Sainte Trinité (C)

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Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30. 

Première lecture (Pr 8, 22-31)
Psaume (Ps  8, 4-5, 6-7, 8-9)
Deuxième lecture (Rm 5, 1-5)
Évangile (Jn 16, 12-15)

Première lecture (Pr 8, 22-31)
« 22 Écoutez ce que déclare la Sagesse de Dieu : « Le Seigneur m’a faite pour lui, principe de son action, première de ses œuvres, depuis toujours. 23 Avant les siècles j’ai été formée, dès le commencement, avant l’apparition de la terre. 23 Quand les abîmes n’existaient pas encore, je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources jaillissantes. 24 Avant que les montagnes ne soient fixées, 25 avant les collines, je fus enfantée, 26 avant que le Seigneur n’ait fait la terre et l’espace, les éléments primitifs du monde. 27 Quand il établissait les cieux, j’étais là, quand il traçait l’horizon à la surface de l’abîme, 28 qu’il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l’abîme, 29 quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre. 
30 Et moi, je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, 31 jouant dans l’univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. » – Parole du Seigneur.  

Pr 8, 22-29. Attention parce que les mots peuvent être mal interprétés, parce qu’ils n’ont pas un sens unique. Par exemple, en français, on dit « créer un évêque », mais cela veut simplement dire qu’un prêtre est passé à une responsabilité supérieure. Il en est de même pour le Verbe divin, il n’est pas une œuvre créée, mais il est placé comme principe de l’univers. Ainsi, dans la tradition de l’Église, ce texte parle du Fils de Dieu, la Sagesse éternelle, le Verbe divin. La Lettre à Denys, au 3e siècle commence par dire que «  les paroles divines attestent » au sujet du Fils de Dieu « une génération adaptée et appropriée, mais non une fabrication et une création ». Le verset Pr 8, 22 « doit être entendu au sens de ‘il a établi à la tête des oeuvres faites par lui’, mais faites par le Fils lui-même. […]. Il faut croire en Dieu le Père tout-puissant et en son Fils Jésus-Christ et au Saint-Esprit : le Verbe est uni au Dieu de l’univers. Car il dit : ‘Moi et le Père, nous sommes un’ Jn 10,30 et ‘Je suis dans le Père et le Père est en moi’ Jn 14,10. » (Lettre à Denys, DS 112-115).

« Et moi, je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, jouant dans l’univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. » (Pr 8, 30 et 31). Il nous est révélé que la Sagesse divine a joué dans l’univers et sur la terre, et qu’elle a trouvé ses délices avec les fils des hommes ! Au départ, entre l’homme et Dieu, il y avait une parfaite entente, des joies communes, des réjouissances innocentes. C’était une fête continuelle avec des cadeaux toujours renouvelés. Dieu a créé par un acte de volonté nous expliquera saint Thomas d’Aquin dans un instant, et l’homme devait répondre par l’adhésion de sa volonté. Mais l’homme rompit l’union de sa volonté avec celle du Créateur. La possibilité de lui donner sans cesse avait disparu.
Après plusieurs siècles, le Créateur a pu goûter de nouveau les joies pures de la Création lorsque la Vierge Immaculée vit le jour, on l’acclame « joie de toutes les joies ». De même, quand Jésus s’incarna, ont pu reprendre toutes les joies, la gloire, le retour d’amour de toute la Création. 
Bien sûr, les joies de Dieu au ciel sont éternelles, mais celles qui lui viennent de la terre, la divinité est en train de les gagner, et c’est là le but du jeu, si l’on peut dire !  Jusqu’à présent, ces joies ont été passagères, alors qu’elles devraient être sans interruption. Et la Fin du monde n’adviendra pas avant que la création ne rende amour pour amour, afin qu’avec le Seigneur les joies pures de la Création et les amusements innocents reprennent leur cours sur la surface de la terre. Et c’est ce à quoi les générations doivent se préparer. Tel est l’objet de la prière de l’Église : que ton règne vienne sur la terre comme au ciel (Mt 6, 10). Alors la Sagesse créatrice trouvera ses délices avec les fils des hommes (Pr 8, 31).

Ce chapitre 8 du livre des Proverbes nous invite ainsi à la foi en Dieu créateur. Il est difficile de savoir quelle était la foi de l’homme préhistorique. Dans l’Antiquité, chaque peuple avait sa divinité locale. Il était donc quelque peu difficile d’envisager un Dieu créateur unique : la foi en Dieu tout-puissant créateur du Ciel et de la terre est le fruit d’une éducation à travers l’histoire de l’Alliance. C’est une découverte progressive. Il a fallu d’abord comprendre qu’existait un Dieu qui nous aimait et qui nous libérait de nos misères, servitude en Égypte ou servitude en Canaan, avant de comprendre que ce Dieu était le roi de l’univers parce qu’il en était le créateur. La foi en Dieu créateur est indissociable de la perception de l’amour de Dieu pour son peuple, et de l’admiration de sa Sagesse qui conduit les événements de l’histoire. 

Je voudrais terminer l’émission par certains articles importants de saint Thomas d’Aquin. C’est plus philosophique… Tout d’abord, ce monde matériel n’existe pas depuis toute éternité. « Rien, en dehors de Dieu, n’a existé de toute éternité. Et il n’est pas impossible de l’établir. » (I Prima Pars Qu.46 a.1).
Saint Thomas d’Aquin dit qu’avant le monde, il n’y avait ni espace ni temps, Dieu a créé l’espace et le temps. Dans un discours, on peut imaginer un temps avant le temps, mais ce temps imaginaire n’est par réel. Ce n’est pas parce que Dieu est éternel et qu’il nous a pensés depuis toute éternité, que le monde, lui, n’a pas commencé dans le temps.
Voici son explication : « A parler absolument, il n’est pas nécessaire que Dieu veuille autre chose que lui-même. Il n’est donc pas nécessaire que Dieu veuille que le monde ait toujours existé. Avant d’exister, le monde a été possible ; cette possibilité n’est pas celle de la puissance passive, qui est celle de la matière, mais celle de la puissance active de Dieu. […] Nous disons, nous, qu’il n’y avait ni lieu ni espace avant le monde. » (I Prima Pars Qu.46 a.1). 
Dans notre expérience, un agent particulier donne une forme à une matière qui existait déjà avant, selon la représentation du temps avec un avant et un après.  Mais, continue saint Thomas,  « cette considération n’est pas convenable pour Dieu, qui produit en même temps la forme et la matière […] [il est] l’agent universel, qui produit la chose et le temps, il n’y a pas à considérer qu’il agisse maintenant et non avant » (I Prima Pars Qu.46 a.1).
« Il a donné à son oeuvre autant de temps qu’il a voulu, comme il lui a semblé bon pour manifester sa puissance. En effet, le monde nous fait mieux connaître la puissance divine du Créateur, s’il n’a pas toujours existé, plutôt que s’il avait été éternel ; car il est manifeste que ce qui n’a pas toujours existé a une cause, tandis que cela n’est pas aussi évident avec ce qui a toujours existé. […]
Dieu est antérieur au monde en durée. Mais le mot « antérieur » ne désigne pas une priorité de temps, mais la priorité de l’éternité. […] 
De l’action éternelle de Dieu ne découle pas un effet éternel, mais un effet tel que Dieu l’a voulu, c’est-à-dire qui ait commencé d’être après le non-être » (I Prima Pars Qu.46 a.1)


Psaume (Ps  8, 4-5, 6-7, 8-9)
À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ; tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds. Les troupeaux de bœufs et de brebis, et même les bêtes sauvages, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui va son chemin dans les eaux.  

« À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas… » 
On peut admirer l’univers, et les plus grands scientifiques sont aussi ceux qui s’émerveillent le plus. Ceci étant dit, on ne peut pas prouver l’action d’un Dieu Créateur à partir du monde lui-même et des découvertes scientifiques. C’est une question de philosophie que nous traitons rapidement. Saint Thomas d’Aquin écrit : « On ne peut établir que le monde a commencé en raisonnant à partir du monde lui-même, car le principe de la démonstration est la ‘quiddité’ [ce qu’est une chose]. Or, en considérant un être selon son espèce on l’abstrait du temps et de l’espace, c’est pourquoi l’on dit des universaux qu’ils sont partout et toujours. » (I Prima Pars Qu.46 a.2) Autrement dit, en faisant des abstractions à partir du monde et des découvertes scientifiques, on sort du temps et de l’espace, et on ne peut donc pas prouver l’action d’un Dieu Créateur. « Cependant la volonté divine peut se manifester à l’homme par la révélation, fondement de notre foi. Aussi, que le monde ait commencé, est objet de foi, non de démonstration ou de savoir. »  (I Prima Pars Qu.46 a.2) 

« Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? » Ici, le psalmiste prend conscience de l’amour du Créateur à son égard. Le ciel azuré, la lune, les étoiles, portent à l’homme un « je t’aime » de la part du Créateur, et l’homme peut entendre ce « je t’aime », et y répondre ! Et c’est en entendant ce « je t’aime » du Créateur par un acte d’attention, et en y répondant par un acte d’amour en retour, que l’homme se remplit de l’amour même qui anime l’acte créateur, et alors, l’homme est couronné de gloire et d’honneur.

« Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ; tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds. Les troupeaux de bœufs et de brebis, et même les bêtes sauvages, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui va son chemin dans les eaux. »
Ccc Le Créateur se comporte vis-à-vis de l’humanité comme un Père envers son fils. Il n’est pas jaloux de ses biens. Il les lui donne, il les lui confie. Il a préparé plein de choses que son fils découvre au fur et à mesure, en grandissant. Qu’est-ce que l’homme ! L’homme ne doit pas déchoir de sa noblesse, il doit considérer le cadeau qui lui est fait, il doit s’intéresser à son Père, le Créateur, et apprendre de lui comment utiliser tout ce qui est mis à sa disposition. Dieu a préparé tant de chose pour l’homme, il a mis tant de bonté et de beauté dans chaque chose créée, quelle injustice si l’homme les utilise en mettant Dieu de côté ! C’est pourtant ce qui se passe. Les générations sont appelées à se resaisir et à réapprendre à vivre à la hauteur qui leur est destinée, celle du fils que l’on laisse passer pour qu’il marche à côté du roi de l’univers, parce que c’est son Père.

« Tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds. Les troupeaux de bœufs et de brebis, et même les bêtes sauvages, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui va son chemin dans les eaux. » 
Tel qu’il est sorti des mains de Dieu, l’homme a de quoi penser sa vie, la diriger, il a la maitrise intérieure de son acte. Pourquoi faudrait-il qu’il fasse confiance à plus grand que lui et le croie sur parole ? C’est toute la question des humanistes, mais cette question se posait déjà au temps de saint Thomas d’Aquin. L’homme peut se suffire à lui-même. Il est même dangereux de croire, car alors on ne peut pas être sûr, on n’est plus maître, et même ce qu’il y a d’invisible se découvre à la pensée, donc il n’y a pas besoin de religion. 
 La réponse de saint Thomas d’Aquin part de l’exemple de l’eau des océans. 
« L'eau, selon son propre mouvement, gravite vers le centre de la terre ; mais elle a autour de ce centre un mouvement de flux et de reflux qui suit le mouvement de la lune.  […] Or, dans la création, la nature raisonnable seule est immédiatement ordonnée à Dieu.  […] La perfection de la créature douée de raison consiste donc, non pas seulement en ce qui convient à cette créature selon sa nature, mais aussi en ce qui lui est accordé par une certaine perfection surnaturelle venant de la bonté divine. Aussi avons-nous dit plus haut que l'ultime béatitude de l'homme consiste dans une vision surnaturelle de Dieu. A cette vision il est sûr que l'homme ne peut parvenir s'il ne se met à apprendre à l'école même de Dieu, selon ce texte en S. Jean (Jn 6,45) : " Quiconque prête l'oreille au Père et a reçu son enseignement vient à moi. "  (II-II Secunda Secundae Qu.2 a.3)
Et il termine de répondre aux objections en citant cette parole de l'Ecclésiastique : « On t'a montré beaucoup plus de choses que l'intelligence humaine n'en peut comprendre » (Si 3,23).  (II-II Secunda Secundae Qu.2 a.3 s3). 
Ainsi donc, le fait que l’homme soit créé avec une capacité de gouvernement et de maîtrise du monde, l’action de croire en Dieu ne le diminue pas, bien au contraire, cela l’élève à sa finalité ultime.
L’homme est créé un peu moindre qu’un Dieu, parce qu’il est impossible que Dieu crée un autre Dieu : par définition, il n’y a qu’une source à l’être, que l’on appelle Dieu. Nous sommes donc imparfaits et il nous est naturel d’agir et de pâtir, afin de nous perfectionner. Mais cela ne convient pas à Dieu, lui qui est le premier agent, celui par qui tout a été fait, il ne lui convient pas d’agir pour acquérir quelque chose : « il veut seulement communiquer sa perfection, qui est sa bonté. Et chaque créature entend obtenir sa propre perfection, qui est une ressemblance de la perfection et de la bonté divines. Ainsi donc la bonté divine est la fin de toutes choses ». (I Prima Pars Qu.44 a.4)
Saint Pierre parle de notre participation à la nature divine (2P 1, 4). Dieu le Père communique entièrement sa nature au Fils et au Saint-Esprit, mais il a voulu créer d’autres personnes afin de leur communiquer partiellement la nature divine, sa bonté et son bonheur ; c’est pourquoi nous parlons de "participation". 
Le Père nous adopte comme fils, de sorte que le Fils est le modèle auquel nous nous identifions et notre porte d’entrée dans la Trinité, tandis que l’Esprit Saint, lien d’amour entre le Père et le Fils, est la lumière et la puissance qui nous poussent à nous identifier au Christ afin de vivre avec Lui pour la gloire du Père, en accomplissant sa volonté en toutes choses. « Gloire au Père, au Fils, et au Saint Esprit, au Dieu, qui est, qui était, et qui vient, pour les siècles des siècles, amen »


Deuxième lecture (Rm 5, 1-5)
« Frères, nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu. Bien plus, nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. – Parole du Seigneur ». 

La prédication de la foi propose des vérités qui touchent immédiatement la fin dernière concrète de la vie humaine et qui changent du tout au tout le sens même qu’on pourrait donner à la vie, elle offre une béatitude transcendante et inespérée. 
La volonté peut suspendre toute adhésion : « Nous t’entendrons là-dessus une autre fois. » (Ac 17, 32), ou la refuser purement et simplement. 
Ou bien, le salut annoncé peut s’accorder avec un désir secret et avec l’orientation profonde de la vie morale. « Alors, la volonté, animée par une grâce qui ne la violente aucunement, interviendra dans un grand mouvement d’affection, où il y aura le désir d’un tel bien et la confiance en Celui qui le propose »*. Ce n’est encore, dit saint Thomas, qu’un « appétit », un élan du désir. On croit à Dieu, et on croit Dieu : on a confiance en Dieu. Ainsi, la foi, même à ses tout débuts, même sans charité, « n’est pas pure affaire d’intelligence, adhésion à une vérité théorique ; elle a des racines et des retentissements personnels affectifs, extrêmement profonds »*. 
Cela ne suffit cependant pas, il faut encore croire « en Dieu », ce qui est réservé à la charité. « Quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien » (1Co 13, 2). Une fois que l’habitus de la foi est infusé, les autres vertus théologales sont normalement infusées avec lui. L’amour de Dieu est « répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné »… Cette charité, dès lors présente, prend en charge la volonté de croire*. 

Et on peut structurer le commencement de la foi ainsi : 
Premièrement, une illumination surnaturelle de l’intelligence propose à l’objet de la foi une crédibilité surnaturelle : je peux faire confiance à Celui qui me parle, je perçois sa bonté, sa fiabilité. 
Deuxièmement, Dieu meut l’âme de l’homme en la tournant vers lui, ainsi qu’il est dit dans le Psaume (Ps 85,5) : ‘Ô Dieu, en nous tournant vers toi, tu nous donneras la vie.’ On peut parler d’une motion, également surnaturelle, qui éveille la volonté en faisant percevoir la bonté et la convenance de cet objet, c’est-à-dire suscitant en elle une affection surnaturelle de désir d’un si grand bien et de confiance en celui qui parle. Pius credulitatis affectus ». 
Mais il faut encore une troisième chose : la conversion vers Dieu se fait par la foi, selon l’épître aux Hébreux (He 11,6) : ‘Celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe.’ La volonté meut l’intelligence qui ne dit plus seulement « c’est croyable », mais « je crois ». C’est ainsi que « le mouvement de la foi est nécessaire à la justification ». (I-II Prima Secundae Qu.113 a.4)
« Dans le temps qui précède la justification, l’homme doit détester chacun des péchés qu’il a commis et dont il garde le souvenir. De cette considération antécédente découle dans l’âme un mouvement de détestation universelle à l’égard de tous les péchés commis, y compris les péchés oubliés. Car l’homme, dans cet état, est en telle disposition qu’il aurait la contrition des péchés oubliés s’ils revenaient à sa mémoire. Et c’est ce mouvement de l’âme qui concourt à la justification ». (I-II Prima Secundae Qu.113 a.5)
Dieu récompense la foi. 
On devient juste par la foi dès les tout premiers commencements, quand on a seulement reçu une motion divine et il est juste que celle-ci ne soit pas prise en défaut dedd. (I-II Prima Secundae Qu.112 a.3) 
Ensuite, quand la foi est formée et nourrie par la charité, l’amour de Dieu « répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné », l’acte de foi est méritoire, et celui qui recourt à Dieu pose un acte méritoire, si Dieu ne répondait à cet appel, il irait contre la justice qu’il a lui-même établie. (I-II Prima Secundae Qu.112 a.3)
« Frères, nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ». 
Jésus-Christ, vrai Dieu, vrai homme… « La faiblesse assumée par le Christ, bien qu’elle ait voilé sa divinité, manifestait son humanité, qui est la voie par laquelle nous parvenons à la divinité, selon l’épître aux Romains (Rm 5,1) : Nous avons accès à Dieu par Jésus Christ. - D’autre part, ce que les anciens patriarches désiraient chez le Christ, ce n’était pas la force corporelle, mais bien la force spirituelle par laquelle le Sauveur a vaincu le diable et guéri notre faiblesse humaine. » (III Tertia Pars Qu.14 a.1)
Saint Paul dit : « Bien plus, nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas » (Rm 5,3-5.) Paul mentionne ensuite les prisons, les naufrages, la faim, la soif, etc. A cette lecture, ne nous imaginons pas que le Seigneur aurait manqué à ses promesses : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné de surcroît ». Le Seigneur nous guide à travers consolations et épreuves de la vie pour nous établir et nous fixer dans le repos sans fin.
« L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Et c’est particulièrement important en famille. « Les nouveaux couples humains se disent entre eux : Nous marcherons ensemble sur le chemin de la vie. Ainsi commence la famille comme union de deux personnes et, en vertu du sacrement, comme nouvelle communauté dans le Christ. L’amour, pour être réellement beau, doit être un don de Dieu, greffé par l’Esprit Saint dans le coeur des hommes et continuellement nourri en eux (cf. Rm 5,5). L’Église, qui en est bien consciente, demande à l’Esprit Saint de descendre dans le coeur des hommes lors du sacrement du mariage. Pour que le bel amour existe véritablement, c’est-à-dire don de la personne à la personne, il doit provenir de Celui qui est don lui-même et source de tout don. » (S. Jean-Paul II, Lettre aux familles, la Mère du bel amour).

*cf. Michel LABOURDETTE, o.p. La foi, Bibliothèque de la revue thomiste, Parole et Silence, Paris 2015, p. 179 à 184

Évangile (Jn 16, 12-15)
Jésus disait à ses apôtres :
« 12 J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, 
mais vous n’êtes pas capables / de le saisir maintenant. 
13 Or, lorsqu’il sera venu / l’Esprit de vérité 
il vous conduira, lui, / dans toute la vérité. 

En effet, / il ne parle pas à partir de sa propre pensée, 
mais, tout ce qu’il entendra / c’est de cela qu’il parlera, 
et, les choses à venir, / il vous les fera connaître ; 
14 et, lui, / il me glorifiera, 
parce qu’il prendra de ce qui est mien / et vous [le] montrera. 
15 Toute chose qui est à mon Père / est à moi
c’est pour cela / que je vous ai dit :
‘Il prendra de ce qui est mien / et vous [le] montrera.’ »

On remarque tout de suite que l’Esprit Saint n’est pas n’importe quel Esprit, il est attaché à Jésus, il ggparle de Jésus, il puise dans les choses de Jésus, il se réfère à Jésus, à sa vie, à ses actes, à ses paroles. Ensuite, on remarque une idée de progrès, parce que les apôtres ne sont pas capables de comprendre avant la Passion du Christ.
Dans mon livre, Françoise BREYNAERT, Jean, l’évangile en filet. L’oralité d’un texte à vivre. (Préface Mgr Mirkis – Irak) Éditions Parole et Silence. Paris, 8 décembre 2020. 477 pages, j’explique que ces versets font partie d’une « perle » (Jn 15, 26 à 16, 15) qui nous parle de l’Esprit Paraclet, du Père et du Fils.
1.    Jn 15, 26 – 16, 1 : « L’Esprit... vient du Père » et « rend témoignage » au Fils (Jn 15, 26). L’Esprit Paraclet sera envoyé par Jésus, d’auprès du Père, ainsi vous témoignerez sans trébucher. 
2.    Jn 16, 2-6 : Jésus annonce aux disciples leur martyre potentiel. 
« Et viendra l’heure / où tout un chacun qui vous tuera, 
pensera offrir / une offrande à Dieu. » (Jn 16, 2).
3.    Jn 16, 7-15 : Le Paraclet sera envoyé par le Fils. Il renversera le jugement fait par les hommes contre le Fils, il glorifiera le Fils. 

Le Paraclet, appelé aussi Esprit de Vérité, est nécessaire pour que les disciples soient fermes dans leur foi au Christ et qu’ils soient prêts éventuellement au martyre. 
La parole de Jésus « il vous est plus profitable que je m’en aille » (Jn 16, 7) pourrait s’expliquer en disant que Jésus montre, par son propre martyre, l’exemple de cette Vérité-fermeté. Mais la réalité est plus profonde encore. Le christianisme ne consiste pas à suivre un exemple, mais à recevoir l’Esprit Saint qui est une personne. « Si je pars, je vous l’enverrai » (Jn 16, 7). L’Esprit « prendra ce qui est mien et vous le montrera » (Jn 16, 15). 
Saint Jean nous conduit progressivement dans la vie trinitaire. « Il est caractéristique du texte de l’Évangile selon saint Jean que le Père, le Fils et l’Esprit Saint soient désignés clairement comme des Personnes, la première étant distincte de la deuxième et de la troisième, et aussi les trois entre elles » (Saint JEAN-PAUL II, Lettre Encyclique Dominum et vivificantem (1986), § 8). 

La force de témoignage des apôtres, qui ont eu à témoigner dans la ville où Jésus fut crucifié (Actes 4), ne leur vient pas de capacités humaines, mais de la puissance divine de l’Esprit Paraclet, l’Esprit Saint envoyé d’auprès du Père par le Fils. Jésus décrit ce qu’est la vie dans l’Esprit Saint : « Il prend de ce qui est mien et vous le montrera » (Jn 16, 15). Telle est la source de la vitalité du christianisme des origines : les disciples, dans l’Esprit Saint, prennent de Jésus, ils puisent dans son humanité, dans ses sentiments, dans ses jeûnes, dans ses marches, dans ses paroles, dans ses rencontres, dans ses prières… l’Esprit Saint : « prendra de ce qui est mien et vous le montrera » (Jn 16, 15).

Comme le dit aussi le titre de mon livre, l’évangile selon saint Jean est un « évangile en filet », ce qui veut dire que cette perle peut se lire dans un fil méditatif, vertical sur mon schéma, que j’appelle le fil E, où s’enfilent des perles dans lesquelles on retrouve un même thème, ici celui de l’unité, ce qui rejoint les préoccupations de l’homme moderne aux prises avec la mondialisation.
Jésus dit à Nicodème : « A moins de naître d’Eau et d’Esprit, / nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. » (Jn 3, 5 perle 1E). Il n’y a qu’un unique Royaume qui est pour tous les hommes, Jésus dit : « Et moi, quand je serai exalté de terre, j’attirerai tout homme auprès de moi ! » (Jn 12, 32 perle 5E). Et ce royaume est symbolisé par la tunique sans couture du Christ que les soldats ne déchirèrent pas (Jn 19, 23-24 perle 7E), et le filet « plein de cent cinquante-trois grands poissons », qui ne se rompit pas (Jn 21, 11 perle 8E).
L’unité a sa source dans la vie trinitaire, elle a un fondement indestructible : « Ces choses, en effet, que le Père fait, celles-là le Fils, aussi, comme lui, les fait » (Jn 5, 19 perle 2E) ; « Moi et mon-Père, nous sommes Un » (Jn 10, 30 perle 4E). C’est l’unité dans l’Esprit de Vérité envoyé d’auprès du Père, par le Fils (perle 6E). 

Précisons que les versets Jn 16, 12-15 décrivent une nouvelle révélation, que les apôtres ne peuvent pas recevoir avant la Passion du Christ, sa résurrection et la Pentecôte. Il s’agit d’un privilège des apôtres, incommunicable à leurs successeurs ; après eux, il n’y a plus de charisme révélateur, du moins de l’ordre de la révélation publique. Citons le Catéchisme de l’Église catholique : « La foi chrétienne ne peut pas accepter des "révélations" qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l’achèvement. C’est le cas de certaines religions non chrétiennes et aussi de certaines sectes récentes qui se fondent sur de telles "révélations". » (CEC 67).
Ceci étant dit, le développement dogmatique est un phénomène de vie intellectuelle et spirituelle qui témoigne de la vitalité de l’Église. Cette vitalité n’est pas réservée au Magistère de l’Église. Reprenant l’idée profondément traditionnelle exprimée avec grande force par saint Vincent de Lérins dans son ‘Commonitorium’, le premier concile du Vatican donnait cette parole encourageante : « "Que croissent et progressent largement et intensément, pour chacun comme pour tous, pour un seul homme comme pour toute l’Église, selon le degré propre à chaque âge et à chaque temps, l’intelligence, la science, la sagesse, mais exclusivement dans leur ordre, dans la même croyance, dans le même sens et dans la même pensée". » (Vatican I, Dei Filius, chapitre 4, DS 3020) 
Quand on lit les textes des saints, ou des docteurs de l’Église, par exemple sainte Catherine de Sienne dans ses « Dialogues », ou saint Thomas d’Aquin dans sa Somme théologique, certaines pages peuvent être facilement reconnues comme étant synonymes à ce qui est dit dans l’évangile, ce qui change, c’est une allégorie, un ton amoureux, ou bien un style pédagogique. On dira qu’une vérité « peut être dans une autre formaliter [formellement], parce que c’est la même vérité, et pourtant implicitement parce que c’est sous des termes seulement équivalents et encore confus. »
D’autres pages disent quelque chose qui n’était pas évident dans le dépôt révélé, tout en restant catholiques : « Dans le dépôt révélé, une vérité peut être implicite seulement virtualiter [virtuellement] : il faut un vrai raisonnement pour l’en dégager ; c’est alors une autre vérité »* 
Ainsi, les saints, et en particulier ceux que l’on appelle « docteurs de l’Église », transmettent des vérités nouvelles, mais qui sont toujours exclusivement dans la même croyance. 

*Cf. Michel LABOURDETTE, o.p. La foi, Bibliothèque de la revue thomiste, Parole et Silence, Paris 2015, p. 137-139
 

Date de dernière mise à jour : 03/05/2025