16e dimanche ordinaire (C)

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Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30

 

Première lecture (Gn 18, 1-10a)

Psaume (Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5)

Deuxième lecture (Col 1, 24-28)

Évangile (Lc 10, 38-42)

 

Première lecture (Gn 18, 1-10a)

En ces jours-là, aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l’entrée de la tente. C’était l’heure la plus chaude du jour. Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Dès qu’il les vit, il courut à leur rencontre depuis l’entrée de la tente et se prosterna jusqu’à terre. Il dit : « Mon seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur. Permettez que l’on vous apporte un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre. Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais comme tu l’as dit. » Abraham se hâta d’aller trouver Sara dans sa tente, et il dit : « Prends vite trois grandes mesures de fleur de farine, pétris la pâte et fais des galettes. » Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer. Il prit du fromage blanc, du lait, le veau que l’on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, pendant qu’ils mangeaient. Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est à l’intérieur de la tente. » Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi au temps fixé pour la naissance, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. » – Parole du Seigneur. 

Bienheureuse Anne Catherine Emmerich (1774-1824) a été béatifiée en octobre 2004. Le texte de ses révélations a été recueilli par Clémens Brentano. Nous allons lire des extraits de ce qu’elle a écrit dans « Les mystères de l'ancienne alliance », au chapitre 12 (publié chez Téqui en 1995).

« Abraham et ses ancêtres étaient une tribu déterminée de grands hommes. Ils menaient une vie de bergers, et n'habitaient pas Ur en Chaldée à l'origine, mais ils s'y étaient établis. Ces gens avaient une force et une droiture particulières. Ils conquéraient ça et là  des régions où se trouvaient de riches pâturages ils délimitaient leurs conquêtes, dressaient un autel de pierre et l'espace ainsi marqué était leur propriété. […] [Nous passons ce qui concerne son premier appel, la promesse d’une descendance, la rencontre avec Melchisédek et nous arrivons au passage correspondant à Genèse 18].

Abraham se tenait en prière, assis devant sa tente, sous un arbre où aboutissait la route principale. Il venait souvent là pour proposer l'hospitalité aux voyageurs de passage. Tout en priant, il contemplait le ciel et eut alors la vision de Dieu, comme dans un rayon de soleil, qui lui annonça la venue des trois personnages vêtus de blanc. Aussitôt après, il immola un agneau et l'offrit en holocauste ; je le vis ravi en extase devant l'autel, priant pour le salut des hommes.

L'autel se dressait à droite du grand arbre, dans une enceinte à ciel ouvert ; plus à droite de l'arbre s'élevait une autre tente dans laquelle on rangeait les instruments pour le sacrifice, et dans laquelle Abraham se tenait le plus souvent lorsqu'il avait à traiter avec ses bergers des environs. Assez loin de cet endroit l'habitation de Sara et de sa maisonnée bordait la route : les femmes vivaient toujours à part.

Le sacrifice d'Abraham se terminait à peine qu'il aperçut les trois anges sur la route. Ils s'avançaient sur la route, à égale distance l'un de l'autre ; ils portaient des vêtements retroussés. Abraham se hâta vers eux et s'inclina devant eux en louant Dieu (Gn 18,2-3); il les conduisit vers l'enceinte de l'autel, où ils déposèrent leurs vêtements. Ils ordonnèrent au patriarche de s'agenouiller.

Je vis la merveilleuse opération qui se réalisa par l'intermédiaire des anges pour Abraham, ravi en extase, seulement. Tout s'effectua en peu de temps, comme tout ce qui se passe en de telles circonstances.

Je vis le premier ange annoncer au patriarche agenouillé que Dieu voulait susciter dans sa descendance une vierge immaculée, sans péché, destinée à enfanter le Sauveur. Mais que lui-même, Abraham, devait recevoir ce qu'Adam avait perdu par le péché. Alors l'ange lui présenta une parcelle de nourriture étincelante et lui fit boire le liquide lumineux contenu dans une petite coupe.

Sur ce, il traça de sa droite une bénédiction sur Abraham, comme une ligne droite de la tête jusqu'au-dessous du torse, et ensuite de l'épaule droite, puis de l'épaule gauche jusqu'au-dessous du torse, où les trois traits de la bénédiction se rejoignaient. Ensuite, l'ange tendit à deux mains quelque chose de lumineux vers la poitrine du patriarche, comme une petite nuée, que je vis pénétrer en Abraham, et j'eus l'impression que celui-ci recevait le Saint-Sacrement.

Le second ange annonça à Abraham qu'il devait, avant de mourir, transmettre au premier-né de Sara le secret de cette bénédiction, comme il l'avait reçue, et que son petit-fils Jacob serait le père de douze garçons qui fonderaient douze tribus. L'ange dit également que cette bénédiction serait retirée à Jacob lorsque celui-ci aurait donné naissance à un peuple, et qu'elle serait rendue comme mystère sacré et bénédiction pour tout le peuple, dans l'Arche d'Alliance. Ce mystère ne pourrait être obtenu que par la prière. L'ange révéla à Abraham que ce dépôt sacré, à cause de l'impiété des hommes, passerait aux prophètes et serait finalement transmis à un homme destiné à être le père de la Vierge. J'entendis également, au cours de cette prophétie, que six voyantes [Les "Sibylles" de l'Antiquité] et des signes dans les étoiles annonceraient aux païens la réalisation du salut du monde par la médiation d'une Vierge. Tout ceci fut révélé à Abraham dans une vision où il contempla également une apparition de la Vierge dans le ciel, un ange se tenant à sa droite et lui effleurant la bouche avec un rameau. Et l'Eglise, sortant du manteau de la Vierge, s'épanouit alors.

Le troisième ange annonça à Abraham la naissance d'Isaac : je vis le patriarche si émerveillé par l'annonce de la Vierge et par son apparition qu'il ne songeait guère à Isaac. Je pense que la promesse de cette Vierge lui rendit également plus supportable, ultérieurement, la perspective du sacrifice d'Isaac.

 C'est seulement après ces saintes révélations que je vis l'hospitalité accordée aux anges et le rire de Sara (Gn 18,12). Je vis aussi Abraham accompagner les anges et intercéder pour Sodome Cf Gn 18, 22-33.

Lorsqu'Abraham revint de son extase, il conduisit les anges sous l'arbre et leur dressa des escabeaux autour du tronc ; ils s'assirent afin que le patriarche leur lavât les pieds ; puis il se hâta vers la tente de Sara, pour qu'elle préparât un repas; elle vint un peu plus tard l'apporter à mi-chemin, s'avançant vers eux la face voilée (Gn 18,4-6). Après le repas, Abraham accompagna les anges sur une certaine distance, et c'est là  que, comme ils lui parlaient de la naissance de son fils, Sara se mit à rire (Gn 18,12) ; elle s'était approchée d'eux, derrière l'enceinte de son campement, et avait entendu leurs paroles. »

Voilà, il s’agit d’une révélation privée, vous n’êtes pas obligé d’y croire, mais il est permis de les publier et de les lire.

« Au fil des siècles il y a eu des révélations dites "privées", dont certaines ont été reconnues par l'autorité de l'Eglise. Elles n'appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n'est pas d'"améliorer" ou de "compléter" la Révélation définitive du Christ, mais d'aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l'histoire. Guidé par le Magistère de l'Eglise, le sens des fidèles sait discerner et accueillir ce qui dans ces révélations constitue un appel authentique du Christ ou de ses saints à l'Eglise.

La foi chrétienne ne peut pas accepter des "révélations" qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l'achèvement. C'est le cas de certaines Religions non-chrétiennes et aussi de certaines sectes récentes qui se fondent sur de telles "révélations". » (Catéchisme de l’Église catholique § 67)

Psaume (Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5)

Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son cœur. Il met un frein à sa langue. Il ne fait pas de tort à son frère et n’outrage pas son prochain. À ses yeux, le réprouvé est méprisable, mais il honore les fidèles du Seigneur. Il ne reprend pas sa parole. Il prête son argent sans intérêt, n’accepte rien qui nuise à l’innocent. Qui fait ainsi demeure inébranlable.

La liturgie a omis le début du psaume qui en donne la visée : « Seigneur, qui logera sous ta tente, habitera sur ta sainte montagne ? » et alors le psaume continue : « Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son cœur » (Ps 15, 1-2). La visée du psaume est l’intimité avec le Seigneur, ou l’élévation spirituelle.

Ce psaume ne fait pas une définition abstraite de la justice, il invite à une certaine conduite qui est cohérente. Il s’agit d’abord de dire « la vérité selon son cœur » : on a le droit à l’erreur, mais il s’agit d’être sincère. La suite du psaume est cohérente : celui qui ment finit par être compliqué dans ses efforts de ne pas se contredire. Celui qui dit la vérité selon son coeur « ne reprend pas sa parole ». Une personne qui ne dit pas la vérité devient instable ou rend instable son entourage qui est insécurisé et ayant perdu confiance, finit par renoncer à toute collaboration. Mais celui qui dit la vérité selon son cœur « demeure inébranlable », même s’il a fait une erreur, cela s’arrangera, car les autres ont confiance en sa sincérité.

« Il met un frein à sa langue. Il ne fait pas de tort à son frère et n’outrage pas son prochain. » Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas dénoncer le mal, mais cela signifie qu’il faut le faire sobrement sans humilier publiquement son prochain. On peut détruire socialement par des paroles. L’outrage ne résout rien. Ce verset de psaume vaut aussi sur les réseaux sociaux. Mettre un frein à sa langue, c’est savoir attendre. Attendre d’une manière bienveillante, car nous savons que celui qui tombe par faiblesse, Dieu le relève avec tendresse…

Avant de reprendre le verset « À ses yeux, le réprouvé est méprisable, mais il honore les fidèles du Seigneur », je vous propose de méditer le passage de Luc 5, 27-32 qui donne, dans une traduction depuis l’araméen :

« 27    Après cela,
Jésus sortit, et il vit le collecteur d’impôt nommé Lévi, / qui était assis parmi les collecteurs d’impôts.
Et il lui dit : / ‘Viens à ma suite !’
28 Et il lâcha toute chose / et il se leva pour aller à sa suite.
29 Et Lévi lui fit dans sa maison / une grande réception,
Et il y avait une foule nombreuse de collecteurs d’impôts, / et d’autres qui étaient attablés avec eux.
30 Et les scribes et les pharisiens murmuraient / et disaient à ses disciples :
‘Pourquoi, mangez-vous et buvez-vous / avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs ?’
31 Et Jésus répondit / et leur dit :
‘Le médecin n’est pas requis pour les bien portants, / mais pour ceux qui sont réduits au plus mal.
32 Je ne suis pas venu appeler les justifiés, / mais les pécheurs, à la conversion’. »

Jésus a donc « vu » Lévi (v. 27). Ce dernier avait probablement fait quelques efforts pour sortir des travers de sa situation, des efforts connus de Jésus seul et que l’évangile ne raconte pas, mais grâce auxquels Lévi était prêt à se mettre immédiatement à la disposition de Jésus. Dans notre récit, il n’est d’ailleurs pas précisé que Lévi soit pécheur, mais simplement qu’il s’attable avec des pécheurs (Lc 5, 30), et ce sont les ennemis de Jésus qui le disent. Jésus accepte cette « mauvaise compagnie » parce qu’il voit dans cette maison et ses convives, un désir et une ouverture à « l’air salubre » qu’il vient apporter. Donc, nous pouvons dire le psaume sans craindre de contredire l’évangile : « À ses yeux, le réprouvé est méprisable, mais il honore les fidèles du Seigneur. »

On peut aussi prendre ce verset du point de vue de la magnanimité et de l’humilité. Il convient de prendre conscience de la grandeur des dons de Dieu, de la noblesse de la vocation humaine et en particulier des baptisés, et, de ce point de vue, pour celui qui en a pris conscience, « le réprouvé est méprisable », c’est le point de vue de la magnanimité. Mais il y a aussi le point de vue de l’humilité qui honore les autres et les estime supérieurs en tant qu’elle découvre en eux quelque chose des dons de Dieu, « il honore les fidèles du Seigneur ». Celui qui prie le psaume en disant « À ses yeux, le réprouvé est méprisable, mais il honore les fidèles du Seigneur » est à la fois magnanime et humble, et ces deux vertus ne se contredisent pas, elles ont simplement un point de vue différent. (cf. St Thomas d’Aquin, II-II Secunda Secundae Qu.129 a.3)

« Il prête son argent sans intérêt, n’accepte rien qui nuise à l’innocent. Qui fait ainsi demeure inébranlable ». Saint Thomas d’Aquin écrivait que « Recevoir un intérêt pour de l’argent prêté est de soi injuste, car c’est faire payer ce qui n’existe pas ; ce qui constitue évidemment une inégalité contraire à la justice ». (St Thomas d’Aquin, II-II Secunda Secundae Qu.78 a.1 réponse). Le prêt à intérêt peut ruiner la vie de gens innocents et les réduire en esclavage. Alors qu’une existence qui repose sur des trafics est souvent tôt ou tard déstabilisée par des plaintes et des procès, le psaume nous enjoint de ne rien accepter qui nuise à l’innocent, ne pas accepter de compromissions, ni d’argent facile… « Qui fait ainsi demeure inébranlable ».

Nous ne sommes pas parfaits, mais Jésus nous a donné Marie comme mère, pour nous aider sur ce chemin. Saint Louis Marie de Montfort composa ce Cantique :

« 1. Que mon âme chante et publie, / à la gloire de mon Sauveur
Les grandes bontés de Marie, / envers son pauvre serviteur. […]

8. Je suis tout dans sa dépendance, / pour mieux dépendre du Sauveur,
Laissant tout à sa Providence, / mon corps, mon âme et mon bonheur.

9. Quand je m’élève à Dieu mon Père, / du fond de mon iniquité
C’est sur les ailes de ma Mère, / c’est sur l’appui de sa bonté. […]

11. Cette bonne mère et maîtresse / me secours partout puissamment,
Et quand je tombe par faiblesse, / elle me relève à l’instant.

12. Quand mon âme se sent troublée / par mes péchés de tous les jours,
Elle est toute pacifiée, / disant : Marie, à mon secours !

13. Elle me dit dans son langage, / lorsque je suis dans mes combats ;
Courage, mon enfant, courage, / je ne t’abandonnerai pas ! […]

15. Voici ce qu’on ne pourra croire : / je la porte au milieu de moi,
Gravée avec des traits de gloire, / quoique dans l’obscur de la foi. […]

19. Je fais tout en elle et par elle, / c’est un secret de sainteté
Pour être à Dieu toujours fidèle, / pour faire en tout sa volonté. 

20. Chrétiens, suppléez je vous prie, / à ma grande infidélité,
Aimez Jésus, aimez Marie / dans le temps et l’éternité.
Dieu seul. » (Montfort, Cantique 77).

Deuxième lecture (Col 1, 24-28)

Frères, maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église. De cette Église, je suis devenu ministre, et la mission que Dieu m’a confiée, c’est de mener à bien pour vous l’annonce de sa parole, le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté à ceux qu’il a sanctifiés. Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste la gloire sans prix de ce mystère parmi toutes les nations : le Christ est parmi vous, lui, l’espérance de la gloire ! Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de l’amener à sa perfection dans le Christ. – Parole du Seigneur . 

« La prière doit accompagner les missionnaires dans leur marche afin que l'annonce de la Parole soit rendue efficace par la grâce divine. Saint Paul demande souvent dans ses Lettres que les fidèles prient pour lui afin qu'il lui soit accordé d'annoncer l'Évangile avec confiance et audace.

À la prière, il est nécessaire d'unir le sacrifice. La valeur salvifique de toute souffrance acceptée et offerte à Dieu avec amour découle du sacrifice du Christ, qui appelle les membres de son Corps mystique à s'associer à ses propres souffrances et à les compléter en leur chair (cf. Col 1,24). Le sacrifice du missionnaire doit être partagé et soutenu par celui des fidèles. C'est pourquoi je recommande à ceux qui exercent leur ministère pastoral parmi les malades de leur apprendre la valeur de la souffrance et de les encourager à l'offrir à Dieu pour les missionnaires. Par cette offrande, les malades deviennent missionnaires eux aussi, comme le soulignent certains mouvements nés parmi eux et pour eux. La solennité de la Pentecôte - jour ou commença la mission de l'Église - est célébrée dans certaines communautés comme la "journée de la souffrance pour les missions". » (Jean-Paul II, Redemptoris Missio 78)

Don Vital LEHODEY fait quelques remarques utiles :

« Gemma Galgani et Élisabeth de la Trinité s’offrirent comme victimes pour les pécheurs.

Thérèse de l’enfant Jésus comme victime d’holocauste à l’Amour miséricordieux.

Sœur Gertrude Marie à la justice, à la sainteté, à l’amour de Dieu.

Le plus ordinairement, l’on se donne à la justice, à la sainteté de Dieu, comme victime d’expiation, pour réparer la gloire divine outragée, pour délivrer les âmes du purgatoire, attirer la miséricorde céleste sur la sainte Église, sur la patrie, sur le Sacerdoce et les communautés, sur une famille ou sur une âme.

Le fondement de cette offrande est la communion des saints. C’est aussi le mystère de la rédemption par la souffrance.

Pie IX suggérait à un supérieur général d’ordre d’inviter les âmes généreuses à s’offrir à Dieu en victimes d’expiation. Léon XIII, en 1884, dans l’encyclique adressée à la France, exhorte ceux surtout qui vivent dans les monastères à s’efforcer d’apaiser la colère de Dieu, par une humble prière, la pénitence volontaire, et l’offrande d’eux-mêmes. Pie X a loué l’Association sacerdotale et que beaucoup de ses membres s’offrent à Dieu secrètement pour être immolés comme victime d’expiation.

Sœur Thérèse de l’Enfant Jésus, le jour même de sa mort, disait : Je ne me repens pas de m’être livrée à l’amour.

Le simple abandon ne va pas de l’avant. Celui qui s’offre ainsi, au contraire, va de l’avant.

L’abandon laisse à Dieu de tout régir. Sauf un appel divin, l’offrande est-elle aussi humble ?

L’âme qui s’abandonne à l’action divine peut compter sur sa grâce ; celle qui va de l’avant, sauf toujours l’appel divin, est-elle aussi sûre de mettre Dieu avec soi ?

Mais pourvu qu’elle agisse avec la permission et sous le contrôle des représentants de Dieu, et qu’elle demeure zélée pour ses devoirs journaliers, elle doit s’attendre à de terribles épreuves et Dieu sera avec elle. » (Extraits de Don Vital LEHODEY, Le saint Abandon, Paris 1919, p. 74-75)

Pour le dire autrement et de manière abrégée, peut-on dire au Seigneur : Ne craignez pas de m’envoyer la souffrance, je la désire, je la demande presque ? Saint Pierre s’offrit à souffrir et même à mourir avec son Maître adoré ; son amour et sa sincérité furent hors de doute ; il n’en était pas moins présomptueux, et vouloir partager la Passion du Christ par soi-même est intolérable devant Dieu : c’est Dieu seul qui se communique et donne à chacun de participer, à sa mesurefff, à sa vie divine et à son œuvre rédemptrice.

Saint Thomas d’Aquin dit que « Les souffrances des saints profitent à l'Église, non par mode de rédemption, mais à titre d'exhortation et d'exemple, comme dit S. Paul (2Co 1,6) : "Nous sommes dans la détresse pour votre exhortation et votre salut ».  (III Tertia Pars Qu.48 a.5 resp 3)

« Sommes-nous dans la tribulation ? C'est pour votre consolation [araméen : būyāḵon : réconfort, encouragement, il vaudrait mieux traduire encouragement ; grec : παρακλησεως de la même racine que le mot Paraclet désignant l’Esprit Saint comme avocat ; latin : exhortatione (exhortation)] et salut-vivification [ḥayaykon]. Sommes-nous consolés-encouragés ? C'est pour votre consolation-encouragement, qui vous donne de supporter avec constance les mêmes souffrances que nous endurons, nous aussi. » (2Co 1, 6)

On pourrait aussi citer : « Et nous avons envoyé Timothée, notre frère et le collaborateur de Dieu dans l'Evangile du Christ, pour vous affermir et réconforter dans votre foi, afin que personne ne se laisse ébranler par ces tribulations. Car vous savez bien que c'est là notre partage [dalhāḏe ū sīmīnan : nous y sommes exposés] »  (1Th 3, 2-3).

Tel est le sens de la souffrance de saint Paul, pour l’annonce de la Parole, « le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté à ceux qu’il a sanctifiés. Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste la gloire sans prix de ce mystère parmi toutes les nations : le Christ est parmi vous, lui, l’espérance de la gloire ! Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de l’amener à sa perfection dans le Christ. » (Col 1, 25-28)

« Le Christ est parmi vous, lui, l’espérance de la gloire ! », le texte araméen: « le Messie qui est en vous mšīḥā daḇḵon, l'espérance de notre gloire saḇrā d-šūḇḥan ». En latin et le grec « le Christ en vous, espérance de la gloire » : « Christus, in vobis spes gloriæ » ; en grec : « χριστος εν υμιν η ελπις της δοξης ».

Notons que l’ordre des mots de la traduction liturgique de l’AELF est correcte et correspond à l’ordre des mots dans les langues anciennes. Alors que celle de nos Bibles n’est pas toujours correcte.
wəḥāḏe nā b-ḥašše d-al appaykon wammalle nā ḥasīrūṯā dūlṣānaw damšīḥā b-ḇesry ḥlāp pagrēh dīṯaw īdtā .
υν χαιρω εν τοις παθημασιν υπερ υμων και ανταναπληρω τα υστερηματα των θλιψεων του χριστου εν τη σαρκι μου υπερ του σωματος αυτου ο εστιν η εκκλησια
Qui nunc gaudeo in passionibus pro vobis, et adimpleo ea, quæ desunt passionem Christi, in carne mea pro corpore eius, quod est Ecclesia:
En ce moment je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Eglise. (Col 1, 24 BJ)

Évangile (Lc 10, 38-42)

Le texte et le commentaire sont extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).

Le texte est traduit depuis l’araméen, la Pshitta.

Le style oral aide à la mémorisation et permet une proclamation vivante.

N’hésitez pas à l’apprendre aux enfants !

« 38 Et tandis qu’ils pérégrinaient en chemin, / il entra en un certain village.
Et une femme, du nom de Marthe, / le reçut dans sa maison.

39 Et, elle avait une sœur / du nom de Marie ;
et elle vint s’assoir auprès des pieds de notre Seigneur / et elle écoutait ses paroles.

40 Marthe était donc occupée / par un service important,
et elle vint / et lui dit :
‘Seigneur !
Cela ne te contrarie-t-il pas / que ma sœur m’ait laissée toute seule à servir ?
Dis-lui / qu’elle m’aide !’

41 Jésus répondit / et lui dit :
‘Marthe, / Marthe !
Tu t’inquiètes et tu es agitée… / pour de nombreuses choses,
42 Elle est une, cependant, / celle qui est requise
Marie, donc, / s’est choisi la bonne part :
Celle… / qui ne lui sera pas retirée ! »

Cette perle nous parle de l’hospitalité rendue à Jésus, elle a une valeur normative pour l’accueil de tous les missionnaires chrétiens, et prend naturellement sa place dans un fil d’oralité inauguré par l’envoi en mission des 70 (perle 1).

Marthe est la maîtresse de maison qui reçoit dans « sa » maison. Son  prénom « Marthe [mārtā] » ressemble au féminin du mot « le Seigneur [mar] », comme en italien « Signora » est le féminin de « Signore », Seigneur. « Marthe est occupée par un service important », mais elle se sent seule, et se mettant en quelque sorte à égalité avec Jésus, elle lui donne un ordre : « Dis-lui qu’elle m’aide ! ».

À Marthe qui s’inquiète et s’agite « pour de nombreuses choses » (Lc 10, 41) s’applique ce verset de la sagesse : « un corps corruptible, en effet, appesantit l’âme, et cette tente d’argile alourdit l’esprit aux multiples soucis » (Sg 9, 15), et son
salut est dans le verset du Deutéronome : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir » (Dt 6, 5 BJ), où l’esprit correspond au cœur, tandis que le pouvoir a rapport au corps. De plus, dans une civilisation orale, c’est tout le passage qui monte à la mémoire, Jésus invite Marthe à être unifiée intérieurement : « Écoute, Israël, le Seigneur [YHWH] notre Dieu est Un [ḥd] (le seul) Seigneur [YHWH] » (Dt 6, 4).

Jésus, affectueusement (« Marthe, Marthe »), pose un diagnostic : « Tu t’inquiètes et tu es agitée… pour de nombreuses choses [saggīāṯā] », mais tu as perdu l’unité intérieure ! 
La perle joue sur le mot « Un ». Nous sommes dans « un certain [ḥḏā] village », « Marthe laissée toute seule [racine ḥḏā] » tandis que Marie a choisi la « [chose] une [ḥḏā] » et c’est la « bonne part ». Marie dont le nom [maryam] est aussi en consonnance avec le nom « Seigneur [mar] » s’est assise à ses pieds, dans une position d’infériorité et d’écoute, accomplissant le précepte « Écoute, Israël, le Seigneur [YHWH] notre Dieu est Un Seigneur [YHWH] » (Dt 6, 4). Elle n’encourt pas de jugement : c’est la bonne part qu’elle a choisie et elle ne lui sera pas enlevée.

Ce lien avec le livre du Deutéronome n’est pas fortuit.

Rappelons quelques éléments importants.

Les apôtres ont été envoyés « vers les brebis qui se sont éloignées de la maison d’Israël » (Mt 10, 6), dans la diaspora juive : ils ont suivi des routes commerciales où ils ont trouvé des traducteurs, à Rome et en Espagne, en Égypte et au Soudan, en Irak et en Inde, etc… Ils ont enseigné dans les synagogues, et l’évangile selon saint Luc est un lectionnaire liturgique.
L’année liturgique juive commence en automne avec la Genèse, et l’ensemble du Pentateuque est lu au cours de l’année.
Il n’est pas réaliste de proposer une adéquation fixe de l’Évangile au calendrier annuel des lectures synagogales car ce dernier change d’une année à l’autre du fait des longueurs variables des mois et surtout du nombre de mois (12 ou 13) : le nombre de shabbats dans une année varie de 48 à 54. Ce sont les responsables religieux qui adaptent, chaque année, la répartition des passages de l’Écriture sainte, suivant le nombre de shabbats.
L’évangile commence par accompagner la lecture synagogale du Lévitique, lequel est lu au printemps (fin mars, avril, début mai). La suite accompagne les Nombres, le Deutéronome, la Genèse et l’Exode. Et la finale, avec la Passion et la résurrection de Jésus, boucle le lectionnaire : après la célébration de la Pâque, considérée comme le « premier jour », les chrétiens recommencent l’évangile au début, tandis qu’à la synagogue ils ré-entendent le Lévitique.

C’est ainsi, que, si vous suivez mon livre, vous comprenez que l’épisode que nous lisons au chapitre 10 de saint Luc arrive bien en écho avec la lecture du livre du Deutéronome.

Terminons par une belle méditation de saint François de Sales :

« Ne voyez-vous pas que Marthe, bien que sa fin fut louable de vouloir bien traiter Notre-Seigneur, ne laissa pas d’être reprise par ce divin Maître, d’autant qu’outre la fin très bonne qu’elle avait pour son empressement, elle regardait encore Notre-Seigneur en tant qu’homme; et pour cela croyait qu’il fût comme les autres, auxquels un seul mets ou une sorte d’apprêt ne suffit pas ; c’était cela qui faisait qu’elle s’émouvait grandement afin de trouver des oranges, des citrons, du vinaigre et semblables choses pour réveiller l’appétit. Et par ainsi elle doublait cette première fin de l’amour de Dieu en son exercice, de plusieurs autres petites prétentions, desquelles elle fut reprise de Notre-Seigneur : Marthe, Marthe, tu le troubles de plusieurs choses, bien qu’une seule soit nécessaire, qui est celle que Madeleine a choisie et qui ne lui sera point ôtée. Cet acte de charité simple qui fait que nous ne regardons et n’avons autre mire 2 en toutes nos actions que le seul désir de plaire à Dieu, est la part de Marie qui est seule nécessaire, et c’est la simplicité, vertu inséparable de la charité, d’autant qu’elle regarde droit à Dieu, sans que jamais elle puisse souffrir aucun mélange de propre intérêt; autrement ce ne serait plus simplicité, car elle ne peut souffrir nulle doublure des créatures, ni aucune considération d’icelles; Dieu seul y trouve sa retraite. » (F de Sales, Entretiens 14)

Date de dernière mise à jour : 05/06/2025