28° dimanche du Temps Ordinaire

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28e to evangile mt 22 1 1428e dimanche du T.O. Evangile Mt 22, 1-14 (87 Ko)

 

Première lecture (Is 25, 6-10a)

Psaume 22 (23)

Deuxième lecture (Ph 4, 12-14.19-20)

Évangile (Mt 22, 1-14)

Première lecture (Is 25, 6-10a)

Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple. Le Seigneur a parlé. Et ce jour-là, on dira : ‘Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés !’ Car la main du Seigneur reposera sur cette montagne. – Parole du Seigneur. 

Isaïe considère d’abord le contexte de son temps, marqué par la lutte des grands empires. Il comprend que ces luttes n’auront pas le dernier mot. Le peuple d’Israël a été humilié par l’exil à Babylone, et même par le retour dans un pays désormais minuscule et sous domination perse. Cette montagne, Jérusalem est une montagne, est en deuil, aussi parce que son Temple détruit par Nabuchodonosor n’est pas encore rebâti.

Comme il est prophète, Isaïe prend de la hauteur : son peuple est porteur d’une révélation unique et très précieuse, à savoir le fait que le Créateur n’est pas loin des hommes, mais il veut entrer en Alliance avec eux, la création a un but qui est l’amitié des hommes avec le Créateur, comme des fils avec leur Père.  Une telle révélation est essentielle à l’avenir de l’humanité et à la réussite du projet du Créateur, c’est pourquoi, même si le peuple a été faible et pécheur, même s’il a reçu un châtiment, Isaïe peut prophétiser : « Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple. Le Seigneur a parlé. Et ce jour-là, on dira : ‘Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés !’ »

L'Ancien Testament atteste que Dieu a choisi et constitué un peuple pour révéler et mettre en oeuvre son plan d'amour. Mais, en même temps, Dieu est Créateur et Père de tous les hommes, il prend soin de tous, à tous il étend sa bénédiction et c’est ce que le prophète Isaïe a bien compris et qu’il annonce : « Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin ». Israël, le porteur de l’Alliance au Sinaï, est aussi porteur de la question plus vaste du sens de l’histoire du monde.

Cette dimension universelle se réalise à travers le Christ Jésus qui peut rejoindre tous les hommes en tant qu’il est le nouvel Adam et le Verbe fait chair. La mission de l’Église est universelle : dans le Christ, le salut est offert à tous. Cela ne veut pas dire que les gens soient automatiquement sauvés, cela veut dire que tous ceux qui veulent être sauvés peuvent l’être, sauvés et vivifiés par Jésus. C’est le contact avec Jésus qui vivifie : il libère du péché et de l’emprise de Satan et il communique la vie divine. Le salut passe par la connaissance de Jésus et par le baptême… Et l’Eucharistie. « Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés ». À travers les images d’Isaïe, est préfigurée l’Eucharistie. Et le banquet eucharistique est pour nous une réelle anticipation du banquet final, annoncé par Isaïe et décrit par le Nouveau Testament comme « les noces de l'Agneau » (Ap 19, 7-9). « Car la main du Seigneur reposera sur cette montagne » pourrait évoquer la montagne de Qyriat Yearim, au sud de Jérusalem, lieu où l’arche d’Alliance résida longtemps avant que le temple ne soit bâti, et où Joséphine Mendez eut la vision que ce serait un lieu d’adoration eucharistique.

Le Nouveau Testament parle d’une « Régénération » (Mt 19, 28) ou « restauration universelle » (Ac 3, 19-21) : deux expressions qui n’ont de sens que dans une fidélité et une continuité avec la terre que nous connaissons. C’est pourquoi nous pouvons dire que le banquet dont Isaïe parle aura lieu au moment de la Venue glorieuse du Christ, quand aura été jetée dans l’étang de feu la bête et le faux prophète, autrement dit l’Antichrist et sa mafia : il y aura alors une grande libération, une harmonie nouvelle et, d’une certaine manière, « un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations ».

Il y a un dernier sens au texte d’Isaïe : ce banquet final aura lieu, certes lors de la Parousie, mais surtout au ciel, dans l’éternité, quand « Il fera disparaître la mort pour toujours ». Isaïe a vécu bien avant le Messie, il a entrevu le sens général de l’histoire, en superposant quelque peu les étapes.

Le miracle de Cana est un signe qui fait écho à cette prophétie annonçant une abondance de vin. On passe ainsi du banquet à l’image des noces. La révélation biblique a ceci d’extraordinaire qu’elle nous parle de Dieu Créateur comme d’un Dieu rempli d’amour, qui crée l’homme en insufflant son propre souffle dans ses narines et qui lui déclare ensuite son projet de l’élever par la grâce au point d’en faire son partenaire d’Alliance, et la révélation biblique va jusqu’à dire : « Ton créateur est ton époux, Yahvé Sabaot est son nom [la prononciation n’est pas très heureuse],  le Saint d'Israël est ton rédempteur,  on l'appelle le Dieu de toute la terre » (Isaïe 54, 5). Ce qui nous prépare à l’évangile de ce dimanche :

[En ce temps-là, Jésus se mit de nouveau à parler aux grands prêtres et aux pharisiens, et il leur dit en paraboles :]

2 « Le royaume des Cieux est comparable…
à un roi / qui célébra [fit] les noces de son fils.
3 Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, / mais ils ne voulurent pas venir.

4 Il envoya encore d’autres serviteurs / et dit :
Dites / aux invités :
‘Voilà : mon banquet est préparé, / mes bœufs et mes bêtes grasses sont tués ;
tout est prêt : venez à la noce.’

5 Mais ils n’en tinrent aucun compte / et s’en allèrent,
l’un à son champ, / l’autre à son commerce ;

6 et les autres / empoignèrent ses serviteurs,
les maltraitèrent / et les tuèrent.

7 Or en entendant [cela] / le roi se mit en colère,
il envoya ses forces, fit périr ces meurtriers-là / et fit brûler leur ville.

8 Alors, /  il dit à ses serviteurs :
‘La noce est prête, / mais ceux qui ont été invités n’en étaient pas dignes.

9 Allez donc / aux sorties des chemins :
et, tous ceux que vous trouverez, / appelez-les à la noce.’ » (Mt 22, 1-9).

 

Psaume 22 (23)

Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante. Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ; j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. 

Nous suivrons sainte Thérèse d’Avila, « Le Château intérieur » dans les Oeuvres complètes, Desclée de Brouwer, Paris 1995

Le psaume : « J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours » Sainte Thérèse d’Avila : « Considérons notre âme comme un château fait tout entier d’un seul diamant ou d’un très clair cristal. […] Considérons donc que ce château a, comme je l’ai dit, nombre de demeures, les unes en haut, les autres en bas, les autres sur les côtés ; et au centre, au milieu de toutes, se trouve la principale, où se passent les choses les plus secrètes entre Dieu et l’âme. » (Château intérieur, Première demeure, I, 1-3, p. 871-872)

Le psaume : « Il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom ». Sainte Thérèse d’Avila : « Nous ne pouvons savoir si nous aimons Dieu, bien que d’importants indices nous fassent entendre que nous l’aimons, mais nous pouvons savoir, Oui, si nous avons l’amour du prochain. Et soyez certaines que plus vous ferez de progrès dans cet amour là, plus vous en ferez dans l’amour de Dieu ; car l’amour de Sa Majesté [c’est ainsi que sainte Thérèse appelle Dieu] pour nous est si grand qu’en retour de celui que nous avons pour notre prochain il augmentera de mille manières celui que nous avons pour Sa Majesté : je ne puis en douter ». (Château intérieur, 5e demeure III, 8, p. 941)

« Si vous avez cet amour du prochain, je vous affirme que vous ne manquerez pas d’obtenir de Sa Majesté l’union dont j’ai parlé. Si vous constatiez qu’il vous fait défaut, même si vous avez de la ferveur et des joies spirituelles : même si vous croyez être parvenues à l’union, avoir eu une quelconque petite extase dans l’oraison de quiétude, (certaines imagineront immédiatement que tout est fait), croyez-moi quand je vous dis que vous n’avez pas obtenu l’union, demandez à Notre Seigneur de vous donner, à la perfection, cet amour du prochain, et laissez faire Sa Majesté : Elle vous donnera plus que vous ne sauriez désirer, à condition que vous fassiez des efforts - et que vous recherchiez, tant que vous le pourrez, cet amour-là ; contraignez votre volonté à être en tout conforme à celle de vos sœurs ; même si vous perdez vos droits, oubliez-vous pour elles, pour beaucoup que cela révolte votre nature ; et cherchez à assumer des tâches pour en délivrer votre prochain, lorsque vous en aurez l’occasion. » (5e demeure, III, 12, p. 943)

« Le Seigneur est mon berger » dit le psaume. Au début de la 6e demeure, Thérèse d’Avila explique, je résume, que le Seigneur conduit l’âme. Parfois, il lui fait sentir sa présence, sans se manifester davantage, ce qui provoque une blessure, comme une flèche d’amour, cependant la douleur est très douce. Il donne des grâces, mais il faut un grand courage à l’âme pour s’ouvrir à ces grâces. Et je cite :

« Vous allez croire encore que la personne qui jouit de choses aussi hautes ne méditera pas sur les mystères de l’Humanité très sacrée de Notre Seigneur Jésus-Christ, puisque tout entière consacrée à l’amour. J’ai longuement écrit par ailleurs sur ce sujet, bien qu’on m’ait opposé que je n’y comprenais rien, que ce sont là des chemins par lesquels Notre Seigneur nous conduit, et qu’une fois faits les premiers pas, mieux vaut s’occuper des choses de la Divinité et fuir les choses corporelles, on ne me fera pas confesser que tel soit le bon chemin […] 6. Certaines âmes croiront peut-être aussi qu’il leur est impossible de penser à la Passion ; dans ce cas, elles pourront moins encore penser à la Très Sainte Vierge, ni à la vie des Saints, dont la mémoire nous est si profitable et si encourageante. Je ne puis imaginer à quoi elles songent, car l’éloignement de toute chose corporelle est le fait d’esprits angéliques toujours enflammés d’amour, alors que nous, qui vivons dans un corps mortel, nous avons besoin du commerce, de la pensée de la société de ceux qui, dans ce corps, ont réalisé pour Dieu de si hauts faits. Nous devons d’autant moins travailler à nous écarter de notre plus grand bien, de notre remède le plus efficace, qui est l’Humanité sacrée de Notre Seigneur Jésus-Christ. […] Je leur certifie [à ces âmes qui veulent se passer de la méditation des Écritures ou de la contemplation de l’Humanité de Jésus] qu’elles ne pénétreront pas dans les deux dernières demeures, car si elles s’éloignent du guide, qui est le bon Jésus, elles n’en trouveront pas le chemin ; ce sera déjà beaucoup si elles sont assurées de se maintenir dans les demeures précédentes. Le Seigneur a dit lui-même qu’il est le chemin (Jn 14, 6), il dit aussi qu’il est la lumière et que nul ne peut aller au Père que par lui ». (6e demeure VII, 6, p. 988)

« Le Seigneur est mon berger » dit le psaume. […] Serait-il bon pour l’âme de rester dans cette sécheresse, en attendant, comme notre père Élie, que le feu du ciel brûle ce sacrifice qu’elle fait d’elle-même à Dieu ? Non, certes, il ne sied pas d’attendre des miracles. […] Je crois, quant à moi, que cela [penser à la Passion et aux mystères de la sainte Humanité du Christ, à la Vierge Marie, et aux saints] nous est nécessaire jusqu’à notre mort, si haute que soit notre oraison. (6e demeure VII, 8, p. 989)

« A la vérité, l’âme que le Seigneur [le Seigneur, pas une drogue ou je ne sais quelle plante] introduit dans la septième Demeure se fait une habitude de ne pas s’éloigner du Christ Notre Seigneur, elle s’attache à ses pas selon un mode admirable par lequel, humain et divin à la fois, il demeure en sa compagnie. » (6e demeure VII, 9, p. 990)

Le psaume : « Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton [c’est le bâton du berger qui écarte les difficultés] me guide et me rassure ». Sainte Thérèse d’Avila : « Il est des âmes qui ont pour principe, lorsqu’elles arrivent à l’oraison de quiétude et à goûter les régals et délices qu’accorde le Seigneur, de croire que c’est une grande chose que de ne rien faire d’autre que de les savourer, et que c’est même le moyen d’y parvenir. Mais croyez-moi, ne vous laissez pas inhiber à ce point, la vie est longue, les épreuves nombreuses, et nous devons considérer comment notre modèle le Christ les a endurées, et même ses apôtres, ses saints, afin de les supporter avec perfection » (6e demeure VII, 13, p. 991)

Chers auditeurs, retenez-le, le Seigneur est mon berger, qu’il soit votre berger, suivez-le en méditant sa vie.

Deuxième lecture (Ph 4, 12-14.19-20)

Frères, je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force. Cependant, vous avez bien fait de vous montrer solidaires quand j’étais dans la gêne. Et mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus. Gloire à Dieu notre Père pour les siècles des siècles. Amen. – Parole du Seigneur. 

« Frères, je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance ». Ce n’est pas sans importance, cela a des conséquences importantes pour notre vie d’union à Dieu, et donc pour notre vie éternelle « pour les siècles des siècles ».  Écoutons sainte Thérèse d’Avila qui nous parle, à l’entrée du « Château intérieur », de la nécessité du détachement :

« Vous remarquerez que la lumière qui émane du Palais où est le Roi, [c’est-à-dire à l’intérieur de notre âme, Jésus] n'éclaire encore qu'à peine ces premières Demeures, car bien qu'elles ne soient pas obscurcies et noires, comme c'est le cas pour l'âme en état de péché, elles sont assez sombres pour que celui qui s'y trouve ne puisse voir de clarté. Ce n'est pas que la salle ne soit pas éclairée, mais toutes ces mauvaises couleuvres, ces vipères et ces choses venimeuses qui sont entrées avec lui ne lui permettent pas d'apercevoir la lumière : comme celui qui, pénétrant en un lieu où le ciel entre abondamment, aurait, sur les yeux, de la boue qui l'empêcherait de les ouvrir. La pièce est claire, mais il n'en jouit pas, il est gêné, et des choses comme ces fauves et ces bêtes l'obligent à fermer les yeux et à ne voir qu'elles. Telle me semble la situation d'une âme, qui, bien qu'elle ne soit pas en mauvais état, est si mêlée aux choses mondaines, si imbue de richesses, ou d'honneurs, ou d'affaires, que, bien qu'elle souhaiterait voir sa beauté et en jouir, elle n'y a pas accès. Il ne semble pas qu’elle puisse se faufiler entre tant d'obstacles. Il est très utile, pour obtenir de pénétrer dans les secondes Demeures, que chacun, selon son état, tâche de se dégager des choses et des affaires qui ne sont pas nécessaires. C'est d'une importance telle que j'estime impossible qu'on accède jamais à la Demeure principale sans commencer par là [la demeure principale est la septième, là où demeure Jésus, le roi de nos cœurs, et le roi de l’univers] ». (Le château intérieur, premières Demeures, chapitre II, 14), ce qui nous fait relire saint Paul : « Frères, je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations ».

Saint Paul continue en disant : « Je peux tout en celui qui me donne la force ». Sainte Thérèse d’Avila écrit dans son Autobiographie : « Sa Majesté [c’est-à-dire Dieu] veut des âmes courageuses. Elle est leur amie, à condition qu'elles vivent dans l'humilité, sans nulle confiance en elles-mêmes. […] Je m'émerveille de voir combien il importe, dans cette voie, d'entreprendre vaillamment de grandes choses. Quand elle manquerait de force dans l’immédiat, l’âme prend son vol et monte très haut, même si, comme l'oiselet au maigre plumage, elle se fatigue, et ralentit […]. Je me rappelais souvent que saint Pierre n'a rien perdu à se jeter à la mer, malgré la peur qu’il eut ensuite. [Il s’agit de l’épisode où Jésus marcha sur l’eau et où Pierre voulut le rejoindre]. Ces premières résolutions sont une grande chose […], mais l’humilité doit toujours être première, afin de comprendre que nous ne trouverons pas ces forces en nous » (Autobiographie XIII, 2-3) Et nous retrouvons saint Paul qui dit : « Je peux tout en celui qui me donne la force ».

Saint Paul écrit aux Philippiens : « Cependant, vous avez bien fait de vous montrer solidaires quand j’étais dans la gêne », c’est la sagesse biblique, exprimée notamment dans ces deux proverbes :  

« 27 Ne refuse pas un bienfait à qui y a droit quand il est en ton pouvoir de le faire.
28 Ne dis pas à ton prochain : "Va-t'en ! repasse ! demain je te donnerai !" quand la chose est en ton pouvoir ». (Proverbes 3, 27-28)

Quand saint Paul ajoute « Et mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus », il fait écho à l’enseignement de Jésus sur la montagne : « Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour vous faire remarquer d'eux ; sinon, vous n'aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. Quand donc tu fais l'aumône, ne va pas le claironner devant toi ; ainsi font les hypocrites, dans les synagogues et les rues, afin d'être glorifiés par les hommes ; en vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra ». (Mt 6, 1-4) De là saint Paul dit : « Et mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus »,

Il y a une providence divine, mais cette providence passe aussi par nous pour les autres, ce qui est une très belle réalité.

Et saint Jacques écrit : « A quoi cela sert-il, mes frères, que quelqu'un dise : "J'ai la foi", s'il n'a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ? Si un frère ou une soeur sont nus, s'ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l'un d'entre vous leur dise : "Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous", sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il ? Ainsi en est-il de la foi : si elle n'a pas les oeuvres, elle est tout à fait morte » (Jacques 2, 14-17).

Et saint Paul écrit aux Corinthiens : « Songez-y : qui sème chichement moissonnera aussi chichement ; qui sème largement moissonnera aussi largement. Que chacun donne selon ce qu'il a décidé dans son coeur, non d'une manière chagrine ou contrainte ; car Dieu aime celui qui donne avec joie. Dieu d'ailleurs est assez puissant pour vous combler de toutes sortes de libéralités afin que, possédant toujours et en toute chose tout ce qu'il vous faut, il vous reste du superflu pour toute bonne œuvre » (2Co 9, 6-8).

La lecture de ce dimanche termine par « Gloire à Dieu notre Père pour les siècles des siècles ». Tant que nous sommes pèlerins sur cette terre, nous faisons ce que nous pouvons, nous gérons nos affaires en tenant compte de la justice, et nous partageons aussi, et à travers nos comportements, nous nous acclimatons à la vie divine, nous préparons l’éternité « pour les siècles des siècles, amen ».

 

Évangile (Mt 22, 1-14)

[En ce temps-là, Jésus se mit de nouveau à parler aux grands prêtres et aux pharisiens, et il leur dit en paraboles :]

2 « Le royaume des Cieux est comparable…
à un roi / qui célébra [fit] les noces de son fils.
3 Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, / mais ils ne voulurent pas venir.

4 Il envoya encore d’autres serviteurs / et dit :
Dites / aux invités :
‘Voilà : mon banquet est préparé, / mes bœufs et mes bêtes grasses sont tués ;
tout est prêt : venez à la noce.’

5 Mais ils n’en tinrent aucun compte / et s’en allèrent,
l’un à son champ, / l’autre à son commerce ;

6 et les autres / empoignèrent ses serviteurs,
les maltraitèrent / et les tuèrent.

7 Or en entendant [cela] / le roi se mit en colère,
il envoya ses forces, fit périr ces meurtriers-là / et fit brûler leur ville.

8 Alors, /  il dit à ses serviteurs :
‘La noce est prête, / mais ceux qui ont été invités n’en étaient pas dignes.

9 Allez donc / aux sorties des chemins :
et, tous ceux que vous trouverez, / appelez-les à la noce.’ 

10 Les serviteurs sortirent sur les chemins, / et ils rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent,
les mauvais / et les bons,
et la salle de noce / fut remplie de convives.

11 Le roi entra / pour voir les convives,
et là il vit un homme / qui n’était pas revêtu des vêtements de noce.

12 Il lui dit : / ‘Ami,
comment es-tu entré ici, / sans avoir les habits de noce ?’
Or, lui, / il se tut.

13 Alors, /  le roi dit aux serviteurs :
‘Liez-lui les mains et les pieds, / et faites-le sortir dans les ténèbres du dehors ;
là, il y aura des pleurs / et des grincements de dents.’

14 En effet [1], beaucoup sont appelés, / mais peu sont élus.

Les serviteurs qui appellent les invités aux noces du fils du roi représentent les prophètes, par exemple Osée qui parla de l’Alliance en termes de noces. Or les invités tuèrent les serviteurs, et le roi « fit brûler leur ville » : on pense à Jérusalem, brûlée au moment de l’invasion de Nabuchodonosor le roi de Babylone. Le fils du roi représente le Messie, Jésus, annoncé par Jean-Baptiste justement comme étant « l’époux » (Jn 3, 29). Jésus s'est aussi lui-même désigné comme « l'Époux » (Mc 2, 19). Les serviteurs appelèrent alors « les mauvais comme les bons ». Invité, on ne reste pas inchangé : pour partager la joie divine, il faut reconnaître l’amour de Dieu, le roi, et les noces de son Fils (Jésus, le Verbe incarné qui va accomplir la nouvelle Alliance), et cet amour nous transforme. Invités, nous nous laissons revêtir du pardon et de la grâce divine. Pour ceux qui acceptent l’invitation, la moindre des choses est d’avoir ce vêtement des noces. Sans cet habit de noces, ce sera les ténèbres du dehors, les pleurs et les grincements de dents : un lieu de douleur, de manque, de profond remords et repentir, après le jugement individuel à l’heure de la mort, ce que l’on appellera le purgatoire.

« En effet, beaucoup sont appelés, mais peu sont élus ». Il n’y a pas de « car » (araméen gēr, latin enim, grec gar) il faut traduire « en effet », il n’y a pas de prédestination, c’est simplement une constatation.

Dès le début de l'Église, il y a eu des hommes et des femmes qui ont renoncé au grand bien du mariage pour suivre Jésus l'Agneau partout où il va (cf. Ap 14,4), pour se soucier des choses du Seigneur, pour chercher à Lui plaire (cf. 1Co 7,32), pour aller au devant de l'Époux qui vient (cf. Mt 25,6). Mais quel que soit notre état de vie, nous sommes tous appelés à nous unir au Christ. Ainsi, continuons notre méditation avec sainte Thérèse d’Avila [2].

« Vous avez, c’est probable, souvent entendu dire que Dieu épouse les âmes spirituellement. Bénie soit sa miséricorde, qui consent à une telle humiliation ! Et bien que la comparaison soit grossière, je ne trouve rien de mieux que le sacrement du mariage pour me faire comprendre. C’est fort différent, dans ce dont nous parlons tout est spirituel, (l’union corporelle en est bien éloignée, les contentements et les plaisirs spirituels que donne le Seigneur sont à mille lieues de ceux des époux), car tout est amour avec amour, et ses opérations si pures, d’une si extrême délicatesse, si douces, qu’on ne peut les exprimer ; mais le Seigneur sait très bien les faire sentir » (Le Château intérieur 5e demeure IV, 3, p. 944)

« L’âme est fort bien informée de son bonheur et déterminée à faire en tout la volonté de son Époux, à le complaire de toutes les manières, et l’Époux, qui comprend bien qu’il en est ainsi, se complaît en elle, il consent, dans sa miséricorde, à ce qu’elle le comprenne mieux encore, qu’ils en viennent, comme on dit, à l’entrevue, où il l’unit à Lui » (5e demeure IV, 4, p. 945)… « Mais arrive le démon, avec sa grande subtilité, et sous couleur de bien, il l’en éloigne par de toutes petites choses, il l’engage dans d’autres dont il lui insinue qu’elles ne sont pas mauvaises, et peu à peu, en obscurcissant son entendement, en tiédissant sa volonté, en accroissant en elle l’amour-propre, il l’écarte, chaque chose aidant, de la volonté de Dieu, et il l’incline à faire la sienne » (5e demeure IV, 8, p. 946). « La démarche la plus sûre, ce me semble, c’est d’être particulièrement avisées, sur nos gardes, et de considérer où en sont nos vertus : si nous progressons ou rétrocédons quelque peu, en particulier dans l’amour réciproque, dans le désir d’être, entre toutes, la moindre, et dans les choses de la vie ordinaire ; car si nous les observons en demandant au Seigneur de nous éclairer, nous jugerons aussitôt de nos profits ou de nos pertes. Mais ne pensez pas que Dieu abandonne si promptement l’âme qu’il a élevée si haut, le démon doit se donner beaucoup de mal, sa perte serait si sensible à Sa Majesté [Dieu] qu’Elle lui donne mille avis intérieurs de multiples façons ; ainsi, elle ne pourra se cacher qu’elle est en danger. » (5e demeure IV, 9, p. 947)

« Enfin, pour conclure, tâchons d’aller toujours de l’avant, et si nous ne faisons pas de progrès, vivons dans la crainte, car le démon, sans nul doute, ouvre devant nous un précipice ; lorsqu’on est arrivé aussi haut, il est impossible de cesser de grandir, l’amour n’est jamais oisif, et ce serait fort mauvais signe. L’âme qui a prétendu épouser Dieu lui-même, qui s’est déjà entretenu avec Sa Majesté, qui a été avec Elle dans les termes décrits, ne peut s’endormir. » (5e demeure IV, 10, p. 947)

Ceux qui seront unis au Christ formeront la communauté des rachetés, la Cité Sainte de Dieu (Ap 21,2), "l'Épouse de l'Agneau" (Ap 21,9). La vision béatifique, dans laquelle Dieu s'ouvrira de façon inépuisable aux élus, sera la source intarissable de bonheur, de paix et de communion mutuelle.

 

 

[1] Araméen gēr, latin enim, grec gar : il n’y a pas de « car », il n’y a pas de prédestination, c’est simplement une constatation.

[2] Sainte Thérèse d’Avila, « Le Château intérieur » dans les Oeuvres complètes, Desclée de Brouwer, Paris 1995

Date de dernière mise à jour : 08/09/2023