Pâques (matin)

Et pour transmettre par coeur, de coeur à coeur, 
Paques recitation orale jn 20 1 10Pâques récitation orale de Jn 20, 1-10 (88.84 Ko)

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Regina Coeli - Canto Gregoriano Mariano

GAYASSA 2023 - Église Saint Thomas Apôtre Sarcelles

Année A matin de Pâques. 1

Émission 1. 1

Première lecture (Ac 10, 34a.37-43) 1

Psaume (Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23) 2

Deuxième lecture (Col 3, 1-4) 2

L’harmonie des évangiles de la résurrection. 3

Émission 2  Jn 20, 1-10

Gestes clés. 5

Émission 3. 7

Émission 4. 10

Jn 20, 1-10. 10

Jn 20, 11-18. 10

Jn 20, 19-25. 10

Jn 20, 26-31. 11

Jn 21, 1-14. 11

Jn 21, 15-23. 11

Émission 1

Première lecture (Ac 10, 34a.37-43)            

« En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : ‘Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés’. » – Parole du Seigneur. 

Pierre s’adresse à une famille de païens proches de la synagogue, des craignants-Dieu. Son discours est une synthèse de la foi des apôtres. Jésus est venu guérir ceux qui sont sous le pouvoir du diable, il a le pouvoir. Jésus est vraiment mort. Le sang versé de Jésus n’est pas sans lien avec le sacrifice du fils d’Abraham. Jésus a versé son sang pour que le sang humain ne soit plus versé. C’est par une inversion morbide que certains font couler le sang « des insoumis » comme un acte cultuel rendu à « Dieu ». Ceux qui exaltent la violence et la mort continuent le travail du diable, tout en prétendant purifier le monde ! Non, c’est le sang de Jésus qui purifie le monde et obtient le pardon.

Pierre dit : « Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. » Jésus ressuscité apporte la Paix ‒ et même plus encore ‒, il n’apparaît pas pour organiser sa vengeance avec ses amis. Est-ce que sa vengeance est reportée au Jour où il viendra pour juger ? Là non plus, ce « Jour du jugement » ne sera pas une vengeance, mais la purification nécessaire à l’accomplissement du règne de Dieu sur la terre, à travers l’anéantissement de l’Antichrist, puis la vie éternelle.

Pierre dit : « Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. » Par ses propres forces, l’homme ne peut pas proposer le pardon. Un seul a ouvert ce chemin, c’est Jésus. Parce que ce chemin implique Dieu. C’est le secret du pardon. Pardonner, c’est d’abord cela : confier à Dieu le mal subi et la cause à défendre, et ouvrir une porte pour un avenir où Il interviendra. C’est sortir de la spirale du Mal par un acte de foi. Il n’y pas seulement le mal subi, il y a le mal commis, et Pierre dit : « Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »

Psaume (Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23)

« Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! Oui, que le dise Israël : Éternel est son amour ! Le bras du Seigneur se lève, le bras du Seigneur est fort ! Non, je ne mourrai pas, je vivrai, pour annoncer les actions du Seigneur. La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ». 

Jésus cite ce psaume et il s’est comparé à la pierre rejetée qui est pourtant la principale, ou première pierre. Cette comparaison a été donnée après la parabole des vignerons homicides, ceux qui ne voulurent pas donner le fruit de la vigne, mais qui tuèrent l’héritier pour avoir la vigne. Ces vignerons qui tuent le fils pour avoir l’héritage périront, et la vigne sera donnée à d’autres. Ceux qui entendirent cette parabole dirent : ‘Que cela ne soit pas !’  « Or, lui, il les fixa du regard, et dit : ‘Pourquoi y a-t-il  cette écriture : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, c’est elle qui est devenue la principale de la corne d’angle ? » (Lc 20, 17). En araméen, « rīš » ne désigne pas forcément la tête, donc la clé de voûte, mais la principale, le commencement, donc la première, ou la pierre de fondation. La mort est vaincue, Jésus, en tant que Dieu, est immortel, mais dans son humanité, il est le premier-né d’entre les morts, le premier ressuscité, il est la pierre principale, la première.

Deuxième lecture (Col 3, 1-4)

« Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire ». – Parole du Seigneur.

Le chrétien connaît l’existence d’une vie cachée, invisible mais plus importante que ce qui est visible. Il ne s’agit pas, comme le pensent les gnostiques d’une vie supérieure qui serait cachée en nous, il s’agit d’une vie dans le Christ, en Dieu. C’est notre relation au Christ qui est cachée, insoupçonnable, secrète, et qui sera révélée un jour dans la gloire. Soit en entrant au ciel, soit lors de la venue glorieuse du Christ : « Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire ».

L’harmonie des évangiles de la résurrection

Avant de commenter l’évangile, je voudrais dire un mot de l’harmonie des évangiles de la résurrection.

Il ne faut pas déduire de l’évangile de Luc (Lc 24, 11 et 12) que Pierre ait attendu le témoignage de toutes les femmes (v. 11) pour aller au tombeau (v. 12). Étant donné le risque d’une profanation, son devoir est d’aller voir immédiatement, dès le témoignage de Marie-Madeleine concernant le tombeau ouvert. L’évangile de Jean précisera que Simon (Pierre) est accompagné de « cet autre disciple », Jean (Jn 20, 3-10). En Luc comme en Jean, ce que voit Pierre (et l’autre disciple), ce sont « les lins » (le linceul et les bandes) posés [araméen : sīmīn], le corps s’est comme volatilisé.

Pierre ayant fait son inspection (qui permettra une déposition ayant valeur juridique, avec Jean), Marie-Madeleine peut entrer à son tour au tombeau ; c’est alors qu’elle voit deux anges, puis le Christ qu’elle prend d’abord pour le jardinier (Jn 20, 11-18).

 

Émission 2  

Jean (Jn 20, 1-2), dans une traduction qui donne les reprises de souffle pour une récitation orale.

«          1. Au premier [jour] dans la semaine, donc,
Marie, la Magdalène, vint, au matin encore sombre, / à la chambre sépulcrale ;
et elle vit la pierre / qui était enlevée de [devant] le sépulcre.

2. Et elle vint en courant / auprès de Simon-Pierre,
et auprès de cet autre disciple que Jésus aimait affectueusement, / et elle leur dit :
‘Ils ont enlevé Notre Seigneur / de cette chambre sépulcrale,
et je ne sais pas / où ils l’ont déposé !’ » (Jn 20, 1-2)

Dans une récitation orale, faire le geste d’un « un » pour le premier jour de la semaine qui est aussi le « jour unique » de la nouvelle création (cf. Gn 1, 3). Marie la Magdalène constate que la pierre du sépulcre a été enlevée (racine ŠQL), et elle pense que le corps de Jésus a été enlevé (racine ŠQL). Il convient d’avoir un même geste pour la pierre enlevée et pour Jésus prétendument enlevé.

Marie la Magdalène court : la profanation du corps de Jésus serait épouvantable ! Elle va prévenir « Simon-Pierre » : en tant qu’il est « Pierre », il est le chef qui doit prendre des mesures pour retrouver le corps de Jésus. Elle prévient en même temps l’autre disciple (Jean) qui est appelé « talmīdā drāḥem », le disciple bien-aimé qui est selon le cœur de Jésus et qui devrait mieux comprendre.

Une femme seule n’aurait pas pu rouler la pierre d’une tonne, ni même ouvrir les scellés (de chaux ou de mortier) qui avaient été posés. Que, parmi les disciples, la découverte du tombeau ouvert ait été faite par une femme seule est un argument juridique.

De plus, en montrant Marie la Magdalène qui court, Jean propose discrètement de percevoir Jésus comme l’Époux du Cantique des Cantiques. L’Amour a vaincu l’impossible transition de la matière biologique vers sa glorification dans une vie éternelle. Mais la science, celle d’hier comme celle d’aujourd’hui, est totalement dépassée et ne peut concevoir d’enlèvement que par des voleurs.

(Jn 20, 3-10). Pierre et Jean.

Cette perle confirme la précédente en donnant l’occasion de mieux comprendre les paroles que l’ange avait dites aux femmes relatées : « Il s’est relevé, il n’est pas ici ! Voici le lieu où il avait été déposé » (Mc 16, 6).

« 3. Et Simon[1] sortit, et cet autre disciple, / et ils venaient à la chambre sépulcrale,
4. et ils couraient tous les deux, / ensemble.
Or ce disciple / courut devant Simon,
et vint le premier/ à la chambre sépulcrale.
5. Et il observa, vit les lins / étant posés ;
Quant à entrer, / il n’entra pas. 
6. Simon donc parvint après lui / et entra dans la chambre sépulcrale,
et il vit les lins / étant posés à plat.

7. Et le suaire, celui qui serrait sa tête, / non pas avec les lins,
mais étant roulé et posé à côté, / chaque chose à sa place[2].

8. Alors, entra aussi ce disciple, / qui parvint le premier à la chambre sépulcrale,
et il vit / et il crut.
9. En effet, jusque-là, ils n’avaient pas connu, à partir des Écritures, / qu’il allait se relever debout d’entre les morts.
10. Et ils s’en allèrent, ces disciples[3], de nouveau, / à l’endroit [qui était] le leur » (Jn 20, 3-10).

Gestes clés

Jean « observe », mais n’entre pas : il ne faut rien toucher afin que le chef PPPP puisse voir tous les indices. Leur visite à aussi le caractère d’une enquête judiciaire et ils savent qu’ils auront certainement à témoigner à deux. C’est aussi la raison pour laquelle Marie Madeleine a couru prévenir, sans entrer dans le tombeau. Or voici : les linges ne sont pas en désordre comme cela aurait été le cas si on avait enlevé le corps de Jésus.

Les lins « kettāne » : le linceul. Le corps n’était pas « entouré de bandelettes » comme une momie égyptienne, mais pris dans un linceul dont une moitié couvre le dos et l’autre la face du corps, ce linceul étant serré contre le corps par 3 bandes (prélevées sur le linceul lui-même : une nouée aux pieds, une au niveau des mains, et une au niveau du cou. Et ce que voient Pierre et Jean, ce sont « les lins » (le linceul et les bandes) à plat [sīmīn]. Le corps s’est comme volatilisé. Quand on récite l’évangile, « Les lins étant posés » vont se mimer avec les mains qui suivent la retombée à plat du linceul au moment où le corps du Seigneur disparaît.

Le suaire « sūdārā » : ce mot désigne le grand mouchoir qui sert aux légionnaires à éponger la sueur (le « suaire »). Dans un enterrement oriental on l’employait comme mentonnière pour maintenir fermé le maxillaire du mort, sous le linceul. Pour cela, on roulait le suaire et on encerclait le visage en le nouant sous le menton. Ce suaire est toujours roulé, et « à plat » [sīm] sur le côté [lasṭar]. Quand on récite l’évangile, « le suaire roulé » : les mains enserrent la place de la tête sur la banquette.

« On peut dire que le Saint-Suaire est l'Icône du Samedi Saint.
[…] Jésus demeura dans le sépulcre jusqu'à l'aube du jour après le shabbat, et le Saint-Suaire de Turin nous offre l'image de ce qu'était son corps étendu dans le tombeau au cours de cette période, qui fut chronologiquement brève (environ un jour et demi), mais qui fut immense, infinie dans sa valeur et sa signification. Le Samedi Saint est le jour où Dieu est caché, comme on le lit dans une ancienne Homélie : "Que se passe-t-il ? Aujourd'hui, un grand silence enveloppe la terre. Un grand silence et un grand calme. Un grand silence parce que le Roi dort... Dieu s'est endormi dans la chair, et il réveille ceux qui étaient dans les enfers" (Homélie pour le Samedi Saint, PG 43, 439).
Dans le Credo, nous professons que Jésus Christ "a été crucifié sous Ponce Pilate, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers. Le troisième jour est ressuscité des morts". » (Benoît XVI, Turin, le 2 mai 2010)
Rappelons aussi que 
"La descente aux enfers est l’accomplissement, jusqu’à la plénitude, de l’annonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus" (CEC 634[4]).

Après le Samedi saint et la bonne nouvelle aux défunts, c’est Pâques, Jésus va se manifester à ses amis.

Émission 3

Reprenons l’épisode de Pierre et Jean au tombeau dans une traduction rythmée pour la récitation orale.

« 3. Et Simon[1] sortit, et cet autre disciple, / et ils venaient à la chambre sépulcrale,
4. et ils couraient tous les deux, / ensemble.
Or ce disciple / courut devant Simon,
et vint le premier/ à la chambre sépulcrale.
5. Et il observa, vit les lins / étant posés ;
Quant à entrer, / il n’entra pas. 
6. Simon donc parvint après lui / et entra dans la chambre sépulcrale,
et il vit les lins / étant posés à plat.

7. Et le suaire, celui qui serrait sa tête, / non pas avec les lins,
mais étant roulé et posé à côté, / chaque chose à sa place[2].

8. Alors, entra aussi ce disciple, / qui parvint le premier à la chambre sépulcrale,
et il vit / et il crut.
9. En effet, jusque-là, ils n’avaient pas connu, à partir des Écritures, / qu’il allait se relever debout d’entre les morts.
10. Et ils s’en allèrent, ces disciples[3], de nouveau, / à l’endroit [qui était] le leur » (Jn 20, 3-10).

Il n’est pas dit que Simon croie. Jean, lui, voit et croit (Jn 20, 8). Il était présent au calvaire quand le Saint des Saints fut ouvert et le Cœur de Jésus transpercé. Son humanité est déjà restaurée dans toutes ses dimensions. (Chacun a au plus profond de soi comme un Saint des Saints, cf. La quaternité de la nature humaine expliquée dans mon livre « Jean, l’évangile en filet »[6]). Son esprit est ouvert à la foi. Attention, nous verrons qu’en Mc 16, 9-14 les disciples étaient dans le deuil, et Jésus leur reprochera de ne pas croire ceux qui disaient l’avoir vu, sans faire d’exception pour Jean. Pour l’instant, Jean croit que Jésus est « dans la gloire », mais il est en même temps « en deuil », car rien n’indique qu’il soit arrivé au point de croire que Jésus offre sa présence et sa proximité.

Jean se reproche de n’avoir pas bien compris (Jn 20, 9) alors qu’il est le « talmīdā drāḥem » (Jn 20, 2), le disciple bien-aimé, celui qui redonne l’enseignement du maître avec les intonations du cœur. Il y a pour eux tout un travail de cohérence à opérer, à partir des Écritures. Pour cela, ils doivent revenir à l’endroit qui était le leur (Jn 20, 10), c’est-à-dire au cénacle, pour méditer.

Quand on récite l’évangile « En effet, jusque-là, ils n’avaient pas connu, à partir des Écritures, / qu’il allait se relever debout d’entre les morts », on mime « à partir des Écritures » : on ouvre une paire de rouleaux de la Torah.

Cette perle est l’occasion de rechercher tout ce que l’Écriture enseigne à propos de la Résurrection de Jésus. Citons quelques passages importants :

« Aussi, mon cœur exulte, mes entrailles jubilent, et ma chair reposera en sûreté ; car tu ne peux abandonner mon âme au shéol, tu ne peux laisser ton ami voir la fosse. Tu m’apprendras le chemin de vie, devant ta face, plénitude de joie, en ta droite, délices éternelles » (Ps 16, 9-11).

« Je t’exalte, YHWH, qui m’as relevé, tu n’as pas fait rire de moi mes ennemis. YHWH mon Dieu, vers toi j’ai crié, tu m’as guéri.YHWH, tu as tiré mon âme du shéol, me ranimant d’entre ceux qui descendent à la fosse » (Ps 30, 2-4).

Plus précisément encore, le tombeau évoque ce texte d’Isaïe : « On lui a donné un sépulcre avec les impies et sa tombe est avec le riche, bien qu’il n’ait pas commis de violence et qu’il n’y ait pas eu de tromperie dans sa bouche. YHWH a voulu l’écraser par la souffrance ; s’il offre sa vie en sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours, et par lui la volonté de YHWH s’accomplira. À la suite de l’épreuve endurée par son âme, il verra la lumière et sera comblé. Par sa connaissance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes » (Is 53, 9-11).

C’est le dernier « chant du Serviteur ». On peut alors reprendre aussi le premier : « "Moi, YHWH, je t’ai appelé dans la justice, je t’ai saisi par la main, et je t’ai modelé, j’ai fait de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, pour extraire du cachot le prisonnier, et de la prison ceux qui habitent les ténèbres." » (Is 42, 6-7).

Jésus, à Nazareth, avait annoncé qu’il accomplissait ces versets (Lc 4, 18). En effet, il l’a fait pendant son ministère public mais aussi dans sa mort, au point que, plus tard, Pierre dira : « La Bonne Nouvelle a été également annoncée aux morts… » (1P 4, 6). Et Jean transmettra cette autre parole de Jésus : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront » (Jn 5, 25).

Un suaire patiemment tissé par des mains habiles. Brin après brin, les fils s’enchevêtrent, inconscients de leur grandiose destinée de nous dire aujourd’hui la vérité sur ce miracle deux fois millénaire. La puissance paisible du Crucifié qui s’éveille projette une lumière nouvelle sur le lin précieux que les disciples ont retrouvé « à plat ». Le fait de la Vie future après la mort, désormais authentiquement historique, relègue la science aux balbutiements d’une humanité ébahie, sans toutefois contraindre l’intelligence : la résurrection est un signe qui requiert l’adhésion de la foi. Dieu fait signe, comme Il le fit déjà à Elie dans la douceur d’un murmure léger.

« Le Saint-Suaire se présente comme un document "photographique", doté d'un "positif" et d'un "négatif". Et en effet, c'est précisément le cas :  le mystère le plus obscur de la foi est dans le même temps le signe le plus lumineux d'une espérance qui ne connaît pas de limite. [...] Tel est le mystère du Samedi Saint ! Précisément de là, de l'obscurité de la mort du Fils de Dieu est apparue la lumière d'une espérance nouvelle :  la lumière de la Résurrection. Et bien, il me semble qu'en regardant ce saint linceul avec les yeux de la foi, on perçoit quelque chose de cette lumière. [...] Que nous dit le Saint-Suaire ? Il parle avec le sang, et le sang est la vie ! Le Saint-Suaire est une Icône écrite avec le sang ; le sang d'un homme flagellé, couronné d'épines, crucifié et transpercé au côté droit. L'image imprimée sur le Saint-Suaire est celle d'un mort, mais le sang parle de sa vie. Chaque trace de sang parle d'amour et de vie. En particulier cette tâche abondante à proximité du flanc, faite de sang et d'eau ayant coulé avec abondance par une large blessure procurée par un coup de lance romaine, ce sang et cette eau parlent de vie. C'est comme une source qui murmure dans le silence, et nous, nous pouvons l'entendre, nous pouvons l'écouter, dans le silence du Samedi Saint. » (Benoît XVI, Turin, le 2 mai 2010)

Le Christ est vivant. Il est le Vivant. Il est ressuscité, il est vraiment ressuscité, il est l’ami qui bientôt va se montrer vivant à ses amis.

 

Année A matin de Pâques Émission 4 

Nous allons donner une vue d’ensemble des apparitions du Ressuscité dans l’évangile selon chez Jean

Jn 20, 1-10

Marie de Magdala d’abord, puis Simon et Jean, vont au tombeau. Jean était le seul des Douze à avoir été présent à l’ensevelissement du Seigneur, organisé par Joseph d’Arimatie et Nicodème. Les détails qu’il voit ont encore plus de sens que pour les autres. Or le tombeau est vide, les linges étant affaissés à leur place. Pour Jean, ce qu’il voit signifie que le corps du Christ est désormais glorieux : « Il vit » et « il crut ». Le tombeau vide de Jésus signifie sa résurrection immatérielle ; par conséquent, son retour (Jn 21, 22) sera glorieux et non pas matériel[7].

« Les linges ont été conservés par les apôtres puis les disciples dans la discrétion absolue, car, selon les lois hébraïques, posséder un linge mortuaire constituait un délit "d'impureté légale" sévèrement puni auquel se rajoutait une autre faute supposée commise: "la violation de sépulture". Il faut attendre l'an 348 pour que Saint Cyrille (315-387) fasse allusion aux linges mortuaires conservés dans la basilique du Saint Sépulcre. Puis la relique est transférée à Edesse. Après avoir été retrouvé, le suaire sera présenté aux fidèles pour être vénéré, mais plié de manière à présenter la face de Jésus. Il sera alors nommé "Mandilion". Il sera déclaré "acheropoïetos", c’est à dire "non fait de main d’homme" par l’empereur byzantin. Des monnaies seront frappées en hommage au Linceul. » (Jean-Maurice Clercq)

Jn 20, 11-18

Marie de Magdala, déjà présente dans la première perle, est revenue au sépulcre et elle pleure. Elle voit deux anges, puis, « tournant sa face en arrière d’elle » (Jn 20, 14), elle voit Jésus ressuscité mais elle le prend pour le jardinier. « Jésus lui dit : "Marie !" Elle fit face et lui dit en hébreu : "Rabbouli !" » (Jn 20, 16). Le Ressuscité lui fait une demande : « Va dire à mes frères que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17). Le mot « frère » est remarquable, et on le retrouve : « Le bruit se répandit alors chez les frères… » (Jn 21, 23) : les disciples sont montés dans la vie filiale !

Jn 20, 19-25

Le soir du premier jour de la semaine, Jésus ressuscité apaise ses disciples : « la paix soit avec vous » (Jn 20, 19) et de nouveau : « la paix soit avec vous » (Jn 20, 21). Après la terrible épreuve qu’ils viennent de traverser, on comprend que Jésus le répète.

Jésus souffle en eux et leur dit :
« Recevez / l’Esprit de Sainteté !
Si vous remettez les péchés à quelqu’un, / ils lui seront remis.
Si vous retenez [ceux] de quelqu’un, / ils sont retenus » (Jn 20, 22-23).

Il est stupéfiant que Jésus donne aux apôtres le pouvoir de remettre les péchés, ce qui est la prérogative du Grand-Prêtre au Yom Kippour.

Le Grand-Prêtre est normalement unique. Dans l’Église, les apôtres et leurs successeurs sont participants de l’unique Grand Sacerdoce du Christ. Cette participation n’est pas uniquement extérieure à eux : remettre les péchés, c’est obtenir la conversion des pécheurs, et pour l’obtenir, le Christ a offert sa Passion, et le prêtre participe à cette offrande.

Jn 20, 26-31

L’entrée en fonction d’un Grand-Prêtre fait l’objet de solennités qui durent sept jours (Ex 29, 35 ; Lv 8, 33), ce qui explique cette autre apparition où Thomas est désormais présent.

À nouveau, le Ressuscité montre ses plaies, mémoire de sa Passion. À nouveau Jésus dit : « la paix soit avec vous » (Jn 20, 26). Cette paix est un pardon, car ils ont presque tous abandonné Jésus et c’est une reconstruction, une plénitude, au sens sémite de « Shalom ».

Dans le cas présent, « Huit jours après » est aussi un premier jour de la semaine, qui deviendra le jour de la liturgie dominicale, rassemblée autour du Grand-Prêtre chrétien.

En invitant Thomas à voir ses mains et à mettre sa main dans son côté (Jn 20, 27), Jésus suggère que le sacerdoce chrétien est un contact avec la Passion et la Résurrection du Christ. Non pas une école de pensée ou un parti, mais une fidélité à Jésus jusqu’à la Croix et la résurrection.

Jn 21, 1-14

Le Ressuscité était d’abord apparu à Jérusalem, lieu du deuil. Ici, le Christ apparaît à sept apôtres qui pêchent sur la « mer de Tibériade » (Jn 21, 1) qui est plutôt un lac. Leur retour sur les lieux où beaucoup d’événements se sont déroulés permet aux apôtres de vérifier ce qui est incertain dans leur mémoire. Ils se remémorent à haute voix et mettent en ordre les éléments nombreux qui vont constituer le trésor de leurs souvenirs communs ; ce que la première Église appellera « les mémoires des apôtres ». Ils vont à la pêche, mais ils n’ont rien pris jusqu’à ce que le Seigneur leur dise de jeter le filet à droite, alors la pêche est surabondante.

Jn 21, 15-23

À la suite de cette pêche miraculeuse, Jésus demande trois fois « Pierre, m’aimes-tu ? » Oui, Pierre aime Jésus et Jésus lui donne trois ordres :

  • Pais mes agneaux ! : (ᵓemray en araméen) il s’agit des catéchumènes et des nouveaux baptisés.
  • Pais mes moutons ! : (ᶜerbay en araméen) ce sont les chrétiens adultes.
  • Pais mes brebis portantes ! : (nqawāṯ en araméen) ce sont tous ceux qui font naître de nouveaux chrétiens, les missionnaires, les maîtresses de maison qui accueillent les petits du royaume, les diacres, les prêtres et les évêques qui donnent les sacrements.

De plus, un dernier dialogue de Jésus avec Pierre fait allusion au destin de l’apôtre Jean en se référant au retour du Christ (Jn 21, 22). La résurrection n’est pas donc le point final. Celui qui a entendu tout ce qui précède, sait en effet que Jésus est le Fils de l’homme venant sur nuées du Ciel et qui jugera les empires établissant le royaume de Dieu sur la terre avant l’éternelle Vie dans l’Au-delà (Cf. Dn 7). D’ici là, le Ressuscité accompagne l’Église…

Il est vivant, il est ressuscité, il est vraiment ressuscité, joyeuses Pâques, Alléluia !

 


[2] Araméen « baḥdā » : en « un [endroit] » ou en « chaque [endroit] », c’est-à-dire chaque chose à sa place.

[3] Le démonstratif se trouve en Vat. sir. 12

[4] Cf. BREYNAERT, Françoise, La bonne nouvelle aux défunts, nouveau paradigme de la théologie des religions, Via romana, Versailles, 2014 (Préface Mgr Minnerath). Cet enseignement, qui fait partie du Credo (Il est descendu aux enfers) a été mis entre parenthèses depuis saint Augustin, ce qui a induit par déduction logique de fausses questions et de fausses réponses (enfer virtuel, chrétiens anonymes, salut sans contact avec le Verbe incarné etc.).

[5] Araméen « baḥdā » : en « un [endroit] » ou en « chaque [endroit] », c’est-à-dire chaque chose à sa place.

[6] F. Breynaert Jean, L’évangile en filet. L’oralité d’un texte à vivre. (Préface Mgr Mirkis – Irak) Éditions Parole et Silence. Paris, 8 décembre 2020.

[7] Il y a là une différence essentielle avec l’eschatologie musulmane qui imagine un retour de Jésus tout à fait matériel (par exemple dans le Hadîth n°1806 de la collection de Cheikh Sobhi Saleh “Manhal al Waridin”) et propose d’anéantir le mal par le combat armé.

 

Date de dernière mise à jour : 18/07/2023