la coopération de Marie à notre vie spirituelle, à notre retour à Dieu, Marie est avocate dans le sens où elle intercède et « obtient pour moi » et elle est médiatrice puisque « par elle » nous allons à Dieu.   En invitant à prier et à vivre « par Marie », Luther, comme Montfort et la grande tradition catholique et orthodoxe, ne suggèrent-ils pas qu’on ne coopère pas si facilement avec Dieu et qu’il nous faut penser notre coopération à l’intérieur de celle de Marie ?[38]

           

            Ajoutons que les commentateurs ont remarqué[39] que la mystique de Luther se vit avec une théologie de la croix sans théologie de la gloire, c’est-à-dire sans jouissance béatifiante de Dieu pendant la vie terrestre.

            Retrouver la mystique mariale, c’est redécouvrir que le Christ nous invite à le suivre jusqu’en sa résurrection, parce que, comme le dit Origène, l’épouse immaculée n’a rien qui la retienne dans la mort[40].

 

            Les commentateurs ont aussi remarqué[41] que chez Luther, la justification par la foi personnelle (l’expérience d’entendre « tes péchés te sont remis ») vide la personne de toute consistance métaphysique : elle n’existe véritablement que dans l’acte d’être sauvée.

            L’étude des sources juives nous donnera du recul. Nous comprendrons qu’il s’agit bien d’un salut par la foi, mais que la consistance métaphysique de toute personne humaine est rappelée chaque fois que l’on évoque le Sinaï : le peuple est un réel partenaire de l’Alliance. Cependant, les traditions juives sont variées, et certaines sources valorisant très peu la responsabilité humaine semblent nourrir la position de Luther ; il reste à savoir comment les premiers disciples de Jésus se situaient face à de telles traditions.

 

 

 

 

La connaissance des théologies juives éclaire le débat sur les fonctions de Marie

            Les notions de rédemption et de coopération s’inscrivent au plus profond de l’histoire d’Israël. Malgré cela, les difficultés œcuméniques se concentrent surtout sur le titre de corédemptrice ou l’idée de coopération au salut. Pour avancer, il est toujours bienfaisant de s’appuyer sur des sources communes. Marie hérite de la foi d’Israël, elle en est l’expression. « Elle occupe la première place parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur qui espèrent et reçoivent le salut de lui avec confiance. »[42] Vatican II cite à cette occasion l’Ancien Testament, mais c’est aussi les sources juives qu’il faut connaître et discerner. Si les premiers disciples de Jésus étaient juifs, il y a aussi une part du judaïsme qui a rejeté la révélation chrétienne. Dans le pluralisme de la société juive, la Vierge de Nazareth s’est positionnée d’une certaine façon.

            Une grande variété de points de vue s’exprime dans les enseignements des sages relatifs à la rédemption et à la coopération à la rédemption. Cette diversité ne se limite pas à des nuances de détail mais atteint une opposition qui implique, chez l’un, la complète négation des doctrines de l’autre. Il va sans dire que les positions médianes ne sont pas absentes non plus.[43]

            La compréhension de la pluralité des théologies juives est une clé pour clarifier ou débloquer certains points du dialogue œcuménique contemporain.

 

Le pluralisme juif a atteint une opposition

            Les pensées juives écrites dans les premiers siècles de notre ère avaient déjà leurs adeptes au temps de Jésus. Et il est possible de schématiser l’existence de (deux) types de raisonnements qui ont pu coexister au temps de Jésus et de Marie, la mère de Jésus[44], et, sans que nous en ayons toujours conscience, ils peuvent encore nourrir certaines théologies à l’intérieur de l’Eglise (mais en s’écartant de ce qui a fait le christianisme !).

           

            Il y a ceux qui considèrent que le péché de l’humanité n’a pas produit de rupture avec Dieu. Ils ont tendance à considérer que l’humanité, ou le peuple juif, ou le sanhédrin, possèdent suffisamment de lumière pour se comporter bien. La loi, le Shabbat, la présence divine dans le temple, tout cela suffit au salut.

            La Rédemption est alors réduite à une intervention divine à la fin des temps.

            Ou bien, la Rédemption est une œuvre humaine, l’œuvre du peuple juif lui-même.

 

            Il y a ceux qui considèrent que le péché de l’humanité a produit une rupture avec Dieu, on dira que nos yeux sont aveuglés, que la Torah est voilée ou que Dieu, le Saint béni soit-il, se sentant refusé, est remonté au 7° ciel. C’est dans cette ligne que l’on parle de péché originel.

Dans cette tendance, la Rédemption espérée sera une initiative divine, sans forcément oser penser à la venue de Dieu en tant qu’homme parmi les hommes. L’accueil du Christ est possible.

             

            Explicitons les choses.

 

  • Les raisonnements « la Torah suffit ».

            Dieu ne crée pas à partir de rien, mais à partir du tohu-bohu, le chaos ; et Il crée l’homme avec le penchant mauvais et le bon penchant ; l’Esprit Saint est présent dans le peuple et dans la majorité du sanhédrin au point qu’il n’y a plus besoin de prophètes et les miracles, même si on reconnaît leur existence, ne sont pas importants, car tout est donné dans la Torah, le salut vient de sa pratique. Les patriarches l’ont pratiquée. Puisque Dieu a donné sa Torah à Israël, rien ne peut vraiment le séparer de Dieu.

            Ceci concerne de près notre sujet : dans une telle perspective, la coopération humaine est vidée de sa valeur (elle est « sans consistance métaphysique »), et la « corédemption » de Marie ou sa « coopération subordonnée au Christ rédempteur ») serait totalement inutile.

            Continuons notre exploration de cette tendance juive. Si Israël pèche, il a le pardon dans le Temple où Dieu maintient sa Shekhinah, sa présence. C’est ce courant de pensée qui va dominer le judaïsme après la chute du Temple en l’an 70 mais cette tradition a déjà commencé bien avant (et transparaît durant le procès de Jésus).

            On lit cette opinion par exemple ici :

 

« Dans lequel j’habite. Choyé est Israël car même s’ils sont impurs, la Shekhinah est au milieu d’eux. Comme il est dit (Lc 16, 16) : habitant avec eux au milieu de leurs impuretés. [...] Rabbi Nathan dit : choyé est Israël parce qu’en tout lieu où ils furent exilés, la Shekhinah fut avec eux... »[45]

 

            Le Temple suffit à pardonner les péchés. C’était au temple qu’officiait Zacharie le père de Jean Baptiste, que l’évangile de Luc qualifie de juste. Mais Jean le Baptiste se distancie de son père, il s’en va baptiser au Jourdain... Saul, avant qu’il ne devienne l’apôtre saint Paul, condamnait les chrétiens en toute bonne conscience : le Christ et le diacre Etienne n’avaient pas à parler de temple non fait de main d’homme. Mais après sa conversion, Saul, devenu saint Paul, prêche le pardon en Jésus. On le voit, l’opinion « Le temple suffit à pardonner les péchés » était présente au temps du Christ, mais cette opinion ne peut pas se maintenir dans le christianisme.

 

            Toujours dans ce courant d’opinion, est attendu le « prophète comme Moïse » annoncé par le Deutéronome (Dt 18, 18), mais on n’attend pas que la Shekhinah revienne puisqu’on considère qu’elle est là.

            On peut s’intéresser à un messie, mais sans attendre qu’il change la nature spirituelle du monde : on n’attend pas à proprement parler un "Rédempteur" personnel. L’attente messianique est surtout politique.

            Lorsque Jésus prétend pardonner hors du temple et apporter une Torah venue du ciel, il n’est pas reçu par ce courant du judaïsme. Il est encore moins reçu s’il se présente comme la Shekhinah, la présence de Dieu, de Celui qui EST, et qui descend du Ciel.

            Si nous voulons rejoindre les disciples de Jésus, il nous faut quitter les raisonnements « la Torah suffit », raisonnements qui non seulement ferment les cœurs à Jésus, mais vident aussi la coopération humaine de son sens.

 

  • Des courants qui attendent "l’ouverture du ciel".

            Pour d’autres courants, parfois appelés « les courants apocalyptiques », « ouverts à une révélation du Ciel », Dieu crée à partir de rien.

            Le mal, la souffrance et la mort viennent du péché, un péché qui dépasse Israël et tous les hommes, un péché « originel », « mémorial » (mais qui est venu après la création où l’homme a été créé bon, et très bon, Gn 1, 31). Seul Dieu peut guérir cette blessure et vaincre ce Mal (la Torah et le Temple ne suffisent pas). On attend l’ouverture du ciel, l’action divine !

 

Voici des textes de cette tendance :

« Et ne souillez pas la terre où vous habitez. L’Ecriture dit que l’effusion de sang rend impure la terre et fait cesser la Shekhinah.»[46]

 

« Le saint, béni soit-il, pleura et dit :

Malheur à moi, qu’ai-je fait ! J’ai fait que la Shekhinah descende pour Israël, et maintenant qu’ils ont péché, je suis retourné à mon lieu d’origine. »[47]

 

Ou encore :

« Il a créé l’homme et lui a dit : Tu peux manger de tous les arbres, mais de l’arbre du bien et du mal, tu n’en mangeras pas. Et il transgressa son commandement.

Ainsi, J’ai désiré qu’il y ait sur terre une habitation comme elle est dans le ciel. Je t’ai commandé une seule chose mais tu ne l’as pas gardée.

Aussitôt, le Saint, béni soit-il, a fait disparaître sa Shekhinah...

Ils entendirent la voix d’Adonaï qui marchait dans le jardin parce qu’ils avaient transgressé ses commandements. La Shekhinah est partie dans son premier ciel.

Caïn se leva et tua Abel, aussitôt la Shekhinah s’en alla dans le deuxième ciel. J’ai fait sept cieux.

Mais après cela, que fit-il ? Il doubla les générations et aux générations mauvaises, il opposa les générations bonnes.

Enfin vint Abraham qui se distingua par de bonnes choses. Et le Saint, béni soit-il, descendit du septième ciel vers le sixième. »[48]

 

            Nous constatons que ces textes qui attendent « l’ouverture du ciel » sont aussi des textes où la responsabilité humaine (la coopération au salut) est très importante ! Caïn ferme les cieux et éloigne le Seigneur Dieu, Abraham ouvre les cieux et fait descendre le Seigneur Dieu !

           

            Un autre texte de cette tendance associe lui aussi la responsabilité humaine et l’attente d’une nouvelle révélation (ouverture du ciel) : quand Israël obéit, il est sauvé (le mauvais penchant est extirpé), quand il recule et s’affole, Dieu s’éloigne (il ne baise plus des baisers de sa bouche, c’est-à-dire de sa Parole), mais cet éloignement n’est pas pour toujours : Israël attend et espère !

 

« Lorsque Israël entendit : Tu n’auras pas [d’autre dieu], le mauvais penchant fut extirpé de leur cœur.

Puis ils vinrent à Moïse et lui dirent :

Moïse, notre maître, sois un émissaire entre nous, selon les mots : Toi parle avec nous, et nous entendrons. Pour quelle raison devrions-nous mourir ? Quel avantage y aura-t-il à ce que nous périssions ?

Aussitôt le mauvais penchant reprit sa place.

Ils retournèrent alors à Moïse et lui dirent : Moïse, notre maître, ne peut-il se révéler à nous une seconde fois, que ne peut-Il « m’embrasser des baisers de sa bouche... » !

Il leur répondit : Cela ne se produira pas maintenant, mais dans les temps à venir, selon les mots : Et je retirerai de votre chair le cœur de pierre (Ez 36, 26). »[49]

 

            Dans la relation entre Dieu et les hommes, qui est une relation d’Amour, quand l’homme pèche, Dieu ne s’impose pas à celui qui le refuse et il se retire, on dit alors que le temple et la Torah sont voilés, ils sont « au Ciel ».

            On attend donc le dévoilement du pardon (le temple céleste) et de la Torah. Le salut ne peut venir que de l’ouverture du Ciel. (Par respect pour Dieu, les Juifs ne parlent pas de l’intervention de Dieu mais de l’ouverture du Ciel). C’est pourquoi aussi les prophètes sont valorisés, ainsi que les voix célestes et les miracles qui confirment les prophètes.

 

            La prophétie du Deutéronome : « Je leur susciterai un prophète semblable à toi [= à Moїse].» (Dt 18,18) donne lieu à une attente d’un véritable "rédempteur" personnel. Il y a parfois deux figures pour le rédempteur ; ces deux figures se confondent finalement en un seul personnage.

 

            On ne met pas l’accent sur les œuvres (la Torah qui définit la justice est en effet voilée aux cœurs enténébrés) : l’homme et la femme méritent par la foi (une foi qui ne va pas sans des bonnes œuvres correspondantes).

Nous lisons par exemple :

« Shemaya dit :

Elle a suffi la foi dont Abraham leur père a cru en moi pour que je leur fende la mer. Comme il est dit (Gn 15, 6) : "Il crut en YHWH et il le lui compta comme justice".

Abtalion dit :

Elle a suffi la foi par laquelle ils (les Israélites) ont cru en moi pour que je leur fende la mer. Comme il est dit (Ex 4, 31) : "Le peuple crut et ils entendirent". »[50]

 

  On attend un nouveau pardon (par le Temple céleste, « non fait de main d’homme ») et on attend un dévoilement (ou « accomplissement ») de la Torah céleste. Le salut ne peut venir que de « l’ouverture du ciel».

 

            Cette « ouverture du ciel » se lit dans les récits du Nouveau Testament par la venue d’un ange à l’Annonciation et au moment de la Nativité du Christ, c’est aussi une « ouverture du ciel » lorsqu’une voix céleste se fait entendre lors de son baptême au Jourdain, lors de sa transfiguration, et peu avant sa Passion. C’est encore une « ouverture du ciel » lors de la Pentecôte sur les disciples réunis au cénacle, quand des langues de feu descendent sur chacun d’eux. C’est encore une « ouverture du ciel » lorsque le Christ apparait à Saul qui se convertit.

 

            C’est donc dans la continuité de la théologie primitive que s’inscrit le message d’Amsterdam, avec d’une part le titre de « corédemptrice » qui souligne la responsabilité humaine et d’autre part son insistance sur la prière pour recevoir le don de l’Esprit Saint : « Demandez tous, qui et quoi que vous soyez, que vienne le vrai, le Saint Esprit. Cela, vous devez le demander au Père et au Fils.» (31 décembre 1951).

 

Le péché originel : des sources juives à l’Immaculée conception

            Pour la plupart des sages juifs, le récit de Genèse 3 (Adam et Eve chassés du Paradis) n’est pas un récit du péché originel. Pour la pensée majoritaire, la mort seule est venue avec le péché d’Adam, non le caractère inévitable du péché.

            Mais il existait une autre pensée qui, sans avoir élaboré la théologie du péché originel, n’était cependant pas satisfaite de cette explication. Cette autre pensée n’est parfois lisible qu’au travers des polémiques[51].

            L’existence d’un ton polémique indique soit une opposition entre Juifs et chrétiens, notamment contre saint Paul (Rm 5), soit une opposition interne au judaïsme, le courant minoritaire étant progressivement effacé des sources juives.

            Ainsi,

 

  • Pour les uns, la mort seule est venue avec le péché d’Adam, non le caractère inévitable du péché.

            Ben Sirac[52] déclare "d’une femme est venu le péché et à cause d’elle nous mourons tous" (Si 25, 28). Ben Sirac déclare seulement que l’iniquité vint dans le monde par une femme et qu’à cause d’elle la mort devint réalité, mais le concept de péché originel et le caractère inévitable du péché ne pénétra jamais son esprit. Au contraire, dans un autre endroit, il dit expressément : "Dieu créa l’homme dès le commencement et le plaça entre les mains de son yetser. Si tu le veux, tu garderas les commandements et c’est sagesse que d’agir selon sa volonté. Et si tu mets ta foi en lui, tu vivras." (Si 15, 14-15).

            Toujours pour Ben Sirac, la mort est une mort naturelle : "Toute chair s’use comme un vêtement, la loi éternelle c’est qu’il faut mourir." (Si 14, 17). L’épisode d’Adam et Eve ne fait que marquer le temps où la mort est devenue réalité. La mort seule est venue avec le péché d’Adam, non le caractère inévitable du péché[53].

             

            Une baraïta a parfois été considérée comme une illustration de la théorie du péché originel.[54] Selon cette baraïta, « quatre moururent du fait du serpent : Benjamin, fils de Jacob ; Amram, père de Moïse ; Jessé, père de David ; et Kileab, fils de David. »[55]

            Mais premièrement, dans ce texte la mort seule est venue avec le péché d’Adam, non le caractère inévitable du péché.

            Deuxièmement, dans la restriction des effets du premier péché au sort de quatre personnages d’importance secondaire, la doctrine du péché originel est ridiculisée : elle concernerait seulement quatre humains ![56]

           

            En fait, chez les sages juifs, apparaît de plus en plus nettement une opposition à la notion de péché originel[57], et donc une fermeture à la compréhension de la rédemption accomplie en Jésus-Christ.

 

  • Mais de graves questions demeurent ouvertes :

            Le postulat qu’il n’y ait aucun homme juste qui ne pèche (Qo 7, 20)[58] soulève un sérieux problème : si la prédestination n’intervient pas, qu’est-ce qui empêche un homme de préserver sa rectitude ? Si le libre-arbitre a été donné aux hommes, et s’il est en leur pouvoir d’être des justes parfaits, pourquoi n’y a-t-il pas plus de justes ? Et pourquoi seraient-ils tous punis « du fait du serpent » ? Pourquoi la mort et l’ange de la mort continuent-ils à régner ? Ou bien l’homme est-il mauvais de naissance et ne peut-il être guéri de l’emprise du mal ? S’il en est ainsi, de qui, ou de quoi, procède ce mal ?

 

  • Dans le judaïsme, un autre type de raisonnement existe, impliquant un changement de la nature de l’humanité après le péché :

            Selon R. Nathan et d’autres sages, le châtiment du serpent a entraîné un changement de sa nature et de ses caractéristiques originelles[59] et la sanction d’Adam consista, non seulement dans le décret de mort, mais dans la perte de ses attributs premiers, et l’on pourrait presque dire que, de même qu’Adam amena « la mort à ses descendants », Adam provoqua la détérioration de leur nature[60] et les rendit inéluctablement enclins au péché.[61]

            L’expression stéréotypée « mauvais penchant » (yetser ha-ra) pour signifier l’opposé du « bon penchant » (yetser ha-tov) fut forgée par de tels sages.

            (Notons, contre le manichéisme, que ces sages ne pensent absolument pas que « le mauvais penchant » siège dans le corps et que le « bon penchant » réside dans l’âme[62]).

            L’enseignement des sages opéra dans une certaine mesure une personnification du mauvais penchant, avant même qu’il ne soit assimilé, comme il le fut par l’Amora Reish laqish, à Satan ou à l’ange de la mort.

            Certains sages juifs vont jusqu’à dire (ce qui pose d’énormes problèmes logiques) que le mauvais penchant fut créé par Dieu[63], et il fut donné à l’homme le pouvoir de le dominer.

« Ainsi le Saint, béni soit-il, dit à Israël : Mes enfants, J’ai créé pour vous le mauvais penchant [mais, en même temps] J’ai créé la Torah pour le subjuguer. Tant que vous vous consacrerez à la Torah, il ne vous subjuguera pas. »[64]

 

  • Un vigoureux appel à la miséricorde existe déjà chez les Tannaïm.

            Les Tannaïm sont proches de l’époque du Christ. Et, dans ces textes, on trouve des appels à la miséricorde qui ne se comprennent que dans la perspective d’un changement de la nature de l’humanité après le péché.

            Le Tanna Rabbi Néhémiah sollicite l’attribut divin de la miséricorde. Le mauvais penchant a été brièvement extirpé au moment de la révélation au Sinaï et puis il a repris sa place. Le peuple supplie. Mais le mauvais penchant ne sera extirpé que dans les temps à venir, selon les mots « Et je retirerai de votre chair le cœur de pierre. » (Ez 36, 26).

 

« Lorsque Israël entendit : Tu n’auras pas [d’autre dieu], le mauvais penchant fut extirpé de leur cœur.

Puis ils vinrent à Moïse et lui dirent :

Moïse, notre maître, sois un émissaire entre nous, selon les mots : Toi parle avec nous, et nous entendrons. Pour quelle raison devrions-nous mourir ? Quel avantage y aura-t-il à ce que nous périssions ?

Aussitôt le mauvais penchant reprit sa place.

Ils retournèrent alors à Moïse et lui dirent :

Moïse, notre maître, ne peut-il se révéler à nous une seconde fois, que ne peut-Il m’embrasser des baisers de sa bouche... !

Il leur répondit :

Cela ne se produira pas maintenant, mais dans les temps à venir, selon les mots : Et je retirerai de votre chair le cœur de pierre (Ez 36, 26). »[65]

 

            On perçoit ici très nettement une origine commune aux théologies juives et chrétiennes :

            L’attente de l’accomplissement d’Ez 36, 26 ouvre les cœurs aux gestes forts de Jésus tels que la guérison de l’aveugle qui va se laver (Jn 9), la pierre qu’il fait enlever pour faire sortir Lazare du tombeau (Jn 11,38) ou l’eau qui jaillit du cœur transpercé de Jésus (Jn 19, 34).

            Attention cependant, pour certains sages juifs, la rédemption n’est pas liée à un rédempteur personnel (Jésus), mais ils attendent une intervention de Dieu à la fin des temps.

            Attention aussi, la miséricorde divine ne dispense jamais l’homme du combat spirituel.

 

  • Eclairage sur la coopération de Marie.

            La théologie juive qui accueille la révélation chrétienne est celle de l’appel à la miséricorde divine et de la conscience douloureuse de vivre dans une certaine obscurité, dans une certaine absence de Dieu, avec l’espérance que le Seigneur accomplisse sa promesse Et je retirerai de votre chair le cœur de pierre. Afin que chacun puisse dire qu’Il vient m’embrasser des baisers de sa bouche... !

            Cette théologie juive prépare Marie, fille de Sion, immaculée :

-à se comprendre elle-même comme étant bénéficiaire de la Rédemption,

-à comprendre l’Incarnation comme un baiser divin à l’humanité,

-et à comprendre sa propre capacité à coopérer à la Rédemption comme un don de la miséricorde divine qui lui a rendu proche le Seigneur Dieu.

 

            Saint Augustin († 430), se rend compte que la condition de Marie sans faute, mère d’un Fils complètement saint exige une pureté totale et une sainteté extraordinaire. C’est pourquoi, dans la controverse avec Pélage, il confirme que la sainteté de Marie constitue un don exceptionnel de la grâce, et il affirme :

« Nous faisons une exception pour la Sainte Vierge Marie dont, pour l’honneur du Seigneur, je ne veux que d’aucune manière on ne parle quand il s’agit de péchés: ne savons-nous pas peut-être pourquoi une grâce plus grande lui a été conférée en vue de vaincre complètement le péché, elle qui a mérité de concevoir et d’enfanter Celui qui manifestement n’eut aucun péché? »[66]

            Saint Augustin confirme la sainteté parfaite de Marie et l’absence en elle de tout péché personnel au motif de la dignité sublime de Mère du Seigneur. Cependant il ne réussit pas à saisir comment l’affirmation d’une absence totale de péché au moment de la conception pût être conciliée avec la doctrine de l’universalité du péché originel et de la nécessité de la rédemption pour tous les descendants d’Adam.

            C’est Duns Scot († 1308) qui explique l’Immaculée conception de Marie comme une rédemption non pas par réparation mais par « préservation » du péché originel.

            Saint Augustin est donc incomplet, mais, dans le texte cité, il est remarquable qu’il ait observé que la grâce faite à Marie amène un rôle actif de Marie : une grâce plus grande lui a été conférée en vue de vaincre complètement le péché.

            Cette doctrine correspond bien à ce courant du judaïsme qui s’ouvre au Christ rédempteur par un vigoureux appel à la miséricorde et qui comprend aussi la coopération à la rédemption, comme un don.

            Cette doctrine correspond à l’enchaînement des termes Immaculée Conception (don reçu) et Corédemptrice (réponse au don, action) que nous lisons dans le message d’Amsterdam : « Car, étant l’Immaculée Conception, elle est de ce fait la Corédemptrice, Médiatrice et Avocate. » (4 avril 1954)

           

Le juste : des sources juives à la coopération objective de Marie

            Pour un chrétien, le juste par excellence, le seul qui mérite la Rédemption et soit le Rédempteur du « péché originel », c’est Jésus.

            Aux autres justes, la mère de Jésus et tous les saints, la foi chrétienne attribue volontiers les autres rôles que la tradition juive attribue aux justes : mériter un bienfait ; plaider la cause des hommes à l’heure du jugement ; continuer d’avoir une influence bénéfique après leur mort.

            En effet, dans la tradition juive, à côté du Messie ou du Rédempteur personnel, il y a place pour d’autres personnages, des « justes »[67], qui ont un rôle sans aucun doute secondaire mais pas pour autant négligeable.

 

            Le juste est pilier du monde :

            Du verset « Le juste est le fondement du monde » (Pr 10, 25), les Tannaïm inféraient déjà qu’un seul juste équivaut au monde tout entier[68].

            R. Hiyya bar Abba transmet au nom de R. Yohanan :

« Aucun juste ne peut quitter ce monde avant qu’un autre juste ne soit créé, selon le verset : Le soleil se lève, le soleil se couche - avant que n’ait disparu le soleil d’Eli, le soleil de Samuel de Rama s’était levé. »[69]

            Et ailleurs :

« R. Hiyya bar Abba dit en outre au nom de R. Yohanan : Un seul juste suffit à maintenir l’existence du monde, selon le verset, Le juste est le fondement du monde. »[70]

 

            Le juste amène un influx de bienfaits :

            Genèse Rabba prend l’exemple de Noé :

« Lorsque le saint, béni-soit-Il, créa l’homme, il lui conféra la souveraineté sur toute chose : la vache se pliait à la volonté du laboureur, la porte obéissait au menuisier. Mais après que l’homme eut péché, Dieu les fit se rebeller contre lui : la vache n’obéissait plus au laboureur, ni la porte au menuisier. Toutefois, lorsque vint Noé, à nouveau ils se soumirent. »[71]

 

            Ce thème se retrouve fréquemment[72]. Les thèmes de la aggada [= récit] apocryphe de Noé réapparaissent dans les commentaires des Amoraïm [des sages plus tardifs] sur la naissance d’Isaac et de Moïse :

« Le jour où naquit Isaac, le Saint, béni soit-Il, rendit la lumière de la sphère solaire quarante-huit fois plus intense. »[73]

 

            Autres rôles du juste :

            Le juste fait des reproches aux méchants[74]

            Le juste plaide la cause de ses semblables à l’heure du jugement[75]

            L’activité du juste et l’influence de ses mérites ne cessent pas après sa mort[76].

 

            Eclairages sur la coopération de Marie à la Rédemption :

            D’après l’Ancien Testament, Dieu est appelé « Rédempteur », sans que la pleine mesure de ce qu’est la Rédemption n’ait été encore perçue.

            Cependant, le juste de l’Ancien Testament peut déjà être dit « corédempteur » au sens où il mérite des bienfaits et, peut-être, la venue du Rédempteur personnel (si l’on se situe dans les variantes de la théologie juive qui attendent un Rédempteur personnel).

            Le juste peut être dit intercesseur ou avocat, médiateur en quelque sorte. Nous voyons que la doctrine mariale sur sa « corédemption » au sens où l’entendaient la majorité des théologiens au début du XX° siècle (la coopération objective de Marie) n’a rien de choquant. Si les appuis scripturaires peuvent paraître maigres, la doctrine sur la coopération de Marie n’est pas une pure spéculation : elle s’enracine dans une tradition juive qui a porté l’accueil du Christ.

            Ce développement offre donc un éclairage direct sur l’éventuel dogme « Corédemptrice, Médiatrice, Avocate ». Marie immaculée apparaît comme la « juste » qui a une responsabilité active dans la venue d’un Rédempteur personnel.

 

            Autres opinions juives :

            Précisons encore que le judaïsme est un pluralisme d’opinions.

            Pour les Chrétiens, le juste Jésus devient parole vivante.

            Cependant, pour une partie des Juifs, la Torah et le cercle des sages dominent (et jugent) le juste. En effet, dans la tradition juive tardive (Amoraim), paradoxalement, ceux qui ont fait bénéficier la communauté de leurs mérites vont être eux-mêmes envoyés étudier la Torah : « Et Abraham retourna auprès des jeunes gens - où était donc Isaac ? [Abraham] l’envoya auprès de Shem pour étudier la Torah. »[77] Ce qui signifie que le rôle majeur du juste devient subordonné au rôle de la Torah et du cercle des sages qui en fixent l’interprétation. Cette théologie juive qui n’a pas accueilli le Christ rédempteur ne doit pas inspirer la théologie chrétienne. Le chrétien ne juge pas la révélation chrétienne à partir d’un simple consensus intellectuel et scientifique, mais il s’ouvre toujours à la révélation d’en haut, au prophétisme, à la mystique. (Et une apparition mariale relève du prophétisme).

 

Les causes, les mérites, le but ultime : des sources juives au discours marial.

            Nous avons montré comment, selon la tradition juive, un juste peut mériter, c’est-à-dire attirer une présence ou une grâce divine. Nous élargissons l’horizon : le Seigneur ne donne pas seulement ses grâces en considérant les justes du passé ou du présent : il va jusqu’à anticiper l’avenir[78].

            Prenons un exemple : quelle est la cause de la traversée miraculeuse de la mer rouge ? Est-ce le mérite d’Abraham [solution 1] ? Est-ce le mérite du peuple [solution 2] ? ou est-ce parce que le Seigneur décide de donner cette grâce « en vue » du mérite de la Jérusalem future [solution 3] ?

            La tradition juive accepte les trois solutions (notons au passage que le mérite peut consister simplement dans l’acte de foi).

 

 « Shemaya dit :

La confiance que notre père Abraham mit en Moi suffit pour que Je partage la mer pour eux, selon les mots : Et il crut en YHVH, et cela lui fut imputé à justice (Gn 15,6). [Solution 1]

Avtalyon dit :

Il suffit qu’ils aient confiance en Moi et cru fermement que J’allais partager la mer pour eux, selon les mots : Et le peuple crut et quand ils entendirent... (Ex 4, 31) [Solution 2] »[79].

 

            Mais il existe une autre opinion qui attribue les évènements au mérite des grandes actions à venir : ainsi Dieu ne partage pas la mer en vertu du mérite d’Abraham ou du peuple présent à ce moment-là, mais en vertu du but ultime, la réalisation de Jérusalem :

« Pourquoi cries-tu vers Moi ? - en vertu (ou par le mérite) de Jérusalem Je partagerai pour eux la mer... »[80]

           

            Le Tanna R. Néhémiah déclare que "les Israélites sortirent d’Egypte en raison de la Torah qu’ils allaient recevoir."[81] [Solution 3]

           

            Le Tanna R. Yehudah ben rabbi Ilea’ï explique pourquoi Nathan dit à David que ce n’est pas lui qui construira le Temple :

« [...] Le saint, béni soit-il, répondit : Il M’est dévoilé qu’Israël est destiné à pécher et je donnerai libre cours à Ma colère en la déchaînant contre le sanctuaire et en le détruisant, mais les Israélites seront sauvés. »[82]

            Ainsi ce ne sont pas les actions de David qui empêchèrent qu’il construise le Temple, mais le sort de son peuple dans un avenir lointain. [Solution 3]

 

Toutefois, l’homme ne doit jamais se préoccuper lui-même de cet avenir :

« Qu’as-tu à te préoccuper des mystères du Miséricordieux ? Tu dois faire ce qui t’est ordonné et ce qui est Sa volonté adviendra. »[83]

 

Cette richesse théologique, ou cette « pluralité des causes », se retrouve aussi dans la pensée chrétienne.

Prenons un premier exemple : le miracle de Cana (Jn 2, 1-12), premier et prototype de tous les signes de Jésus[84].

- On peut dire que ce miracle est causé par le mérite des pères, en incluant Marie parmi les mères en Israël, elle a le mérite de prévenir son fils du manque de vin et la foi de sa prière est méritante.

- On peut dire que ce miracle est causé par le mérite du peuple, en particulier les servants qui remplissent d’eau les jarres jusqu’au bord.

- On peut dire que ce miracle est causé par ce qui doit advenir dans le futur, notamment la prédication de Jésus qui donnera « le vin de la Torah messianique », puis, quand l’heure sera venue, le vin de son sang et de l’eucharistie.

           

            Prenons un second exemple : l’incarnation est causée par Dieu qui voit ce qui doit advenir : la rédemption par son Fils Jésus. Elle est aussi causée par la réponse de Marie et par sa foi (Lc 1, 38).

           

            Et un troisième exemple : l’Immaculée conception est causée par anticipation des mérites du Christ[85]. L’argument de Duns Scot (1308) est en fait – mais pouvait-il le savoir ? – la reprise d’un mode de pensée judaïque.

 

            C’est cette pluralité des causes, typique de la pensée juive, qui permet d’accueillir l’étonnante chronologie du message donné à Amsterdam le 5 octobre 1952, un message qui justement reprend la prononciation juive du prénom de Marie, Miryam :

 

« Le Père a envoyé le Seigneur Jésus-Christ comme Rédempteur pour tous les peuples. Rédempteur, le Seigneur Jésus-Christ l’était dès le début. Il l’est devenu par son sacrifice et quand Il est parti auprès du Père. Miryam ou Marie est devenue la Servante du Seigneur, choisie par le Père et le Saint Esprit. De par cette élection, elle a été, dès le début, la Corédemptrice, Médiatrice et Avocate de tous les Peuples. C’est seulement au moment du départ de l’Homme-Dieu, le Seigneur Jésus-Christ, qu’elle est devenue la Corédemptrice, Médiatrice et Avocate. » (5 octobre 1952)

 

            Dans ce message très dense,

  • Jésus est dit Rédempteur dès son Incarnation (c’est une doctrine expliquée par les pères de l’Eglise[86]).
  • Marie est « devenue la Servante du Seigneur », après, c’est-à-dire par la grâce du sacrifice du Christ qui, en lui donnant la grâce de l’Immaculée conception, l’a rendu capable d’une adhésion parfaite et d’être la Servante du Seigneur.
  • Marie est dès le début Corédemptrice, Médiatrice et Avocate : dès le début, c’est-à-dire dès sa conception. Pour parler comme le judaïsme, elle fait partie (d’une manière éminente) des justes qui attirent la rédemption.
  • Marie est « devenue » Corédemptrice, Médiatrice et Avocate « seulement au départ de l’Homme-Dieu », parce qu’elle est ce qu’elle est par la grâce du sacrifice rédempteur, et en vue de l’Eglise qui naît dans le mystère pascal.

 

La théologie mariale doit opérer un choix

            N’ayons pas peur de voir qu’entre le judaïsme et le christianisme, il y a continuité et rupture. Une continuité car Jésus n’est pas venu pour abolir la loi de Moïse mais pour l’accomplir (Mt 5, 17). Une rupture et une conversion comme disait Pierre aux Juifs après la Pentecôte : « convertissez-vous ! » (Ac 3, 19) Et Saul est devenu Paul…[87]

            Nous clarifions la théologie mariale en ayant conscience de quelles « continuités » et de quelles « ruptures » elle tient.

 

-1-

            La théologie juive fermée au Christ rédempteur considérait suffisante la loi actualisée par les sages du sanhédrin, et elle minimisait la responsabilité humaine puisque quoique l’on fasse, D.ieu était présent dans le temple et pardonnait.

            Cependant, la théologie juive ouverte à l’accueil du Christ rédempteur valorisait la responsabilité humaine (le refus humain peut faire partir le Seigneur au 7° ciel, laissant le monde dans les ténèbres) et en même temps appelait une descente du Seigneur et de sa grâce.

            C’est pourquoi une doctrine mariale correcte doit au minimum :

  1. Valoriser la responsabilité humaine : le refus humain peut faire « partir » le Seigneur au 7° ciel, laissant le monde dans les ténèbres ; inversement, le juste peut « attirer » le Seigneur et ses bienfaits.
  2. Appeler une descente du Seigneur et de sa grâce pour mener à bien le combat spirituel.

 

            La théologie mariale contenue dans les messages d’Amsterdam correspond très bien à ces éléments de doctrine. Par exemple, le message du 28 mars 1948 parle de la responsabilité humaine (l’équité, l’amour, et la justice que les hommes doivent pratiquer) aussi bien que de la grâce (une source où tous pourront se laver). Et le message du 31 décembre 1951 contient à la fois le titre corédemptrice et l’appel à invoquer le don de l’Esprit Saint.

 

-2-

            Les diverses tendances de la pensée juive ont chacune leurs conséquences sur la vision du combat spirituel.

            Si l’on considère que la faute d’Adam a introduit la mort sans corrompre la nature humaine, alors on élabore un plan de combat spirituel fondé sur les forces humaines. Il n’y a pas besoin de Jésus comme Fils de l’homme (nouvel Adam) et comme Rédempteur.

            Si l’on considère que la faute d’Adam a introduit non seulement la mort mais aussi une inclination au mal, alors le combat spirituel comporte en priorité une demande de la grâce divine.

 

            Avec l’arrivée du Christ rédempteur, la primauté de la grâce divine devient nette et la conscience de l’action satanique devient précise. Il n’est pas possible d’être chrétien sans avoir conscience que la Grâce nous est nécessaire.             « Nous demandons à Dieu qu’il ne nous permette pas d’emprunter le chemin qui conduit au péché. Cette demande implore l’Esprit de discernement et de force; elle sollicite la grâce de la vigilance et la persévérance finale. Dans la dernière demande, "mais délivre-nous du Mal", le chrétien prie Dieu avec l’Eglise de manifester la victoire, déjà acquise par le Christ, sur le "Prince de ce monde", sur Satan, l’ange qui s’oppose personnellement à Dieu et à Son dessein de salut. »[88]

            La Vierge Marie a vécu aussi un combat spirituel, par exemple quand, alors même qu’il est déjà menacé de mort (Mc 3, 6), Jésus l’invite à faire la volonté du Père (Mc 3, 31-35). L’aide du Saint béni-soit-il se manifeste dans le nom même avec lequel l’ange Gabriel s’était adressé à Marie, « Pleine de grâce » (Lc 1, 28), et Marie est restée fidèle à cette grâce.

            Le message d’Amsterdam nous enseigne que c’est « parce qu’elle est l’Immaculée conception », et par conséquent, parce qu’elle a été fidèle à la grâce, qu’elle est devenue « Corédemptrice, Médiatrice et Avocate » (4 avril 1954).

            Les messages d’Amsterdam décrivent le combat spirituel actuel comme une lutte contre la « corruption ». Dans le combat spirituel, la Grâce est nécessaire, et Marie se présente comme la médiatrice de la « Grâce », non seulement pour les chrétiens mais aussi pour tous les peuples. Nous lisons par exemple :

« Le monde est dans un état de corruption tel qu’il était nécessaire que le Père et le Fils m’envoient en ce monde parmi tous les peuples pour, en tant qu’Avocate, venir et sauver. Dis-le aux théologiens. » (29 avril 1951).

 

            Ce message du 29 avril 1951, ne dit pas que la Dame se substitue au Christ Sauveur. Ce message ne dit pas que les hommes puissent être sauvés sans passer par le Christ unique médiateur entre Dieu et les hommes. Le message dit que la Dame sauve en tant qu’Avocate, à la manière par exemple d’un pompier qui sauverait un accidenté en l’amenant au chirurgien. L’état de corruption fait du monde un grand malade ! Et, surtout, si l’on considère, comme ceux qui accueillirent Jésus, que la faute d’Adam a introduit non seulement la mort mais aussi une inclination au mal, alors le combat spirituel comporte en priorité une demande de la grâce divine. Il nous faut Marie Avocate !

 

            Voici un autre message :

« Il est donné à la Dame de tous les Peuples d’accorder aux peuples de ce monde, qui présentent leurs demandes, Grâce, Rédemption et Paix, et elle le fera. Vous tous cependant, vous devez apporter dans le monde entier la Dame de tous les Peuples. » (17 février 1952)

 

            De même que Marie se situe à la charnière de l’Ancien et du Nouveau Testament, elle fait aujourd’hui passer les peuples de la grâce de la préparation à la Rédemption proprement dite. C’est ici qu’il faut à la fois de la « finesse » et de « la largesse d’esprit » comme le disait le message du 15 novembre 1951. La finesse distingue la rédemption en acte (pour les chrétiens) et la rédemption en puissance (pour les non-chrétiens), la largesse de vue les rapproche, sachant qu’un seul regard d’amour maternel embrasse tous les hommes.

 

-3-

            A la lumière de cet approfondissement, les difficultés œcuméniques sur la « coopération de Marie » (selon le langage de Vatican II), ou la « corédemption » (selon le langage d’Amsterdam) prennent une toute autre dimension : il ne s’agit plus sur ce point d’une alternative entre catholiques et protestants, mais d’une alternative entre deux vastes tendances du judaïsme, entre celle qui a conduit à l’accueil du Christ rédempteur et celle qui a conduit à son rejet.

 

Le 4 avril 1954, la Dame dit :

« Me revoici. Écoute bien ! Dès le début, la Servante du Seigneur a été choisie pour être la Corédemptrice. Dis à vos théologiens qu’ils peuvent tout trouver dans les livres. » Je vois alors une vieille bibliothèque pleine de livres. La Dame me la montre du doigt. Elle marque une pause en souriant comme si elle éprouvait un plaisir intérieur. Presque en chuchotant, elle dit : « Je n’apporte pas de nouvelle doctrine. C’est bien les anciennes notions que j’apporte. »

 

            Oui, ce sont bien des anciennes notions ! Des notions qui datent de l’alternative des premiers disciples juifs, quand ils eurent à choisir de croire en Jésus rédempteur.

 

 

Pureté et pauvreté pour recevoir l’Esprit Saint

            Nous avons montré dans l’étude du judaïsme que c’est un même courant de pensée qui valorise la pureté du cœur au point qu’un juste puisse attirer Dieu sur la terre, et qui valorise le don de Dieu dans l’attente de « l’ouverture du ciel ». C’est un même courant de pensée qui valorise le vase pur et le vase vide, la responsabilité humaine et le désir d’un Rédempteur (et de l’Esprit Saint). 

            Pour qu’un vase puisse être rempli par quelque chose, il faut d’abord qu’il soit vide. Plus un vase est pur, plus il est adéquat pour recevoir et transmettre quelque chose de pur. Cette image simple du vase nous fait comprendre que pour recevoir l’Esprit Saint nous devons nous purifier du péché et nous vider de nous-mêmes pour accueillir plus grand que nous-mêmes ; les protestants appellent cela « être vide de notre propre justice ».

            Marie peut être remplie de l’Esprit Saint parce qu’elle est vide de sa propre justice, elle se tient dans une attitude de prière et de supplication, devant la croix de Jésus, et elle nous invite à partager son attitude : « Prie donc devant la croix : Seigneur Jésus-Christ, Fils du Père, envoie à présent Ton Esprit sur la terre… » (11 février 1951). Peu après, elle dit : « Je me tiens debout devant la Croix du Rédempteur » (31 mai 1951). Marie est pauvre devant le Christ Rédempteur et devant l’Esprit Saint qu’elle nous demande de prier. Elle est comme un vase vide qui peut être rempli. Marie peut « être remplie » de l’Esprit Saint parce qu’elle est vide de sa propre justice.

  Marie est immaculée, c’est pourquoi elle peut recevoir et transmettre la grâce de l’Esprit Saint. C’est parce que Marie est immaculée qu’elle est aussi la corédemptrice, la médiatrice et l’avocate qui obtient pour nous la grâce de l’Esprit Saint. « Parce que Marie est Corédemptrice, elle est aussi Médiatrice, elle est aussi Avocate. Pas seulement parce qu’elle est la Mère du Seigneur Jésus-Christ, mais – fais bien attention – parce qu’elle est l’Immaculée Conception. Théologiens, je vous le demande : avez-vous encore des objections contre ce dogme ? » (4 avril 1954) « Puis, parlant du Paraclet, l’Esprit Saint, elle ajoute : "Il est le sel. Il est l’eau. Il est la lumière. Il est la force qui a inondé de lumière la Dame. Il est venu du Père et du Fils. De sa force, Il a irradié la Dame de tous les Peuples ; voilà pourquoi elle est en mesure et il lui est donné de vous dispenser la grâce." » (31 mai 1957)

            « Écoutez la Dame qui veut être votre Mère. » (20 mars 1953). Ecouter la Dame, c’est se mettre à sa suite. Un saint compare la maternité spirituelle de Marie à un moule qui forme en nous Jésus-Christ. Il précise : « souvenez-vous qu’on ne jette en moule que ce qui est fondu et
liquide: c’est-à-dire qu’il faut détruire et fondre en vous le vieil Adam, pour devenir le nouveau en Marie. »[89] On sent dans cette image une dimension passive (le moule nous donne la forme) et une dimension active. « Fondre en nous le vieil Adam » est une action de notre volonté. Jésus est entré volontairement dans sa passion. Le disciple lui aussi, a une action volontaire. Marie Madeleine a fait « fondre » sa sensualité de pécheresse et elle a été formée à la pureté mariale. Matthieu a fait « fondre » sa cupidité de publicain et il a été formé à l’amour gratuit. Mais Judas n’a pas fait « fondre » ses désirs de gloire humaine, et il est devenu le traitre. L’accueil de l’Incarnation doit devenir une action volontaire, un travail sur soi avec la grâce de Dieu.  Dieu nous aime responsables.

            Notre responsabilité fait écho à la dimension active du titre marial « corédemptrice ». Tandis que la dimension passive de la vie spirituelle fait davantage écho au thème de Marie « médiatrice » : il s’agit de recevoir…

            Ces considérations nous amènent à considérer comment le 5° dogme nous implique chacun personnellement. Ceci sera rendu plus clair à travers les méditations sur Marie « mère du Fils de l’homme ».

 

La Dame de tous les peuples, la « mère du Fils de l’homme »

            Simple docteur en théologie, je ne suis évidemment en position ni de discerner l’opportunité pastorale d’un cinquième dogme, ni de faire une proposition pour sa formulation. Il me semble simplement que jusqu’à présent nous n’avons pas suffisamment pris en compte le fait que l’apparition se désigne aussi comme mère du « Fils de l’homme ».

 

  • Le 1° avril 1951, la Dame parle :

« C’est comme sacrificatrice que j’ai souffert avec mon Fils ; souffert spirituellement, mais aussi, mais surtout, souffert corporellement. […] Mon enfant : Comme lui a souffert, ainsi moi j’ai souffert, comme Mère du Fils de l’homme. Répète cela exactement ».

 

  • Le 31 mai 1951, l’apparition décrit l’image en utilisant l’expression « Fils de l’homme » :

« Je me tiens debout devant la Croix du Rédempteur : ma tête, mes mains, mes pieds comme ceux de l’homme, du Fils de l’Homme ; mon corps ressortit à la nature de l’Esprit. »

 

  • 17 février 1952, l’apparition reprend le titre de Fils de l’homme et se montre elle-même dans le mystère du Christ (unie à la croix) et de l’Eglise (unie à l’Eglise) :

« La Dame était la Servante du Seigneur. De par la volonté du Père, elle a donné le Fils de l’Homme ; c’est pourquoi, il lui faut être unie à l’Église et à la Croix. »

 

            Le titre « Fils de l’homme » permet un éclairage très utile sur les messages d’Amsterdam[90].

             « Fils de l’homme » est une appellation que Jésus s’est donné lui-même dans un contexte où il veut affirmer sa divinité. Par exemple quand il dit « Le fils de l’homme est maître du Shabbat » (Mc 2, 27-28 ; Mt 12, 8 ; Lc 6, 5). Ou par exemple quand avec ce titre il se présente comme le Juge eschatologique (Lc 12, 8-9). Les Juifs ont bien compris la prétention divine associée au titre « Fils de l’homme », et c’est pourquoi le procès contre Jésus va se condenser sur ce titre (Mt 26, 63-65).

            Jésus annonce sa Passion avec cette appellation « Fils de l’homme », on lit par exemple : « Et il commença de leur enseigner : Le Fils de l’homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter » (Mc 8, 31).

            Jésus annonce aussi la fin des temps, on lit par exemple : « et l’on verra le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire. Et il enverra ses anges avec une trompette sonore, pour rassembler ses élus des quatre vents, des extrémités des cieux à leurs extrémités. » (Mt 24, 30.31)

            L’expression « Fils de l’homme » renvoie au livre de Daniel dans l’Ancien Testament où cette expression désigne un royaume d’humanité qui s’oppose aux royaumes brutaux, l’expression désigne donc un pluriel, une communauté. Le fait que Jésus assume cette appellation indique qu’il veuille nous incorporer en lui jusque dans sa sainte résurrection.     Dans le livre de Daniel, « en tant que tel, le Fils de l’homme (de Daniel 7) ne symbolise pas une figure individuelle, mais il est la représentation du royaume dans lequel le monde parviendra à son but. »[91]

            Ce dernier point nous indique que la mère de Jésus le Fils de l’homme est de manière indissociable la mère de Jésus (figure individuelle) et la mère de son royaume, l’Eglise.

            Benoît XVI, dans son double livre « Jésus de Nazareth », en revalorisant l’appellation que Jésus se donne à lui-même « le fils de l’homme » offre indirectement un nouveau fondement scripturaire à la mariologie conciliaire qui situe Marie d’une manière indissociable « dans le mystère du Christ et de l’Eglise »[92].

 

            L’expression « Fils de l’homme » ne se retrouve pas dans les lettres du Nouveau Testament, mais saint Paul dit que Jésus est le « Nouvel Adam » (Rm 5) : c’est en quelque sorte une traduction de l’idée de Jésus qui en tant que Fils de l’homme rejoint tous les hommes, comme Adam.

            Comme Jésus le Fils de l’homme, (ou, pour le dire comme saint Paul, comme le Christ nouvel Adam), la mère du « Fils de l’homme » rejoint tous les hommes, elle est la « Dame de tous les peuples ».

 

            Nous allons approfondir ces différents aspects.

 

Fils de l’homme : un titre qui dit « royaume »

            Brève explication biblique.

            Jésus parcours le pays en annonçant le règne de Dieu, en annonçant que le royaume de Dieu est là. Une expression qui serait mieux traduite en disant que la souveraineté de Dieu est présente. Par sa présence, Jésus apporte aussi la Seigneurie de Dieu, c’est pourquoi devant lui les démons sont chassés. Jésus compare le royaume à une perle précieuse, mais cette perle, ce royaume, c’est lui. [93]

 

« Le titre "Fils de l’homme" n’existait pas en tant que titre à l’époque de Jésus.

Mais on peut sans doute en voir l’esquisse dans la vision de l’histoire universelle relatée dans le livre de Daniel avec les quatre bêtes et le "Fils d’homme". [...]

Les quatre bêtes représentent un pouvoir reposant avant tout sur la violence, un pouvoir de nature bestiale [...]

L’image du "Fils d’homme" qui arrive "sur les nuées du ciel" annonce un royaume absolument nouveau, un royaume "d’humanité". [...]

En tant que tel, le Fils de l’homme (de Daniel 7) ne symbolise pas une figure individuelle, mais il est la représentation du royaume dans lequel le monde parviendra à son but. »[94]

 

       Nous sommes donc devant une réalité tout à fait nouvelle et surprenante.
Jésus, homme individuel, assume un titre qui désigne un royaume, donc un « collectif ».

            L’image de la vigne et des sarments, que saint Jean est le seul à transmettre (Jn 15, 1-8), est déjà sous-jacente au titre « Fils de l’homme », contenu dans les quatre évangiles. Et il est légitime de penser que toute une série d’affirmations théologiques que l’on trouve dans les lettres apostoliques ne sont qu’une explicitation de ce que Jésus a dit lui-même en se disant « Fils de l’homme » :

 

« Jésus, comme dit saint Paul, par rapport au premier homme qui était et est terrestre, il est le second, l’homme définitif (le dernier), qui vient "du ciel", "esprit vivifiant" (cf. 1Co 15, 45-49).

Il vient, et il est en même temps le nouveau "royaume". Il n’est pas simplement un, mais de nous tous avec lui-même il ne fait "plus qu’un" (Ga 3, 28) : il nous transforme en une humanité nouvelle.

Le cortège entrevu de loin par Daniel ("comme un fils d’homme", Daniel 7) devient une personne, mais étant là pour la multitude, cette personne dépasse les limites de l’individu, embrasse une multitude, et devient avec la multitude un seul corps et un seul esprit (1Co 6, 17).

Telle est la manière de suivre à laquelle Jésus nous appelle : se laisser attirer dans sa nouvelle humanité et ainsi dans la communion avec Dieu.

Pour citer encore une fois Paul : "Puisque Adam est pétri de terre, comme lui les hommes appartiennent à la terre ; puisque le Christ est venu du ciel, comme lui les hommes appartiennent au ciel." (1Co 15, 48).

L’expression "Fils de l’homme" demeure réservée à Jésus lui-même mais la vision nouvelle de l’union entre Dieu et l’homme qui s’y exprime traverse la totalité du Nouveau Testament et la marque de son empreinte. »[95]

 

            Et Jésus veut nous emporter dans sa sainte résurrection, devenant le premier-né d’une multitude de frères (Rm 8, 29).

 

            Marie.

            Il a déjà été remarqué que Marie est la fille de Sion qui enfante le messie et le peuple[96]. En quelques mots rappelons que le prophète Michée montre que la Fille de Sion enfante à la fois un messie-roi et un peuple libéré (Mi 4,1 et 4,9).      A l’Annonciation, Marie est saluée par l’ange comme fille de Sion invitée à se réjouir car le Seigneur vient en son sein (Lc 1, 28). Au calvaire, Marie enfante à nouveau, mais dans la douleur, le disciple bien-aimé et en lui un peuple nouveau (Jn 19, 25-27). L’Apocalypse, au chapitre 12 évoque le même mystère, d’une Femme qui enfante le messie (Ap 12, 3) et un peuple (Ap 12, 17). Ainsi, dans le Nouveau Testament, Marie est la Fille de Sion qui enfante à la fois Jésus, le messie-roi et le peuple libéré en Jésus.

            Dire que Marie est la « mère du Fils de l’homme » élargit la perspective très judéo-chrétienne de la notion de Fille de Sion : le Fils de l’homme est le nouvel Adam et sa mère appartient à tous les descendants d’Adam.

            Le titre « Fils de l’homme » se réfère à la vision de Daniel 7 et au « royaume ». Le rôle de Marie concerne « le Fils de l’homme » qui est tout ensemble Jésus et le royaume auquel il nous incorpore. Jésus s’étant proclamé « Fils de l’homme », l’Eglise primitive a donc regardé Marie comme celle qui est la « mère du Fils de l’homme » : l’Eglise primitive a donc embrassé d’un seul regard la mission de « Marie dans le mystère du Christ et de l’Eglise », et le concile Vatican II, en choisissant de situer Marie d’une manière indissociable « dans le mystère du Christ et de l’Eglise »[97] est fidèle à l’Evangile de Jésus « Fils de l’homme ».

 

            Les apparitions d’Amsterdam.

-1-

            Le 1er avril 1951, Notre Dame de tous les peuples se désigne comme la « mère du Fils de l’homme », et demande un dogme évoquant sa mission. La Dame s’unit de façon explicite à la fois au Christ et à l’Eglise : « La Dame était la Servante du Seigneur. De par la volonté du Père, elle a donné le Fils de l’Homme ; c’est pourquoi, il lui faut être unie à l’Église et à la Croix. » (17 février 1952).

            Il n’y a donc aucune raison de discuter pour savoir s’il faut placer sa mission et sa « corédemption » davantage dans le mystère du Christ (corédemption objective) ou davantage dans le mystère de l’Eglise (corédemption subjective) : les deux sont indissociables parce que le titre « Fils de l’homme » unit de manière indissociable le Christ et le royaume, le Christ et l’Eglise.

            Marie, servante du Seigneur a une coopération active qui la fait participer à la rédemption objective de Jésus-Christ, de manière subordonnée et parce que telle est la volonté du Père : la coopération de Marie est « hypothétique » et non pas nécessaire comme seule la rédemption divine effectuée par Jésus-Christ peut l’être.

            Marie a aussi une coopération subjective, en tant que mère du Fils de l’homme, parce qu’elle est maternellement unie à l’Eglise que le Christ incorpore en lui : sa corédemption subjective consiste à nous incorporer dans le Christ fils de l’homme, ou, pour parler comme saint Paul, dans le corps du Christ (Rm 12, 5).

 

-2-

            La mère du Rédempteur est aussi la mère du Fils de l’homme : sa coopération au Christ rédempteur rejoint sa maternité spirituelle[98], et c’est une conséquence directe du dogme de sa maternité divine.

            Comprendre que l’appellation « Fils de l’homme » désigne le royaume et observer que la Dame de tous les peuples se désigne comme « mère du Fils de l’homme », invite à considérer dans un même regard le 5° dogme (et notamment la médiation maternelle de Marie) et les messages sur la Royauté du Christ. On devient alors attentif au fait que dans les messages d’Amsterdam, il est à la fois question de la royauté du Christ et du 5° dogme :

« Le Père et le Fils veulent en ce temps ci m’envoyer en ce monde en qualité de COREDEMPTRICE, MEDIATRICE ET AVOCATE. Et tel sera l’objet du nouveau et dernier dogme marial […]

[Le Père et le Fils] veulent envoyer le Saint et Véritable Esprit. Lui seul peut apporter la paix [...] Et maintenant, je m’adresse aux hommes de ce monde et je dis : Hommes, c’est de vous que doit venir la force et la volonté de conduire le monde vers le SEUL ROI de ce monde, le Seigneur Jésus-Christ. » (31 mai 1951)

           

            Une observation similaire peut être faite dans le très long message qui réitère la demande du 5° dogme et dit :

« La Dame de tous les Peuples qui est l’Épouse du Seigneur, qui est la Reine du Roi, qui a dorénavant reçu ce titre de la part de son Seigneur c’est elle qui a, par son intercession, sauvé cette fois le monde… cette fois ! » (31 mai 1957).

 

Fils de l’homme et humble condition humaine.

 

« En dehors de Daniel, l’expression "fils d’homme" ne se lit ailleurs que dans Ezéchiel où elle est fréquente et traduit les idées d’humilité et de faiblesse. »[99]

 

            Par l’expression « Fils de l’homme » Jésus commence en fait simplement par rappeler qu’il a une mère. Et c’est en ce sens que l’on lit :

            Saint Aristide d’Athènes (†140) : « [...] il descendit du ciel et prit chair d’une vierge juive ; et lui le Fils de Dieu, il habita dans une fille de l’homme. »[100]

            Jean Paul II : « Grâce à cette maternité, Jésus -le Fils du Très-Haut (cf. Lc 1, 32)- est un véritable fils de l’homme. »[101]

 

            Cela paraît rudimentaire. C’est essentiel.

            Jésus « fils de l’homme » dit qu’il a une humanité créée, un corps créé, une âme humaine créée, et il révèle la nature intègre de l’homme, il est l’humanité telle que le Créateur la voulait. Mieux encore que la Torah du Sinaï, il révèle la loi naturelle, il est le rédempteur qui restaure l’homme à l’image de Dieu. Jésus fils de l’homme est le nouvel Adam capable d’être compris par tous les hommes. La mère du fils de l’homme, plus encore que la fille de Sion qui enfante le messie et le peuple, est celle qui enfante l’humanité intègre, telle que le Créateur l’a voulue, elle est la mère universelle de l’humanité nouvelle.

 

            Le discours sur le pain de Vie.

            Après une controverse sur les miracles et l’enseignement du Christ (Jn 5), Jésus se dit plus grand que le Shaliah Moïse, ce Moïse qui avait donné du pain au désert mais vos pères sont morts (Jn 6, 49-51), et invite à reconnaître qu’il « descend du ciel. » (Jn 6, 51). « Alors Jésus leur dit : "En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. » (Jean 6, 53)

 

            « Fils de l’homme » : C’est apparemment un pléonasme : évidemment qu’un homme est un fils de l’homme !

            Jésus semble suggérer qu’il est volontairement fils de l’homme, il est volontairement homme, ce qui expliquerait que ce titre accompagne très naturellement tout le parcours ascendant de la révélation de sa divinité. Mais fallait-il ce titre pour nous dire qu’il est volontairement descendu du ciel ?

            Il me semble que Jésus veuille surtout insister sur un fait : il est Fils de l’homme, il a un visage d’homme, une attitude d’homme, une vie d’homme, et il n’est pas un concept ; il dépasse les règles de discernement qui finalement sont toujours limitées et faites d’abstractions intellectuelles.

            L’usage du titre Fils de l’homme semble indiquer que Jésus veut orienter l’intelligence sur des considérations plus concrètes que des critères de scribes et de rabbins discernant les miracles et les prétentions de ce nouveau Moïse.

            Jésus respecte l’intelligence, mais soudain, il dit, ayez une intelligence véritablement humaine : regardez le fils de l’homme.

- Le titre « fils de l’homme » est une aide, sans cette aide, les règles de discernement enferment dans le créé et n’atteignent pas l’incréé, l’adoration de Jésus qui est au rang du Créateur.

- Sans l’aide de cette appellation « Fils de l’homme », il y aurait aussi le risque d’exalter la divinité de Jésus en portant sur lui un regard désincarné : c’est l’excès inverse mais il a la même cause que le défaut précédent.

 

            Il est permis de penser que Jésus a donné de son vivant des clés suffisantes pour forger un culte juste[102] et que ce culte juste, une fois transmis aux générations suivantes, a généré des conciles justes.

 

            On retrouve l’expression « Fils de l’homme » de nombreuses fois encore, par exemple quand Jésus explique qu’il est un envoyé plus grand qu’Elie (Mt 17, 10-13). On ne peut pas se contenter d’une abstraction du style « Jésus a plus que le charisme d’Elie », l’appellation « Fils de l’homme » appelle à une adoration bien concrète et à voir en Jésus l’Incréé, celui qui est au rang du Créateur.     

 

­­­            Les apparitions d’Amsterdam.

            Le 1er avril 1951 la Dame se présente comme « mère du Fils de l’homme », et nous sommes maintenant disposés à comprendre que ce titre est une invitation à la simplicité et à condenser le mystère en peu de mots…

 

            Quand la Dame demande le 5° dogme (corédemptrice, médiatrice, avocate), elle précise :

« Je ne viens pas apporter une nouvelle doctrine, il y a déjà une doctrine. Je viens apporter un autre message. Transmets bien cela ! ».

Et elle ajoute :

« Je te montre ce qui va arriver. C’est au prix de terribles combats et de malheurs que le monde, que ceux qui se sont détournés de la Trinité, retourneront à l’Église. C’est pourquoi je le répète : Rome, saisis ta chance. Sois large d’esprit et n’agis que par amour. L’amour est à même de sauver ce monde désemparé. Ramène tous les peuples à leur Créateur. Apprends-leur combien il est simple de voir le Créateur. Les hommes doivent traiter leur prochain comme eux-mêmes. Il n’y a pas de doctrine plus simple ! Que chacun s’en tienne à ces deux choses et vous aurez en main l’Église de Rome. Une foi simple, cela peut apporter le salut aux hommes. » (31 décembre 1951)

 

            Les apparitions d’Amsterdam sont très dogmatiques, il est question de tous les dogmes, en commençant par celui de la Création, l’Incarnation, la Rédemption, la Trinité, et tous les dogmes mariaux. Et pourtant, les apparitions d’Amsterdam sont d’abord un appel à l’amour et à la simplicité.

            Ceci nous indique que ce 5° dogme, tout comme le titre de Jésus « Fils de l’homme », doivent condenser un mystère, ou, pour le dire autrement, ouvrir sur le mystère, des mots tellement denses qu’ils conduisent sans déviation au cœur de la foi et à sa cohérence.

 

La fin de la vie du Fils de l’homme.

 

            Dans les occasions où Jésus utilise le titre « fils de l’homme », Jésus affirme aussi, d’une manière ou d’une autre, sa divinité. Par exemple quand il dit « Le fils de l’homme est maîtreclear du Shabbat » (Mc 2, 27-28 ; Mt 12, 8 ; Lc 6, 5). Ou par exemple quand avec ce titre il se présente comme le Juge eschatologique (Lc 12, 8-9). Cette prétention divine associée au titre fils de l’homme, les Juifs l’ont bien comprise et c’est pourquoi le procès contre Jésus va se condenser sur ce titre (Mt 26, 63-65)[103].

 

            Les récits de la Passion excellent à montrer le paradoxe de la personne de Jésus :

En saint Luc, Jésus interroge Judas : "Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme!" » (Lc 22, 48) ; aussitôt, les disciples appellent Jésus « Seigneur » (Lc 22, 49) les disciples ont appris à superposer au titre Fils de l’homme tout ce qu’ils ont découvert de Jésus, jusqu’à sa seigneurie, tout autorise à lire dans cette expression un acte d’adoration.

            En saint Jean, en Jn 12, 34 et Jn 13, 31 par l’expression « Fils de l’homme » Jésus se dit homme qui va être élevé et qui est glorifié et Dieu en lui.

 

            Une pédagogie active de Jésus, pour les disciples appelés à la divinisation.

 

« Le Fils de l’homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter. » (Mc 8, 31)

           

            Le titre « Fils de l’homme » donne à cette annonce de la Passion une dimension insoupçonnée : dans toute sa vie et pendant sa douloureuse passion, il a dominé toutes les tentations, justement en tant que fils de l’homme. Il est vainqueur du diable et de la mort : « Oui, Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il en a fait une image de sa propre nature ; c’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde: ils en font l’expérience, ceux qui lui appartiennent ! » (Sg 2, 23-24)

            En ce sens, tout simple, et très proche de la mentalité juive, la résurrection de Jésus est une preuve qu’il n’est pas pécheur, et qu’il est Dieu, fils du Très haut au sens du psaume 82 qui ironise sur les pécheurs : « vous, des dieux ? Des Fils du très haut ? » (Ps 82, 6)

            Cette pédagogie explique parfaitement la tournure de phrase de saint Paul : Jésus est « établi Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de sainteté, par sa résurrection des morts. » (Rm 1, 4).

            Mais la divinité de Jésus vient d’en haut. Pour les disciples que Jésus emporte dans sa résurrection, il s’agit d’une « divinisation », c’est-à-dire d’une participation.

            Par le fait que Jésus veuille aussi nous emporter dans sa sainte résurrection, devenant le "premier-né d’une multitude de frères" (Rm 8, 29), Jésus rend à l’expression « Fils de l’homme » la signification d’un royaume et d’un collectif. Le Fils de l’homme « n’est pas simplement un, mais de nous tous avec lui-même il ne fait "plus qu’un" (Ga 3, 28) : il nous transforme en une humanité nouvelle. »[104] C’est ce qui nous invite à creuser l’appel à participer à la rédemption contenu dans le titre « Fils de l’homme ».

 

« Fils de l’homme » : un appel à participer à la rédemption

Suivons l’explication de Benoît XVI :

« L’idée de fonction vicaire est diffuse dans toute l’histoire des religions. En de multiples manières, on s’efforce de détourner du roi, du peuple, de sa propre vie, la menace du malheur, en le transférant sur des substituts. Le mal doit être expié, et ainsi doit être rétablie la justice. Mais on fait tomber sur d’autres la punition, le malheur inéluctable et l’on cherche ainsi à se libérer.

Pourtant, cette substitution, par le biais de sacrifices d’animaux ou même humains reste en dernière analyse sans consistance. Ce qui est alors offert en représentation n’est qu’un succédané de ce qui est proprement personnel et ne peut en aucun cas prendre la place de ce qui doit être sauvé de cette manière. [...]

L’histoire tout entière est à la recherche de celui qui véritablement peut intervenir à notre place ; Celui qui véritablement est capable de nous prendre en lui et de nous conduire vers le salut.

Dans l’Ancien Testament, l’idée de la fonction vicaire apparaît de façon tout à fait centrale quand Moïse, après l’idolâtrie du peuple, dit au Dieu en courroux: « Pourtant, s’il te plaisait de pardonner leur péché... Sinon, efface-moi, de grâce, du livre que tu as écrit!" » (Exode 32, 32). Il est vrai qu’il reçoit cette réponse « Celui qui a péché contre moi, c’est lui que j’effacerai de mon livre. » (Exode 32, 33), mais d’une certaine manière Moïse devient le substitut qui porte sur lui et qui, par son intercession, change le destin du peuple. [...]

Cette idée de la fonction vicaire apparaît pleinement développée en Isaïe 53 avec l’image du Serviteur souffrant qui prend sur lui la faute des multitudes les rendant ainsi justes (cf. Is 53, 11).»[105]

 

            Quand Jésus dit qu’il est venu pour servir, il assume la figure du Serviteur, et du Serviteur souffrant : « C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » (Mt 20, 28)

            En utilisant le titre « Fils de l’homme », Jésus s’unit à tout homme et affirme qu’il veut nous prendre en lui, car l’expression « Fils de l’homme » a un sens collectif, c’est le royaume (Dn 7) : « Le Fils de l’homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter» (Mc 8, 31). Le Fils de l’homme « n’est pas simplement un, mais de nous tous avec lui-même il ne fait "plus qu’un" (Ga 3, 28) : il nous transforme en une humanité nouvelle »[106].

 

            Ainsi, en utilisant le titre « Fils de l’homme », Jésus appelle notre incorporation, notre participation à la Rédemption.

            De plus, le titre « Fils de l’homme » désigne en creux sa mère, l’humanité nouvelle a une mère, Marie, nouvelle Eve.

            Ceci éclaire le sens de la « corédemption » de Marie : Jésus, le Fils de l’homme qui nous incorpore sans se substituer à nous et nous emporte dans sa sainte résurrection[107]. Ainsi, le « vous en moi et moi en vous » de l’Evangile (cf. Jn 17, 21-23) signifie que Jésus prend sur lui nos infirmités et nous donne sa lumière et sa grâce… De même, Marie nous communique son être immaculé et nous emporte dans la réponse croyante qui nous sauve. Agir « par Marie » signifie que Marie stimule ce que chacun a de meilleur (il ne n’agit ni d’une fusion, ni d’une substitution métaphysique).

            Ceci éclaire aussi la « corédemption » de chacun de nous. Le Fils de l’homme, dit Benoît XVI, de nous tous avec lui-même, il ne fait plus qu’un.»[108] En réponse, nous devons nous unir au Christ, et, comme dit Marthe Robin, toute âme doit être à son tour réparatrice et rédemptrice :

« C’est ainsi que de par la volonté de Dieu, toute âme doit être à son tour réparatrice et rédemptrice. C’est Jésus qui est notre unique Sauveur, mais il ne nous sauve qu’à la condition d’unir à sa réparation infinie notre pauvre petite réparation personnelle, gage de notre profond repentir et de notre immense désir de voir Dieu. Si cette réparation de foi et d’amour est assez grande, assez méritante, il peut se faire qu’après nous être sauvés nous-mêmes, nous sauvions beaucoup, beaucoup d’autres âmes. Mais on n’expie pas sans souffrir. Donc, nous devons souffrir ! Est-ce beaucoup ?… Est-ce peu ?... Dieu seul le sait ! Ne perdons pas par nos petites révoltes le mérite de nos souffrances ; le supplice en serait double, et la valeur bien moindre, sinon totalement nulle. Penchés vers nous, Jésus et Marie nous appellent ; ils nous tendent les bras. Montons avec eux, comme eux, jusqu’à eux ; nous irons partager leur gloire après avoir un peu partagé leur martyre.

Que sortira-t-il de ma petite misère, de mes épreuves chrétiennement, amoureusement supportées ? Il peut en sortir sûrement, pour moi des grâces exceptionnelles de vertu et de sainteté, pour les êtres qui me sont si chers, des grâces éclatantes de conversion. Et peut-être pour beaucoup, beaucoup d’autres âmes des grâces merveilleuses de salut. »[109]

 

L’orientation du saint désir :

            Etre incorporé au Christ, participer à l’œuvre du salut, c’est ce qu’il y a de plus beau, de plus utile, tout chrétien le désire. Mais si ce désir doit être réduit à un désir de la souffrance, la souffrance elle-même n’est-elle pas dénaturée ?

            La souffrance spirituelle vient de l’amour qui rencontre une opposition. L’amour chrétien se définit par son orientation vers la vie incorruptible.

            Or, la souffrance, même si elle est le lieu de la glorification (l’heure de la passion est pour Jésus l’heure de sa gloire), demeure une souffrance, créée, liée au monde créé : passagère, elle n’est pas éternelle. Si l’amour, c’est-à-dire le désir, s’oriente vers la souffrance, ce n’est plus un amour au sens chrétien, c’est un désir malade ou pécheur.

            Les saints disent aimer la souffrance dans un raccourci de langage : ils aiment le royaume de Dieu et la vie sainte et immaculée, ils aiment la vérité, le bien, la justice, la création de Dieu. Et cet amour les rend forts et capables de supporter la souffrance. Ils sont capables de souffrir pour le royaume. Ils aiment la souffrance comme occasion d’aimer Dieu d’une manière épurée et forte.

 

Marie :

            Retrouver la mystique mariale, c’est redécouvrir que le Christ nous invite à le suivre jusqu’en sa résurrection, parce que, comme le dit Origène[110], l’épouse immaculée n’a rien qui la retienne dans la mort. Marie est immaculée, aucun péché ne la retarde dans son union à Dieu, c’est pourquoi sa souffrance est associée à celle du Fils de l’homme d’une manière parfaite, éminente.

            La tradition liturgique a voulu associer Marie au jour du samedi, elle est alors la médiatrice entre le vendredi jour de la triste souffrance, au dimanche, jour de la joie de la résurrection. Autrement dit Marie est celle qui oriente le désir vers la vie[111].

 

« La joie de la Vierge pour la résurrection du Christ est encore plus grande si l’on considère sa participation intime à toute la vie de Jésus. […] Toutefois, l’association de la Vierge à la mission du Christ atteint son sommet à Jérusalem, au moment de la passion et de la mort du Rédempteur. […] L’espérance de Marie au pied de la Croix renferme une lumière plus forte que l’obscurité qui règne dans de nombreux cœurs : face au Sacrifice rédempteur, naît en Marie l’espérance de l’Église et de l’humanité. »[112]

 

Les apparitions d’Amsterdam :

            Le fait que la Dame se soit désignée comme mère du Fils de l’homme donne une clé d’interprétation : la « corédemption » de Marie appelle la nôtre.

            Marie a une fonction unique car Jésus n’a qu’une mère, mais son rôle appelle le nôtre :

  • 15 novembre 1951 :

« Mon enfant, transmets bien ce qui suit. Les peuples de ce monde doivent avoir en vue un seul commandement : c’est l’Amour. Qui possède l’Amour servira son Seigneur et Maître dans la création. Avoir en vue un seul commandement : l’Amour ! Si on le ramène parmi les hommes, le monde sera sauvé. […] Ce commandement, il faut que l’Église de Rome le pratique dans toutes ses finesses. Je dis ensuite : soyez large d’esprit. »

 

            Notre rôle dans la corédemption se joue aussi dans la douleur. Ida souffre avec Marie :

  • 29 avril 1951 :

« La Dame s’écarte à présent de la croix et ces affreuses douleurs me reprennent avec violence. Ça dure un moment puis je vois la Dame, comme dans le flou, debout devant la croix. Et me voici, une fois encore, prise de violentes douleurs, autant spirituelles que physiques. »

 

Mère du Fils de l’homme, corédemptrice, médiatrice : un tout !

            Ce sont les mystiques qui nous éclairent le mieux sur l’unité intrinsèque du mystère chrétien.

            Marthe Robin écrit : « Quel délicieux et émouvant modèle que Marie ! C’est par Marie et avec Marie et en Marie que j’irai à Jésus et serai toute à lui. »[113]

            Nous avons expliqué que la médiation de Marie « ne naît pas d'une nécessité objective », elle s’appuie sur la médiation du Christ « d'où elle tire toute sa vertu » ; « l'union immédiate des croyants avec le Christ ne s'en trouve en aucune manière empêchée, mais au contraire aidée. » (Vatican II, LG 60). La médiation de Marie est une médiation maternelle, directement liée à la coopération de Marie au Christ Rédempteur : « en souffrant avec son Fils qui mourait sur la croix, elle apporta à l'œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle. C'est pourquoi elle est devenue pour nous, dans l'Ordre de la grâce, notre Mère. » (Vatican II, LG 61).

            Ainsi, Marthe va vers Jésus par Marie et avec Marie, parce que, comme l’enseigne l’Eglise, Marie est médiatrice. Mieux, l’union de Marthe avec la mère de Jésus conduit Marthe à une ressemblance étonnante avec la bienheureuse Vierge Marie : 

            Jésus considère Marthe comme  « mon épouse bien-aimée et ma corédemptrice […] l’invisible dispensatrice de mes grâces » [114], et Marthe explique elle-même ces expressions en disant par exemple : «  Non qu’il n’ait abondamment satisfait à la justice divine […] mais afin d’obtenir pour tous les hommes la grâce d’aimer en retour ce Dieu vivant… » [115], ou, plus tôt dans le Journal : «  Je reçois tout de Dieu, et à tout instant. Et cependant, il daigne me traiter comme si je lui étais absolument nécessaire. Ô amour, ô incompréhensible amour ! » [116]

            Corédemption et médiation forment un tout : aussi bien en Marie que chez les chrétiens incorporés par Marie en Jésus, le Fils de l’homme…

 

« Fils de l’homme » : une allusion à la Bonne nouvelle aux défunts ?

            L’utilisation du titre « Fils de l’homme » par l’apparition d’Amsterdam (1er avril 1951 et 31 mai 1951) pourrait rappeler la bonne nouvelle aux défunts, largement oubliée en Occident depuis saint Augustin († 430)[117].

            En 1992, l’Eglise publie le catéchisme de l’Eglise catholique qui rend aux mémoires l’enseignement sur la prédication aux morts (CEC 634-635), et utilise à ce sujet le titre « Fils de l’homme » dans la perspective du salut de tous les hommes.

 

 « "La Bonne Nouvelle a été également annoncée aux morts..." (1P 4,6).

La descente aux enfers est l’accomplissement, jusqu’à la plénitude, de l’annonce évangélique du salut.

Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa signification réelle d’extension de l’œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui sont sauvés ont été rendus participants de la Rédemption. » (CEC 634)

 « Le Christ est donc descendu dans la profondeur de la mort (cf. Rm 10, 7 ; Ep 4, 9) afin que "les morts entendent la voix du Fils de l’Homme et que ceux qui l’auront entendue vivent" (Jn 5, 25). » (CEC 635).

 

            Jésus, en tant qu’il est vrai Dieu et vrai homme, est l’unique sauveur, l’unique rédempteur.

            En montrant les peuples se rassembler autour de la croix, le message d’Amsterdam rappelle que Jésus est l’unique rédempteur. Cette vérité n’exclut pas du salut ceux qui n’ont pas été évangélisés, ou qui ont rejeté le christianisme, parce qu’il y a une seconde vérité, inséparable de la première : Jésus mort et ressuscité annonce la bonne nouvelle à ceux qui sont morts. De cette manière, tous les hommes ont la possibilité d’être sauvés et de venir à la lumière.

            Le contenu général des messages suppose la doctrine des fins dernières : l’apparition parle aussi bien de l’enfer - « les forces de l’enfer » (3 décembre 1953) - que du paradis, « le ciel » et l’Eucharistie qui « nous donne un avant-goût de la vie éternelle » (31 mai 1957). Elle ne menace pas les peuples de l’enfer (même s’ils ont « rejeté la Trinité »), parce qu’elle sait que les morts entendront la voix du Fils de l’homme (Jn 5, 25-27 ; 1P 4, 6).

             La rencontre avec Jésus à l’heure de la mort ne déresponsabilise personne pendant la vie sur la terre, car si nos œuvres sont mauvaises, à l’heure de la mort nous fuirons Jésus et son salut (Jn 3, 20) !

            Les messages de la Dame de tous les peuples nous montrent l’équilibre qu’il faut garder :

  • d’une part, le salut sur la terre est bel est bien lié à la foi chrétienne, trinitaire. Citons par exemple : « C’est au prix de terribles combats et de malheurs que le monde, que ceux qui se sont détournés de la Trinité, retourneront à l’Église. […] Une foi simple, cela peut apporter le salut aux hommes. » (31 décembre 1951)
  • d’autre part, la Dame désire que par l’action de l’Esprit Saint les peuples (y compris les peuples non-chrétiens qui n’ont pas encore le salut) évitent au moins « la corruption », autrement dit les œuvres mauvaises qui vont les éloigner du salut éternel. Citons par exemple : « Fais habiter l’Esprit Saint dans les cœurs de tous les peuples afin qu’ils soient préservés de la corruption, des calamités et de la guerre. » (11 février 1951). De sorte que, au moins dans l’heure de la mort, valent pour eux la parole de l’Ecriture : « celui qui fait la vérité vient à la lumière, afin que soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu. » (Jn 3, 21). Et, venant à la lumière, qu’ils puissent entendre la voix du Fils de l’homme et vivre.

           

            On ne peut pas avoir une doctrine plus précise et plus équilibrée.

 

« Parce qu’elle est Immaculée Conception… »

  • 4 avril 1954 :

« Parce que Marie est Corédemptrice, elle est aussi Médiatrice, elle est aussi Avocate. Pas seulement parce qu’elle est la Mère du Seigneur Jésus- Christ, mais – fais bien attention – parce qu’elle est l’Immaculée Conception. […] Car, étant l’Immaculée Conception, elle est de ce fait la Corédemptrice, Médiatrice et Avocate. Ces trois notions n’en faisant qu’une. »

 

            Le lien entre le dogme de l’Immaculée conception et le 5° dogme apparaît dans une nouvelle lumière dès que l’on utilise les clés données par les messages d’Amsterdam eux-mêmes et notamment le fait que la Dame se désigne comme « mère du Fils de l’homme ».

            Saint Paul parle de Jésus nouvel Adam (Rm 5), c’est-à-dire l’Adam innocent d’avant le contact avec le diable et la mort. Les Pères de l’Eglise complètent en parlant de Marie « nouvelle Eve » associée au Christ nouvel Adam. Vatican II utilise l’expression « nouvelle Eve » pour exprimer sa « parfaite union » au Christ, une union qui commence à l’Annonciation et qui ne cesse pas, lui donnant de « coopérer » à « la naissance et à l’éducation des croyants »[118]. Suivons l’explication de Jean-Paul II :

  « Les textes bibliques qui affirment l’universalité du péché (Ps 50, 7 ; Jb 14, 2 ; Rm 5, 12.18) sembleraient s’opposer aux affirmations de l’Ecriture, auxquelles se réfèrent la Tradition et le Magistère pour fonder la doctrine de l’Immaculée Conception.

  Paul admet cependant une exception à cette loi universelle: le Christ, celui «qui n’avait pas connu le péché» (2 Co 5, 21), qui a ainsi pu faire surabonder la grâce « où le péché s’est multiplié » (Rm 5, 20).

  Le parallèle établi par Paul entre Adam et le Christ, est complété par celui entre Eve et Marie : le rôle de la femme, important dans le drame du péché, l’est aussi dans la rédemption de l’humanité.

Le péché, qui emporte l’humanité comme un torrent, s’arrête devant le Rédempteur et sa fidèle Collaboratrice.

Avec une différence substantielle: le Christ est totalement saint en vertu de la grâce qui, dans son humanité, dérive de la personne divine; Marie est toute sainte en vertu de la grâce reçue par les mérites du Sauveur. »[119]

 

            Le titre « Fils de l’homme » signifie « nouvel Adam » mais ce titre désigne aussi un royaume, un « nous » en « Lui ». Nous relions alors l’idée de nouvelle Eve et d’immaculée conception à l’idée de l’engendrement du royaume. Toutes les fonctions de Marie (corédemptrice, médiatrice, avocate) se résument dans son rôle pour faire advenir ce royaume, cette communauté.

            Le cadre plus général des anciennes notions étant posé, la dimension très personnaliste du titre « mère du fils de l’homme » ou « nouvelle Eve » autorise aussi une mystique des Cœurs de Marie et de Jésus telle qu’on la trouve par exemple chez saint Jean Eudes, ou une théologie de l’union du Cœur immaculé de Marie avec le Cœur de son Fils telle qu’on la trouve chez A. Burton Calkins[120].

 

 

 

La « Dame de tous les peuples » et les non-chrétiens

            L’appellation « Dame de tous les peuples » résonne agréablement à nos oreilles, parce que ce titre évoque l’unité des peuples, la paix.

            Marie, avant l’Annonciation, avait embrassé l’état des non-chrétiens qui ne connaissent que le Verbe créateur non incarné, et, après l’Annonciation, elle inaugure l’état des chrétiens qui ont une relation avec le Verbe incarné et sauveur. En ce sens, Marie a un lien naturel avec les non-chrétiens comme avec les chrétiens.

            La « Dame de tous les peuples » exprime le désir d’une évangélisation qui amène les hommes de tous les pays à la Croix du Christ rédempteur et manifeste son souci du salut des non-chrétiens, y compris des « postchrétiens » de ceux qui ont « rejeté la Trinité ».

            Si le titre « Notre Dame de tous les peuples » évoque l’unité et la paix, il faut bien remarquer que ses messages ne sont pas iréniques : « Europe, sois avertie ! Unissez-vous dans le bien. Il ne s’agit pas d’une simple lutte économique, c’est l’esprit que l’on cherche à corrompre. Lutte politico-chrétienne. » (16 décembre 1949). Il y aura « une lutte » après propos du dogme marial » (20 septembre 1951) et « une lutte politico-économique va survenir » (20 mars 1953).

            Mais en réalité cette « lutte » n’oppose pas des races et des peuples, elle oppose l’Esprit Saint à l’action diabolique :

« Méfie-toi des faux prophètes. Cherche et demande seulement le vrai Esprit, le Saint Esprit. C’est en effet, en ce moment, une guerre d’idées. L’enjeu du combat, ce n’est plus les races ni les peuples ; l’enjeu du combat, c’est l’esprit. Comprends bien cela ! » (11 février 1951)

Pour comprendre la « Dame de tous les peuples », il faut donc parler de l’Esprit Saint ! Et c’est parce que l’Esprit Saint planait déjà sur les eaux primordiales (Gn 1, 2) qu’il est aussi présent chez tous les peuples pour les guider comme il a guidé le peuple de l’Ancien Testament jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de le recevoir pleinement en adhérant au Christ. La Dame de tous les peuples est irradiée de l’Esprit Saint (31 mai 1957), c’est pourquoi elle s’adresse aussi à tous les peuples.

 

Le rapport complexe entre chrétiens et païens

  • 28 mars 1948

« Les portes s’ouvrent. A Jérusalem, les peuples de l’Orient se couvrent le visage de leurs mains. Ils disent : ‘malheur sur leur ville !’ La Dame dit : "Il y a une grande source à laquelle vous pouvez tous vous laver." Des mots paraissent. Je lis, "équité, amour et justice." La Dame dit : "Tant que ces mots ne seront pas suspendus au-dessus de la tête des hommes et ne vivront pas dans leur cœur, la paix n’est pas en vue". Et voici, une croix est plantée dans le sol. Un serpent ondule tout autour. Les ténèbres tombent. Je vois un glaive. Il est suspendu au-dessus de l’Europe et de l’Orient. De l’Occident vient une lumière. La Dame dit : "peuples chrétiens, ce sont les païens qui vous l’apprendront". (28 mars 1948)

 

            La source qui lave, dans le contexte de Jérusalem, évoque Za 13, 1. Dans ce contexte, la croix évoque le messie transpercé de Za 12, 9-10.

            Mais l’apparition d’Amsterdam modifie légèrement la prophétie de Zacharie qui disait : « En ce jour-là, il y aura une fontaine ouverte pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem, pour laver péché et souillure » (Za 13,1). Dans le message, la fontaine n’est pas réservée à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, elle est pour tous : « La Dame dit : "Il y a une grande source à laquelle vous pouvez tous vous laver."»

            L’apparition est sans ambiguïté sur l’accomplissement chrétien de cette prophétie : « une croix est plantée dans le sol ». La Dame de tous les peuples donne une signification universelle au verset Za 13, 1 parce qu’elle donne aussi une signification universelle à la rédemption du messie transpercé (Za 12, 9-10). Et l’ensemble précède l’annonce du jour sans déclin (Za 14). Par l’allusion à une ancienne prophétie, l’apparition d’Amsterdam semble parler aux Juifs pour les inviter à regarder Jésus.

            Les mots "équité, amour et justice" suivent l’annonce de la "source", c’est-à-dire de la source du salut : l’équité, l’amour et la justice sont le fruit du salut en Jésus, il a lavé le péché originel.

            Mais aussi, il est dit que ce sont les païens qui l’apprendront ("équité, amour et justice") aux peuples chrétiens. Autrement dit, tout en étant le fruit du salut en Jésus, il s’agit aussi de vertus humaines.

            L’équité, l’amour et la justice que les païens apprendront aux chrétiens rappellent la loi morale naturelle, qui n’exclut pas le besoin de l’aide de Dieu : « Si les hommes doivent faire le bien et éviter le mal, c’est parce que ce qui est bien et mal est inscrit de manière claire et certaine dans leur cœur. Effectivement, tout homme peut fondamentalement discerner par sa raison cette loi morale en quelque sorte "naturelle". La loi morale naturelle est valide pour tous. Elle indique à chacun ses droits fondamentaux et ses devoirs, et constitue ainsi la base du vivre ensemble dans la famille, la société et l’État. L’homme a besoin de l’aide de Dieu et de sa révélation, pour rester sur le droit chemin, car, à cause de son péché et de sa faiblesse, il perçoit souvent la loi naturelle de manière floue. »[121]

            La vision des mots "équité, amour et justice" et l’affirmation que les païens l’enseigneront aux chrétiens, il y a la vision de la croix : la justice, le bien, c’est un peu la victoire sur ce qu’une certaine tradition juive appelle le « mauvais penchant », mais même s’il arrive que les païens la vivent mieux que les chrétiens, tous ont besoin de la croix : il n’y a pas de victoire complète sur le « mauvais penchant » sans le Christ rédempteur.

            La complexité de cette vision fait place au double mouvement de la coopération humaine à la rédemption : la nature métaphysique de l’homme n’est pas inconsistante, "équité, amour et justice" sont de sa responsabilité. Le salut, la source qui lave tous les hommes provient de la croix, et tous en ont besoin.

            Le message d’Amsterdam, par un jeu d’inclusion, invite l’effort humain (l’équité, l’amour et la justice que les païens pratiquent) à se rapprocher du rédempteur personnel (la croix, la source du salut). Mais il invite aussi les chrétiens à ne pas s’endormir sur le salut reçu. C’est un peu comme si la Dame rappelait aux chrétiens ce passage du concile de Trente :

« Pourtant, que ceux qui se croient être debout, veillent à ne pas tomber 1Co 10,12 et travaillent à leur salut avec crainte et tremblement Ph 2,12 dans les fatigues, les veilles, les aumônes, les prières et les offrandes, dans le jeûne et la chasteté 2Co 6,5-6. Sachant, en effet, qu’ils sont nés de nouveau dans l’espérance de la gloire 1P 1,3 mais pas encore dans la gloire, ils doivent avoir des craintes concernant le combat qui leur reste contre la chair, contre le monde, contre le diable, combat dans lequel ils ne peuvent être vainqueurs que si, avec la grâce de Dieu, ils obéissent aux paroles de l’Apôtre: " Nous ne sommes plus tenu, vis-à-vis de la chair, de vivre selon la chair. Si vous vivez, en effet, selon la chair, vous mourrez. Mais si par l’Esprit vous faites mourir les œuvres de la chair, vous vivrez " Rm 8,12-13. »[122]

 

La Dame a un langage précis

 

Dans les messages, le mot « salut » apparaît une fois, et il est explicitement lié à la foi chrétienne, à l’Eglise, à Rome :

« Je te montre ce qui va arriver. C’est au prix de terribles combats et de malheurs que le monde, que ceux qui se sont détournés de la Trinité, retourneront à l’Église.

C’est pourquoi je le répète : Rome, saisis ta chance. Sois large d’esprit et n’agis que par amour. L’amour est à même de sauver ce monde désemparé. Ramène tous les peuples à leur Créateur. Apprends-leur combien il est simple de voir le Créateur. Les hommes doivent traiter leur prochain comme eux-mêmes. Il n’y a pas de doctrine plus simple !

Que chacun s’en tienne à ces deux choses et vous aurez en main l’Église de Rome. Une foi simple, cela peut apporter le salut aux hommes. » (31 décembre 1951)

 

            Et nous sommes ici en plein accord avec saint Paul : le salut sur la terre vient par la foi au Christ explicitement annoncé (Rm 10, 14).

 

Cependant, l’Esprit Saint, qui vient de la Croix, peut être invoqué pour tous les peuples, avant leur retour à l’Eglise, en préparation :

« Prie donc devant la croix :

Seigneur Jésus-Christ, Fils du Père,

envoie à présent Ton Esprit sur la terre.

Fais habiter l’Esprit Saint

dans les cœurs de tous les peuples

afin qu’ils soient préservés

de la corruption, des calamités et de la guerre.

Que la Dame de tous les Peuples,

qui fut un jour Marie,

soit notre Avocate.

Amen. » (11 février 1951)

 

            De même, le message du 31 mai 1956 peut être lu de manière chrétienne (les baptisés font le chemin de croix), mais il peut aussi être lu comme préparation au baptême : les non-chrétiens, aidés par l’Esprit Saint sur leur chemin de croix, cheminent vers Jésus et vers le Père.

« Peuples, par votre Chemin de croix, vous aussi, vous montez vers le Père. Par votre Chemin de croix, vous aussi, vous montez vers le Fils. Or, en cela, vous serez aidés par le Saint Esprit. » (31 mai 1956)

 

            Et nous sommes ici en accord avec le fait que l’Esprit Saint, qui a été répandu sur la Croix, était cependant déjà présent dès l’Ancien Testament donc aussi chez les peuples non-chrétiens, comme une préparation et une aide pour reconnaître le Christ.

 

 

Le message d’Amsterdam sort la théologie d’une dérive qui la conduisait à l’apostasie.

            L’Ecriture sainte nous enseigne plusieurs vérités inséparables :

-Jésus, en tant qu’il est vrai Dieu et vrai homme, est l’unique sauveur, l’unique rédempteur. Cette vérité n’exclut pas du salut ceux qui ont vécu avant l’Incarnation ou qui n’ont pas été évangélisés parce qu’il y a une seconde vérité, inséparable de la première.

-Jésus mort et ressuscité annonce la bonne nouvelle à ceux qui sont morts. De cette manière, tous les hommes ont la possibilité d’être sauvés et de venir à la lumière. La rencontre avec Jésus à l’heure de la mort ne déresponsabilise personne pendant la vie sur la terre, car si nos œuvres sont mauvaises, à l’heure de la mort nous fuirons Jésus et son salut (Jn 3, 20) ! Le témoignage des Ecritures est unanime. Le Christ se manifeste spirituellement aux défunts, il attire, il illumine. Avant le jugement dernier, au plan individuel, les morts entendent la voix du Fils de Dieu et vivent (Jn 5, 25-27 ; 1P 4, 6).

 

            Les premiers pères de l’Eglise (Saint Clément d’Alexandrie, Hermas, saint Hilaire de Poitiers etc.) enseignaient la rencontre du Christ avec les défunts, ils commentaient les textes du Nouveau Testament qui évoquent la prédication du Christ aux morts (Jn 5, 25-27 ; 1P 4, 6). Le passage de la mort a donc une consistance existentielle.

            Saint Augustin (354-430), évêque d’Hippone, qui a vécu en Afrique du Nord et composé une imposante œuvre écrite, en latin. Il a eu une influence décisive (sur la pensée occidentale surtout). Il a ôté de l’édifice de la doctrine chrétienne la prédication du Christ aux défunts (Jn 5, 25) : il est le premier à ne plus lire Jn 5, 25-27 comme une rencontre entre le Christ et les défunts[123]. Au plan collectif, il donne aussi aux versets d’Apocalypse 20, 4-6 une signification purement terrestre[124].

            Avant saint Augustin, la parabole (Mt 22, 2-13) est commentée comme une description de l’entrée dans la vie éternelle, ce qui donne une consistance propre au passage dans l’Au-delà, qui n’est donc pas un simple passage de porte. Ainsi pensent saint Hilaire de Poitiers (315-367)[125], saint Jean Chrysostome (350-407)[126] et saint Jérôme (348-420)[127]. Mais pour saint Augustin, cette parabole n’évoque pas l’entrée dans le royaume éternel[128], et il en sera de même pour saint Grégoire le grand (vers 540-604) et l’Eglise latine.

            Bref, saint Augustin amorce dans la tradition de l’Eglise un tournant à partir duquel s’estompe la méditation sur ce qui donne une certaine consistance à l’événement du passage dans l’Au-delà. En abandonnant l’annonce de la Bonne Nouvelle aux défunts, il transforme la mort en une simple porte, avec des conséquences qui ne sont pas apparues tout de suite, mais qui se sont développées au fil des siècles.

            Progressivement, par déduction logique, certains en arrivent à penser que les non- chrétiens sont damnés (par quel « Dieu d’amour » ?) Une certaine compréhension de l’expression « hors de l’Eglise point de salut » est devenue intenable. Première catégorie d’impasses.

 

            En compensation, progressivement, saint Thomas d’Aquin avait suggéré que les non-chrétiens pouvaient avoir une foi implicite[129]. A sa suite, et logiquement, K. Rahner suggère l’existence de « chrétiens anonymes », chrétiens sans le savoir. Finalement, on a dit, et en haut lieu, que la rédemption du Christ est reçue sans annonce du Christ[130]. Toutes ces choses sont impossibles (seconde catégorie d’impasses) : « En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Mais comment l’invoquer sans d’abord croire en lui ? Et comment croire sans d’abord l’entendre ? Et comment entendre sans prédicateur ? » (Rm 10, 13-14)

            Mais va-t-on condamner des déductions logiques ? Il faut plutôt annuler le point de départ de ces déductions : l’oubli de la Bonne Nouvelle annoncée aux défunts.

           

            Dire que la rédemption du Christ est reçue sans contact avec le Christ a pour corollaire le fait que le salut n’a pas lieu dans une véritable rencontre vivante, et cela amène une impasse morale et théologique (troisième catégorie d’impasses) :

« Parfois, dans les discussions sur les problèmes nouveaux et complexes en matière morale, il peut sembler que la morale chrétienne soit en elle-même trop difficile, trop ardue à comprendre et presque impossible à mettre en pratique. C’est faux, car, pour l’exprimer avec la simplicité du langage évangélique, elle consiste à suivre le Christ, à s’abandonner à Lui, à se laisser transformer et renouveler par sa grâce et par sa miséricorde qui nous rejoignent dans la vie de communion de son Eglise. » (Jean Paul II, Veritatis Splendor 119)

           

            Toujours avec la bonne intention de ne pas dire que les non-chrétiens sont damnés, certains ont pensé que le contact, plus ou moins vague avec l’Eglise pouvait être équivalent au contact avec le Christ. On passe de l’image de l’Eglise comme « corps du Christ » (1Co 12) à une identification physique ou morale de l’Eglise avec le Christ, ce qui est une erreur (Quatrième catégorie d’impasses)[131].

 

Si nous disons qu’avant l’Incarnation tous les hommes ont eu un contact avec le Sauveur, alors l’Incarnation est inutile ! (Cinquième catégorie d’impasses). En corollaire, évoquer Marie dans le mystère du Christ devient négligeable. Bien vite, le discours sur Marie dans le mystère de l’Eglise perd sa valeur.

 

            Un autre type de raisonnement, tout aussi contradictoire avec le Nouveau Testament a été d’imaginer que l’enfer ne soit que virtuel. Mais alors était-ce bien la peine que Jésus parle de l’enfer et accomplisse la Rédemption au prix de la croix ? (Sixième catégorie d’impasses). C’est pourtant le raisonnement d’un très grand théologien, Urs von Balthasar. Le volume et la complexité de son œuvre écrite ne parviennent pas à cacher ni la contradiction interne ni l’omission de cette vérité que le Christ est venu pour détruire l’œuvre du diable (1Jn 3, 8 : si diable il y a[132], l’enfer n’est donc ni vide, ni virtuel).

 

            Si l’enfer n’est que virtuel, on pourrait dire aussi que le bien et le mal n’existent pas et qu’il n’existe que des choses plus ou moins justes selon le contexte. Ce serait une régression non seulement en deçà du christianisme mais en deçà de toute la quête de sens de l’humanité qui, nous l’avons vu, traduit l’existence en nous d’une loi naturelle (Septième catégorie d’impasses).

            Il faut au contraire dire que « l’autonomie de la raison ne peut pas signifier la création des valeurs et des normes morales par la raison elle-même »[133].

 

            Saint Augustin n’avait fait qu’amorcer un tournant. Les siècles de réflexion logique se sont chargés d’en tirer les conséquences, et elles sont immenses. Saint Augustin en serait sans doute effrayé… Son intention était tellement modeste, il voulait simplement, au plan pastoral, réveiller les chrétiens et leur dire de ne pas attendre l’heure de la mort pour se convertir.

 

           

            Ce long détour nous montre l’importance du langage des messages d’Amsterdam. La Vierge Marie appelée comme « mère du Fils de l’homme » (message d’Amsterdam du 1° avril 1951) est un discret rappel du mystère de Jésus incarné et capable de rejoindre tout homme dans la mort :

« "La Bonne Nouvelle a été également annoncée aux morts ..." (1P 4,6). La descente aux enfers est l’accomplissement, jusqu’à la plénitude, de l’annonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa signification réelle d’extension de l’œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui sont sauvés ont été rendus participants de la Rédemption. » (Catéchisme 634).

           

            Nous mesurons encore mieux la cohérence et l’actualité du message d’Amsterdam, et combien il contient tous les éléments qui protègent l’Eglise de l’apostasie :

  • La Dame suppose et rappelle le dogme de Jésus comme unique rédempteur et unique médiateur[134] quand elle montre la croix, ainsi que lorsqu’elle demande d’être appelée « Corédemptrice et Médiatrice » quand cela est correctement compris.
  • La « Dame de tous les peuples » est la « mère du Fils de l’homme » ((1er avril 1951 et 31 mai 1951), la mère de Jésus qui descend dans le séjour des morts pour que les morts entendent la voix du Fils de l’homme (Jn 5, 25) ; elle est aussi « l’avocate » qui offre encore la possibilité de salut éternel dans l’heure de la mort.
  • L’apparition suppose la doctrine des fins dernières, elle parle aussi bien de l’enfer - « les forces de l’enfer » (3 décembre 1953) - que du paradis, « le ciel » et l’Eucharistie qui « nous donne un avant-goût de la vie éternelle » (31 mai 1957). Sans menacer les peuples de l’enfer (même s’ils ont « rejeté la Trinité »), l’apparition rejoint les peuples dans leurs préoccupations terrestres (« l’équité », « la paix »...) et elle donne une image qui oriente vers la Croix de Jésus bon berger : l’apparition ne veut pas attendre un éventuel salut des peuples dans l’Au-delà de la mort : elle conduit dès maintenant au Christ et à l’Eucharistie.
  • En même temps que nous revenons à l’idée de la prédication du Christ aux défunts, il faut aussi revenir à l’idée de loi naturelle[135], parce que celui dont les œuvres sont bonnes vient à la lumière (Jn 3, 19-21). C’est ici qu’il faut remarquer la modernité de la prière de la Dame qui demande la fin de « la guerre » et de « la corruption », ou encore les premiers messages qui parlaient de « justice » et de « partage ».
  • Enfin, la Dame de tous les peuples demande de prier l’Esprit Saint pour tous les peuples. En effet, c’est dans la grâce de l’Esprit Saint que le bien peut être accompli. Et c’est aussi grâce à l’Esprit Saint que l’on peut croire en Jésus.

 

La Dame de tous les peuples, le 5° dogme, la Femme de l’Apocalypse

            La Dame de tous les peuples donne une image qu’elle commente en disant :

« Cette image du troupeau de brebis figure les peuples du monde entier, qui ne trouveront pas de repos tant qu’ils ne se coucheront pas là et ne lèveront pas les yeux paisiblement sur la croix, centre de ce monde. » (31 mai 1951)

 

            En regardant vers la Croix, les peuples voient aussi Marie. Le rôle de Marie dans l’Evangélisation est exprimé par les titres « corédemptrice, médiatrice, avocate ».

            Cette triple fonction provient de sa maternité divine et de sa souffrance au calvaire, comme l’exprime aussi la contemplation d’une mystique : « Elle eût moins souffert si elle était morte avec son Fils, mais il faut qu’elle le voie agoniser, il faut qu’elle le voie mourir et qu’elle vive. Elle est sainte et plus que sainte. Elle est martyre, et plus que martyre, elle en est la reine… Elle est la Mère du Tout-Puissant, elle en partage toute la gloire, elle participe à son gouvernement divin. C’est pourquoi tous les cris, toutes les supplications, toutes les louanges qui montent de la terre vers Dieu, passent par Marie, de Marie à Jésus, et de Jésus au Père. En retour, toutes les grâces obtenues passent du Père au Fils, du Fils à sa Sainte Mère, et par elle à celui qui la prie. »[136]

 

            Sa fonction de coopération est universelle, dans le sens où Vatican II dit :

« Elle engendra son Fils, dont Dieu a fait le premier-né parmi beaucoup de frères (Rm 8,29), c’est-à-dire parmi les croyants, à la naissance et à l’éducation desquels elle apporte la coopération de son amour maternel. » (Vatican II, Lumen Gentium 63)

            Elle est aussi la médiatrice et l’avocate qui intercède pour tous les hommes, au sens où Vatican II dit :

« La Mère du Seigneur et Sauveur […] continue d’intercéder près de son Fils dans la communion de tous les saints, jusqu’à ce que toutes les familles des peuples, qu’ils soient déjà marqués du beau nom de chrétiens ou qu’ils ignorent encore leur Sauveur, soient enfin heureusement rassemblés dans la paix et la concorde en un seul peuple de Dieu à la gloire de la Très Sainte et indivisible Trinité. » (Vatican II, Lumen Gentium 69)

           

            La mystique (Marthe Robin) déjà citée évoque elle aussi le rôle de Marie pour toutes les familles des peuples, en prenant soin de ne pas mettre le verbe "sauver" sur le même plan que les autres verbes :

« La sainte Vierge a tout pouvoir sur le Cœur de Dieu, c’est donc toute sa famille humaine qu’elle protège, qu’elle console, quelle guérit, qu’elle encourage, qu’elle éclaire, qu’elle soutient, qu’elle veut sauver. Mère de miséricorde, elle imite le Père de toutes les miséricordes et nous aide, même sans être priée. »[137]

           

            La famille humaine (y compris les non-chrétiens) est consolée, guidée ou éclairée par la sainte Vierge. Marie joue de manière universelle son rôle d’avocate et de médiatrice, tout comme les Hébreux au désert ont été abreuvés et guidés dans leur Exode par le Christ bien avant d’être chrétiens (1Co 10, 4). Mais, du fait que le salut n’est donné que par la prédication, le baptême et la foi théologale, il n’est pas dit que la famille humaine soit déjà sauvée, il est simplement dit que la sainte Vierge « veut sauver » (en Jésus). Le rôle de Marie comme corédemptrice universelle consiste ici à préparer les cœurs des non-chrétiens à accueillir le Christ leur rédempteur, tout comme elle-même, la Vierge, a su l’accueillir.

 

            La Dame de tous les peuples est donc venue pour l’Evangélisation des peuples, y compris pour ceux qui se sont détournés de la Trinité (c’est-à-dire les post-christianismes ou les antichristianismes : islam, nouvel-âge, etc.)

« C’est au prix de terribles combats et de malheurs que le monde, que ceux qui se sont détournés de la Trinité, retourneront à l’Église. […] Une foi simple, cela peut apporter le salut aux hommes. » (31 décembre 1951)

            Un autre message dit : « Les chrétiens vont se fatiguer à force de combattre. » (3 janvier 1946)

 

            L’évocation des post-christianismes ou antichristianismes (ceux qui se sont détournés de la Trinité) et l’évocation des terribles combats et malheurs nous plonge dans l’atmosphère de l’Apocalypse. De plus, le terme hollandais « Vrouwe » par lequel l’apparition se désigne peut être traduit autant par « Dame » que par « Femme », ce qui nous amène aussi au livre de l’Apocalypse et au grand signe de la Femme : elle est revêtue de soleil et couronnée d’étoiles, elle enfante un fils, menacé par le dragon, mais élevé aux Cieux (Ap 12, 1-5). Satan, le dragon, ne peut rien contre la Femme, « Alors, furieux contre la Femme, le Dragon s’en alla guerroyer contre le reste de ses enfants, ceux qui gardent les commandements de Dieu et possèdent le témoignage de Jésus. » (Ap 12, 17).

            La femme de l’Apocalypse est l’antithèse de Babylone. La Dame de tous les peuples est porteuse de paix à l’échelle mondiale, la vraie paix. Pour éviter qu’en toute bonne foi nous ne construisions « Babylone » (cf. Ap 17) qui, nous dit l’Apocalypse, sera détruite par la bête et l’antéchrist qui l’ont inspirée, il faut nous tourner vers la Femme.

            Cette femme (la Dame, en hollandais « Vrouwe »), c’est l’Eglise (dont nous avons écouté le magistère), et c’est Marie, qui se manifeste dans les apparitions.

            La Femme est l’antithèse de Babylone. La Femme est pure, Babylone est prostituée. Babylone sera détruite. La Femme sera glorifiée en tant que cité céleste (Ap 21), une cité dans laquelle entreront non seulement les témoins de Jésus mais aussi « tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image » (Ap 20, 4).

 

Extraits de Françoise Breynaert, Amsterdam, la Dame de tous les peuples, RAS 2013.

           

             

 

 


[1] http://www.devrouwevanallevolkeren.nl/devrouwe/french/introduction.htm

[2] Concile de Trente, 6° session, 13 janvier 1547. DS 1554 et 1556. Lire aussi notre paragraphe « Obéissance et liberté dans l’Esprit Saint » dans la première partie.

[3] Extrait de la brochure „ENTSTEHUNG BOTSCHAFTEN BEDEUTUNG“ / ("ORIGINE, MESSAGES, SIGNIFICATION"), Fondation La Dame de tous les Peuples, 2002.

http://www.devrouwevanallevolkeren.nl/devrouwe/french/indexd41d.html?http://www.devrouwevanallevolkeren.nl/devrouwe/french/le_dogme.htm

[4] Miravalle, M. I. (ed.), Mary Coredemptrix, Mediatrix, Advocate. Theological Foundations. Towards a Papal Definition?, Queenship Publishing, Santa Barbara 1995

[5] Miravalle, Ibid., xiv.

[6] Miravalle, Ibid., xvii.

[7] La commission était formée de: P. MELADA et S. CECCHIN, président et Secrétaire de la Ponticifia Accademia Mariana Internationale ; C. POZO, S.J (Espagne), I. CALABUIG, O.S.M (Marianum-Rome), J. CASTELANO CERVERA, O.C.D (Teresianum) Rome, F. COURTH, S.A.C (Allemagne), S. DE FIORES, S.M.M (Italie), M-À DELGADO, OSM (Mexique); M. FELICIO DE ROCHA (Portugal), G. GHARIB, melchite (Syrie), R. LAURENTIN (France); J. PACH, O.S.P.P.E (Pologne), A. REBIC (Croatie), J. RIVAIN (France), J. ROTEN, S.M, (U.S.A.); E. TONIOLO, O.S.M (Italie), mons. T. SIUDY (Pologne), A. ZIEGENAUS (Allemagne), R. GREENACRE (anglican - Angleterre), H-C. SCHMIDT-LAUBER (luthérien - Autriche), G. LIMOURIS (Orthodoxe - Constantinople), J. KAWAK (Orthodoxe - Syrie), C. CHARALAMPIDIS, (Orthodoxe - Grèce).

COMMISSION THÉOLOGIQUE DU CONGRÈS DE CZESTOCHOWA, Richiesta della definizione del dogma di Maria Mediatrice, Co-rédemptrice e Avvocata, dichiarazione della Commissione teologica del Congresso di Częstochowa, dans "Osservatore Romano", édition quotidienne italienne, 4 juin 1997, p. 10.

[8] Cf. Don Andrea VILLAFIORITA MONTELEONE, Ibid., p. 165-168

[9] CALERO, A. M., María en el misterio de Cristo y de la Iglesia, CCS, Madrid 1990.

CALERO, A. M., La Vergine Maria nel mistero di Cristo e della Chiesa, ElleDiCi, Leumann (Torino) 1995.

CALERO, A. M., Repensare y reformular la corredención. La corredención mariana en la Mariología actual, in Estudios Marianos LXX (2004) 155–187.

CALERO, A. M., El influjo salvífico de María, in Ephemerides mariologicae LV (2005) 371–393.

[10] CALERO, A. M., Repensare y reformular la corredención. La corredención mariana en la Mariología actual, in Estudios Marianos LXX (2004) 155–187., 157.

[11] CALERO, A. M., Repensare…, Ibid., 174.

[12] CALERO, A. M., Repensare…, Ibid., 174

[13] Ou «première des rachetée».

[14] CALERO, A. M., Repensare…, Ibid., 159.

[15] CALERO, A. M., Repensare…, Ibid., 182.

[16] CALERO, A. M., Repensare…, Ibid., 185.

[17] Jn 19, 25-27 ; VATICAN II, Lumen gentium 58.

[18] Non seulement le 5° dogme, mais aussi le dogme de la création rappelé le 31 décembre 1951, etc.

[19] M. I. MIRAVALLE, Our Movement will continue. Response to a Statement of an International Theological Commission of the Pontifical International Marian Academy, in Inside the Vatican 6 (1997), 25. Oggi quel numero è cresciuto: la lettera inviata a tutti i vescovi del mondo il I gennaio 2008-di cui si dirà fra poco-parla di sette milioni di adesioni.

[20] Cfr. www.zenit.org/article-21743?l=english. Cfr. anche www.zenit.org/article-13474?l=italian (consultati il 10/08/09).

[21] Don Andrea VILLAFIORITA MONTELEONE, Alma Redemptoris socia. La cooperazione di Maria santissima alla Redenzione nella teologia contemporanea, Tesi di Dottorato in Teologia diretta dal Prof. Dott. Antonio Ducay ROMA 2009 (Pontificia università della santa Croce, facoltà di teologia), p. 73-75

[22] Le groupe des Dombes, est un groupe de recherche œcuménique (catholiques, protestants, orthodoxes) qui travaille depuis l’après-2° guerre mondiale.

[23] GROUPE DES DOMBES, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Controverses et conversion. Bayard/Centurion 1998, § 210 On observe que Vatican II a délibérément abandonné le titre qui n’a pas été utilisé non plus dans l’enseignement du magistère et on se souvient aussi de l’épisode de la Commission de Częstochowa (1997).

[24] GROUPE DES DOMBES, Ibid., § 208

[25] GROUPE DES DOMBES, Ibid., § 214-227

[26] C. DUQUOC, Œcuménisme et mariologie, in Lumière et Vie XLVII/ 240 (1998) 81–88.

[27] A. BIRMELÉ, L’unique médiation du Christ et la “Coopération” de Marie à son oeuvre de salut, in Ephemerides mariologicae 50 (2000) 49–64.

[28] Cf. Don Andrea VILLAFIORITA MONTELEONE, Alma Redemptoris socia. La cooperazione di Maria santissima alla Redenzione nella teologia contemporanea, Tesi di Dottorato in Teologia diretta dal Prof. Dott. Antonio Ducay ROMA 2009 (Pontificia università della santa Croce, facoltà di teologia), p. 214-215

[29] ZELINSKY, V., Mary in the Mystery of the Church: The Orthodox Search for Unity, in Miravalle, M. I. (ed.), Mary Coredemptrix, Mediatrix, Advocate. Theological Foundations. II. Papal, Pneumatological, Ecumenical, Queenship Publishing, Santa Barbara 1997, p. 177–225.

[30] ZELINSKY, V., Ibid., 222.

[31] ZELINSKY, V., Ibid., 224.

[32] Cfr. J. MACQUARRIE, Mary Coredemptrix and Disputes Over Justification and Grace: An Anglican View, in MIRAVALLE, M. (ed.), Mary Coredemptrix, Mediatrix, Advocate. Theological Foundations. II. Papal, Pneumatological, Ecumenical, Queenship Publishing, Santa Barbara 1997, p. 245–256.

[33] J. MACQUARRIE traite ainsi de deux aspects distincts : une corédemption dans un sens faible, commun à Marie et à tous les chrétiens : tout chrétien peut coopérer à son propre salut et à celui des autres chrétiens, et une corédemption au sens fort, celle de Marie. La théologie catholique désigne les deux aspects en parlant respectivement de la rédemption subjective et objective.

[34] Eglise catholique, fédération luthérienne mondiale, La doctrine de la justification, déclaration commune, Le Cerf, Paris 1999, n° 21, p. 68

[35] Catéchisme de l’Eglise catholique, Plon, Paris 1992, n°488 

[36] Eglise catholique, fédération luthérienne mondiale, La doctrine de la justification, déclaration commune, Le Cerf, Paris 1999, n° 21, p. 68

[37] Martin LUTHER, Le Magnificat, Commentaire. Edition Salvator, Mulhouse 1967, p. 60

[38] Extrait de : Françoise BREYNAERT, L’arbre de vie, symbole central de la spiritualité de saint Louis-Marie de Montfort, éditions Paroles et Silence, Saint Maur 2005 (thèse de doctorat) p. 246-248

[39] H. JAEGER, « Mystique protestante et anglicane », dans Aa Vv, La mystique et les mystiques, DDB, Paris 1965, p. 322-325

[40] ORIGENE, Commentaire sur le Cantique des Cantiques, dans SC 375, tomes I et II, par Luc Brésard et Henri Crouzel, Le Cerf, Paris 1991, Livre III, 5, 20 ; Tome II, p.537

[41] H. JAEGER, Ibid.

[42] VATICAN II, Lumen Gentium 55

[43] Cf. Ephraïm URBACH, Les sages d’Israël, Cerf, Paris 1996, (traduit de l’hébreu par Marie-José Jolivet. Edition originale, Jérusalem 1979), p. 669-670

[44] J. BERNARD, Torah et culte chez les Rabbins, confessions divergentes, « Mélanges de science religieuse », Lille, Janvier-mars 1997 pp. 38-71 ; J. BERNARD, Le péché originel, une invention de saint Paul ? « Revue Ensemble » n° 2, juin 1994, p. 91-106

[45] Sifre Nb Pisqa 161, p.222, § 15b

[46] Sifre Nb Pisqa 161, p.222 § 15a

[47] Eikhah rabbah 24

[48] Tanhuma naso 16, éditions Eshkol Jer. 1972, pp. 687-688

[49] Cantique rabba I, 2

[50] Mekhilta de rabbi Ismaël sur Exode 14, 15, édition Horowitz, p. 99 ligne 1-4 ; cf. Ibid. sur Exode 14, 31, édition Horowitz, p. 115 ligne 11

[51] Cf. Ephraïm URBACH, Les sages d’Israël, Cerf, Paris 1996, (traduit de l’hébreu par Marie-José Jolivet. Edition originale, Jérusalem 1979), p. 438-439.

[52] Le livre de Ben Sirac le sage (Siracide) fait partie de l’Ancien Testament que lisent encore les chrétiens, et cependant, les chrétiens font une autre lecture de l’épisode d’Adam et Eve.

[53] Une interprétation similaire doit être donnée au dire suivant attribué à rabbi Yehoshua :

"Parce qu’elles ont amené la mort dans le monde, elles sont les premières à approcher un mort... Parce que la femme a été l’âme du premier homme, à elle fut donné le commandement d’allumer la lumière du Shabbat." (Genèse Rabba XVII, 8)

[54] C’est l’opinion de ISRAËL LÉVI, « Le péché originel dans les anciennes sources juives », école pratique des hautes études, Paris 1907, p. 9.

[55] TALMUD DE BABYLONE, Shabbat 55 b ; Talmud de Babylone Bava batra 17a.

[56] Cf. Ephraïm URBACH, Les sages d’Israël, Ibid., p. 440-447

[57] APOCALYPSE DE BARUCH SYRIAQUE (54, 15-19) ; 4 Esdras 3 ; 4 Esdras 7

[58] « Il n’est pas d’homme juste sur la terre qui fasse le bien et ne pèche pas » (Qo 7, 20)

[59] Avot de R. Nathan, version B, XLII, 7, 59a ; Genèse Rabba XX, 5

[60] Cette idée est reprise par le christianisme où elle est remarquablement exprimée par Nicolas Cabasilas.

[61] Voir ISRAËL LEVI, « Le péché originel dans les anciennes sources juives », école pratique des hautes études, Paris 1907 ; S. Cohon, « Original sin », HUCA XXI (1948), p. 275s.

[62] Les chrétiens sont sur ce point d’accord avec le judaïsme : quand saint Paul oppose la chair et l’esprit, il oppose les deux penchants mais n’oppose pas le corps et l’esprit, preuve en est, il considère le corps comme le temple de l’Esprit et parle de la résurrection du corps. La personne est corps et âme. Elle n’est pas « âme » isolément, ce serait un fantôme ; elle n’est pas corps uniquement non plus.

[63] Par d’autres raisonnements, le philosophe allemand Schelling (†1854) imagina aussi Dieu à l’origine du penchant mauvais : l’origine du mal est un fond abyssal en Dieu (Ungrund) ce qui donna à sa philosophie une forte inclination moniste et l’obligea à parler d’un Dieu en devenir. Ces idées ne sont pas reprises par le christianisme qui enseigne la création bonne des anges et la révolte de certains d’entre eux, en premier desquels Satan, Lucifer. Il n’est en effet pas concevable que Dieu qui est bon puisse créer le mal.

[64] Sifré Deutéronome § 15.

[65] Cantique rabba I, 2

[66] Saint AUGUSTIN, De la nature et de la grâce, § 42

[67] Cf. Ephraïm URBACH, Les sages d’Israël, Cerf, Paris 1996, (traduit de l’hébreu par Marie-José Jolivet. Edition originale, Jérusalem 1979), p. 505-523.

[68] Mekhilta de Rabbi Ishmaël, shira I, p. 118 ; voir Genèse Rabba XXX, 1 

[69] Talmud de Babylone, Yoma 38b. 

[70] Talmud de Babylone, Yoma 38b

[71] Genese Rabba XXV, 2 

[72] Genese Rabba LXIII, 1 

[73] Pesiqta rabbati 117a

[74] Talmud de Babylone, Shabbat 55°

[75] Genese Rabba XXXIII,3 

[76] Talmud de Babylone, Mo’ed Qatan 28a

[77] Genese Rabba LVI, 11 

[78] Cf. Ephraïm URBACH, Ibid., p. 516-517 et 538.

[79] Mekhilta de rabbi Ishmael, va-yehi III, p. 99

[80] Mekhilta de rabbi Ishmael, va-yehi III, p. 97

[81] Midrash tehillim CXIV, 5, p. 472

[82] Midrash tehillim LXII, 4, p. 309

[83] Talmud de Babylone, Berakhot 10a

[84] Cf. JEAN-PAUL II, Audience du 5 mars 1997

[85] DUNS SCOT, En III sententiarum, d 3, q 1. Pie IX, Bulle « Ineffabilis Deus » du 8 Décembre 1854 ; JEAN-PAUL II, audience générale du 5 juin 1996, § 4.

[86] Lire par exemple : Saint ATHANASE D’ALEXANDRIE, De Incarnatione 11-16

[87] De nos jours, Jean-Marie Elie Stebon, un rabbin juif ultra-orthodoxe appelé par le Christ et devenu catholique, ne parle pas de sa conversion en disant qu’il est « devenu un juif accompli » mais véritablement comme « d’une conversion et d’une rupture » Cf. Jean-Marie Elie STEBON, De la Kippa à la Croix, Editions Salvator, Paris 2012.

[88] Catéchisme de l’Eglise catholique, § 2863-2864

[89] St LOUIS-MARIE de MONTFORT, Traité de la Vraie Dévotion § 221

[90] Je vais m’appuyer aussi sur : F. BREYNAERT, "Mère du Fils de l’homme" - titre synthèse de la mariologie conciliaire et lumière sur la théologie des religions, dans les Actes du congrès la PAMI (académie pontificale internationale de mariologie), Rome 2012.

[91] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 354-355

[92] Extrait du titre du chapitre VIII de la Constitution dogmatique Lumen gentium.

[93] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 70-84

[94] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 354-355

et : « Beaucoup d’exégètes supposent qu’il pourrait y avoir derrière ce texte une version où le fils d’homme était aussi une figure individuelle, mais, quoi qu’il en soit, nous ne connaissons pas cette version et elle demeure une hypothèse. Les textes souvent cités de IV Esdras 13 et de l’Ethiopien Enoch, dans lesquels le Fils de l’homme est représenté comme une figure individuelle, sont plus récents que le Nouveau Testament et ne peuvent donc être considérés comme une de ses sources. » Ibid., p. 355

[95] Joseph RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 362-363

[96] Cf. H. CAZELLES, Fille de Sion et théologie mariale dans la Bible, Etudes mariales (mélange), mariologie et œcuménisme. Lethielleux, Paris, 1964., pp 51-70. Joseph RATZINGER, La fille de Sion. Parole et Silence 2002.

[97] Titre du chapitre VIII de Lumen gentium à Vatican II.

[98] C’est pourquoi l’article de DE MARGERIE, B., (L’église peut-elle définir dogmatiquement la maternité spirituelle de Marie? Objections et réponses, in Marianum XLIII (1981) 394–418) a été intégralement repris dans la collecte de Miravalle ayant pour but la promotion d’une définition de la corédemption. MIRAVALLE, M. I. (ed.), Mary Coredemptrix, Mediatrix, Advocate. Theological Foundations. Towards a Papal Definition?, Queenship Publishing, Santa Barbara 1995, p. 191–214.

[99] André FEUILLET, L’accomplissement des prophéties, Desclée, Paris 1991, p. 84.

[100] Saint ARISTIDE D’ATHENE, Apologie 2,6

[101] JEAN-PAUL II, Encyclique Redemptoris mater § 20

[102] N.B. BENOIT XVI semble assez nettement minimiser l’importance des expulsions au moment de la guerre juive pour dater le moment où aurait commencé le culte de Jésus. Pour résumer son argumentaire, disons qu’au moment de la guerre juive, alors que les Juifs combattent contre les Romains pour défendre Jérusalem et le Temple, la fuite des judéo-chrétiens (cf. Mc 13, 14) montre « le "non" des chrétiens à l’interprétation zélote du message biblique et de la figure de Jésus : leur espérance est d’une autre nature. » ; cette désertion leur valut l’inimitié des Juifs. Dans un tel contexte, imaginer que les chrétiens sont expulsés à cause d’un culte de Jésus qui serait tout récent n’a plus beaucoup de poids.

Cf. Joseph RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 46

[103] Cf. Joseph RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p.357-358

[104] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 362-363.

[105] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 200-201.

[106] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 362-363.

[107] J. RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 200-201.

[108] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 362-363.

[109] Marthe ROBIN, Journal, Les cahiers de Marthe Robin, 2013, p. 60

[110] ORIGENE, Commentaire sur le Cantique des Cantiques, dans SC 375, tomes I et II, par Luc Brésard et Henri Crouzel, Le Cerf, Paris 1991, Livre III, 5, 20 ; Tome II, p.537

[111] HUMBERTUS DE ROMANIS, In Quare b.Virgini sabbatum dicatur. De vita regulari, II, pp. 73-75 ; cf. Ignazio CALABUIG, Il culto di Maria in occidente, In Pontificio Istituto Liturgico sant’Anselmo. Scientia Liturgica, sotto la direzione di A.J. CHUPUNGCO, vol V, Piemme 1998. p. 342

[112] JEAN-PAUL II, Audience générale du 2 avril 1997

[113] Marthe Robin, Journal, Les cahiers de Marthe Robin, 2013, p. 255 (15 août 1930)

[114] Marthe Robin, Journal, Les cahiers de Marthe Robin, 2013, p. 488-489 (23 mai 1932)

[115] Marthe Robin, Journal, Les cahiers de Marthe Robin, 2013, p. 490 (23 mai 1932)

[116] Marthe Robin, Journal, Les cahiers de Marthe Robin, 2013, p. 63 (22 janvier 1930)

[117] Saint AUGUSTIN, dans sa lettre à Evodius, explique qu’il vaut mieux ne plus en trop en parler pour ne pas attiédir les chrétiens.

[118] VATICAN II, Lumen gentium 63.

[119] JEAN-PAUL II, Audience générale du 29 mai 1996

[120] Cfr. A. B. CALKINS, Pope John Paul II’s Teaching on Marian Coredemption, in Miles Immaculatae 32 (1996) 474–508.

[121] Youcat § 333

[122] CONCILE DE TRENTE, 6° session 13 janvier 1547 : décret sur la justification, chapitre 13 (DS 1541).

[123] Saint Augustin, La Cité de Dieu, XIII, 1, 1.

[124] Saint Augustin, La Cité de Dieu, Livre XX, 7.

[125] Saint Hilaire de Poitiers, Commentaire de l’Evangile de Matthieu, Sources chrétiennes n° 258, Cerf, Paris, p. 145-151.

[126] Saint Jean Chrysostome, Homélies sur saint Matthieu, n° 69. Dans les Œuvres complètes de saint Jean Chrysostome, par l’abbé Bareille, tome 12, p. 601s.

[127] Saint Jérôme, Commentaire sur saint Matthieu, Livre III, Sources chrétiennes n°259, Cerf, Paris, p. 139-145.

[128] Saint Augustin, Sermon 90. Patrologie latine, Migne 1841 : saint Augustin, tome 5, col 569. Disponible en français sur http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/sermons/serm90.htm

[129] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I-IIa Qu.106 a.1 solutions.

[130] Conseil Pontifical pour le Dialogue Inter-religieux, et la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, Dialogue et annonce 19 mai 1991 (n° 29).

[131] « On en trouve, en effet qui, ne remarquant pas assez que saint Paul n’emploie ici les mots qu’au sens figuré, et ne distinguant pas, comme il le faut absolument, les sens particuliers et propres de corps physique, moral, mystique, introduisent une fausse notion d’unité, quand ils font s’unir et se fondre en une personne physique le divin Rédempteur et les membres de l’Eglise et tandis qu’ils accordent aux hommes des attributs divins, ils soumettent le Christ Notre-Seigneur aux erreurs et à l’inclination au mal de l’humaine nature. Ce n’est pas seulement la foi et la doctrine des Pères qui répudient absolument cette doctrine erronée, mais aussi la pensée et l’enseignement de l’Apôtre des Gentils qui, tout en unissant d’un lien merveilleux le Christ et son Corps mystique, les oppose pourtant l’un à l’autre comme l’Epoux et l’Epouse (Eph 5, 22-23). » (Pie XII, Lettre encyclique Mystici Corporis, 1943.

[132] Je tiens d’une source orale que Marthe Robin voulait que l’on fasse savoir que la douleur des damnés consiste dans « la vision de Satan, l’horrible Satan »…

[133] Jean Paul II, Encyclique Veritatis Splendor § 40 

[134] Ce qu’a réaffirmé la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans la Déclaration Dominus Iesus, le 6 août 2000.

[135] A ce sujet, évoquons Jean Paul II et son encyclique Veritatis Splendor, 1993, puis en 2009, avec le document de la Commission théologique internationale, A la recherche d’une éthique universelle : Nouveau regard sur la loi naturelle, 20 mai 2009.

[136] Marthe ROBIN, Journal, Les cahiers de Marthe Robin, 2013 p. 77

[137] Marthe ROBIN, Journal, Les cahiers de Marthe Robin, 2013 p. 77

Jean Paul II, Redemptoris Mater (la Mère du Rédempteur)

Date de dernière mise à jour : 09/12/2020