30° dimanche du Temps Ordinaire (A)

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

30e dimanche du temps ordinaire matthieu 2230e dimanche du temps ordinaire Matthieu 22, 34-40 (109.16 Ko)

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

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Première lecture (Ex 22, 20-26)

Psaume (Ps 17 (18), 2-3, 4.20, 47.51ab)

Deuxième lecture (1 Th 1, 5c-10)

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 22, 34-40

 

30e semaine ordinaire Première lecture (Ex 22, 20-26)

Ainsi parle le Seigneur :
« Tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas, car vous étiez vous-mêmes des immigrés au pays d’Égypte.

Vous n’accablerez pas la veuve et l’orphelin. Si tu les accables et qu’ils crient vers moi, j’écouterai leur cri. Ma colère s’enflammera et je vous ferai périr par l’épée, vos femmes deviendront veuves, et vos fils, orphelins.

Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n’agiras pas envers lui comme un usurier : tu ne lui imposeras pas d’intérêts. 

Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C’est tout ce qu’il a pour se couvrir ; c’est le manteau dont il s’enveloppe, la seule couverture qu’il ait pour dormir. S’il crie vers moi, je l’écouterai, car moi, je suis compatissant ! » Parole du Seigneur.

Le raisonnement de ce texte est très important. L’homme connaît ce qui est moral ou immoral en levant les yeux vers Dieu, qui déclare par exemple : « car moi, je suis compatissant ». C’est très important. De nos jours, on voudrait définir ce qui est moral ou immoral à partir des désirs de chacun, dans un relativisme défini comme un absolu imposé de manière parfois de plus en plus dictatoriale. Ce n’est pas ce que dit la Bible. L’homme connaît ce qui est moral ou immoral en levant les yeux vers Dieu, le Dieu vivant qui s’est révélé au buisson ardent. 

« Tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas », cette injonction morale est fondée sur la vertu théologale de la foi, la mémoire de l’action de Dieu : « Car vous étiez vous-mêmes des immigrés au pays d’Égypte », et tout lecteur du livre de l’Exode connaît l’expérience fondatrice des Hébreux et ce que Dieu a dit à Moïse au buisson ardent : « J'ai vu, j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste » (Ex 3, 7-8). 

 « Vous n’accablerez pas la veuve et l’orphelin ». L’explication est fondée sur la vérité de Dieu : « Si tu les accables et qu’ils crient vers moi, j’écouterai leur cri. » On reconnaît les paroles de Dieu à Moïse : « j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs » (Ex 3, 7). Et Dieu ajoute ici « Ma colère s’enflammera et je vous ferai périr par l’épée, vos femmes deviendront veuves, et vos fils, orphelins ». Autrement dit, si l’homme n’agit pas selon le cœur de Dieu, Dieu n’agira plus pour sauver comme il l’avait fait, mais au contraire pour châtier, afin de faire comprendre la souffrance du prochain « vos femmes deviendront veuves, et vos fils, orphelins », sous-entendu, peut-être deviendrez alors vous compatissants pour les veuves et les orphelins. Saint Basile observe : « Ou bien nous nous détournons du mal par crainte du châtiment, et nous sommes dans la disposition de l'esclave. Ou bien nous poursuivons l'appât de la récompense et nous ressemblons aux mercenaires. Ou enfin c'est pour le bien lui-même et l'amour de celui qui commande que nous obéissons... et nous sommes alors dans la disposition des enfants [des fils] » (S. Basile, reg. fus. prol. 3, cité dans CEC (1997) § 1828). 

Revenons au livre de l’Exode, avec la question du prêt à intérêt, interdit pour les compatriotes : « Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n’agiras pas envers lui comme un usurier : tu ne lui imposeras pas d’intérêts ». Au chapitre 22, le mot traduit par « immigré » est en hébreu le mot « ger » qui désigne celui qui habite un pays qui n’est pas sa patrie, en latin « advena », dans la Septante, le terme grec est « proselytos », le prosélyte, au sens premier celui qui est venu s’ajouter, et au sens second celui qui vient au judaïsme depuis une autre religion, comme par exemple Ruth. La plupart des raisonnements politiques modernes s’éloignent considérablement de la perspective biblique.

Accomplissant le précepte de l’Exode, l’Angleterre bannit les prêteurs d’argent en l’an 1290, et en l’an 1364, Édouard III autorisa la City of London, la Cité de Londres, à abolir l’usure. L’État faisait des prêts sans intérêts marqués par des bâtons de comptage appelés « tallia »[1], de sorte qu’il était impossible de transformer les moyens d’échange en marchandise sur un marché financier (un principe repris actuellement par certaines monnaies locales). Il s’ensuivit un âge d’or d’une grande richesse qui s’acheva avec le régicide du roi Charles 1er en 1647 ; Cromwell mit en place une dictature militaire puis la première banque centrale privée, en 1694. Et c’est alors que le pays connut la misère ; les banquiers hypothéquaient les terres, les maisons[2]…

Comme chacun sait, le drame du prêt à intérêt est qu’il peut rapidement rendre les gens esclaves d’une dette. De nos jours encore, des individus sont rendus esclaves toute leur vie.

C’est vrai aussi au niveau des nations. Entre 1791 et 1811, la première Banque des États-Unis remplaça la Banque centrale, c’est-à-dire que l’État s’endettait auprès de capitaux privés, par exemple les Rothschild, les Goldman. En 1811, le mandat de la première Banque des États-Unis devait être renouvelé, mais le Congrès et le président refusèrent. Aussitôt, l’Angleterre déclara la guerre contre les États-Unis, une guerre qui dura de 1812 à 1814. Dix ans plus tard, en 1824, T. Jefferson écrivait au major John Cartwright : « Les institutions bancaires ont déjà donné naissance à une aristocratie de l’argent qui défie le gouvernement. Le pouvoir d’émission devrait être arraché aux banques et rendu au peuple à qui il appartient de plein droit. […] Elles priveront le peuple de toute propriété, jusqu’à ce que leurs enfants se retrouvent sans abri sur le continent que ses pères ont conquis ». Au siècle suivant, en 1912, C.A. Lindbergh déclara au sujet de l’établissement de la banque de réserve fédérale : « Lorsque le gouvernement aura signé cette loi, le gouvernement invisible du pouvoir monétaire dont l’existence a été prouvée par l’enquête Pujo, sera légalisé […] Cette nouvelle loi bancaire et monétaire est le plus grand crime législatif de tous les temps » [3]… Et que dire de nos jours ?

Revenons au livre de l’Exode, après la question des prêts à intérêt : « Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C’est tout ce qu’il a pour se couvrir ; c’est le manteau dont il s’enveloppe, la seule couverture qu’il ait pour dormir. S’il crie vers moi, je l’écouterai, car moi, je suis compatissant ! » Parole du Seigneur.

Cette lecture nous prépare au Nouveau Testament au sens où l’amour pour le prochain découle de l’amour de Dieu. En s'aimant les uns les autres, les disciples imitent l'amour de Jésus qu'ils reçoivent aussi en eux. C'est pourquoi Jésus dit : « Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour » (Jn 15, 9). Et encore : « Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12). Nous sommes des fils qui répondent à l'amour de « celui qui nous a aimés le premier » (1Jn 4,19).

Psaume (Ps 17 (18), 2-3, 4.20, 47.51ab)

Je t’aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon roc, ma forteresse,
Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !

Louange à Dieu ! Quand je fais appel au Seigneur,
je suis sauvé de tous mes ennemis.
Lui m’a dégagé, mis au large,
il m’a libéré, car il m’aime.

Vive le Seigneur ! Béni soit mon Rocher !
Qu’il triomphe, le Dieu de ma victoire !
Il donne à son roi de grandes victoires,
il se montre fidèle à son messie.

Ce psaume chante la victoire de Dieu et nous prépare à la prière du Notre Père qui s’achève par ces mots « mais délivre-nous du mal », comme l’explique le catéchisme de l’Église (1997).

« 2851 Dans cette demande, le Mal n'est pas une abstraction, mais il désigne une personne, Satan, le Mauvais, l'ange qui s'oppose à Dieu. Le "diable" ("dia-bolos") est celui qui "se jette en travers" du Dessein de Dieu et de son "oeuvre de salut" accomplie dans le Christ.

 2852 "Homicide dès l'origine, menteur et père du mensonge" (Jn 8,44), "le Satan, le séducteur du monde entier" (Ap 12,9), c'est par lui que le péché et la mort sont entrés dans le monde et c'est par sa défaite définitive que la création toute entière sera "libérée du péché et de la mort" (Missel romain, prière eucharistique IV). "Nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche pas, mais l'Engendré de Dieu le garde et le Mauvais n'a pas prise sur lui. Nous savons que nous sommes de Dieu et que le monde entier gît au pouvoir du Mauvais" (1Jn 5,18-19) :

« Le Seigneur qui a enlevé votre péché et pardonné vos fautes est à même de vous protéger et de vous garder contre les ruses du Diable qui vous combat, afin que l'ennemi, qui a l'habitude d'engendrer la faute, ne vous surprenne pas. Qui se confie en Dieu ne redoute pas le Démon. "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?" (Rm 8,31) (S. Ambroise, sacr. 5,30). »

Je t’aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon roc, ma forteresse,
Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !

 « 2853 La victoire sur le "prince de ce monde" (Jn 14,30) est acquise, une fois pour toutes, à l'Heure où Jésus se livre librement à la mort pour nous donner sa Vie. C'est le jugement de ce monde et le prince de ce monde est "jeté bas" (Jn 12,31 ; Ap 12,11). "Il se lance à la poursuite de la Femme" (cf. Ap 12,13-16), mais il n'a pas de prise sur elle : la nouvelle Éve, "pleine de grâce" de l'Esprit Saint, est préservée du péché et de la corruption de la mort (Conception immaculée et Assomption de la très sainte Mère de Dieu, Marie, toujours vierge). "Alors, furieux de dépit contre la Femme, il s'en va guerroyer contre le reste de ses enfants" (Ap 12,17). C'est pourquoi l'Esprit et l'Église prient : "Viens, Seigneur Jésus" (Ap 22,17 ;  22,20) puisque sa Venue nous délivrera du Mauvais.

Louange à Dieu ! Quand je fais appel au Seigneur,
je suis sauvé de tous mes ennemis.
Lui m’a dégagé, mis au large,
il m’a libéré, car il m’aime.

CEC § 2854 « En demandant d'être délivrés du Mauvais, nous prions également pour être libérés de tous les maux, présents, passés et futurs, dont il est l'auteur ou l'instigateur. Dans cette ultime demande, l'Église porte toute la détresse du monde devant le Père ».

Prenons un exemple :

Le 3 mai 2023, pendant que les explosions et les cris de protestation résonnaient dans les rues de l'État du Manipur (Nord-Est de l'Inde), Ritika (pseudonyme) a jeté un dernier coup d'œil à son logement qui était sur le point de s'effondrer. Puis elle est sortie et a marché aussi vite que son ventre de femme enceinte le lui permettait. «Je n'ai pensé qu'à mon bébé». «Nous n'étions pas préparés à de telles attaques», explique Ritika, qui se trouve maintenant dans un camp de réfugiés. Elle précise : «J'ai vu ma maison brûler sous mes yeux, c'était une scène terrible.» Mais il y avait plus important pour elle : «Je n'ai pensé qu'à mon bébé et je me suis enfuie», raconte Ritika. «En chemin, j'ai ressenti des douleurs et les femmes qui étaient avec moi m'ont aidée à accoucher.» Des hommes, qui avaient fui eux aussi dans la montagne, ont préparé un lit en bambou. La jeune maman poursuit : «Après l'accouchement, ils nous ont transportés, mon bébé et moi, sur le même lit de bambou». «Je remercie Dieu pour la vie qu'il donne dans ce monde, même dans une situation aussi terrible. Dieu a protégé mon bébé et ma vie.» La jeune maman se trouve toujours dans une situation périlleuse. Elle doit partager sa nourriture, son abri et de rares ressources avec d'autres personnes déplacées. Mais Ritika est optimiste quant à l'avenir de son précieux bébé : «Je prie pour mon enfant et je veux qu'il vive et qu'il voie comment Dieu peut faire de grandes choses dans sa vie», conclut-elle. (source : Portes ouvertes).

Alors prions le psaume pour elle et d’autres comme elle :

Je t’aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon roc, ma forteresse,
Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !

CEC § 2854 (suite) Avec la délivrance des maux qui accablent l'humanité elle [l’Église] implore le don précieux de la paix et la grâce de l'attente persévérante du retour du Christ. En priant ainsi, elle anticipe dans l'humilité de la foi la récapitulation de tous et de tout en Celui qui "détient la clef de la Mort et de l'Hadès" (Ap 1,18), "le Maître de tout, Il est, Il était et Il vient" (Ap 1,8) ».

Vive le Seigneur ! Béni soit mon Rocher !
Qu’il triomphe, le Dieu de ma victoire !
Il donne à son roi de grandes victoires,
il se montre fidèle à son messie.

Deuxième lecture (1 Th 1, 5c-10)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens

Frères, vous savez comment nous nous sommes comportés chez vous
pour votre bien. Et vous-mêmes, en fait, vous nous avez imités, nous et le Seigneur,
en accueillant la Parole au milieu de bien des épreuves, avec la joie de l’Esprit Saint. Ainsi, vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et de Grèce. Et ce n’est pas seulement en Macédoine et en Grèce qu’à partir de chez vous la parole du Seigneur a retenti, mais la nouvelle de votre foi en Dieu s’est si bien répandue partout que nous n’avons pas besoin d’en parler. En effet, les gens racontent, à notre sujet, l’accueil que nous avons reçu chez vous ; ils disent comment vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable, et afin d’attendre des cieux son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient.
– Parole du Seigneur.

Il est question de la foi : « la nouvelle de votre foi en Dieu s’est si bien répandue partout ». La foi consiste à croire en Dieu et à tout ce qu'Il nous a dit et révélé, donc en « en accueillant la Parole » des apôtres. La foi n’est pas seulement une « croyance » :  par la foi l'homme s'en remet tout entier librement à Dieu : le croyant cherche à connaître et à faire la volonté de Dieu. « Le juste vivra de la foi » (Rm 1,17) et la foi vivante « agit par la charité » (Ga 5, 6).

 « Les gens racontent, à notre sujet, l’accueil que nous avons reçu chez vous ; ils disent comment vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable ». Le service et le témoignage de la foi sont requis pour le Salut. Jésus a dit : « Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, je me déclarerai, moi aussi, pour lui devant mon Père qui est aux cieux ; mais celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai, moi aussi, devant mon Père qui est aux cieux » (Mt 10, 32-33).

Le contenu de la foi doit être gardé en entier et jusqu’au bout. Jésus est « ressuscité d’entre les morts » et il est toujours vivant, nous le rencontrons dans la prière, et en particulier à la Messe, et nous attendons son retour dans la gloire. Nous n’attendons pas seulement que Dieu nous aime aujourd’hui, nous apaise et nous console aujourd’hui, nous attendons le retour de Jésus, « depuis les cieux ». Et il nous « délivre de la colère qui vient. » Il y a donc une colère qui vient !? Et bien oui, il y a une colère qui vient parce que l’évangile n’est pas accueilli, apparaît alors un postchristianisme antichristique,  mais le Créateur veut faire se réaliser sa volonté. La colère de Dieu, c’est le jugement eschatologique. Et le monde idéal ne peut pas se réaliser avant ce jugement, cette colère de Dieu. Ceux qui n’auront pas accepté le salut se cacheront du Créateur comme Adam et Eve avant eux (Gn 3, 8) :

« Et les rois de la terre et [ses] grands, / et les chefs de mille,
et les riches et les puissants, / et tous les esclaves et fils libres,

se cachèrent dans les cavernes / et dans les rochers des montagnes

en disant aux montagnes et aux rochers : / ‘Tombez sur nous !

Et cachez-nous […] / de devant la face de l’Agneau !

Parce qu’est venu le grand Jour de sa colère, / et qui est capable de tenir debout ?’ » (Ap 6, 15-17)

Cette colère n’est pas la fin du monde, mais le jugement de la Bête et du faux prophète dont l'Apocalypse va parler ensuite, il s’agit d’un système corrompu.

Habitués à voir en Jésus le doux prédicateur rempli de miséricorde, on peut être étonné d’entendre parler de la colère de l’Agneau. En fait, la parole « apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 29) s’adressait à ceux qui peinent et ploient sous le fardeau (Mt 11, 28). Le Christ doit aussi accomplir les prophéties telles que : « Les impies ne tiendront pas au Jugement, / ni les égarés, à l’assemblée des justes » (Ps 1, 5). Et une parabole de Jésus raconte qu’après que des invités eurent tué les serviteurs et même le fils d’un roi pour avoir l’héritage, alors « le roi fut pris de colère et envoya ses troupes qui firent périr ces meurtriers et incendièrent leur ville » (Mt 22,7). Jésus enseigna aussi : 

« Qui croit dans le Fils, / a la vie éternelle,
et qui n’obéit pas au Fils / ne voit pas la vie

mais la colère de Dieu / demeurera sur lui ! »
(Jn 3, 36).

Revenons à l’Apocalypse :

« Et je vis un autre ange / qui monta depuis l’orient du soleil
Et auprès de qui il y avait / le Sceau du Dieu vivant ! 

Et il cria, à voix haute, / aux quatre anges,

à ceux-ci à qui il avait été donné / de porter atteinte à la terre et à la mer

et il dit :

‘Ne portez pas atteinte à la terre ni à la mer, / ni non plus aux arbres,

jusqu’à ce que nous scellions les serviteurs de Dieu, / entre leurs yeux !’ » (Ap 7, 2-3).

L’idée que Dieu marque les chrétiens d’un « sceau » est déjà présente chez saint Paul : « Lui qui nous a aussi marqués d’un sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit » (2Co 1, 22), et très tôt les Pères de l’Église ont pris ce terme comme synonyme du « baptême »[4]. Cependant, avec l’intervention in extremis d’un ange particulier, l’Apocalypse veut indiquer une mise en pratique particulière de la vie baptismale. En effet, saint Jean se réfère visiblement au livre d’Ézéchiel :

« [Le Seigneur dit à l’homme vêtu de lin :] "Parcours la ville, parcours Jérusalem et marque d’un Taw au front les hommes qui gémissent et qui pleurent sur toutes les abominations qui se pratiquent au milieu d’elle." Je l’entendis dire aux autres : "Parcourez la ville à sa suite et frappez. N’ayez pas un regard de pitié, n’épargnez pas ; vieillards, jeunes gens, vierges, enfants, femmes, tuez et exterminez tout le monde. Mais quiconque portera « le Taw » au front, ne le touchez pas » (Ez 9, 4-6).

La forme archaïque de la lettre Taw est assez semblable à une croix. Et la croix est la forme suprême de l’affliction devant le mal. Il s’agit d’en être scellé entre les yeux, de vouloir lui appartenir et de se placer sous sa protection. Au moment du jugement eschatologique, ceux qui portent ainsi le « sceau » du Christ seront sauvés[5].

Ce qui est en pleine harmonie avec la lettre de saint Paul aux Thessaloniciens :

« En effet, les gens racontent, à notre sujet, l’accueil que nous avons reçu chez vous ; ils disent comment vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable, et afin d’attendre des cieux son Fils  qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient. »

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 22, 34-40

 « 22, 34 Or les pharisiens, / ayant entendu que Jésus avait fait taire les sadducéens,
se réunirent, / ensemble.

35, et l’un d’entre eux, qui connaissait la Loi, / l’interrogea en le mettant à l’épreuve :
36 ‘Maître, / quel est le plus grand commandement de la Loi ?’
 
37 Or Jésus lui dit :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
de tout ton cœur, / de toute ton âme

de toute fa force / et de toute ta pensée.
 
38 C’est le premier et grand commandement.
  39 Et le second, qui lui est semblable :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
 
 40 À ces deux commandements, / sont suspendus la Torah et les prophètes.’ »

  – Acclamons la Parole de Dieu.

Jésus vient de faire taire les sadducéens qui lui tendaient un piège pour ridiculiser l’idée de la résurrection d’entre les morts. Ce sont maintenant les pharisiens qui lui tendent un piège en utilisant un homme qui connaît bien la loi et demande quel est le plus grand commandement. Le piège est le même hier et aujourd’hui. Si l’on met l’un des commandements relatifs à Dieu au-dessus, on pourra accuser Jésus d’être insensible au sort des hommes, et les chrétiens d’être des grenouilles de bénitier. Si l’on met l’un des commandements relatifs à la vie familiale ou sociale au-dessus, on pourra reprocher à Jésus de faire « de l’horizontal », de réduire l’Église à une ONG, d’être politisé ou « à la remorque du monde ».

Jésus va répondre en donnant deux commandements, le premier et le second « qui lui est semblable » : on ne peut pas aimer le prochain sans aimer Dieu. On ne peut pas aimer le prochain en encourageant ce qui est contraire à la volonté de Dieu qui nous a créés. Et on ne peut pas aimer Dieu sans aimer le prochain.

La lecture du journal de sainte Faustine nous aide à mesurer combien les deux commandements sont imbriqués :

 « Je me suis levée beaucoup plus tôt que d’habitude et suis allée à la chapelle, m’abîmant dans l’amour de Dieu. Avant de communier, j’ai renouvelé à voix basse mes vœux religieux. [« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme de toute fa force et de toute ta pensée. C’est le premier et grand commandement » (Mt 22, 37-38)] Après la sainte Communion, un inconcevable amour de Dieu m’enveloppa. Mon âme était en relation avec le Saint-Esprit, qui est le même Seigneur que le Père et le Fils. Son souffle combla mon âme d’un tel délice que mes efforts seraient vains pour donner même en partie l’idée de ce que mon cœur a vécu. Pendant toute la journée, où que je me trouve, et quelle que soit la personne à qui je parle, la présence de Dieu m’accompagnait, mon âme se noyait dans l’action de grâce pour ces grandes grâces [« Et le second, qui lui est semblable :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 39).
» (Petit journal § 1781).

Et son amour de Dieu devient une préoccupation pour le prochain : 

« Lorsque je me suis plongée dans l’oraison et que je me suis unie à toutes les messes qui se célébraient à ce moment-là dans le monde entier [« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu »], j’ai imploré Dieu par toutes ces saintes messes d’avoir miséricorde pour le monde et particulièrement pour les pauvres pécheurs qui à ce moment-là étaient en agonie [« Tu aimeras ton prochain comme toi-même »]. Au même instant j’ai reçu intérieurement la réponse de Dieu que mille âmes avaient obtenu grâce par l’intermédiaire de la prière que j’avais offerte à Dieu. Nous ne savons pas le nombre d’âmes que nous devons sauver par nos prières et nos sacrifices, c’est pourquoi prions toujours pour les pécheurs » (Petit journal § 1783).

« Aujourd’hui, au cours d’une longue conversation avec le Seigneur [« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu »], il m’a dit : « Combien je désire le salut des âmes. [« Tu aimeras ton prochain comme toi-même »]. Ma très chère secrétaire, écris que je désire répandre ma vie divine dans les âmes humaines et les sanctifier, pourvu qu’elles veuillent seulement accepter ma grâce. Les plus grands pécheurs arriveraient à une haute sainteté, si seulement ils avaient confiance en ma miséricorde. Mes entrailles débordent de miséricorde et elle est répandue sur tout ce que j’ai créé. C’est mon délice d’agir dans l’âme humaine, de la combler de ma miséricorde et de la justifier » (Petit journal § 1781). 

Reprenons l’évangile. Jésus fait une première citation : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir » (Dt 6, 5). L’amour de Dieu s’y décline selon l’anthropologie biblique « Esprit / âme / corps » que l’on retrouve en Sg 9, 15, en 1Th 5, 23 (Le cœur équivaut à l’esprit, comme dans le Ps 50 (51), 12.19.). Jésus a ici ajouté « et de toute ta pensée » ce qui fait quatre catégories, qu’il ne faut pas séparer d’une manière tranchante. L’image du Temple figure très bien cette anthropologie, le Saint des Saints correspond au cœur-esprit, le Saint correspond à l’âme (le psychisme avec ses calculs et ses velléités), les parvis extérieurs correspondent aux réalités corporelles et sensibles que l’on peut subdiviser : le parvis des hommes correspond au corps et à la force de son pouvoir de transformation du monde contingent, et le parvis des femmes, ouvert sur l’extérieur, correspond aux observations des sens qui nourrissent l’intelligence des lois de l’univers, « la pensée » humaine, qui n’est pas le cœur-esprit. Bien sûr, chaque dimension est illuminée par le cœur-esprit comme l’ensemble du Temple est irradié par la présence divine dans le Saint des Saints.

Jésus cite ensuite, en précisant « Et le second, qui lui est semblable », le livre du Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18). Et nous avons expliqué avec sainte Faustine comment les deux commandements sont imbriqués.

Jésus dit : « À ces deux commandements, / sont suspendus la Torah et les prophètes ». Nous n’avons pas ici, comme précédemment, le mot « loi », en araméen « nāmūsā », comme « nomos » en grec, mais le mot Torah ᵓūrāytā (en hébreu, la racine du mot Torah (yod resh hé) signifie poser les fondements. L’image est très forte : les fondements sont suspendus à quelque chose de grand, et qui est l’amour de Dieu et du prochain. La loi, les commandements, sont suspendus à l’amour. L’amour est plus grand, plus élevé que la Torah et les prophètes . Ce qui ne veut pas dire que l’amour abolit les commandements ou que le régime de la miséricorde rendrait inutile l’effort de conversion pour suivre les commandements.

  « Sans la charité, dit saint Paul, je ne suis rien ... Et tout ce qui est privilège, service, vertu même ... « sans la charité, cela ne me sert de rien » (1Co 13,1-4). La charité est supérieure à toutes les vertus. Elle est la première des vertus théologales : « Les trois demeurent : la foi, l'espérance et la charité. Mais la charité est la plus grande » (1Co 13,13).

« L'exercice de toutes les vertus est animé et inspiré par la charité. Celle-ci est le lien de la perfection (Col 3,14) ; elle est la forme des vertus ; elle les articule et les ordonne entre elles ; elle est source et terme de leur pratique chrétienne. La charité assure et purifie notre puissance humaine d'aimer. Elle l'élève à la perfection surnaturelle de l'amour divin » (CEC § 1827).

 

[1] D. ASTLE, The Babylonian Woe, Omnia Veritas Ltd, 2015, p. 12-17

[2] A.N. ANDREADES, History of the bank of England, P.S. King & Son Ltd London, 1935

[3] Cf. C. A. LINDBERGH, The senate, vol 51, novembre 1912

[4] HERMAS, Sim. 9, 16, 4 ; 2CLEMENT 7, 6 ; 8, 5, et de très nombreux Pères.

[5] Cf. Françoise BREYNAERT, L’Apocalypse revisitée. Une composition orale en filet. Imprimatur. Parole et Silence, 2022.

Date de dernière mise à jour : 27/10/2023