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29° dimanche du Temps Ordinaire
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29e dimanche du Temps Ordinaire Mt 22, 15-21 (94.22 Ko)
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Première lecture (Is 45, 1.4-6)
Psaume (Ps 95 (96), 1.3, 4-5, 7-8, 9-10ac)
Deuxième lecture (1 Th 1, 1-5b)
Première lecture (Is 45, 1.4-6)
Ainsi parle le Seigneur à son messie, à Cyrus, qu’il a pris par la main pour lui soumettre les nations et désarmer les rois, pour lui ouvrir les portes à deux battants, car aucune porte ne restera fermée : « À cause de mon serviteur Jacob, d’Israël mon élu, je t’ai appelé par ton nom, je t’ai donné un titre, alors que tu ne me connaissais pas. Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre : hors moi, pas de Dieu. Je t’ai rendu puissant, alors que tu ne me connaissais pas, pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en dehors de moi. Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre. » – Parole du Seigneur.
En - 549, Cyrus, un roi perse, épouse la fille du roi des Mèdes puis il fait campagne en Asie mineure et dépossède Crésus. Ensuite, il se tourne vers l’Est, jusqu’aux confins de l’Inde. En -539, il entre vainqueur à Babylone. Il ne détruit pas les villes. Il ne tue pas les rois. Il autorise les divers temples. En - 538, il autorise le retour des Juifs en Judée pour y rebâtir leur temple (Esdras 1, 2-7). Cyrus est à la tête d’un système politique centralisé avec un dieu lumière, appelé « Mazdâ » (ou « Ahura Mazdâ »), source de toute l’énergie cosmique, pôle de l’univers. Le (proto) mazdéisme est une sagesse qui croit en un dieu unique mais abstrait, un principe régissant l’univers. Pour Cyrus, Mazdâ est aussi le plus petit dénominateur commun qui permet aux moralistes de s’entendre, aux scientifiques de s’harmoniser, etc... En conséquence, aux yeux de Cyrus, tout le monde doit entrer dans cette religion qui est la plus haute qui soit. Les autres sont des retardataires, une fois initiés, ils seront intégrés.
Or, les Juifs en exil à Babylone ne veulent pas se fondre dans le moule de la pensée dominante. Pas plus qu’ils n’ont adoré la lune ou le soleil, ils ne veulent pas s’assimiler à la religion de Cyrus, ils ne veulent pas que YHWH (Yahvé) devienne Mazdâ-Yahvé (la prononciation du tétragramme n’étant ici pas très heureuse). Ce n’est pas parce que les Juifs se penseraient plus forts et supérieurs qu’ils refusent de se fondre dans le système commun, mais c’est parce qu’Israël a vécu quelque chose d’unique, qui n’a rien de commun : un compagnonnage avec le Créateur, une Alliance libératrice. Les Juifs ne peuvent pas, comme Cyrus, prétendre rassembler les politiques, les scientifiques, les artistes, les moralistes : leur pays est ruiné ! Et leurs théologiens ont pris des chemins différents ! Ils ont en quelque sorte une mémoire cassée par l’apparent échec de l’exil, et pourtant, ils croient que leur Dieu est le souverain maître de l’histoire. Tout cela, les Juifs ne peuvent pas l’expliquer, ils peuvent seulement le raconter... Adonaï (YHWH) est une Présence qui est comme un étendard exposé à la face des nations. La blessure d’Israël exilé est, elle aussi, exposée à la face des nations, avec sa foi, avec son Amour.
Ainsi, les Juifs ont bien conscience que le dieu de Cyrus, Mazdâ lumière, est une construction de l’homme, une idole au service d’un système, d’un Empire. Mais Isaïe croit que le Seigneur a suscité Cyrus (Is 41, 25), lui donne la victoire, et l’appelle « mon serviteur » (Is 44, 28) et « Messie », c’est-à-dire « oint » (Is 45,1). Isaïe ne considère pas pour autant Cyrus comme un saint ni une lumière qui serait nécessaire pour enrichir la révélation biblique ! Nous lisons au chapitre suivant que Cyrus est appelé un « rapace », c’est-à-dire un oiseau impur, un carnassier. Cependant, il va servir le dessein général de l’histoire du salut, comme le dit cet oracle : « J'appelle depuis l'Orient un rapace, d'un pays lointain l'homme que j'ai prédestiné. Ce que j'ai dit, je l'exécute, mon dessein, je l'accomplis. Écoutez-moi, hommes au coeur dur, vous qui êtes loin de la justice, j'ai fait venir ma justice, elle n'est pas loin, mon salut ne tardera pas. Je mettrai en Sion le salut, je donnerai à Israël ma gloire » (Isaïe 46, 11-13).
Isaïe comprend que ce ne sont pas les Juifs qui vont se rallier à la lumière de Mazdâ, au mazdéisme, mais ce sont les païens qui vont s’ouvrir au Seigneur, parce que c’est le Dieu de l’alliance, le souverain maître de l’histoire, qui existe et non pas Mazdâ. Bien sûr, il est difficile pour les Juifs de cette époque de penser que les païens aient l’ouverture du cœur pour pouvoir accueillir la Torah, la vie avec le Seigneur... Pourtant, certains parmi les Juifs voient chez les païens cette étincelle de confiance. Dieu proclame : « Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre [tout l’Empire de Cyrus !], car je suis Dieu, il n’y en a pas d’autre » (Is 45, 22). Il faut oser le dire ! Il ressort ainsi clairement que la prédilection dont Dieu a fait preuve en choisissant Israël n’est pas un acte d’exclusion, mais plutôt un acte d’amour dont toute l’humanité est destinée à bénéficier. Il est utile de le redire quand on parle de la mère de Jésus : sa conception immaculée, sa maternité virginale et divine, son Assomption ne sont pas des caractéristiques qui l’isolent et excluent le reste de l’humanité, mais ce qu’on appelle parfois les privilèges de Marie sont en réalité ce qui forme son amour pour tous les hommes.
Avec cette lecture d’Isaïe, il est opportun aussi de réfléchir à l’Église qui se dit « catholique », c’est-à-dire universelle. Cet universalisme ne signifie pas que les chrétiens se fondent dans le système philosophique dominant. Comme au temps d’Isaïe, la conscience de vivre un compagnonnage unique avec le Seigneur, c’est irréductible. Les chrétiens ont conscience d’avoir reçu la révélation de l’Esprit Saint qui est tout autre qu’une simple lumière humaine. Simplement, comme au temps d’Isaïe qui avait une notion de la royauté de Dieu suffisamment large pour concevoir que Dieu exerce sa souveraineté sur les païens, la foi chrétienne est suffisamment large pour avoir l’espérance que les païens s’ouvrent à son Esprit Saint.
Attention, les païens ne sont pas des « chrétiens sans le savoir », des gens qui auraient reçu le salut sans avoir reçu le baptême. Il s’agit de l’Esprit Saint, et non pas du salut. Il n’y a pas de salut sans contact avec Jésus-Christ incarné mort et ressuscité, et personne ne peut croire sans qu’on lui ait prêché (Rm 10, 14). – Le christianisme enseigne que si ce salut n’a pas été reçu sur la terre, il peut l’être dans l’Au-delà par la bonne nouvelle annoncée aux défunts (cf. Jn 5, 25 ; 1P4, 6 et le Credo « Jésus est descendu aux enfers » (le séjour des morts), et leur commentaire dans le catéchisme de l’Église catholique 1998 § 634-635). L’Esprit Saint conduit à reconnaître en Jésus le Christ, le Messie ; l’Esprit Saint conduit aussi aux bonnes œuvres ; il prépare donc le salut éternel, car si nos œuvres sont mauvaises, à l’heure de la mort nous fuirons Jésus et son salut, mais celui qui fait le bien vient à la lumière (Jn 3, 20-21).
Nous avons ainsi une harmonie entre la foi chrétienne et la foi d’Isaïe exprimée en ce chapitre 45.
Psaume (Ps 95 (96), 1.3, 4-5, 7-8, 9-10ac)
Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière, racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles ! Il est grand, le Seigneur, hautement loué, redoutable au-dessus de tous les dieux : néant, tous les dieux des nations ! Lui, le Seigneur, a fait les cieux. Rendez au Seigneur, familles des peuples, rendez au Seigneur la gloire et la puissance, rendez au Seigneur la gloire de son nom. Apportez votre offrande, entrez dans ses parvis. Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté : tremblez devant lui, terre entière. Allez dire aux nations : « Le Seigneur est roi ! » Il gouverne les peuples avec droiture.
En ce monde, qui ne souffre pas ? Et pourtant, le psaume nous invite à sortir de notre marécage et à regarder notre existence autrement, dans une perspective d’éternité. Nous souffrons parce que ce monde est aux mains des idoles, nous ne voyons plus la beauté et la gloire divine, nous ne voyons plus que le Seigneur qui nous a fait est aussi celui qui a fait les cieux. Prier ce psaume ne supprime pas nos difficultés présentes, mais il nous en fait voir la véritable dimension : « Il est grand, le Seigneur, hautement loué, redoutable au-dessus de tous les dieux : néant, tous les dieux des nations ! Lui, le Seigneur, a fait les cieux. »
En ce monde, qui ne souffre pas ? Et pourtant le psaume nous invite à chanter un chant nouveau, parce que le Seigneur prépare quelque chose de nouveau. Au temps où le psaume fut composé, le peuple attendait la nouveauté apportée par le Messie. Aujourd’hui, nous chantons un chant nouveau parce que le Seigneur nous renouvelle de sa grâce divine chaque fois que nous l’invoquons. Il écoute toujours avec amour celui qui le prie sincèrement.
Le psaume prend une dimension mondiale : « racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles ! » Le psalmiste a compris la leçon du prophète Isaïe où l’on peut lire, peu après la lecture de ce dimanche, que Dieu proclame : « Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre, car je suis Dieu, il n’y en a pas d’autre » (Is 45, 22). De nos jours, la chose est en un sens plus difficile qu’au temps d’Isaïe ou qu’au temps des premiers chrétiens parce qu’une grande partie de l’humanité est pétrie des post-christianismes : l’évangile a déjà été entendu, mais elle a été rejetée, et en partie récupérée et déformée.
Pire encore, les merveilles de Dieu apparaissent très peu quand les nations servent de plus en plus ouvertement Satan, en faisant la promotion de toutes sortes d’actions mauvaises, corruptions, meurtres de masse, décadence morale. Cependant, dès que l’on se tourne vers lui, Dieu fait des merveilles. Et nous savons que lorsque Jésus reviendra dans la gloire, toutes les nations le serviront, car hormis l’Antichrist qui sera alors anéanti, tous les peuples seront confondus par la bonté de ses œuvres.
« Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté : tremblez devant lui, terre entière ». Dieu est amour, mais il sera aussi notre juge, c’est pourquoi nous tremblons devant lui, personne ne doit se considérer sûr de soi, chacun doit s’examiner et, finalement, laisser à Dieu le soin de nous sonder et de nous juger. Il est celui qui nous vivifie, c’est pourquoi nous l’adorons, en reconnaissant que nous ne sommes rien par nous-même : adorer Dieu, c’est le reconnaitre comme notre Créateur, c’est recevoir à chaque instant notre vie et notre bonheur de sa plénitude.
« Allez dire aux nations : ‘Le Seigneur est roi !’ Il gouverne les peuples avec droiture ». Dieu gouverne les peuples avec droiture, il gouverne dans le détail chacune de nos vies : tout ce que nous traversons peut servir à notre sanctification, tout, absolument tout, même une injustice ou une douleur, parce que tout peut être uni à la sainte Passion de Jésus, à sa condamnation, à sa flagellation, au chemin de croix, à sa crucifixion, à son ensevelissement, et, en étant uni à la passion de Jésus, qui est le chemin, la vérité et la vie, tout ce que nous traversons peut nous conduire à Dieu, et à la gloire divine. L’important est d’en faire une offrande à Dieu. « Apportez votre offrande, entrez dans ses parvis », dit le psaume. Il s’agit des parvis du Temple, car les offrandes des sacrifices ont lieu en plein air. L’offrande la plus importante est constituée par l’offrande de nos vies, de notre volonté, et, si c’est le cas, de nos souffrances. Les sorciers achètent aux démons des bienfaits en faisant souffrir les autres. Les croyants court-circuitent leurs manœuvres occultes en offrant leur vie à Dieu, le Créateur, le législateur suprême, le Sauveur.
Dieu gouverne aussi les peuples dans leur ensemble : il y a des avertissements divins à un peuple comme il y a des avertissements divins à un individu. Le Seigneur est roi : sa volonté s’accomplira. Les mafias en tout genre sont supportées par Dieu tant que dure sa miséricordieuse patience, car il laisse à chacun le temps de se convertir. Mais le Seigneur est roi, que les arrogants tremblent, car le Seigneur n’est pas impuissant. Les sorciers en tout genre qui pensent être plus fort que lui n’ont pas compris que le Seigneur use de patience, mais il est roi. Jésus, parce qu’il est le Fils de l'homme venu « pour servir et donner sa vie » (Mt 20, 24-28), et comme Fils de l’homme, il viendra sur les nuées du Ciel comme juge (Dn 7). Jésus peut juger le monde parce qu’il n’a pas versé le sang, il a donné le sien. « Lui, le Seigneur, a fait les cieux. Rendez au Seigneur, familles des peuples, rendez au Seigneur la gloire et la puissance, rendez au Seigneur la gloire de son nom. »
Rendre au Seigneur la gloire et la puissance signifie entrer dans une juste perception des réalités. Tout ce qui existe n’existe que parce que le Créateur en soutient l’existence. Prenons un exemple : je vois un champ de céréale qui arrive à maturité. Le blé a poussé, il a mûri. Il a bien sûr une cause seconde, l’agriculteur l’a semé, mais il a aussi une cause première : le Créateur lui donne l’existence et la vie, par amour. Et nous qui regardons le champ, nous devons reconnaître l’amour du Créateur qui soutient sa création. Toute la nature nous transmet un message d’amour : le Créateur, parce qu’il nous aime, soutient l’existence de sa Création. La nature est rayonnante de cet amour du Créateur. La puissance divine soutient tout. Le nom de Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, court dans le champ, dans les arbres, dans les oiseaux, dans le soleil, mais les arbres ne remercient pas le Créateur, le soleil, dans toute sa majesté, ne peut pas faire ce que peuvent faire les hommes : « Rendez au Seigneur, familles des peuples, rendez au Seigneur la gloire et la puissance, rendez au Seigneur la gloire de son nom. » Alors l’influx d’amour circule entre la Trinité et sa Création, par l’intermédiaire de ceux qui prient : « mon Dieu, je t’aime, je t’adore, je te remercie, je te bénis, gloire et puissance à ton nom ».
Deuxième lecture (1 Th 1, 1-5b)
Paul, Silvain et Timothée, à l’Église de Thessalonique qui est en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ. À vous, la grâce et la paix. À tout moment, nous rendons grâce à Dieu au sujet de vous tous, en faisant mémoire de vous dans nos prières. Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus-Christ, en présence de Dieu notre Père. Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. En effet, notre annonce de l’Évangile n’a pas été, chez vous, simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, pleine certitude. – Parole du Seigneur.
« Paul, Silvain et Timothée », Paul a des collaborateurs qu’il aime honorer dans son adresse. L’Église de Thessalonique est d’abord définie comme étant « en Dieu » : cela signifie que son identité ne se définit pas ailleurs qu’en Dieu, selon la densité de vie divine, selon la qualité de l’adéquation aux commandements de Dieu et à la grâce de Dieu. Ce Dieu n’est pas une vague divinité élastique, adaptable à toutes les spiritualités en vogue, pas même un vague « Christ » cosmique dilué dans un panthéisme. L’Église est « en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus-Christ », c’est l’identité même de l’Église qui est en jeu, et c’est aussi la vie spirituelle qui est en jeu. L’Église, grâce à Jésus le Messie, le Christ, nous ouvre le chemin d’une rencontre avec Dieu le Père notre Créateur, ce n’est pas une divinité impersonnelle, mais un Dieu relationnel qui nous vivifie par son amour. Jésus-Christ est dit le Seigneur, plus exactement « notre Seigneur (māran) », il n’y a pas d’Église sans référence à Jésus-Christ, celui de nos évangiles.
« À tout moment, nous rendons grâce à Dieu au sujet de vous tous, en faisant mémoire de vous dans nos prières. Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine ». La foi œuvre dans la charité, c’est-à-dire par un amour qui a sa source en Dieu. La foi est active, elle produit des œuvres au service du bien commun, et cette notion de bien commun est typiquement chrétienne, parce que le Nouveau Testament comporte la promesse d’une ville, c’est-à-dire d’une civilisation « dont Dieu est l'architecte et le constructeur » (He 11,10), le livre de l’Apocalypse décrit cette ville comme une Jérusalem transfigurée, qui n’adviendra cependant qu’après le jugement de la bête et du faux prophète, un jugement effectué par le Verbe de Dieu et non pas par les hommes. Notre espérance est donc à la fois individuelle et collective. Individuellement, nous espérons la demeure éternelle que Jésus nous a préparée, car, par sa Croix il a réouvert les portes du Paradis. Collectivement, parce que nous attendons que le projet du Créateur s’accomplisse sur la terre comme au ciel, à la Parousie, la venue glorieuse du Christ. Saint Paul écrit : « que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus-Christ, en présence de Dieu notre Père ». Précisons que lorsque saint Paul, à la fin de sa lettre, souhaite aux Thessaloniciens que leurs coeurs soient « irréprochables en sainteté devant Dieu, notre Père, lors de l'Avènement de notre Seigneur Jésus avec tous ses saints » (1Th 3, 13), il évoque la Parousie, où il y aura des apparitions des saints dans la gloire, ce n’est pas encore la résurrection de la chair, qui aura lieu à la fin de la Parousie.
Foi, charité et espérance sont vécues « en présence de Dieu notre Père ». Ce sont des vertus théologales, qui se réfèrent directement à Dieu et adaptent les facultés de l'homme à la participation de la nature divine (cf. 2P 1,4).
« Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. En effet, notre annonce de l’Évangile n’a pas été, chez vous, simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, pleine certitude ». Le « vous avez été choisi par Dieu » n’exclut personne : Dieu veut vivifier et sauver tous les hommes ; l’expression doit se lire avec ce qui suit : c’est parce que l’Évangile a été bien reçu que l’on peut dire que vous avez été choisi par Dieu. Il y a là un point très important à comprendre actuellement. Nous voudrions dire que Dieu n’exclut personne sans relier ce point à celui de l’accueil de l’Évangile, Dieu n’exclut personne, mais Dieu ne peut pas sauver les gens qui n’accueillent pas l’Évangile. La plupart du temps, Jésus accompagne son miracle par ces mots « ta foi t’a vivifié (sauvé) », ou « grande est ta foi ». C’est aussi ce que saint Paul a expérimenté parmi les Thessaloniciens : « notre annonce de l’Évangile n’a pas été, chez vous, simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, pleine certitude », et il en déduit que les Thessaloniciens sont « choisis » par Dieu, c’est-à-dire qu’ils ont reçu une mission. Et l’évangile de ce dimanche dit que Jésus ne fait pas acception des personnes, autrement dit, il ne tient pas compte de l’apparence d’une personne. L’idée de l’élection des « choisis », Jésus l’a expliquée en ces termes :
« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis et établis
de sorte que vous aussi alliez produire des fruits et que vos fruits demeurent,
et que tout ce que vous demandiez à mon Père en mon Nom, Il vous le donne. » (Jn 15, 16)
Jésus a dit aussi en visant certaines personnes qui le suivaient par désir d’exercer une puissance en son nom, mais qui n’étaient pas profonds, et qui omettaient la justice, manquaient de sincérité, et blessaient leur prochain : « Beaucoup me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n'est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé ? En ton nom que nous avons chassé les démons ? En ton nom que nous avons fait bien des miracles ? Alors je leur dirai en face : Jamais je ne vous ai connus ; écartez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité » (Mt 7, 22-23). Saint Paul a commencé sa mission au chemin de Damas, après avoir vu son péché qui le faisait persécuter Jésus en la personne des chrétiens. Cette expérience a brisé, à tout jamais, sa superbe, il a vu son néant. Il dit lui-même dans sa première lettre aux Corinthiens : « Moi-même, je me suis présenté à vous faible, craintif et tout tremblant » (1Co 2, 3). Saint Paul fait des miracles, mais ce n’est pas par désir de se valoriser : « Notre annonce de l’Évangile n’a pas été, chez vous, simple parole (litt : seulement dans la parole), mais puissance (litt : mais dans la puissance), action de l’Esprit Saint (litt : dans l’Esprit Saint), pleine certitude (litt : dans l’assurance de la vérité) ». La puissance se rapporte à l’évangile et non pas à la personne de l’apôtre. Cette puissance est liée à la force de persuasion de la vérité, à condition d’être sincère et d’en payer le prix, et elle vient de l’Esprit Saint que l’on peut traduire aussi Esprit de sainteté.
Évangile (Mt 22, 15-21)
15 Alors les pharisiens allèrent tenir conseil / sur la façon de le piéger par une parole.
16 Ils lui envoyèrent leurs disciples, avec les Hérodiens, / en disant :
‘Docteur, nous savons / que tu es vrai
et que tu enseignes le chemin de Dieu / en vérité [justice] ;
tu ne favorises personne, / car tu ne tiens pas compte de l’apparence d’une personne.
17 Dis-nous donc / ce qui te semble :
Est-il autorisé de payer l’impôt par tête à César, / ou non ?’
18 Mais Jésus connut leur malice / et dit :
‘Pourquoi me tentez-vous ? / Hypocrites !
19 Montrez-moi / le denier de l’impôt.
Or, eux, / ils lui présentèrent un denier.
20 Et Il leur dit : / ‘De qui sont cette effigie et cette inscription?’
21 Ils dirent : / ‘De César.’
Il leur dit :
‘Donnez donc ce qui est à César, / à César !
et ce qui est à Dieu / à Dieu !’
22 Ayant entendu, / ils furent stupéfaits,
et ils le laissèrent / et s’en allèrent. » – Acclamons la Parole de Dieu.
Cet évangile, dans sa traduction de l’araméen, se prête particulièrement bien à une récitation orale, quelque peu mimée, gestuée.
Dans la parabole que nous avons écoutée dimanche dernier, un roi envoyait ses serviteurs pour appeler les invités aux noces de son fils, mais les invités « n’en tinrent aucun compte » et « maltraitèrent et tuèrent » les serviteurs.
« Or, en entendant [cela] / le roi se mit en colère,
il envoya ses forces, fit périr ces meurtriers-là / et fit brûler leur ville. » (Mt 22, 7)
Comme aussi par la parabole des vignerons homicides (Mt 21, 33-41), les pharisiens se sentirent visés et ils veulent maintenant tester Jésus en tant que « docteur » : ils aimeraient bien prouver que Jésus dit n’importe quoi, afin de pouvoir oublier ces paraboles qui les dérangent tellement !
Alors que Dieu, le roi de la parabole, envoyait des serviteurs pour les inviter à un banquet « mes bœufs et mes bêtes grasses sont tués » (Mt 22, 4), voici que les pharisiens envoient leurs disciples et des partisans d’Hérode pour tendre un piège à Jésus.
À la question de la licéité de l’impôt par tête, « ksep rīšā » [1], la réponse courante d’un croyant consiste à payer l’impôt sauf si le gouvernement en fait un usage contraire à la foi, alors il faut organiser une résistance. Mais la question posée est un piège. Jésus le déjoue : « Donnez ce qui est à César / à César ! », c’est se soumettre en payant l’impôt, mais c’est aussi se distancier de César en lui rendant ses affaires – César étant à cette époque un nom générique désignant l’Empereur.
Et Jésus ajoute : « donnez ce qui est à Dieu / à Dieu ! », ce qui s’entend aussi en lien avec la parabole donnée peu de temps avant : soyez des vignerons sérieux qui donnent le fruit de la vigne au seigneur de la vigne ! (Mt 21, 33-41).
« 22 Ayant entendu, / ils furent stupéfaits,
et ils le laissèrent / et s’en allèrent. »
Le piège n’a pas fonctionné, Jésus ne peut pas être condamné pour avoir encouragé une incivilité, il ne peut pas non plus être condamné pour avoir encouragé une compromission avec l'occupant.
Jésus refuse le pouvoir oppresseur et despotique des chefs sur les Nations Mc 10, 42 et leur prétention de se faire appeler bienfaiteurs Lc 22, 25, mais il ne conteste jamais directement les autorités de son temps. Il affirme qu'il faut donner à Dieu ce qui est à Dieu, en condamnant implicitement toute tentative de divinisation et d'absolutisation du pouvoir temporel : seul Dieu peut tout exiger de l'homme. En même temps, le pouvoir temporel a droit à ce qui lui est dû : Jésus ne considère pas l'impôt à César comme injuste. Il s'agit alors d'une obéissance libre et responsable à une autorité qui fait respecter la justice, en assurant le bien commun. Quand le pouvoir humain sort des limites de l'ordre voulu par Dieu, il s'auto-divinise et demande la soumission absolue ; il devient alors la Bête de l'Apocalypse, image du pouvoir impérial persécuteur, ivre « du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus » (Ap 17, 6). La Bête a, à son service, le «faux prophète» (Ap 19, 20). Mais le Christ est l'Agneau Vainqueur de tout pouvoir qui s'absolutise au cours de l'histoire. Face à ce pouvoir, saint Jean recommande la résistance des martyrs : de la sorte, les croyants témoignent que le pouvoir corrompu et satanique est vaincu, car il n'a plus aucun ascendant sur eux.
Même l’empereur César doit rendre à Dieu l’honneur et la puissance. Nos sociétés contemporaines courent le danger d’un pouvoir oppresseur parce les gouvernants ne rendre plus gloire à Dieu le Créateur. Jadis Clovis, tout rustique qu’il était (et il nous semble presque préhistorique), avait mis en exergue de la loi salique : « Que le Seigneur Jésus-Christ dirige dans les voies de la piété les règnes de ceux qui gouvernent ». « Ceux qui gouvernent » ont un rôle distinct de celui de l’Église, et la distinction doit être maintenue ; cependant, Clovis et ses successeurs étaient conscients du but ultime de leurs efforts, ils étaient conscients d’être soumis à la loi divine. Si la piété leur manque, leur autorité et leur pouvoir deviennent en fin de compte usurpés. L’histoire a un sens : les gouvernements doivent chercher le bien commun, et l’ultime bien est celui de la vie de la grâce, que « ceux qui gouvernent » ne peuvent pas donner : la grâce et le salut éternel viennent du de Jésus-Christ (par l’Eglise)…
À l’époque de Jésus, les hébreux géraient des routes commerciales allant de l’Espagne à l’Inde. Les notables de Jérusalem, pharisiens ou partisans d’Hérode, pouvaient rêver de supplanter la suprématie économique de Rome. Les violences qui secouaient le pays (les sicaires ou zélotes) servaient ce rêve. Ne pas payer l’impôt à César était une question qui en cachait une autre : Jésus serait-il le messie politique répondant à de telles attentes ? Mais Jésus, à ses disciples qui débattent sur qui est le plus grand, enseigne à devenir les derniers et à se faire les serviteurs de tous Mc 9,33-35, en indiquant à Jacques et Jean, fils de Zébédée, qui ambitionnent de s'asseoir à sa droite, le chemin de la croix (Mc 10,35-40; Mt 20,20-23). Jésus, parce qu’il est le Fils de l'homme venu «pour servir et donner sa vie» (Mc 10,45; Mt 20,24-28; Lc 22,24-27) est aussi le Fils de l’homme qui viendra sur les nuées du Ciel comme juge. Jésus peut juger le monde parce qu’il n’a pas versé le sang, il a donné le sien.
[1] Luc 20, 19 : « ksep rīšā », l’expression araméenne est la même qu’en Mt 22, 19 et en Mc 12, 14.
Mt 22, 19 et Mc 12, 14, sont traduits en grec κηνσος et en latin census ;
Luc 20, 19 est traduit en grec φορος et en latin tributus, soulignant la domination romaine sur les étrangers.
Date de dernière mise à jour : 27/10/2023