Les livres de Judith et d’Esther datent de la fin de l’époque perse ou du début de l’époque grecque. Remplis d’invraisemblances historiques, ce sont des contes à visée théologiques.
Pour Judith et Esther, il s’agit de défendre le peuple, le sanctuaire et l’autel de Dieu.
Elles s’engagent dans ce combat en suivant un appel particulier de Dieu, sans se fier à leurs forces humaines mais en s’appuyant sur Dieu.
Elles offrent à Dieu non pas une passive résignation à la souffrance et à l’aliénation, mais une vie particulièrement droite, pure et belle, une obéissance à l’esprit de Dieu, un don de soi, au risque de leur vie.
Judith et Esther constituent une préparation de la mère de Jésus.
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Esther. En captivité à Suze, Esther reçoit du roi païen Assuérus la dignité de reine. Elle intercède auprès du roi en faveur du peuple juif menacé d’extermination par un haut fonctionnaire. C’est une intervention qu’elle fait au risque de sa vie, et qui obtient pleine satisfaction : Esther vaut aux Juifs non seulement le salut, mais la victoire sur leurs ennemis, qu’ils massacrent.
Marie. La Vierge Marie a intercédé à Cana (Jn 2,1-12) et il est légitime de penser qu’elle a aussi intercédé lors de la Passion-Résurrection de Jésus que l’évangéliste a pris soin de rattacher à l’épisode de Cana[1]. Il ne semble pas que Marie ait été menacée comme Etienne et Jacques qui seront exécutés (Ac 7 ; Ac 12). Le risque qu’elle prend, c’est celui du combat spirituel de Jésus. Marie intercède au calvaire en faveur de l’humanité entière que le péché et l’absence de Dieu risquent de détruire.
La liturgie propose la lecture du livre d’Esther 8 pour la messe votive « Sainte Marie, mère de la grâce ou médiatrice de grâce » et Esther 4 pour « Sainte Marie, reine et mère de miséricorde »[2].
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Judith. Dans la détresse, les notables de Béthulie sont prêts à livrer leur ville, ils mettent Dieu à l’épreuve en lui fixant une date limite, avant laquelle Dieu doit se manifester.
Judith est veuve : elle représente ceux dont Dieu lui-même est le défenseur. Elle demande au peuple de ne pas exiger de garanties à Dieu mais de l’appeler au secours (Jdt 8,13-17). Nourrie de l’Ecriture, Judith encourage ses concitoyens encerclés par l’armée d’Holopherne :
« Rendons plutôt grâces au Seigneur notre Dieu qui nous met à l’épreuve, tout comme nos pères. Rappelez-vous tout ce qu’il a fait à Abraham, toutes les épreuves d’Isaac, tout ce qui arriva à Jacob en Mésopotamie de Syrie alors qu’il gardait les brebis de Laban, son oncle maternel. Comme il les éprouva pour scruter leur cœur, de même ce n’est pas une vengeance que Dieu tire de nous, mais c’est plutôt un avertissement dont le Seigneur frappe ceux qui le touchent de près. » (Jdt 8,25-28)
Judith prie (Jdt 9,11-14) et grâce à son humilité courageuse, elle reçoit une sagesse et une énergie surnaturelle. Judith n’a pas peur de se sacrifier, et elle tranche la tête d’Holopherne, l’ennemi des Juifs, l’ennemi de Dieu et de son sanctuaire (Jdt 8, 24-25), celui qui personnifie l’esprit du mal par une accumulation de vices.
Marie. Le rapprochement entre Marie et Judith est fait dans l’Ecriture elle-même.
Le peuple manifestait de l’enthousiasme à l’égard de Judith après son exploit, et,
« Ozias, le chef du peuple, déclara : "Bénie sois-tu ma fille, par le Dieu Très Haut, entre toutes les femmes de la terre. Et béni soit le Seigneur, qui a créé le ciel et la terre, lui qui t’a conduite pour blesser à la tête le chef de nos ennemis. » (Jdt 13, 18)
Dans l’Evangile, Elisabeth bénit la Vierge Marie presque dans les mêmes termes :
« "Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton sein !" » (Lc 1, 42).
La différence, et elle est de taille, c’est que « le Seigneur » (Jdt 13, 18) est devenu le « fruit du sein » de Marie (Lc 1, 42).
La liturgie offre encore le cadre adapté pour une bonne compréhension du lien entre Judith et Marie. Judith 13, 18sq est au commun de la Vierge Marie pour le temps pascal. Ce texte est aussi choisi en première lecture pour plusieurs messes votives de la bienheureuse vierge Marie : « La Vierge Marie au pied de la croix », « Le cœur immaculé de Marie », et « Sainte Marie, rempart de la foi » : cette lecture souligne la victoire de l’Immaculée sur le mal et Satan, et que cette victoire a été remportée au calvaire, moyennant la foi. Ce texte est encore repris comme cantique pour la messe votive « Sainte Marie, mère de l’Eglise » et « Sainte Marie, fontaine du salut » : cela situe l’action de Marie en faveur de tout le peuple, désormais l’humanité entière et en particulier l’Eglise.
© Françoise Breynaert
[1]Entre la Passion (Jn 18−19) et les noces de Cana (Jn 2), on relève les mêmes thèmes de « l’heure » et de « la gloire », et la même appellation « Femme ».
[2]Congrégation pour le culte divin, Messes en l’honneur de la Vierge Marie, Desclée Mame 1988, p. 207 et p. 263