14° dimanche ordinaire (C)

Logo radio esperance

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

(Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

 

Première lecture (Is 66, 10-14c)

Psaume (Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20)

Deuxième lecture (Ga 6, 14-18)

Évangile (Lc 10, 1-12.17-20)

Première lecture (Is 66, 10-14c)

Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez ! Alors, vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations ; alors, vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire. Car le Seigneur le déclare : ‘Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations. Vous serez nourris, portés sur la hanche ; vous serez choyés sur ses genoux. Comme un enfant que sa mère console, ainsi, je vous consolerai. Oui, dans Jérusalem, vous serez consolés. Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse ; et vos os revivront comme l’herbe reverdit. Le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs. – Parole du Seigneur.

Il s'agit de la finale de la troisième partie du prophète Isaïe. Les chapitres Is 65 et Is 66 sont unis et dans les deux chapitres, le thème du passé est évoqué, parfois même avec des images rudes, mais pour inviter à l'oublier, parce que Dieu veut faire briller une lumière nouvelle, une confiance qui guérira les infidélités et les cruautés subies.

« Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez ! » (Is 66, 10)

La joie advient lorsqu’un désir s’accomplit, lorsqu’on atteint son rêve. Ce texte d’Isaïe date du retour d’exil à Babylone, c’était un moment historique plein d’espérance, et en même temps très humble. Un petit reste, dans un pays réduit et en reconstruction. Nous aussi, dans nos existences, nous pouvons être dans la joie. Nous sommes tristes si nous considérons des désirs irréalisés, mais nous sommes joyeux si nous considérons la grâce présente, nous sommes joyeux si nous sommes en état de grâce, dociles aux inspirations de l’Esprit Saint toujours présent. Joie du Christ très beau, très pur, qui a donné sa vie par amour, et qui nous donne son corps et son sang dans l’Eucharistie. Joie de la sainteté.

Sainte Hildegarde met en scène le bonheur et l’affliction. « [Le bonheur rétorque à l’affliction] : Tu es envieuse, parce que sans confiance en Dieu, ne demandant pas d’aide, tu n’en reçois pas. Mais moi je l’appelle et Il me répond. Je lui demande miséricorde et je suis exaucé. Je suis rempli de joie profonde. Je joue de la harpe en sa présence et je dispose mon œuvre autour de lui. Je place ma vérité en Dieu et place ma vie entre ses mains. » (Liber vitae meritorum II, 19).

« Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez ! » (Is 66, 10) Le sourire maternel de la Vierge dd, si souvent reproduit dans l’iconographie mariale, manifeste la joie messianique, qu’Isaïe avait annoncé à l’avance et elle la transmet à l’humanité de tous les temps. La Vierge Marie n’a pourtant pas eu une vie facile, durant les fiançailles où il faut attendre que l’ange manifeste à Joseph la vérité sur l’enfant qu’elle porte, elle avait aussi une joie secrète, incommensurable. Quand il a fallu enfanter dans la pauvreté de la grotte de Bethléem, la joie aussi était présente, une joie immense, partagée avec les bergers. Durant sa vie cachée alors qu’elle est la mère du Messie, et quand son fils est persécuté et meurt sur une croix, c’est la peine, mais elle est éclairée par le fait de vivre la Volonté divine, qui est vie, amour, paix et joie.

« Alors, vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations ; alors, vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire. » (Is 66, 11)

La vie de l'homme est dans les mains de Dieu, et ce sont des mains pleines de tendresse, comme celles d'une mère qui accueille, qui nourrit et qui prend soin de son enfant : « Donnez-moi vos sentiments et vos problèmes. Je veux vous consoler dans vos épreuves. Je veux vous combler de paix, de joie et d’amour divin » dit Notre Dame à Medjugorje le 20.06.85.

Vatican II dit : « Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Église en son achèvement dans le siècle futur, de même sur cette terre, en attendant la venue du jour du Seigneur (cf. 2P 3,10), elle brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage. » (Vatican II, Lumen gentium 68)

Et saint Maximilien Kolbe dit : « Il faut comprendre quel grand bonheur est la paix de l’âme procurée par notre consécration totale à l’Immaculée. Cette paix profonde est un bonheur intraduisible. Et si sur cette terre déjà elle est comme un goût du ciel, ce que ce sera dans le ciel, on ne peut pas le dire ! »*

« Car le Seigneur le déclare : ‘Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations.’ » (Is 66, 12).

Notre-Dame à Medjugorje : « Chers enfants, aujourd’hui, je vous appelle tous à vous réjouir de la vie que Dieu vous a donnée. Petits enfants, réjouissez-vous en Dieu le Créateur car Il vous a créés de façon si merveilleuse.

Priez pour que votre vie soit un joyeux remerciement qui coule de vos cœurs comme un fleuve de joie. Petits enfants, remerciez sans cesse pour tout ce que vous possédez, pour tout petit don que Dieu vous fait.

Ainsi une bénédiction de joie venant de Dieu descendra toujours sur votre vie. Merci d’avoir répondu à mon appel. » 25.08.88 (entier)

Et sainte Thérèse de Lisieux, « Ah ! si toutes les âmes faibles et imparfaites sentaient ce que sent la plus petite de toutes les âmes, l'âme de votre petite Thérèse, pas une seule ne désespérerait d'arriver au sommet de la montagne de l'amour, puisque Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l'abandon et la reconnaissance » (Lettres 196).

« Vous serez nourris, portés sur la hanche ; vous serez choyés sur ses genoux. Comme un enfant que sa mère console, ainsi, je vous consolerai. Oui, dans Jérusalem, vous serez consolés. Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse ; et vos os revivront comme l’herbe reverdit. Le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs. » (Is 66, 13-14). La liturgie ne nous fait pas lire les versets suivants, où il est dit que le Seigneur arrive dans le feu et qu’il se fait juge : on verra les cadavres des hommes révoltés, tandis que les serviteurs du Seigneur l’adoreront quand le Seigneur fera les cieux nouveaux et la terre nouvelle (Is 66, 15-24). Ces derniers versets prophétisent ce que décrit l’Apocalypse : à travers un jugement des nations, cette Cité sainte aura douze portes (Ap 21, 9-14) et rassemblera tous ceux que les douze Apôtres ont évangélisés, assistés par les anges. Leur mission et celle de leurs successeurs ont atteint toute la terre, dans les quatre directions cardinales.

Notre-Dame à Medjugorje : « Ainsi, petits enfants, décidez-vous sérieusement pour Dieu, car tout le reste passera, seul Dieu ne passera jamais. Priez pour découvrir toute la grandeur et la joie de cette vie que Dieu vous donne. » (25.05.89)

* St Maximilien Kolbe, L’Immaculée révèle l’Esprit Saint, entretiens spirituels inédits du Père Kolbe, présentés par l’abbé J-F Villepelée, éd. P.Lethielleux, Paris 1974, p.145

 

Psaume (Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20)

Acclamez Dieu, toute la terre ; fêtez la gloire de son nom, glorifiez-le en célébrant sa louange. Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! » Toute la terre se prosterne devant toi, elle chante pour toi, elle chante pour ton nom. Venez et voyez les hauts faits de Dieu, ses exploits redoutables pour les fils des hommes. Il changea la mer en terre ferme : ils passèrent le fleuve à pied sec. De là, cette joie qu’il nous donne. Il règne à jamais par sa puissance. Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu : je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ; Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière, ni détourné de moi son amour !

  • Sens littéral, historique.

La sortie d’Égypte fut un événement très important, dans des circonstances exceptionnelles. Il est raconté par les Hébreux dans le livre de l’Exode. Côté égyptien, le papyrus d'Ipuwer (1) raconte des événements qui concordent avec les 10 plaies d’Égypte racontées dans le livre de l’Exode. Comme Exode 7, 21 Il y avait du sang sur toute la terre d'Égypte. Le papyrus d'Ipuwer, 2 : « La terre est couverte de plaies. Il y a du sang partout. Les villes sont détruites… Tout est en ruine ! Des années de vacarme. Le bruit n'en finit pas… » On peut alors imaginer que le peuple hébreu, réduit en esclavage, en profite pour s'enfuir. En chemin, ils se heurtent aux Amalécites ; sans doute tout aussi affolés par les cataclysmes, ils migrent vers l'Égypte, qu'ils envahissent et asservissent, et certains savants les assimilent au peuple que les Grecs appellent « Hyksos » et que les Égyptiens appellent « Amu ». Ils imposent à l’Égypte une chape d'obscurantisme et d'oppression de plusieurs siècles. C’est sans doute ce qui explique que les annales égyptiennes, prises dans une terrible tourmente, n’ont pas parlé de la sortie des Hébreux. Tout cela étant une hypothèse. Dans le cataclysme, les mouvements exceptionnels des marées ont permis aux Hébreux de passer le golfe, et ce passage par l’eau fut comme une naissance. Les Hébreux ont donné un sens religieux à cette histoire : ce n’était pas seulement la fuite de l’esclavage ou la fuite d’une terre qu’un cataclysme a rendu inhabitable, c’était la sortie d’une attitude religieuse obscurcie par les pratiques magiques et les horoscopes. Dire que le Seigneur est le Dieu unique, cela signifie qu’il ne se confond pas avec les idoles que l’on achète avec des cadeaux. Il est unique, il est transcendant, et il est en même temps très proche.

Dieu a formé son peuple. Il est celui à qui appartiennent tous les peuples de la terre, et la terre entière, et il est, lui seul, celui qui "a fait le ciel et la terre" (Ps 115,15 ; 124,8 ; 134,3). Ce psaume proclame que Dieu agit dans l’histoire, aussi bien dans l’histoire collective « Venez et voyez les hauts faits de Dieu, ses exploits redoutables pour les fils des hommes », que dans l’histoire individuelle « je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ; Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière, ni détourné de moi son amour ! »

Le psalmiste dit : « Il changea la mer en terre ferme : ils passèrent le fleuve à pied sec. De là, cette joie qu’il nous donne. Il règne à jamais par sa puissance. Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu : je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ; Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière, ni détourné de moi son amour ! »

  • Sens analogique (symbolique) et sens moral

Dans son commentaire de ce psaume, saint Augustin interprète le fleuve qu’il faut traverser à pieds secs : c’est le fleuve de la vie, qu’il faut traverser, depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse, d’une manière bonne et sainte. Ensuite, il faut un équilibre : Dieu agit, il change la mer en terre ferme, il fait ceci, il fait cela, mais c’est aussi à l’homme d’agir. Ainsi, dit le Catéchisme de l’Église catholique : « Avec la création, Dieu n’abandonne pas sa créature à elle-même. Il ne lui donne pas seulement d’être et d’exister, il la maintient à chaque instant dans l’être, lui donne d’agir et la porte à son terme » (CEC 301).
Je vous ai parlé d’Amaleq dans la Bible, un ennemi cruel et destructeur. « Quand il s’agit de circonstances adverses, on parle de la volonté permissive de Dieu. Dieu permet le mal pour ne pas nous ôter la liberté qu’il nous a donnée. […] Dieu veut tirer le bien du mal, par la pénitence, la patience, l’humilité, la correction fraternelle. Dieu veut de nous la soumission à son bon plaisir, et non pas la révolte, puis il veut l’accomplissement des devoirs propres à telle ou telle situation qu’il nous a choisie » (2)
Don Vital Lehodey nous offre une distinction très pédagogique :
« Pour les événements du bon plaisir divin, l’abandon est tout indiqué. Il consiste, en effet, dans une attente paisible et confiante, tant que la volonté de Dieu ne s’est pas déclarée, et dans un amoureux acquiescement dès qu’elle se fait jour […] Et dès lors que les événements ne sont pas en notre pouvoir, une attente paisible et soumise n’a rien de quiétiste, elle s’impose même, – sauf ce que nous avons dit ailleurs de la prudence, de la prière et des efforts dans l’abandon.
Tout autre devra être notre attitude devant la volonté de Dieu signifiée. Il nous a clairement déclaré qu’il veut et entend telles et telles choses soient crues, espérées, craintes, aimées et pratiquées. Nous le savons. Et par là même nous n’avons plus le droit d’être indifférents à les vouloir ou ne les vouloir pas. Comme il nous a manifesté sa volonté d’avance, une fois pour toutes, il n’y a pas sujet d’attendre qu’il l’explique à nouveau pour chaque cas particulier. Les choses dont il s’agit relève de notre libre arbitre ; c’est à nous d’agir avec la grâce, par notre propre détermination » (3)

  • Sens christologique (le Christ)

« Ils passèrent le fleuve à pied sec. De là, cette joie qu’il nous donne. Il règne à jamais par sa puissance. »

Pour les chrétiens, la joie de ce psaume est la joie pascale :
« Telle est la joie de la Veillée pascale. La résurrection n’est pas passée, la résurrection nous a rejoints et saisis. Nous nous accrochons à elle, c’est-à-dire au Christ ressuscité, et nous savons que Lui nous tient solidement, même quand nos mains faiblissent […] Par elle-même, la simple indestructibilité de l’âme ne pourrait pas donner un sens à une vie éternelle, elle ne pourrait pas en faire une vraie vie. La vie nous vient du fait d’être aimés par Celui qui est la Vie ; elle nous vient du fait de vivre-avec Lui et d’aimer-avec Lui. C’est moi, mais ce n’est plus moi: tel est le chemin de la croix, le chemin qui crucifie une existence renfermée seulement sur le moi, ouvrant par-là la route à la joie véritable et durable. » (Benoît XVI, Veillée pascale, 15.04.06)

  • Sens eschatologique (l’avenir)

« Il règne à jamais par sa puissance », ce qui signifie qu’il est le souverain maître de l’histoire et que l’avenir du monde est entre ses mains.

Notes :
(1) C. Leemans, Aegyptisghe Monmenten van het Nederlandsche Museum van Oudheden te Leiden Leiden,1846.
C'est en tentant de coordonner l'histoire des rois d'Israël à celle des pharaons égyptiens qu'Immanuel Velikovsky avait fait sa plus grande découverte : celle du Papyrus d'Ipuwer qui raconte lui aussi les plaies d’Égypte bibliques.
Mais avec une différence notable: il s'agit du récit d'un modeste scribe égyptien, dépassé par les événements cataclysmiques qui se sont soudain abattus sur son pays.
Pour Velikovsky (édition posthume : Le désordre des siècles, éditions le jardin des livres 2003), le Papyrus d'Ipuwer est l'une des innombrables preuves que le monde antique a été victime d'un cataclysme sans précédent,- et aussi que la chronologie de l'Histoire telle qu'on nous la présente actuellement ne correspond pas à la réalité.
Sa thèse a été validée par le Pr.. Claude Schaeffer du Collège de France:Le Désordre des siècles propose une nouvelle et fascinante. chronologie (allant de la période de l'Exode .jusqu'au règne d'Akhenaton ) avec une réécriture de l'Histoire.
(2) Don Vital LEHODEY, Le saint abandon, Paris 1919, p. 13-15.
(3) Don Vital LEHODEY, Le saint Abandon, Paris 1919, p. 144-145

Deuxième lecture (Ga 6, 14-18)

Frères, pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus-Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. Ce qui compte, ce n’est pas d’être circoncis ou incirconcis, c’est d’être une création nouvelle. Pour tous ceux qui marchent selon cette règle de vie et pour l’Israël de Dieu, paix et miséricorde. Dès lors, que personne ne vienne me tourmenter, car je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus. Frères, que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit. Amen. – Parole du Seigneur.

« La vie nous vient du fait d’être aimés par Celui qui est la Vie ; elle nous vient du fait de vivre-avec Lui et d’aimer-avec Lui. C’est moi, mais ce n’est plus moi: tel est le chemin de la croix, le chemin qui crucifie une existence renfermée seulement sur le moi, ouvrant par-là la route à la joie véritable et durable. » (Benoît XVI, Veillée pascale, 15.04.06)

Nous allons suivre saint Vincent Marie Strambi évoquant saint Paul de la croix, qui fonda l’ordre des passionnistes au XVIII° siècle.

« À Dieu ne plaise, dit l'Apôtre, que je me glorifie sinon de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde. … Toute la vie du bienheureux Paul de la Croix est une preuve manifeste qu'il avait gravé ces grandes paroles dans son coeur, ou pour mieux dire, que Dieu lui-même les y avait imprimées par sa grâce. Il eut toujours le plus ardent désir de conformer sa vie à celle de Jésus crucifié, et de ranimer parmi les chrétiens le souvenir de la croix et de la mort de notre divin Rédempteur.
Persuadé que le souvenir de la Passion, est une armure puissante et impénétrable pour nous garantir des coups de nos cruels et implacables ennemis, il exhortait tout le monde à méditer la Passion de Jésus-Christ; il y engageait les séculiers et les religieux, les personnes spirituelles et les gens mariés. C'était chez lui une conviction intime que cette méditation éloigne efficacement du péché. «Comment serait-il possible, disait-il, d'offenser un Dieu flagellé, un Dieu couronné d'épines, un Dieu crucifié pour nous? Et comment serait-il possible qu'en méditant profondément aujourd'hui et demain ces vérités de la foi, on pût encore offenser Dieu? cela n'est pas possible.
Pour moi, disait-il souvent, j'ai converti par ce moyen les pécheurs les plus endurcis, des brigands et toute sorte de personnes, tellement que, lorsque je les confessais dans la suite, je ne trouvais plus en eux matière d'absolution, tant ils étaient changés, et cela, parce qu'ils avaient été fidèles à l'avis que je leur avais donné de méditer les souffrances de Jésus-Christ». Pour ceux qui n'avaient pas encore expérimenté combien il est doux de s'approcher des plaies du Sauveur, ces fontaines de douceur et de vie, il avait coutume de s'accommoder à leur faiblesse: «Commencez par méditer le matin un quart d'heure, leur disait-il; faites votre oraison avant de sortir de votre chambre, et vous verrez que tout ira bien et que vous vivrez éloignés du péché».

Comme ses lettres sont l'écho permanent et fidèle de ses sentiments, nous en donnons quelques extraits. «Priez, disait-il, pour notre pauvre congrégation, dont l'emploi est de pleurer sans cesse les douleurs et la mort du Bien-Aimé. Dieu veuille qu'elle produise un grand nombre de bons ouvriers, capables d'être les trompettes du Saint-Esprit pour prêcher dans le monde et détruire le péché. Je vois de plus en plus, dit-il dans une autre lettre, que le moyen le plus efficace pour convertir les âmes même les plus endurcies, c'est la passion de Jésus-Christ prêchée selon la méthode que la Bonté divine, cette bonté incréée et infaillible. […] 
S'il recommandait cette méditation à tout le monde, à plus forte raison y engageait-il les ecclésiastiques; il leur rappelait le mot de saint Bonaventure: je croirais manquer à un devoir, si je passais un jour sans penser à la Passion de mon Sauveur. C'était le conseil qu'il donnait aux époux, afin de se porter réciproquement à la vertu: «Votre plus importante affaire, leur disait-il, c'est le soin de votre âme; c'est pourquoi, avant de sortir le matin de votre chambre, faites un quart d'heure d'oraison sur la vie, la passion et la mort de notre Seigneur Jésus-Christ. Oh! quelle joie pour le ciel et quelle satisfaction pour les anges gardiens de voir mari et femme faire oraison ensemble! N'omettez donc jamais ce saint exercice». II mêlait tant de grâce et d'onction à ses avis qu'il charmait et persuadait en même temps. […]

C'était la coutume du serviteur de Dieu d'avoir toujours le crucifix sous les yeux, lorsqu'il était occupé dans sa chambre à prier, à lire, ou à écrire; il le portait sur sa poitrine chaque fois qu'il sortait de la maison, afin d'avoir toujours présent à l'esprit le souvenir des souffrances et de la mort de Jésus-Christ. Son expérience lui ayant appris les grands avantages de cette pratique, il la conseillait beaucoup aux autres et leur apprenait à en tirer du profit. ‘Lorsque vous êtes seul dans votre chambre, écrivait-il, prenez votre crucifix en main, baisez ses plaies avec un grand amour, dites-lui de vous faire un petit sermon, et écoutez les paroles de vie éternelle qu'il vous dit au coeur; écoutez ce que disent les épines, les clous, le sang divin. Oh ! quel sermon !’

Il apprenait encore aux âmes qu'il dirigeait à trouver jusque dans les choses profanes un souvenir de la Passion du Sauveur. Voici ce qu'il écrivait à une dame du monde : ‘Portez, si vous voulez, un collier de perles, quand vous sortez; mais quand vous le mettez, souvenez-vous que Jésus a eu la corde et la chaîne au cou; portez cet ornement uniquement pour plaire à Dieu et soyez confuse de vous-même, en pensant: Jésus a été chargé de cordes et de chaînes dans le temps de sa passion, et moi je porte des perles. Enseignez la même pratique à vos filles’.

Comme tout le monde a plus ou moins à souffrir, pour fournir à tous le vrai remède, le père Paul aurait voulu convaincre chacun de la vérité de cette maxime: «La méditation de la passion de Jésus-Christ est un baume précieux qui adoucit toutes les peines».

Les fêtes de la Sainte-Croix ayant été instituées pour célébrer le triomphe que le Rédempteur a remporté par sa Passion, le père Paul les solennisait avec la plus grande dévotion. Il chantait la messe, accomplissant les diverses cérémonies au milieu d'une abondance de larmes et de sentiments pieux. Il enseignait aux autres une méthode sublime et fort dévote pour les célébrer avec de grands fruits. La fête de la Croix peut être célébrée à tout moment dans le sanctuaire intérieur des vrais amants du crucifix, et comment se célèbre-t-elle? Je vais vous l'expliquer le mieux possible; savez-vous comment? On célèbre spirituellement cette fête en souffrant en silence, sans s'appuyer sur aucune créature; et comme toute fête demande de l'allégresse, ainsi la fête de la Croix veut être célébrée par les amants du crucifix en souffrant en silence, avec un visage gai et serein, pour qu'elle soit plus cachée aux créatures et connue seulement de Dieu. »

(Extrait de : Vertus de Paul de la croix, par saint Vincent Marie Strambi, chap. 15)

Évangile (Lc 10, 1-12.17-20)

La traduction, faite depuis la Pshitta, c’est-à-dire le texte liturgique des églises de langue syriaque ou chaldéenne, ainsi que le commentaire, sont extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages). C’est une traduction qui respecte les reprises de souffle d’une proclamation orale, et qui aide à la mémorisation. 

« 1 Après ces choses, 
Jésus sépara d’autres de ses disciples / soixante-dix.
Et les envoya deux par deux, / devant son visage,

vers tout endroit et chef-lieu / où il devait aller.

2 Et il leur dit :
‘La moisson / est abondante,
et les ouvriers, / peu nombreux [on peut aussi traduire : petits, humbles] !
Demandez, par conséquent, au Seigneur de la moisson, / qu’il fasse sortir des ouvriers pour sa moisson.

3     Allez !
Voici que je vous envoie / comme des brebis au milieu des loups !

4 N’emportez pas avec vous de sacoches, / ni de bourses, ni de sandales !

Et en chemin, / ne saluez personne !
5 En quelque maison / que vous entriez,
d’abord, dites : / ‘la paix à cette maison !’
6 Et s’il y a là un fils de la paix / votre paix reposera sur lui ;
sinon, donc, / elle reviendra à vous.

7 Là, dans cette maison même, / soyez,
mangeant / et buvant de ce qu’ils ont.
Il le mérite, en effet, / l’ouvrier, son salaire !
Et ne vous déplacez pas de maison / en maison.

8 Et en quelque chef-lieu que vous entriez / et [où] ils vous accueillent,
mangez / ce qui est déposé pour vous.
9 Et guérissez / ceux qui y sont malades.

Et dites-leur : / ‘Il s’est approché de vous le règne de Dieu !’
10 Or, en quelque chef-lieu que vous entriez / et [où] ils ne vous accueillent pas,
sortez sur la place / et dites :
‘Même le sable de votre chef-lieu qui a collé à nos pieds, / nous le secouons vers vous !
Cependant, sachez ceci :
2 Je vous dis :
Pour Sodome, on se sera plus clément en ce jour-là / que pour ce chef-lieu-là !
[...]

17 Et ils revinrent, ces soixante-dix qu’il avait envoyé, / en grande joie, en lui disant :
‘Seigneur !

Même les démons / nous sont soumis en ton Nom !’

18 Or, lui, / il leur dit :
‘Je le voyais, / Satan,
qui tomba / comme l’éclair depuis les cieux !’

19 Voici, je vous donne pouvoir / de piétiner
les serpents et les scorpions / et toute la puissance de l’Ennemi !
et rien / ne vous nuira !

20 Cependant en ceci ne vous réjouissez pas, / que les démons vous sont soumis;
mais réjouissez-vous, plutôt, / de ce que vos noms se trouvent inscrits dans le ciel.

Commentaire

70 ou 72 disciples ? En Luc 10, 1, la Bible de Jérusalem, comme la vulgate clémentine et le texte grec de Nestlé Aland parlent de 72 disciples. Ce chiffre évoque la croissance numérique de l’église (12x6 = 72). Le texte araméen parle de 70 disciples, de même que le texte grec officiel orthodoxe, ce qui rappelle surtout les 70 anciens choisis par Moïse (Nb 11, 16.17.24.25), et donc livre des Nombres en lien avec le calendrier synagogal.

Lc 10, 1-3 Le verbe « praš » signifie séparer, choisir, désigner, vouer, offrir, etc. (Le mot pharisien dérive de ce même verbe). Les disciples sont ainsi séparés, mis à part, et ils sont envoyés deux par deux (Lc 10, 1), ce qui se maintiendra au temps des Actes des apôtres : Barnabé et Saul (Ac 13, 2), Jude et Silas (Ac 15, 27) ; Barnabé et Marc (Ac 15, 39) ; Paul et Silas (Ac 15, 40) ; Timothée et Silas (Ac 17, 14) ; Timothée et Eraste (Ac 19, 22). Le témoignage rendu au Christ peut avoir une valeur juridique devant un tribunal, et les deux peuvent se rendre un secours mutuel (Qo 4, 9-12).

La mission des disciples est une étape de l’histoire du salut, jusqu’à la « moisson » (Lc 10, 2). L’image de la moisson signifie en l’occurrence le rassemblement eschatologique des justes.

La mission et la souffrance vont de pair : les disciples sont envoyés « comme des agneaux au milieu des loups » (Lc 10, 3), vivant, comme Siméon l’avait annoncé à propos de Jésus, « le signe de la contradiction » (Lc 2, 34). Le lien entre les deux passage vient de la structure de l’évangile de Luc qui est un collier en pendentif. 

Lc 10, 4-6 Comme les douze apôtres, les disciples sont équipés modestement, pas même de sac pour les provisions (Lc 10, 4), comme jadis Gédéon ou David : il sera ainsi clair que la gloire du succès revient à Dieu. À la différence des Douze, ils ne doivent pas renoncer au bâton, ni à une tunique de rechange, ce qui suggère qu’ils font des déplacements plus importants, sans revenir auprès du maître pour le jour du shabbat. « Et en chemin, ne saluez personne [littéralement : demander la « šlāmā »] ! En quelque maison que vous entriez, d’abord, dites : ‘la paix [šlāmā] à cette maison !’ » (Lc 10, 4-5). Les disciples ne demandent pas la paix [šlāmā] aux hommes, ils donnent la paix [šlāmā] de Dieu.

Lc 10, 7. La maisonnée, la famille donc, est le premier centre de rayonnement de la Parole. Ce n’est que plus tard que les missionnaires parleront dans les synagogues, pour le moment, comme c’était aussi le cas pour les Douze, il faut rayonner à partir de la maison qui accueille. La mission est un don et un échange : les disciples mangent ce qu’on leur donne. Il ne faut pas se disperser en changeant d’une maison pour une autre, mais il faut demeurer et donc creuser en profondeur.

Lc 10, 8-10 Le geste accompagne la parole : ils sont envoyés pour « guérir les malades » et annoncer : « Il s’est approché [racine qrb] de vous le règne de Dieu » (v. 9). De la maison (vie privée), on rayonne sur le chef-lieu (vie publique, vie en société v. 10).

Les 70 disciples revinrent « en grande joie » : « Même les démons nous sont soumis en ton Nom ! » (Lc 10, 17). Le « en ton Nom » signifie une dimension invisible. Jésus, qui n’est pas visible, a réellement rencontré les gens, et il a soumis des démons ou des génies, invisibles eux aussi. Les disciples ne parlent pas à la place de Jésus pour dire aux gens ou aux démons « Jésus te dis : … ». Les disciples sont les ouvriers qui ont favorisé la rencontre [racine qrb] entre Dieu et les gens et ils en constatent l’effet ; ils pourraient demander aux gens : « Que t’a dit Jésus ? » et le confirmer. Aucune prise de pouvoir, aucune autorité personnelle dans leur mission.

Jésus a une vision : Satan tombe [racine npl] depuis les cieux à la vitesse de l’éclair (Lc 10, 18). Expulsé du ciel, Satan doit encore être contré pas à pas par les disciples, et Jésus leur en donne pouvoir : « je vous donne pouvoir de piétiner les serpents et les scorpions et toute la puissance de l’Ennemi ! » (v. 19).

À la « puissance [ḥil] » de l’Ennemi répondent les « œuvres de puissances [ḥayle] » que Jésus a faites (Lc 10, 13) et que les disciples prolongeront afin que le règne de Dieu puisse advenir sur la terre comme le demandera la prière du Notre Père. Ce règne adviendra à travers le jugement eschatologique qu’a préfiguré Siméon en prévoyant « la chute [racine npl] de beaucoup en Israël » (Lc 2, 34).

« Cependant en ceci ne vous réjouissez pas, / que les démons vous sont soumis ;
mais réjouissez-vous, plutôt, / de ce que vos noms se trouvent inscrits dans le ciel » (Lc 10, 20).

Croire en Jésus à l'autre bout du monde

Date de dernière mise à jour : 22/05/2025