14e dimanche - Temps ordinaire

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

Evangile 14e dimanche ordinaire mt 11 25 30Evangile du 14e dimanche ordinaire Mt 11, 25-30 (74.09 Ko)

Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

Et Radio Ecclésia et en Corse.

Première lecture (Za 9, 9-10)

Psaume (Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14)

Deuxième lecture (Rm 8, 9.11-13)

Évangile (Mt 11, 25-30)

Première lecture (Za 9, 9-10)

Ainsi parle le Seigneur : « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre, et de l’Euphrate à l’autre bout du pays. » – Parole du Seigneur.

Il est question d’un roi qui proclamera la paix aux nations. Nous pensons d’abord à un roi comme Salomon, dont le nom est construit sur la racine du mot paix, Shalom. C’est lui qui a bâti le premier Temple, comme il est écrit : « David dit à Salomon : "Mon fils, j’ai désiré bâtir une maison pour le nom de YHWH mon Dieu. Mais la parole de YHWH me fut adressée : Tu as versé beaucoup de sang et livré de grandes batailles, tu ne bâtiras pas de maison à mon nom, car en ma présence tu as répandu beaucoup de sang à terre. Voici qu’un fils t’est né ; lui sera un homme de paix et je le mettrai en paix avec tous ses ennemis alentour, car Salomon sera son nom, et c’est en ses jours que je donnerai à Israël paix et tranquillité. Il bâtira une maison à mon nom, il sera pour moi un fils et je serai pour lui un père, j’affermirai le trône de sa royauté sur Israël pour toujours » (1Ch 22, 7-10). Mais la paix n’a pas duré. Quelques siècles après, détruit par Nabuchodonosor, le Temple fut rebâti après l’exil. Mais ce second Temple fut profané au temps d’Antiochus IV Épiphane, greco-syrien.

Suivons maintenant les explications de Gabrielle Lévy, dans son livre « Le 3e Temple et l’ultime Shabbat ». Après leurs victoires militaires contre les gréco-syriens, les Maccabim (Maccabées) voulurent purifier le Temple en allumant la Menorah. Ils auraient pu dire « attendons des conditions meilleures », car il n’y avait au Temple de l’huile consacrée que pour une journée, mais leur confiance en D.ieu obtint le miracle : la Menorah resta miraculeusement allumée pendant les huit jours nécessaires à la fabrication de l’huile sacrée. Ce miracle est commémoré tous les ans pendant la fête de Hanoukka, pendant huit jours jusqu’au 25 Kisleu (solstice d’hiver). Le Talmud fait mémoire de ce miracle [1], mais les livres des Maccabim sont considérés par les juifs comme apocryphes. « La discrétion sur l’épopée militaire signifie que le sens de la vraie victoire ne se trouve pas du côté de la force des armes, mais de celle des âmes. Ainsi, la tradition juive, en n’intégrant pas dans le canon biblique le récit des exploits guerriers des Maccabim, a voulu nous mettre en garde contre la tentation païenne : celle de la glorification des triomphes militaires et des nationalismes guerriers, et contre une illusion, celle du sens armé de l’histoire. Ce sont les flammes du chandelier et leur lumière spirituelle qu’a retenues la tradition » [2]. Après avoir montré à Zacharie un chandelier analogue : « un lampadaire tout en or, avec un réservoir à son sommet ; sept lampes sont sur le lampadaire », l’ange de Dieu explique au prophète : « Ce n’est pas par la puissance, ni par la force, mais par mon Esprit -- dit YHWH Sabaot » (Za 4, 6).

Dans la lecture de ce dimanche, le prophète Zacharie annonce un royaume messianique qui s’étendrait d’une mer à l’autre et qui serait un royaume de paix (Za 9, 9s). Peu avant la Passion de Jésus, portant des rameaux, la foule « acclame » Jésus « roi d’Israël », et le salut apporté par la royauté du Messie (Jn 12, 12-13). Le geste de Jésus, qui s’assied sur un ânon (Jn 12, 14-15), accomplit la prophétie de Zacharie : « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi [c’est-à-dire Jésus] : il est juste et victorieux [victorieux de Satan], humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. Il retranchera d’Ephraïm la charrerie et de Jérusalem les chevaux ; l’arc de guerre sera retranché. Il annoncera la paix aux nations. Son empire ira de la mer à la mer et du Fleuve aux extrémités de la terre » (Za 9, 9-10 BJ).

L’âne s’oppose au cheval de guerre. David n’avait pas pu bâtir le Temple parce qu’il avait trop guerroyé, aussi était-ce son fils Salomon, le pacifique, qui l’avait bâti. Jésus, qui avait annoncé qu’il relèverai le temple (Jn 2, 19), annonce maintenant par un geste fort que sa royauté est pacifique, comme l’était celle de Salomon, cependant, les disciples ne le comprennent pas tout de suite.

Jésus a apporté la paix, mais cette paix doit être reçue. Et « partout où l’Eucharistie est célébrée et où les hommes deviennent un seul corps à partir du Seigneur, il y a quelque chose de cette paix que Jésus-Christ a promis de donner à ses disciples » [3].

Mais ceux qui n’acceptaient pas Jésus comme le Messie se divisèrent entre l’école de Shammaï qui épousera la cause des zélotes, et le parti de la paix autour de l’école rabbinique d’Hillel, comprenant Agrippa II et sa sœur Bérénice. Au moment de l’insurrection juive des années 66-70, le parti révolutionnaire (zélote) prit le dessus, poussant d’autres Juifs à entrer dans leur jeu ou au contraire en les poussant hors de la communauté juive, de sorte qu’Agrippa II dut fuir Jérusalem [4]. Les guerres juives produisirent la destruction du Temple de Jérusalem et la dispersion des Juifs.

Jésus-Christ, c’est-à-dire, littéralement, Jésus le Messie, a affirmé avant son Ascension que ce n’était pas encore l’heure de l’établissement glorieux du Royaume messianique attendu par Israël (cf. Ac 1, 6-7) qui doit apporter à tous les hommes, selon les prophètes (cf. Is 11, 1-9), l’ordre définitif de la justice, de l’amour et de la paix (CEC 672). Nous attendons encore sa venue dans la gloire.

Jésus a annoncé qu’il reviendrait en tant que Fils de l’homme sur les nuées du Ciel, inaugurant, à travers un jugement, le temps de « la Parousie », un temps sur la terre qui préparera l’humanité et le cosmos à entrer dans l’éternité. La Parousie sera ce que saint IRÉNÉE appelle un royaume des justes sur la terre, « le prélude de l’incorruptibilité, royaume par lequel ceux qui en auront été jugés dignes s’accoutumeront peu à peu à saisir Dieu » [5], ce sera le « vrai shabbat des justes » [6].

Le penseur juif Abraham HESCHEL disait au sujet du Shabbat hebdomadaire : « le pur et silencieux repos du shabbat nous mène vers un royaume de paix infinie, au seuil de l’éternité » [7]. Et justement, l’eschatologie chrétienne donne l’explication, comme le présente Gabrielle Lévy, Le 3e Temple et l’ultime Shabbat, l’arbre de vie et le secret de Marie, éditions Vérone, Paris 2022.

Psaume (Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14)

Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ; je bénirai ton nom toujours et à jamais ! Chaque jour je te bénirai, je louerai ton nom toujours et à jamais. Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres. Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent ! Ils diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits. Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit, fidèle en tout ce qu’il fait. Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, il redresse tous les accablés.

Dans la Bible, le psaume est intitulé « Louange. De David » (Ps 145, 1). David est traditionnellement considéré comme l’auteur des psaumes. Mais, pour les chrétiens, Jésus-Christ est le Fils de David, ou plutôt le Seigneur de David (Mc 12, 36) et donc l’Orant des Psaumes, à partir de qui et avec qui nous les lisons et qui les prions. La signification historique originelle des textes ne doit pas être pour autant abolie, mais elle doit être dépassée.

« La lettre enseigne les faits, l’allégorie ce que tu crois, le sens moral ce que tu fais, l’anagogie ce vers quoi tu tends » (CEC 118).

« La lettre enseigne les faits » (CEC 118). Le sens historique se lit par exemple dans la vie de David, quand il adressa à Dieu un cantique pour le bénir de l’avoir délivré de tous ses ennemis et de la main de Saül « Dans mon angoisse j’invoquai Yahvé et vers mon Dieu je lançai mon cri ; il entendit de son temple ma voix et mon cri parvint à ses oreilles » Et « Tu m’exaltes par-dessus mes agresseurs, tu me libères de l’homme de violence. Aussi je te louerai, Yahvé, chez les païens, et je veux jouer pour ton nom. Il multiplie pour son roi les délivrances et montre de l’amour pour son oint, pour David et sa descendance à jamais. » (2Samuel 22).

« L’allégorie enseigne ce que tu crois » (CEC 118). L’allégorie, c’est ce qui annonce le Christ. « Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ; je bénirai ton nom toujours et à jamais ! » c’est ce qu’a fait la foule, peu avant la Passion de Jésus, en portant des rameaux. La foule « acclame » Jésus « roi d’Israël », et le salut apporté par la royauté du Messie (Jn 12, 12-13), tandis que Jésus accomplit la prophétie de Zacharie « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux [victorieux de Satan], humble, monté sur un âne » (Za 9, 9). David avait été délivré de la violence de Saul, Jésus a été soumis à la violence satanique de ses bourreaux, mais il a été délivré de la mort. Il est sorti du tombeau. Il est vivant, vainqueur de Satan, du mal et de la mort. « Chaque jour je te bénirai, je louerai ton nom toujours et à jamais ». Et la meilleure manière de le faire consiste à participer à la Messe, à l’Eucharistie, le mot « Eucharistie » signifiant « action de grâce » (même si nous ne communions pas) : Nous le bénissons pour la Passion d’amour et pour sa mort d’amour et pour sa résurrection d’amour. Nous bénissons le Père pour tout ce que le Christ a vécu. La bonté du Seigneur, c’est la bonté de Dieu le Père, et c’est aussi la bonté de son Fils Jésus, et cette bonté est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres. De même, on peut dire de Jésus : « Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, il redresse tous les accablés ».

« Le sens moral enseigne ce que tu fais » (CEC 118). Le sens moral pourrait être résumé en ces termes : aujourd’hui, je suis invité à me laisser aimer, à me faire pardonner, à être consolé. « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ». Ensuite, à mon tour, je suis invité à aimer les autres et à avoir de la tendresse pour mon entourage, car « la bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres ». Le sens moral, c’est aussi de savoir témoigner de l’action de Dieu dans notre vie : « Ils diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits ».

« L’anagogie enseigne ce vers quoi tu tends » (CEC 118). L’anagogie peut être développée à partir du verset : « Ils diront la gloire de ton règne ». En effet, la gloire du règne du Christ sera manifestée lors de la Parousie. Dans la première lecture de ce dimanche, les paroles « il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre » étaient une promesse. Et la prière du Notre Père « Que ton règne vienne sur la terre comme au ciel » est aussi une promesse. Et le psaume nous assure : « Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit, fidèle en tout ce qu’il fait. » C’est Jésus qui exprime cette louange en nous, même si nous avons une vie difficile, parce que le règne de Dieu se réalisera, sur la terre comme au Ciel.

Et quand nous prions « Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ; je bénirai ton nom toujours et à jamais ! » nous nous préparons à accueillir sa venue glorieuse et nous la hâtons. Quand nous prions « Chaque jour je te bénirai, je louerai ton nom toujours et à jamais », nous devançons la louange qui dilatera notre cœur au Ciel dans l’éternité.

Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus loue le Père, il est vraiment le Fils de David, ou plutôt le Seigneur de David, et il nous enseigne à louer Dieu.

« Je te rends grâce, Mon-Père, / Seigneur des cieux et de la terre,
d’avoir voilé ceci aux sages et aux prudents [sakkalṭane] / et de l’avoir dévoilé aux petits enfants ».

Jésus avait fait de nombreux miracles, de nombreux actes de puissance, à Chorazin, à Bethsaïde, à Capharnaüm, mais ces villes ne s’étaient pas converties. Et Jésus dit que Capharnaüm sera jugé sévèrement. Juste après, et c’est l’évangile de ce dimanche, Jésus met en valeur les petits enfants. Les petits enfants ont ceci de particulier qu’ils ne sont pas encombrés pour percevoir l’amour et la bonté de Dieu, c’est pourquoi ils comprennent Jésus. David était le plus jeune de ses frères. Et il fut un roi selon le cœur de Dieu. Pour entrer dans la louange, il faut retrouver une certaine fraîcheur du cœur. Le savoir humain, la prudence humaine, les calculs humains, nous font passer à côté de la dimension divine. La louange, au contraire, nous fait entrer dans cette dimension et nous dilate.

Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ; je bénirai ton nom toujours et à jamais ! Chaque jour je te bénirai, je louerai ton nom toujours et à jamais. Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres. Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent ! Ils diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits. Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit, fidèle en tout ce qu’il fait. Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, il redresse tous les accablés.

Deuxième lecture (Rm 8, 9.11-13)

Frères, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais elle n’est pas envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez. – Parole du Seigneur (Rm 8, 9.11-13)

Paul parle de l’emprise de la chair. Les exigences de la chair font d’elle le siège des passions et l’instrument du péché. Certes, comme tout homme, le chrétien est charnel. En raison de sa condition humaine, il vit dans la chair, mais non pas « selon la chair », c’est-à-dire en s’abandonnant à ses impulsions et à ses tyrannies. Celui qui ne maîtrise pas ses sens en devient esclave, par exemple, dépendant d’une boisson, addict d’une musique, incapable de se séparer de son écran ; sa chair, c’est-à-dire sa bouche, ses yeux, ses oreilles, etc., deviennent des tyrannies. Dans la vie selon l’Esprit où il s’engage, le baptisé est intégré au corps du Christ, qui lui-même s’est fait chair, et il obtient sa purification et sa sanctification, sa libération et son salut, la participation à la vie divine.

La lettre aux Corinthiens offre une explication opportune :

« "Tout m’est permis" ; mais tout n’est pas profitable. "Tout m’est permis" ; mais je ne me laisserai, moi, dominer par rien. Les aliments sont pour le ventre et le ventre pour les aliments, et Dieu détruira ceux-ci comme celui-là. Mais le corps n’est pas pour la fornication ; il est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance. Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ ? Et j’irais prendre les membres du Christ pour en faire des membres de prostituée ! Jamais de la vie ! Ou bien ne savez-vous pas que celui qui s’unit à la prostituée n’est avec elle qu’un seul corps ? Car il est dit : Les deux ne seront qu’une seule chair. Celui qui s’unit au Seigneur, au contraire, n’est avec lui qu’un seul esprit. Fuyez la fornication ! Tout péché que l’homme peut commettre est extérieur à son corps ; celui qui fornique, lui, pèche contre son propre corps. Ou bien ne savez-vous pas que votre corps est un temple du Saint Esprit, qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? Et que vous ne vous appartenez pas ? Vous avez été bel et bien achetés ! Glorifiez donc Dieu dans votre corps » (1Co 6, 12-20)

Dans la lettre aux Romains, qui vient après celle aux Corinthiens, Paul approfondit ce thème, et nous lisons en ce dimanche qu’il annonce la résurrection en ces termes : « Mais si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous ». La formule est trinitaire : Celui qui a ressuscité Jésus, c’est le Père ; l’Esprit, c’est l’Esprit Saint. Dieu est Trinité, il est vivant, il est un Dieu de vie, parce qu’il est Trinité. Le péché nous sépare du Dieu de vie, et Paul écrit : « Si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez ».

Si l’on prend l’histoire biblique, la foi en la résurrection a eu diverses étapes.

Lorsque le prophète Élie ressuscite le fils de la veuve de Sarepta, il le fait en invoquant le Seigneur (1R 17, 20). Dieu a le pouvoir de ramener les morts à la vie, mais ceci doit être distingué de la résurrection générale, évoquée en particulier par 2 Maccabées 7, 14 (résurrection des justes) et Daniel 12, 2 (résurrection générale, « les uns pour la vie éternelle... les autres pour l’horreur éternelle »).

La résurrection de Jésus apporte ceci de nouveau qu’elle manifeste dans ce monde-ci la vie ressuscitée. Le Ressuscité a une corporéité (Thomas le touche, Jésus mange), mais sa corporéité n’est pas soumise aux lois de ce monde (Jésus entre alors que toutes les portes sont closes, il apparaît et disparaît). La puissance paisible du Messie crucifié qui s’éveille projette une lumière nouvelle sur le lin précieux que les disciples ont retrouvé « à plat » dans le tombeau vide (Jn 20, 3-10). Le fait de la Vie à venir après la mort, désormais authentiquement historique, relègue la science aux balbutiements d’une humanité ébahie, sans toutefois contraindre l’intelligence : la résurrection est un signe qui requiert l’adhésion de la foi. Dieu fait signe, comme il le fit déjà à Élie dans la douceur d’un murmure léger. Par son Amour, Jésus le Messie a déjà vaincu l’impossible transition de la matière biologique vers sa glorification dans une vie éternelle.

« Dans l’Église naissante, quelque chose d’inouï s’est produit : à la place du samedi, du septième jour, vient le premier jour. Comme jour de l’assemblée liturgique, il est le jour de la rencontre avec Dieu par Jésus-Christ qui, le premier jour, le dimanche, a rencontré les siens en tant que Ressuscité, après que ceux-ci eurent trouvé le tombeau vide. La structure de la semaine est maintenant renversée. Elle n’est plus dirigée vers le septième jour, pour y participer au repos de Dieu. Elle commence par le premier jour comme jour de la rencontre avec le Ressuscité.

Si nous nous rappelons que le parcours depuis le travail jusqu’au jour du repos correspond aussi à une logique naturelle, le caractère dramatique de ce tournant devient encore plus évident. Ce processus révolutionnaire, qui s’est vérifié tout de suite au début du développement de l’Église, n’est explicable que par le fait qu’en ce jour quelque chose d’inouï était arrivé. […] Le premier jour, selon le récit de la Genèse, est le jour où commence la création. À présent il était devenu d’une façon nouvelle le jour de la création, il était devenu le jour de la nouvelle création. Nous célébrons le premier jour. » [8].
Alors : bon dimanche !

Et n’oubliez pas que chaque dimanche, nous sommes réunis en l’honneur de la résurrection. Et n’oubliez pas ce que nous dit saint Paul : « Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous ».

Évangile (Mt 11, 25-30)

25 Jésus répondit / et dit :
Je te rends grâce, Mon-Père, / Seigneur des cieux et de la terre,

d’avoir voilé ceci aux sages et aux prudents / et de l’avoir dévoilé aux petits enfants.

26 Oui, mon Père, / ainsi fut ton bon plaisir devant toi.

Tout m’a été transmis / par mon Père ;

27 personne ne connaît le Fils, / sinon le Père,

et personne ne connaît le Père, / sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.

28 Venez à moi, / vous tous qui peinez

et qui portez des fardeaux, / et moi, je vous déchargerai.

29 Prenez sur vous mon joug, / apprenez de moi,
que je suis reposé / et humble de cœur,

30 et vous trouverez le repos / pour votre âme.

M
on joug est suave à porter, / et mon fardeau est léger.

Explications :

« Jésus répondit / et dit » : Jésus répond à ceux qui l’épient et le jugent de haut, sans se convertir.

« Je te rends grâce, Mon-Père, / Seigneur des cieux et de la terre,
d’avoir voilé ceci aux sages et aux prudents
[ḥakkīme w-sakkūlṯāne] / et de l’avoir dévoilé aux petits enfants.

Oui, mon Père, / ainsi fut ton bon plaisir devant toi ».

Lorsque Jésus dit que le Père a « caché ces choses-ci aux sages [ḥakkīme] et aux prudents » (Mt 11, 25), il ne fait pas pas l’éloge de la bêtise. D’ailleurs, peu avant, Jésus recommande aux disciples envoyés en mission d’être sages [ḥakkīme] comme les serpents (Mt 10, 16).

Ici, Jésus se situe dans la ligne de l’oracle d’Isaïe : « Le Seigneur a dit : Parce que ce peuple est près de moi en paroles et me glorifie de ses lèvres, mais que son cœur est loin de moi et que sa crainte n’est qu’un commandement humain, une leçon apprise, eh bien ! voici que je vais continuer à étonner ce peuple par des prodiges et des merveilles ; la sagesse des sages [ḥakkīme] se perdra et la prudence des prudents [sakkūlṯāne] s’envolera » (Is 29, 13-14).

Les « petits » renouent avec la tradition biblique du petit David battant Goliath, ou les oracles prophétiques sur le petit reste d’Israël. La confiance des petits enfants provoque la générosité de Dieu qui les comble et les fait entrer dans la profondeur de son cœur.

Dieu se donne à connaître, il se « révèle ». Jésus indique quelque chose de sa vie divine en soulignant qu’elle est inconnaissable si elle n’est pas révélée.

« Tout m’a été transmis / par mon Père ;
personne ne connaît le Fils, / sinon le Père,

et personne ne connaît le Père, / sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler ».

La double révélation du Père et du Fils ne saurait l’être que par le Saint-Esprit. Lorsque « Simon-Pierre répondit : ‘Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant’. En réponse, Jésus lui dit : ‘Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux’ » (Mt 16, 16-17). De même l’Apôtre Paul, après avoir dit : «L’oeil n’a point vu, l’oreille n’a point entendu (1Co 2,10) », ajoute aussitôt : «Mais Dieu nous l’a révélé par son esprit.»

Et saint Augustin dit : « Frères bien-aimés, quand il s’agit de célébrer la grandeur du mystère de notre salut, le prodige de la naissance du Sauveur, l’humanité doit avouer l’impuissance de ses conceptions et de sa parole. A un tel bienfait, à cette grâce infinie, que peut répondre la faiblesse de notre dévotion ? Comment concevoir que le Fils unique, consubstantiel au Père, éternel comme le Père, redoutable au ciel, à la terre et aux enfers, ait voulu se revêtir d’un corps humain pour opérer le salut de l’homme ? Quelle langue pourra raconter ce que l’intelligence ne saurait comprendre ? Quel homme tenterait de juger ce qui n’a pour auteur et pour témoin que Dieu lui-même ? Car personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père » (Augustin, Sermons 1008, 1).

Et voici la suite de l’évangile :

« Venez à moi, / vous tous qui peinez
et qui portez des fardeaux, / et moi, je vous déchargerai [ᵓanīḥḵon reposer, décharger].

Prenez sur vous mon joug, / apprenez de moi,

que je suis reposé [nīḥ , même racine que reposer, décharger] / et humble de cœur,

et vous trouverez le repos [nyāḥā : repos, plaisir, grâce, quiétude] / pour votre âme.

Mon joug est suave [basīm : agréable, c’est la même racine que le mot encens] à porter, / et mon fardeau est léger. »

Les évangiles sont constitués de fils d’oralité où les perles s’enfilent. Juste avant, Jésus avait dit aux villes de Chorazin et Bethsaïde : « Pour Tyr et Sidon ce sera le repos au jour du jugement, plus que pour vous ! » (Mt 11, 21). Et, de même, Jésus avait dit à Capharnaüm : « pour la terre de Sodome, ce sera le repos [nyāḥā : de la racine nīḥ reposer, décharger], c’est le repos de celui qui est déchargé, la quiétude, la tranquillité], au jour du jugement, plus que pour toi ! » (Mt 11, 23). Parce que si Sodome, Tyr et Sidon, avaient vu ces miracles, elles se seraient converties, et, ayant accueilli en Jésus le Messie, elles auraient été déchargées du poids de leur péchés.

Nous terminons à l’école du Carmel. « Adonne-toi au repos, rejetant de toi les soucis et ne t'inquiétant en rien de tout ce qui arrive, et tu serviras Dieu à son gré et te réjouiras en Lui » (Jean de la Croix - Lettres 201) Et cette confidence de sainte Thérèse de Lisieux : « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Evangile. Ce livre-là me suffit. J’écoute avec délices cette parole de Jésus qui me dit tout ce que j’ai à faire : ‘Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur’ ; Mt 11,29 alors j’ai la paix, selon sa douce promesse : et vous trouverez le repos de vos âmes. Elle me dit cette dernière phrase, en levant les yeux, avec une expression du Ciel ; elle ajouta le mot: « petites » à la parole de Notre Seigneur, ce qui lui donna plus de charme encore: «... Et vous trouverez le repos de vos petites âmes... » (Carnet Jaune 515).

© F. Breynaert

 

[1] Chabbat 21b.

[2] Albert GUIGUI, Le judaïsme, vécu et mémoire, Éditions Racine, Bruxelles 2004, p. 147

[3] Benoît XVI, Ce qu’est le christianisme, un testament spirituel. Le Rocher, Artège, Paris 2023, p. 18

[4] Dans la même logique, des siècles plus tard, furent expulsés de la synagogue tous les juifs qui refusaient d’entrer dans l’hystérie quand leurs coreligionnaires proclamèrent Sabbataï Tsevi comme Messie.

[5] S. IRÉNÉE, Contre les hérésies, V, 32, 1

[6] S. IRÉNÉE, Contre les hérésies, V, 33, 2

[7] A. HESCHEL, Les bâtisseurs du temps, Paris 1967, p. 205

[8] Extraits de BENOIT XVI, Homélie de la veillée pascale, 23 avril 2011

Date de dernière mise à jour : 16/03/2024