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3e dimanche de carême C
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
3e dimanche Careme Evangile Lc 13, 1-9 (112.39 Ko)
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Ex 3, 1-8a.10.13-15)
Psaume (Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 6-7, 8.11)
Deuxième lecture (1 Co 10, 1-6.10-12)
Évangile (Lc 13, 1-9)
Première lecture (Ex 3, 1-8a.10.13-15)
En ces jours-là, Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : ‘Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.’ Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis’. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob’. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en âge. » – Parole du Seigneur.
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Le jeune Moïse s’est réfugié en Madiane après avoir tué un Égyptien (la péninsule d’Égypte faisant encore partie de l’Égypte). Il y a trouvé son épouse, et son beau-père s’appelle Jéthro. (Il est difficile de localiser Madiane ; il est possible que Madiane soit en Arabie parce qu’en Gn 37, les marchands auxquels Joseph est vendu par ses frères sont désigné comme étant les Madianites ou les Ismaélites de façon absolument interchangeable, or Ismael est le père des Arabes).
Le récit de la sortie d’Égypte a quelque chose de surprenant. La Bible ne nous raconte pas la simple fuite d’un groupe d’opprimés. La Bible nous raconte l’intervention de Dieu. Rappelons-nous, chez les Sumériens, on faisait des tours, des ziggurats pour atteindre Dieu (la tour de Babel) : ici, au contraire, c’est Dieu qui descend en disant : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays. » (Ex 3, 7-8). Le mythe égyptien enfermait les Hébreux par les pouvoirs occultes liés à la divination et un pharaon quasi-divinisé exerçait sur eux une dure oppression sociale, et Dieu descend pour les délivrer.
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Moïse, de la tribu de Lévi, était préparé à une telle révélation car Dieu était déjà, en quelque sorte, descendu pour parler à ses pères. « Et il déclara : ‘Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob’. » (Ex 3, 5 cf. 15).
Un jour, les sadducéens expriment à Jésus leur incrédulité en une vie après la mort en présentant un cas extrême : une veuve mariée à sept frères. Jésus démontre la résurrection des morts par un argument qu’ils peuvent recevoir, car il est tiré du livre de l’Exode : Le SEIGNEUR Dieu est « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob » (Ex 3, 5.15) ; par conséquent, fait remarquer Jésus, les patriarches sont vivants pour Dieu (Lc 20, 38 ; cf. Lc 20, 27-40).
Ce qui s’était produit en faveur d’un homme et d’une famille se produit désormais pour l’ensemble d’un petit peuple, opprimé en Égypte. D’un point de vue historico-critique, il y a là un point fondamental. Malgré toutes les incertitudes historiques qui entourent le trajet précis de l’Exode ou les tribus qui y ont participé, nous avons une certitude : un peuple a fait une expérience religieuse originale. Ce n’est plus l’homme qui capte la divinité par les tours de Babel ou par la magie égyptienne, c’est Dieu qui vient sauver l’homme. Et Moïse doit prendre sa part de responsabilité dans la libération du peuple (Ex 3, 1-12).
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Quand Philon, juif d’Alexandrie, vint à Rome et y vit l’empereur s’exhiber déguisé en Jupiter, il fut outré. Il écrit : « Dieu se changerait plutôt en homme que l’homme en Dieu » (PHILON, Legatio ad Caïum § 118). Sa réaction est typiquement biblique, Dieu est « descendu » délivrer son peuple (Ex 3, 8). Et si Philon va jusqu’à envisager qu’un Dieu « se change en homme », c’est certainement parce qu’il avait déjà rencontré des chrétiens, et ce n’est pas la lettre aux Éphésiens de saint Paul qui a inventé de telles idées puisque Philon est mort en 45, donc bien avant.
Dieu descendit au buisson ardent pour délivrer les Hébreux d’Egypte… combien plus Dieu délivre-t-il les hommes quand Dieu « descend » et s’incarne en Jésus !
« Dieu dit à Moïse : "Je suis celui qui suis." [répétition du verbe « être » : אֶהְיֶה אֲשֶׁר אֶהְיֶה] Et il dit : "Voici ce que tu diras aux Israélites : Je suis m’a envoyé vers vous" » (Ex 3, 14). Or, dans l’évangile selon saint Jean, en araméen, Jésus dit : « moi, je suis [ᵓennā ᵓīṯay] » (Jn 8, 58) et cette expression est différente de l’expression « ennā nā » des versets 24 et 28 où il n’y a pas de verbe « être » ni l’équivalent. Les traductions grecques, qui mettent déjà « Je suis [εγω ειμι] » en Jn 8, 28 alors qu’il n’y a pas le verbe être ne permettent pas de voir la progression du discours. C’est seulement à la fin de son discours que Jésus reprend le nom divin révélé à Moïse, Jésus révéla ainsi en sa propre personne la présence agissante de Dieu et ceux qui croient en Jésus découvriront peu à peu le degré de la présence divine en Jésus. Mais ses adversaires « ramassèrent alors des pierres pour les lui jeter » (Jn 8, 59).
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L’image du buisson ardent a été utilisée pour parler de Marie (Saint EPHREM DE NISIBE, Diatessaron §25), parce qu’elle a porté, comme le buisson, la présence de Dieu, plus exactement le Christ, le Verbe de Dieu. Et, comme le buisson ardent du livre de l’Exode, Marie n’a pas été consumée. L’image du buisson ardent évoque d’abord la maternité de Marie, le fait que Marie est vierge et mère de Dieu. L’image nous invite, comme Moïse qui ôte ses sandales, à vénérer Marie mère de Dieu, avec un infini respect. Le véritable amour est communiqué dans ce respect… On peut ajouter que l’Esprit Saint met en Marie une flamme d’amour qui la transforme et produit des actes intérieurs tout brûlants d’amour.
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Le début des Actes des apôtres montre, en présence de Marie, une communauté de partage généreux ; ce partage permettait aux plus fragiles de ne pas s’endetter au point de devoir se vendre comme esclaves.
Après son Assomption, Marie continue d’être impliquée dans les libérations de l’histoire, on pourrait citer l’homélie de ST JEAN-PAUL II au Sanctuaire marial de Notre Dame de Zapopán au Mexique, le 30.01.79 ; Benoît XVI, Discours du 13 mai 2007, § 5, sur l’esplanade du sanctuaire d’Aparecida, etc.)
Psaume (Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 6-7, 8.11)
Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits ! Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse. Le Seigneur fait œuvre de justice, il défend le droit des opprimés. Il révèle ses desseins à Moïse, aux enfants d’Israël ses hauts faits. Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint.
Le psaume dit : « n’oublie aucun de ses bienfaits ! » (v. 2) Si ta mémoire est remplie d’actions de grâces, il n’y a pas de place pour la rancune et la dépression. Il n’y a pas de place pour les esprits mauvais si la maison de ton cœur est remplie de la louange de Dieu. Bénir Dieu pour ce que nous mangeons, mais aussi pour notre travail, pour nos outils de travail, bénir Dieu pour nos victoires, bénir Dieu pour les petits pas, bénir Dieu pour la beauté des étoiles, des primevères, des écureuils et des mésanges… Au nom de tous, Seigneur, je t’aime, je te bénis, je t’adore, je te remercie. Bénir Dieu pour tout ce que Jésus a fait, depuis la crèche aux villages de Galilée, sur la croix, et dans les apparitions du Ressuscité. Je t’aime Jésus, je te bénis, je t’adore, je te remercie. Et pour les sacrements, pour mon baptême, Je t’aime, je te bénis Trinité Sainte, je t’adore, je te remercie.
Saint Augustin commente : « Jamais Dieu n’a cessé d’appeler, ni d’instruire ceux qu’il appelait, ni de perfectionner ceux qu’il avait instruits, ni de couronner ceux qu’il avait perfectionnés. Que répondre ? Que tu es pécheur ? Tourne-toi vers Dieu, et reçois ses grâces : « Il te pardonne toutes tes iniquités » (v. 3). Mais après cette rémission de tes fautes, il te reste un corps infirme, et qui est nécessairement aiguillonné par les désirs de la chair, par les convoitises illicites. […] C’est une langueur, et Dieu «guérit toutes nos langueurs [maladies] » (v. 3). Toutes tes langueurs seront guéries, sois donc sans crainte. Ces langueurs sont grandes, me diras-tu ; le médecin est plus grand encore. Pour un médecin tout-puissant, il n’est point de langueur incurable ; laisse-toi seulement guérir, ne repousse pas sa main, il sait ce qu’il doit faire. Qu’il te plaise, non seulement quand il adoucit ta douleur, mais aussi quand il y porte le fer ; souffre un médicament douloureux, en vue de la santé qui doit suivre. Un médecin se trompe quelquefois, et néanmoins il promet de guérir un corps humain. D’où vient qu’il se trompe ? C’est qu’il ne soigne point ce qu’il a fait. C’est Dieu qui a fait ton corps, Dieu qui a fait ton âme : il sait comment refaire ce qu’il a créé ; comment rétablir ce qu’il a formé. Pour toi, laisse agir la main du médecin ; […] Les hommes se laissent garrotter, trancher même ; ils sont tout prêts à endurer une douleur certaine pour une santé douteuse, et à bien payer le médecin. Quant au Dieu qui t’a fait, il te guérira certainement et gratuitement. Supporte donc sa main, ô toi, mon âme qui le bénis, n’oublie jamais ses bienfaits, puisqu’ «il guérit toutes tes langueurs [maladies] (v. 3) ». (Saint Augustin sur le Psaume 103).
Le psaume dit : « Il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse » (v. 4). Sainte Thérèse de Lisieux écrivait dans une lettre à l’abbé Roulland en apprenant la mort du père Mazel, un jeune missionnaire :
« Je le sais, aux yeux des hommes le martyre du jeune missionnaire [le père Mazel] ne porte pas ce nom, mais au regard du bon Dieu ce sacrifice sans gloire n’est pas moins fécond que ceux des premiers chrétiens qui confessèrent leur foi devant les tribunaux. La persécution a changé de forme, les apôtres du Christ n’ont pas changé de sentiments, aussi leur Divin Maître ne saurait changer ses récompenses à moins que ce ne soit pour les augmenter en comparaison de la gloire qui leur est refusée ici-bas. […]
Je sais qu’il faut être bien pur pour paraître devant le Dieu de toute Sainteté, mais je sais aussi que le Seigneur est infiniment Juste et c’est cette justice qui effraye tant d’âmes qui fait le sujet de ma joie et de ma confiance. Être juste, ce n’est pas seulement exercer la sévérité pour punir les coupables, c’est encore reconnaître les intentions droites et récompenser la vertu. C’est parce qu’il est juste qu’il est compatissant et rempli de douceur, lent à punir et abondant en miséricorde. Ps 102,8 Car il connaît notre fragilité, Ps 102,14 » (Sainte Thérèse de Lisieux, Lettres 226).
Oui, Dieu connaît notre fragilité, fragilité physique ou nerveuse, fragilité psychologique ou psychiatrique, fragilité de la mémoire qui oublie ou de l’intelligence qui ne comprend pas les événements…
Le psaume dit : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour » (v. 8). Saint Augustin : « Quelle patience est plus longue que la sienne ? Qui est plus riche en miséricorde ? Un homme pèche, et il vit ; il augmente ses fautes, et Dieu ses années. Chaque jour on blasphème contre lui, et il fait luire son soleil sur les bons comme sur les méchants (Mt 5,45). De toutes parts il nous invite à nous corriger ; de toutes parts il nous convie à la pénitence : il nous appelle par les biens qu’il nous crée, il nous appelle en nous donnant le temps de vivre ; il nous appelle par une lecture, par l’explication d’un passage, par une pensée intime, par le fouet de ses châtiments, par sa consolante miséricorde, « car il est lent à punir, et riche en miséricorde »; mais prends garde au mauvais usage de sa miséricorde. […] T’imagines-tu lui plaire, parce qu’il t’épargne ? O mon frère, ne tarde point à revenir à Dieu (Si 5,8) ».
Le psaume dit : « Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint », ce qui nous conduit au chant de la Vierge Marie au moment de la Visitation : « 46 Mon âme exalte le SEIGNEUR, / 47 et se réjouit mon esprit en Dieu, celui qui me vivifie*,
48 car il a porté son regard / sur l’humilité de sa servante.
voici en effet, désormais, / toutes les générations me diront bienheureuse
49 car il a fait pour moi de hauts faits, lui qui est Puissant / et son nom est Saint.
50 Et sa tendresse s’étend d’âge en âge / sur ceux qui le craignent.
51 Il a réalisé la victoire par son bras ; / et dispersé ceux qui s’enflent des pensées de leur cœur.
52 Il a renversé les potentats des trônes / et il a élevé les humbles.
53 Les affamés, / il les a rassasiés de bonnes choses.
Et les riches / il les a renvoyés à vide.
54 Il a secouru Israël, son serviteur, / et il s’est souvenu de sa tendresse
55 comme il l’avait dit à nos pères, / avec Abraham et sa postérité pour toujours » (Lc 1, 46-55).
* maḥyān : comme très fréquemment, en araméen nous avons le verbe vivre à l’afa’el « faire vivre, vivifier », ici au participe : celui qui me vivifie. Alors que le latin « salutari » le grec « σωτηρι » et le français « sauveur » n’ont pas tout-à-fait le même sens.
Deuxième lecture (1 Co 10, 1-6.10-12)
Frères, je ne voudrais pas vous laisser ignorer que, lors de la sortie d’Égypte, nos pères étaient tous sous la protection de la nuée, et que tous ont passé à travers la mer. Tous, ils ont été unis à Moïse par un baptême dans la nuée et dans la mer ; tous, ils ont mangé la même nourriture spirituelle ; tous, ils ont bu la même boisson spirituelle ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ. Cependant, la plupart n’ont pas su plaire à Dieu : leurs ossements, en effet, jonchèrent le désert. Ces événements devaient nous servir d’exemple, pour nous empêcher de désirer ce qui est mal comme l’ont fait ces gens-là. Cessez de récriminer comme l’ont fait certains d’entre eux : ils ont été exterminés. Ce qui leur est arrivé devait servir d’exemple, et l’Écriture l’a raconté pour nous avertir, nous qui nous trouvons à la fin des temps. Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber. – Parole du Seigneur.
Commençons par quelque chose que vous n’avez sans doute pas l’habitude d’entendre. Ce texte de saint Paul nous permet de comprendre quelque chose dans le Coran, dans la sourate La famille d’Imrân (la troisième sourate), qui confond Marie, Maryam, la mère de Jésus, avec Marie, Maryam, la sœur de Moïse.
Vers 1250 avant Jésus-Christ, Imran, ou Amram, nous dit la Bible « épousa Yokébed, sa tante, qui lui donna Aaron et Moïse » (Exode 6, 20). Ils eurent aussi un troisième enfant, une fille appelée Miriam (Nombres 12). Cependant, le texte coranique dit trois fois que Marie mère de ‘Issa (Jésus) est cette Maryam, sœur d’Aaron et fille de Imran. Par exemple, on lit dans la sourate Maryam (s 19) verset 28 : « Ô sœur d’Aaron, ton père n’était pas un homme indigne, ni ta mère une prostituée » ‒ ceci est dit à Maryam qui est enceinte de ‘Issa (Jésus).
Pourquoi les deux « Maryam » (c’est le même nom en araméen, Marie) sont-elles identifiées ? Si on prend le Coran à la lettre, il faudrait alors croire que Miriam a vécu 1250 ans avant d’enfanter ‘Issa (Jésus) sans que personne ne s’en aperçoive jamais ‒ c’est ce qu’enseignent des prédicateurs wahhabites, en ajoutant Allahu Akbar (Dieu est grand pour faire une vivre 1250 ans !).
Il y a une autre explication, sans doute plus respectueuse de Dieu : une tradition juive ancienne rapporte qu’à la prière de Miriam, sœur d’Aaron, le peuple hébreu, assoiffé au désert, fut accompagné miraculeusement d’un rocher-puits-source dans lequel l’eau monte et déborde. Là, on commence à comprendre pourquoi les disciples de Jésus ont rapproché la figure de cette Miriam avec celle de la mère de Jésus.
En effet, le parallélisme est évident entre d’une part l’eau qui sortit du rocher pour sauver le peuple au désert à la prière de Miriam, sœur d’Aaron, et d’autre part la nouvelle eau vive promise par Jésus et venue grâce à Maryam sa mère. Pour preuve, le passage de saint Paul que nous venons d’entendre : « Ils [les Hébreux] buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait ; et ce rocher, c’était le Christ » (1Co 10, 3-4). En d’autres mots, dans la culture des communautés judéo-chrétiennes, le rapprochement entre les « deux Marie » allait de soi.
L’iconographie traditionnelle ancienne de l’Annonciation représente souvent un puits au centre de l’icône ‒ le puits-rocher de Miriam, sœur d’Aaron. On observe par exemple ce puits dans l’Evangéliaire de Deir El-Zaafaran.
Ainsi, le texte coranique se fait simplement l’écho du parallélisme entre la mère de Jésus et la sœur d’Aaron, évident dans la culture des Arabes chrétiens du nord, Syrie et Irak actuels. Mais alors, peut-il être rapporté à des Mecquois, à mille kilomètres de là, qui n’avaient pas cette culture ?
Cf. www.issa-al-massiah-messiah-messie-messias.com
Revenons au texte de saint Paul. saint Paul fait ce qu’on appelle une lecture « typologique » de l’histoire de l’Exode, et, comme saint Paul, les chrétiens continueront de lire l’Ancien Testament à la lumière du Christ.
Tout d’abord, saint Paul compare Jésus au rocher auquel les Hébreux avaient bu au désert : « Tous, ils ont bu la même boisson spirituelle ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ. »
Dans l’évangile selon saint Jean, il est dit que le dernier jour de la Fête des Tentes qui était le jour de la grande procession où l’on ramenait l’eau puisée dans la piscine de Siloé [de l’Envoyé] sur l’esplanade du Temple, Jésus s’écria : – et nous prenons ici l’ordre des mots araméens (Pshitta) – : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne auprès de moi, et qu’il boive ! » (Jn 7, 37). Si l’on peut boire en venant à Jésus, c’est que Jésus est analogue au rocher frappé par Moïse, ou à ce rocher, qui selon la tradition, suivait les hébreux à la prière de Maryam, la sœur d’Aaron. Saint Paul n’a rien inventé.
Ensuite, saint Paul veut avertir ses auditeurs : ce n’est pas parce que l’on a reçu de grandes grâces que l’on va entrer dans la terre promise, ou dans le royaume de Dieu. « Cependant, dit-il, la plupart n’ont pas su plaire à Dieu : leurs ossements, en effet, jonchèrent le désert. […] et l’Écriture l’a raconté pour nous avertir […] Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber.»
Saint François de Sales commente avec justesse :
« Ô Dieu éternel ! comment est-il possible, direz-vous, qu’une âme qui a l’amour de Dieu, puisse le perdre ? car où l’amour est, il résiste au péché. Les enfants, tout enfants qu’ils sont, étant nourris au lait, au beurre et au miel, abhorrent l’amertume de l’absinthe et du chicotin, et pleurent jusques à pâmer, quand on leur en fait goûter. Hé ! donc, Ô vrai Dieu, l’âme une fois jointe à la bonté du Créateur, comment comme peut-elle le quitter pour suivre la vanité de la créature ?
Mon cher Théotime, les cieux mêmes s’ébahissent, leurs portes se froissent de frayeur et les anges de paix demeurent éperdus d’étonnement sur cette prodigieuse misère du coeur humain, qui abandonne un bien tant aimable, pour s’attacher à des choses si déplorables. Mais avez-vous jamais vu cette petite merveille que chacun sait : quand on perce un tonneau bien plein, il ne répandra point son vin, qu’on ne lui donne de l’air par-dessus ». Alors saint François de Sales nous invite à nous remplir des suavités de la beauté de Dieu et des délices de sa bonté de sorte que sa douceur nous liera si serrés à sa bonté, que nous ne pourrons plus vouloir nous en déprendre, comme un tonneau plein qui ne perd pas son vin quand on le perce sans lui mettre d’air. Et il ajoute : « Dieu ne veut pas empêcher que nous ne soyons attaqués de tentations, afin que résistant, notre charité soit plus exercée, et puisse par le combat emporter la victoire, et par la victoire obtenir le triomphe. » (Saint François de Sales, Traité de l’Amour de Dieu § 430)
Évangile (Lc 13, 1-9)
La traduction sur la Pshitta (le texte liturgique des églises de langue araméenne ou syriaque) est faite pour la récitation, avec une reprise de souffle, avec un léger balancement, comme si nous marchions. La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024.
« 1 Or, en ce temps-là,
des hommes vinrent lui parler des Galiléens / dont Pilate mélangea le sang avec leurs sacrifices.
2 Et Jésus répondit / et leur dit :
Pensez-vous que ces Galiléens étaient pécheurs / plus que tous les Galiléens
pour qu’il leur soit arrivé ainsi ? / 3 Non.
Je vous dis, / cependant,
que même vous tous, si vous ne vous convertissez pas, / vous périrez ainsi !
4 Ou bien ces dix-huit sur lesquels la tour à Siloé tomba, / et les tua :
pensez-vous qu’ils étaient pécheurs / plus que tous les hommes
qui habitent Jérusalem ? / 5 Non.
Je vous dis, / cependant,
que si vous ne vous convertissez pas, / vous tous vous périrez comme eux !
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6 Et il dit cette parabole :
Un homme avait un figuier, / qu’il avait planté dans sa vigne.
Et il vint y chercher des fruits, / et n’en trouva pas.
7 Et il dit au cultivateur :
Voilà trois ans que je viens chercher des fruits sur ce figuier, / et je n’en trouve pas.
Coupe-le ! / Pourquoi épuiserait-il la terre ?
8 Le cultivateur lui dit : / Seigneur !
Laisse-le, / encore cette année !
Tandis que je bêcherai / et je mettrai du fumier…
9 Et s’il a produit des fruits… / et sinon,
l’année prochaine, / tu le couperas ! »
Lc 13, 1-5
Des pèlerins de Galilée furent soupçonnés d’être des opposants à l’occupation romaine et Ponce Pilate les fit tous massacrer dans le Temple. Choqués, les gens se demandent s’il s’agit d’une punition de Dieu. À notre époque, on se demanderait plutôt pourquoi Dieu n’empêche pas la souffrance.
La réponse de Jésus est surprenante. Elle n’aborde pas du tout la question de savoir si Dieu les a punis, ni pourquoi il n’a pas empêché le mal. Jésus ajoute l’exemple de la catastrophe de la chute de la tour de Siloé et il nous renvoie à nous-mêmes. En entendant une nouvelle terrifiante, chacun doit se poser cette question : qu’est-ce qui adviendrait de moi, si tout à coup j’étais victime de catastrophe ou de violence, et que je devais comparaître devant Dieu ?
Et Jésus donne la réponse avec la petite parabole du vigneron patient : j’ai échappé à la mort, Dieu me donne patiemment encore une chance de changer ma vie, aujourd’hui !
Jésus décrit la mort comme une « perdition [racine ‘bd qui signifie périr, détruire, perdre] » (Lc 13, 3.4). Il faut se convertir, sinon la perte est assurée. Il ne faut pas être surpris par la mort sans être prêts.
Lc 13, 6-9
La parabole indique que Dieu demeure tout-puissant et peut ordonner que l’arbre stérile soit coupé. La vigne représente souvent le peuple d’Israël, mais pas le figuier, dont l’image sert plutôt à désigner des gens pris en particulier. Par exemple, Jérémie (Jr 24, 1-10) distingue dans sa corbeille les belles figues (les exilés croyants) des vilaines (les exilés indignes). Par ailleurs, Ézéchiel dit qu’à cause de son impiété, Israël est châtié comme un arbre est abattu (Ez 19, 12).
Un cultivateur, placé entre le propriétaire et l’arbre planté, intercède et collabore au « salut » du figuier ; en bêchant il maintient l’humidité et en mettant du fumier, il le nourrit ; il demande un délai d’un an, de quoi respecter le cycle des saisons. Ici, le cultivateu figure Jésus et le propriétaire Dieu le Père.
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Comme je l’explique dans mon livre, l’évangile selon saint Luc est un lectionnaire qui se médite en lien avec le calendrier synagogal, fffff fffff et l’évangile de ce dimanche est fait pour être médité en lien avec fffffrrrr le livre de la Genèse.
La sévérité de Jésus : « Si vous ne vous convertissez pas… vous périrez » (Lc 13, 3.4) se comprend sur le fond biblique de la Genèse où la mort est la conséquence du péché (Gn 2, 17). Quant à l’image du cultivateur mettant du fumier, c’est une image familière en automne, qui est aussi la période de la lecture synagogale de la Genèse.
Complétons notre méditation avec saint Syméon le Nouveau Théologien (+ 1022)
« Tout péché non regretté et non avoué est une blessure mortelle, comme aussi de tomber dans le désespoir, ce qui dépend de notre liberté et de notre volonté. Car, si nous ne nous abandonnons pas au gouffre du laisser-aller et du désespoir, les démons ne pourront absolument rien contre nous. Même après avoir été blessés, nous devenons plus courageux et plus expérimentés, si nous le voulons, par un fervent repentir.
Nous garder de toute blessure ne dépend pas de nous, mais il dépend de nous d’être immortels ou mortels. En effet, si nous ne désespérons pas, nous ne mourrons pas, la mort n’aura sur nous aucun pouvoir ; mais nous serons toujours puissants si nous nous réfugions par le repentir auprès de notre Dieu, le tout-puissant et l’ami des hommes.
C’est pourquoi je m’exhorte moi-même, et vous tous avec moi, à manifester par nos bonnes actions tout notre zèle, tout notre courage, par la constance et l’endurance. Alors, poursuivant notre route selon tous les commandements et toutes les prescriptions du Christ, dans la ferveur de notre âme, nous parviendrons aux demeures éternelles sous la conduite de l’Esprit Saint, et nous serons reconnus dignes de nous tenir debout devant l’unique et indivisible Trinité, et de l’adorer dans ce même Christ, notre Dieu. A lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen. » (saint Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèses, 3, 347-370 ; source chrétiennes 96, 308-310)
Date de dernière mise à jour : 01/02/2025