11° dimanche - Temps Ordinaire

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1ère lecture (Ex 19, 2-6a)

Psaume (Ps 99 (100), 1-2, 3, 5)

Deuxième lecture (Rm 5, 6-11)

Évangile (Mt 9, 36 – 10, 8)

1ère lecture (Ex 19, 2-6a)

« En ces jours-là, les fils d’Israël arrivèrent dans le désert du Sinaï, et ils y établirent leur camp juste en face de la montagne. Moïse monta vers Dieu. Le Seigneur l’appela du haut de la montagne : ‘Tu diras à la maison de Jacob, et tu annonceras aux fils d’Israël : Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Égypte, comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle et vous ai amenés jusqu’à moi. Maintenant donc, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, vous serez mon domaine particulier parmi tous les peuples, car toute la terre m’appartient ; mais vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte’. » – Parole du Seigneur. 

Ce passage important de l’Écriture est relu, chez les Juifs, au commencement de chaque année nouvelle, lors de la fête de Rosh hashana, afin de se repositionner vis-à-vis du Créateur, dans l’Alliance.

Nous allons expliquer l’expression « un royaume de prêtres, une nation sainte ».

Dans l’Ancien Testament, Samuel a donné l’onction à Saül, de la tribu de Benjamin, puis à David, de la tribu de Juda. Un oracle de Jérémie annonce : « jamais David ne manquera d’un descendant qui prenne place sur le trône de la maison d’Israël » (Jr 33, 17), mais au temps de l’exil, l’untgtgtg des oracles de Jérémie annonce la fin du règne de la dynastie de David après Jéchonias (Jr 22,30). En fait, Jésus accomplit ses deux oracles apparemment contradictoires : il n’a pas été roi avec les honneurs du monde, lui qui a dit : « Mon règne n’est pas de ce monde ». Le règne du Christ ne vient pas de ce monde (Jn 18,36), mais il est pour le monde, c’est pourquoi il reviendra dans la gloire !

Dans le christianisme, le premier sacre est celui de Pépin le bref, dans un rite emprunté à celui des rois de l’Ancien Testament. Le roi accède au domaine du sacré, ce qui se traduit parfois par son pouvoir thaumaturgique (guérisons) mais, inversement, l’onction subordonne le roi à l’Église qui a le pouvoir d’administrer l’onction. L’harmonie de la société naît donc de l’étroite solidarité entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, qui ne se confondent pas. Jésus enseigne : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21), ce qui implique une légitime autonomie du temporel (ce qui est à César), mais aussi un culte public (César doit rendre à Dieu ce qui lui appartient). Il s’agit d’une ligne de crête. Et l’histoire penche tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre…

Dans un sens, quand Charlemagne voulait faire des papes les simples exécutants de ses volontés, dans l’autre sens, quand son fils, Louis le pieux, par un acte de 817, s’engage pour lui-même et ses successeurs à respecter et à faire respecter l’autorité pontificale. Sans un sens, quand le « saint Empire germanique » se voulait une entité supranationale à laquelle les souverains d’Europe devraient prêter allégeance, dans l’autre sens, quand Robert le pieux, fils d’Hugues Capet, y résiste.

Le christianisme ne peut pas se confondre avec une loi imposée par un pouvoir temporel, parce qu’il est aussi une lumière, une aide, une grâce, un viatique pour accomplir l’Exode vers la vie éternelle.

Pourtant, pour un chrétien, gouverner consiste à le conduire un être vers sa fin, son but. Notre époque l’a un peu oublié, les hommes sont comme dans un TGV sans connaître quelle sera la gare d’arrivée… Idéalement, le roi organise un pays dans la paix et l’unité, et il conduit un peuple à vivre selon la vertu. Mais, dit saint Thomas, « puisque l’homme n’atteint pas sa fin, qui est la fruition de Dieu, non par une vertu humaine, mais par une vertu divine… conduire à cette fin n’appartiendra pas à un gouvernement humain, mais à un gouvernement divin » [1], celui du Christ et celui du sacerdoce chrétien.

Nous voici au livre de l’Apocalypse, l’expression « royaume de prêtres –  Royauté sacerdotale » (Ex 19, 4) se retrouve dans ce que l’on peut appeler (en exégèse d’oralité), sa « perle d’ouverture ».

« Bienheureux est-il, / celui qui récite !
Et ceux qui écoutent les paroles de cette prophétie / et gardent ces [choses] qui y sont écrites !
Lui, / en effet,
le temps, / s’est approché !

Jean / aux sept Églises, celles qui [sont] en Asie :
Grâce – à vous – / et tranquillité ! 

de la part de Celui qui existe et qui existait / et Celui qui vient,

et de la part des sept esprits, / ceux-là qui [sont] devant le trône qui [est] le Sien !

et de la part de Jésus, le Messie, / lui le Témoin, lui le Fidèle,

lui le Premier-Né des morts / et le Chef des rois de la Terre !

lui qui nous aime / et nous délie

des péchés qui [sont] les nôtres / par le sang qui [est] le Sien ! 

Et qui fait de nous une Royauté sacerdotale [cf. Ex 19, 6] / pour Dieu et le Père, qui [est] le Sien,

à qui [sont] la glorification et l’empire / pour le siècle des siècles, Amen ! 

Voici, il vient avec les nuées / et tous les yeux Le verront !
Et aussi ces hommes-là / qui L’ont transpercé !

Et se lamenteront sur lui / toutes les générations de la Terre !

Oui / et Amen !
» (Ap 1, 1-7)

L’Apocalypse évoque l’harmonie future dans une vision céleste, où quatre Vivants et 24 anciens proclament les louanges du Christ en disant :

« Tu es digne de le prendre, l’Écrit, / et de délier ses sceaux !
parce que Tu as été immolé / et que Tu nous as rachetés par Ton sang pour Dieu,

de toutes les générations / et peuples et nations,

et que Tu en as fait, pour notre Dieu, un Règne et des prêtres et des rois, / et qu’ils règneront sur la terre !
[cf. Ex 19, 6] » (Ap 5, 9-10)

C’est l’annonce de l’heureux temps de la Parousie. notre p7re deded Tout ce qui a été vécu dans le temps de l’Ancien Testament et dans le temps de la chrétienté n’en est qu’une pâle préparation, et nous, nous ne pouvons pas devancer cet heureux temps de la Parousie,  car nous ne pouvons pas opérer le jugement de l’Antichrist ou de la bête à la place du Christ venant dans la gloire, un jugement sans lequel le règne de Dieu ne pourra pas s’accomplir sur la terre comme au ciel.

Psaume (Ps 99 (100), 1-2, 3, 5)

Acclamez le Seigneur, terre entière, servez le Seigneur dans l’allégresse, venez à lui avec des chants de joie ! Reconnaissez que le Seigneur est Dieu : il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau. Oui, le Seigneur est bon, éternel est son amour, sa fidélité demeure d’âge en âge. 

De nos jours, nous ressemblons parfois à un troupeau dispersé, mais le Seigneur est notre berger, il nous rassemblera, il fera la moisson (Ap 14, 15). Nous allons suivre ici Jean-Paul II, audience générale du mercredi 7 novembre 2001 :

« La tradition d'Israël a imposé à l'hymne de louange qui vient d'être proclamé le titre de "Psaume pour la todáh", c'est-à-dire pour l'action de grâce dans le chant liturgique, raison pour laquelle il est bien adapté pour être entonné lors des Laudes du matin. Dans les versets peu nombreux de cet hymne joyeux, on peut identifier trois éléments significatifs :

Il y a tout d'abord l'appel pressant à la prière, clairement décrite dans une dimension liturgique. Il suffit d'établir la liste des verbes à l'impératif « Acclamez le Seigneur, terre entière, servez le Seigneur dans l’allégresse, venez à lui avec des chants de joie ! Reconnaissez que le Seigneur est Dieu ». […] Il s'agit d'une série d'invitations, non seulement à pénétrer dans l'aire sacrée du temple à travers les portes et les cours (cf. Ps 14, 1; 23, 3.7-10), mais également à élever joyeusement un hymne à Dieu. C'est une sorte de  fil  constant de louange qui ne se rompt jamais, s'exprimant dans une profession de foi et d'amour permanente. Une louange qui s'élève de la terre vers Dieu, mais,  qui dans le même temps, nourrit l'âme du croyant.

Je voudrais formuler une deuxième petite observation à propos du début même du chant, où le Psalmiste appelle toute la terre à acclamer le Seigneur (cf. v. 1). Certes, le Psalmiste tournera ensuite son attention vers le peuple de l'élection, mais l'horizon de la louange est universel, comme cela se produit souvent dans le Psautier, en particulier dans ce qu'on appelle les "hymnes au Seigneur Roi" (cf. Ps 95-98). Le monde et l'histoire ne sont pas entre les mains du destin, du chaos, d'une nécessité aveugle. Ils sont en revanche gouvernés par un Dieu qui est assurément mystérieux, mais qui désire dans le même temps que l'humanité vive de façon stable selon des relations justes et authentiques :  " le Seigneur règne. Le monde est stable, point ne bronchera. Sur les peuples il prononce avec droiture [...] il jugera le monde en justice et les peuples en sa vérité" (Ps 95, 10.13).Nous nous trouvons donc tous entre les mains de Dieu, Seigneur et Roi, et nous le célébrons tous, certains qu'il ne nous laissera pas tomber de ses mains de Créateur et de Père.

Sous cette lumière, on peut davantage apprécier le troisième élément significatif du Psaume. Au centre de la louange que le Psalmiste place sur nos lèvres, se trouve en effet une sorte de profession de foi, exprimée à travers une série de qualificatifs qui définissent la réalité intime de Dieu. Ce credo essentiel contient les affirmations suivantes :  le Seigneur est Dieu, le Seigneur est notre créateur, nous sommes son peuple, le Seigneur est bon, son amour est éternel, sa fidélité n'a pas de fin (cf. vv. 3-5).

Nous avons tout d'abord une confession de foi renouvelée dans l'unique Dieu, comme le demande le premier commandement du Décalogue :  "Je suis le Seigneur, ton Dieu [...] Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi" (Ex 20, 2.3). Et comme il est souvent répété dans la Bible :  "Sache-le donc aujourd'hui et médite-le dans ton cœur :  c'est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre, lui et nul autre" (Dt 4, 39). On proclame ensuite la foi dans le Dieu créateur, source de l'être et de la vie. Suit l'affirmation, exprimée à travers la "formule du pacte", de la certitude qu'Israël a de l'élection divine :  "Nous sommes à lui, son peuple et le troupeau de son bercail" (v. 3). C'est une certitude que les fidèles du nouveau Peuple de Dieu font leur, en ayant conscience de constituer le troupeau que le Pasteur suprême des âmes conduit aux pâturages éternels du ciel (cf. 1 P 2, 25).

Après la proclamation du Dieu unique, créateur et source de l'alliance, le portrait du Seigneur chanté par notre Psaume est poursuivi à travers la méditation des trois qualités divines souvent exaltées dans le Psautier : la bonté, l'amour miséricordieux (hésed), la fidélité. Ce sont les trois vertus qui caractérisent l'alliance de Dieu avec son peuple ; elles expriment un lien qui ne se rompra jamais, à travers le flux des générations et malgré le fleuve boueux des péchés, des rébellions et des infidélités humaines. Avec une confiance sereine dans l'amour divin qui ne fera jamais défaut, le Peuple de Dieu s'engage dans l'histoire avec ses tentations et ses faiblesses quotidiennes.

Cette confiance devient un chant, pour lequel les mots ne suffisent parfois plus, comme l'observe saint Augustin :  "Plus la charité augmentera, plus tu te rendras compte que tu disais sans dire. En effet, avant de goûter certaines choses, tu croyais pouvoir utiliser des mots pour indiquer Dieu ; en revanche, quand tu as commencé à en sentir le goût, tu t'es aperçu que tu n'es pas en mesure d'expliquer de façon adaptée ce que tu éprouves. Devrais-tu pour autant te taire et ne pas élever de louanges ?... Absolument pas. Tu ne seras pas aussi ingrat. C'est à lui qu'est dû l'honneur, le respect, la louange la plus grande... Ecoute le Psaume:  "Acclamez le Seigneur, toute la terre". Tu comprendras la joie de toute la terre, si toi-même tu te réjouis devant le Seigneur" (Discours sur   les Psaumes III/1, Rome 1993, p. 459) ». (Jean-Paul II, audience générale du mercredi 7 novembre 2001)       

                                         

Deuxième lecture (Rm 5, 6-11)

« Frères, alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions. Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. À plus forte raison, maintenant que le sang du Christ nous a fait devenir des justes, serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu. En effet, si nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils alors que nous étions ses ennemis, à plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés, serons-nous sauvés en ayant part à sa vie. Bien plus, nous mettons notre fierté en Dieu, par notre Seigneur Jésus Christ, par qui, maintenant, nous avons reçu la réconciliation. – Parole du Seigneur ». 

Celui qui « est passé en faisant le bien et en rendant la santé » (Ac 10,38), « en guérissant toute maladie et toute langueur » (Mt 9,35), a été arrêté, outragé, condamné, flagellé, couronné d'épines, cloué à la croix et a expiré dans d'atroces tourments (Mc 15,37 ; Jn 19,30). Même ceux qui lui sont les plus proches ne savent pas le protéger et l'arracher aux mains des oppresseurs. Mais, dans cette étape finale de la vie du Messie, s'accomplissent les paroles des prophètes, et surtout celles d'Isaïe, au sujet du serviteur du Seigneur : « Dans ses blessures, nous trouvons la guérison » (Is 53,5).

Jean-Paul II explique : « Dans la passion et la mort du Christ - dans le fait que le Père n'a pas épargné son Fils, mais "l'a fait péché pour nous" (2Co 5, 21) -, s'exprime la justice absolue, car le Christ subit la passion et la croix à cause des péchés de l'humanité. Il y a vraiment là une "surabondance" de justice, puisque les péchés de l'homme se trouvent "compensés" par le sacrifice de l'Homme-Dieu. Toutefois cette justice, qui est au sens propre justice "à la mesure" de Dieu, naît tout entière de l'amour, de l'amour du Père et du Fils, et elle s'épanouit tout entière dans l'amour. C'est précisément pour cela que la justice divine révélée dans la croix du Christ est "à la mesure" de Dieu, parce qu'elle naît de l'amour et s'accomplit dans l'amour, en portant des fruits de salut.

La dimension divine de la rédemption ne se réalise pas seulement dans le fait de faire justice du péché, mais dans celui de rendre à l'amour la force créatrice grâce à laquelle l'homme a de nouveau accès à la plénitude de vie et de sainteté qui vient de Dieu. De la sorte, la rédemption porte en soi la révélation de la miséricorde en sa plénitude. 

[…] La dimension divine du mystère pascal va toutefois encore plus loin. La croix plantée sur le calvaire, et sur laquelle le Christ tient son ultime dialogue avec le Père, émerge du centre même de l'amour dont l'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, a été gratifié selon l'éternel dessein de Dieu. Dieu, tel que le Christ l'a révélé, n'est pas seulement en rapport étroit avec le monde en tant que Créateur et source ultime de l'existence. Il est aussi Père : il est uni à l'homme, qu'il a appelé à l'existence dans le monde visible, par un lien encore plus profond que celui de la création. C'est l'amour qui non seulement crée le bien, mais qui fait participer à la vie même de Dieu Père, Fils et Esprit Saint. En effet, celui qui aime désire se donner lui-même » (Encyclique Dives in Misericordia 7, année 1984).

De plus, « "Si, étant ennemis, nous fûmes réconciliés à Dieu par la mort de son Fils – écrit saint Paul aux Romains - , combien plus, une fois réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie, et pas seulement cela, mais nous nous glorifions en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ par qui dès à présent nous avons obtenu la réconciliation" (Rm 5,10-11 cf. Col 1,20-22). Puisque donc "Dieu ... nous a réconciliés avec Lui par le Christ", Paul se sent poussé à exhorter les chrétiens de Corinthe : "Laissez-vous réconcilier avec Dieu" (2Co 5,18 5,20). […]
Saint Paul encore nous permet d'élargir à des dimensions cosmiques notre vision de l'oeuvre du Christ lorsqu'il écrit qu'en lui le Père s'est réconcilié toutes les créatures, celles du ciel et celles de la terre (Col 1,20). On peut vraiment dire du Christ Rédempteur que, "au temps de la colère, il a été fait réconciliation" (Si 44,17) et que, s'il est "notre paix" (Ep 2,14), il est aussi notre réconciliation.
C'est à juste titre que sa passion et sa mort, sacramentellement renouvelées dans l'Eucharistie, sont appelées par la liturgie "sacrifice qui réconcilie" (Prière eucharistique III) : qui réconcilie avec Dieu et avec les frères, puisque Jésus lui-même enseigne que la réconciliation fraternelle doit s'effectuer avant le sacrifice (Mt 5,23-24) ». (Reconciliatio paenitentia 7)

Les douze apôtres n'étaient pas des hommes parfaits, choisis pour leur caractère moral et religieux irrépréhensible. Ils étaient croyants, oui, pleins d'enthousiasme et de zèle, mais marqués en même temps par leurs limites humaines, parfois même graves. Jésus ne les appela donc pas parce qu'ils étaient déjà saints, complets, parfaits, mais afin qu'ils le deviennent, afin qu'ils soient transformés pour transformer ainsi l'histoire aussi. Tout comme pour nous. Comme pour tous les chrétiens. Dans la deuxième lecture, nous avons entendu la synthèse de l'apôtre Paul :  "Or la preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs" (Rm 5, 8). L'Église est la communauté des pécheurs qui croient à l'amour de Dieu et se laissent transformer par Lui, et deviennent ainsi saints, et sanctifient le monde.

 

Évangile (Mt 9, 36 – 10, 8)

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger. Il dit alors à ses disciples : ‘La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson’. Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité. Voici les noms des douze Apôtres : le premier, Simon, nommé Pierre ; André son frère ; Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ; Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée ; Simon le Zélote et Judas l’Iscariote, celui-là même qui le livra. Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes : ‘Ne prenez pas le chemin qui mène vers les nations païennes et n’entrez dans aucune ville des Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. Sur votre route, proclamez que le royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement’. » – Acclamons la Parole de Dieu. 

« Les textes bibliques, que nous avons écoutés, nous aident à comprendre la réalité de l'Église :  la première lecture (cf. Ex 19, 2-6a) évoque l'alliance établie près du Mont Sinaï, au cours de l'exode hors d'Égypte ; l'Évangile (cf. Mt 9, 36-10,8) est constitué par le récit de l'appel et de la mission des douze Apôtres. Nous y trouvons présentée la "constitution" de l'Église :  comment ne pas percevoir l'invitation implicite adressée à chaque communauté à se renouveler dans sa propre vocation et dans son propre élan missionnaire ? Dans la première lecture, l'auteur sacré raconte le pacte de Dieu avec Moïse et avec Israël au Sinaï. C'est l'une des grandes étapes de l'histoire du salut, l'un de ces moments qui transcendent l'histoire elle-même, où la frontière entre l'Ancien et le Nouveau Testament disparaît et où se manifeste le dessein éternel du Dieu de l'Alliance :  le dessein de sauver tous les hommes à travers la sanctification d'un peuple, auquel Dieu propose de devenir "mon bien propre parmi tous les peuples" (Ex 19, 5). Dans cette perspective, le peuple est appelé à devenir "une nation sainte", non seulement au sens moral, mais d'abord, et surtout, dans sa réalité ontologique, dans son être de peuple. La manière dont on doit comprendre l'identité de ce peuple s'est déjà progressivement manifestée au cours des événements salvifiques de l'Ancien Testament ; elle s'est ensuite pleinement révélée avec la venue de Jésus-Christ. L'Évangile d'aujourd'hui nous présente un moment décisif pour cette révélation. En effet, lorsque Jésus appela les Douze, il voulait se référer symboliquement aux tribus d'Israël, qui remontent aux douze fils de Jacob. C'est pourquoi, en plaçant les Douze au centre de sa nouvelle communauté, Il fait comprendre qu'il est venu mener à bien le dessein du Père céleste, même si ce n'est qu'à la Pentecôte qu'apparaîtra le nouveau visage de l'Église :  lorsque les Douze "remplis d'Esprit Saint", proclameront l'Évangile en parlant toutes les langues (Ac 2, 3-4). […]

Le style de Jésus est unique :  c'est le style caractéristique de Dieu, qui aime accomplir les choses les plus grandes d'une manière pauvre et humble. La solennité des récits de l'alliance du Livre de l'Exode laisse place dans les Évangiles à des gestes humbles et discrets, qui contiennent cependant un immense potentiel de renouveau. C'est la logique du Royaume de Dieu, qui n'est pas représenté par hasard par la petite graine qui devient un grand arbre (cf. Mt 13, 31-32). Le pacte du Sinaï est accompagné par des signes cosmiques qui abattent les Israélites ; les débuts de l'Église qui est en Galilée sont en revanche privés de ces manifestations, ils reflètent la douceur et la compassion du cœur du Christ, mais annoncent une autre lutte, un autre bouleversement qui est celui suscité par les puissances du mal. Au Douze - avons-nous entendu -, Il "donna le pouvoir d'expulser les esprits mauvais et de guérir toute maladie et toute infirmité" (Mt 10, 1). Les Douze devront coopérer avec Jésus pour instaurer le Royaume de Dieu, c'est-à-dire sa seigneurie bénéfique, porteuse de vie, et de vie en abondance pour l'humanité tout entière. Substantiellement, l'Église, comme le Christ et avec Lui, est appelée et envoyée pour instaurer le Royaume de la vie et chasser la domination de la mort, pour que la vie de Dieu triomphe dans le monde. Que triomphe Dieu, qui est Amour. Cette œuvre du Christ est toujours silencieuse, elle n'est pas spectaculaire ; c'est justement dans l'humilité de l'être Église, de vivre chaque jour l'Évangile, que grandit le grand arbre de la vie. C'est avec ces débuts humbles que le Seigneur nous encourage afin que, même dans l'humilité de l'Église d'aujourd'hui, dans la pauvreté de notre vie chrétienne, nous puissions voir sa présence et avoir ainsi le courage d'aller à sa rencontre et de rendre présent sur cette terre son amour, cette force de paix et de vie véritable.

Tel est donc le dessein de Dieu :  répandre sur l'humanité et sur l'univers tout entier son amour qui engendre la vie. Ce n'est pas un processus spectaculaire ; c'est un processus humble, qui porte cependant avec soi la vraie force de l'avenir et de l'histoire. C'est donc un projet que le Seigneur veut réaliser dans le respect de notre liberté, car l'amour par sa nature ne peut pas être imposé. L'Église est alors, dans le Christ, l'espace d'accueil et de médiation de l'amour de Dieu. Dans cette perspective, il apparaît clairement comment la sainteté et le caractère missionnaire de l'Église constituent deux revers de la même médaille:  ce n'est qu'en tant que sainte, c'est-à-dire comblée de l'amour divin, que l'Église peut remplir sa mission, et c'est précisément en fonction de cette tâche que Dieu l'a choisie et sanctifiée comme sa propriété. Notre premier devoir est donc, justement pour assainir ce monde, celui d'être saints, conformes à Dieu ; de cette manière une force sanctifiante et transformante vient de nous qui agit également sur les autres, sur l'histoire.

[…] A l'évêque et aux prêtres, je répète avec ferveur les paroles du Maître divin:  "Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement" (Mt 10, 8). Aujourd'hui encore, ce mandat s'adresse tout d'abord à vous.  » (Benoît XVI, homélie du 15 juin 2008). 

 

[1] Saint Thomas d’Aquin, De regno, Livre 1, 7.

Date de dernière mise à jour : 05/08/2023