Dimanche Divine Miséricorde (A)

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Télécharger l'évangile de ce dimanche traduit de l'araméen pour une récitation oraleEvangile jn 20 du dimanche de la divine misericorde
Evangile Jn 20, 19-31 du dimanche de la Divine Misericorde (77.53 Ko)

1e lecture (Ac 2, 42-47)

« Les frères étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. La crainte de Dieu était dans tous les cœurs à la vue des nombreux prodiges et signes accomplis par les Apôtres. Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun. Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur ; ils louaient Dieu et avaient la faveur du peuple tout entier. Chaque jour, le Seigneur leur adjoignait ceux qui allaient être sauvés. – Parole du Seigneur ».

« Ils partageaient » : ce partage leur permettait de résister à l’endettement qui à cette époque pouvait les réduire en esclavage. La radicalité de ce partage est encore vécue de nos jours dans les monastères. Le partage chrétien a diverses modalités pratiques ; on voit très vite dans le livre des Actes des apôtres qu’il était permis de garder une propriété personnelle : Pierre déclare en effet à Ananie : « Quand tu avais ton bien, n'étais-tu pas libre de le garder, et quand tu l'as vendu, ne pouvais-tu disposer du prix à ton gré ? » (Actes 5, 4). De nos jours, dans les communautés nouvelles, les familles conservent généralement une certaine propriété privée. Dieu a créé les êtres humains comme des êtres libres, et la liberté a besoin d’un espace privé où s’exercer. Les grands systèmes collectivistes finissent généralement par ne pas être efficaces et par générer toutes sortes d’abus, et surtout privent de l’espace concret où s’exerce la liberté.

« Ils fréquentaient assidûment le Temple », c’est-à-dire qu’ils participaient à la liturgie des psaumes au Temple. Encore de nos jours, l’Église prie les psaumes, en particulier dans le bréviaire, avec les différents offices de la journée. Mais les croyants n’y allaient plus pour offrir plus des sacrifices pour le péché, l’Agneau qui enlève le péché du monde étant Jésus.

« Ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur » (Ac 2, 46). « Ils prenaient [mqabblīn], c’est le verbe qabel qui donne aussi le mot « qūbālā (qoubala) ». Il s’agit de cette réception du samedi soir où l’on partage la parole qui sauve et guérit, avant les Saints Mystères du dimanche matin (réservés aux baptisés, avec la discipline de l’arcane). Ce passage des Actes s’interprète avec l’évangile où Jésus prépare le « qūbālā (qoubala) » chrétien : « lorsque tu fais une réception [qūbālā], appelle : les pauvres, les invalides, les boiteux, les aveugles ! » (Lc 14, 13). Le « qūbālā » chrétien qui n’est pas un « entre-soi » où l’on se rétribue mutuellement (ne serait-ce qu’en se félicitant les uns les autres) mais c’est un repas missionnaire. « Les pauvres, les invalides, les boiteux, les aveugles » (Lc 14, 13) doivent y occuper la place des « amis » (14, 12). Et l’on a encore à l’oreille « mon ami avance-toi plus haut ! » (Lc 14, 6), c’est pour les faire avancer, à tous les niveaux, social, culturel, et à les initier à la vie de la foi), qu’il faut inviter les pauvres, les invalides, les boiteux, les aveugles au sens physique ou spirituel.

Durant la semaine, les maîtresses de maison ont préparé les catéchumènes, les nouveaux et les enfants par la transmission de la parole, les récitatifs évangéliques, par cœur, avec le cœur. Le samedi soir, elles mettent un climat d’hospitalité autour du repas, le qūbālā [ce mot dérive du verbe « qabel » qui signifie accueillir] c’est le moment d’un accueil large et miséricordieux, à bien distinguer des Saints Mystères eucharistiques du dimanche matin qui ne sont pas un repas, ils sont désignés en araméen par le mot « qūrbānā » qui désigne l’offrande, le sacrifice, la rencontre : l’offrande est sanctifiée parce que Dieu la touche. Aussi l’autel eucharistique n’est-il pas une table de repas et la communion eucharistique est réservée aux baptisés en état de grâce. L’Occident chrétien, coupé des chrétiens d’Orient, a fini par perdre la distinction et à faire de graves erreurs d’interprétation sur la 1e lecture de ce dimanche.

L’évangile de Jean est un filet d’oralité [1]. Il est composé de perles qui forment plusieurs fils dans le sens ordinaire de la lecture ainsi que des fils transversaux. L’épisode où Jésus insuffle l’Esprit Saint aux apôtres en leur disant de remettre les péchés, c’est la première partie de l’Évangile de ce dimanche, fait partie d’un fil d’oralité transversal qui évoque plusieurs fois le qūbālā, comme par exemple le repas des noces de Cana, ou le repas au cours duquel Marie Madeleine brise un flacon de parfum pour oindre Jésus, ou qui évoque une maisonnée, ou encore la synagogue, qui est le lieu de la parole mais non pas du sacrifice. Le sacrement de réconciliation est ainsi attaché au « qūbālā (qoubala) » chrétien ; le pécheur pouvait allait se réconcilier avec son frère en partageant ce repas (et en lui offrant une petite douceur !).

Un psaume dit : « Comme est loin l'orient de l'occident, il éloigne de nous nos péchés. Comme est la tendresse d'un père pour ses fils, tendre est le Seigneur pour qui le craint » (Psaume 103, 12-13). C’est comme si Jésus nous disait : « Je ne me souviens plus de rien, j'ai parfaitement oublié ; vois-tu une quelconque rancœur ou une ombre de ma part ? ». Et, dans cette lumière divine, nous devenons compatissants et tendres, capables d’indulgence envers notre prochain. « Comme est la tendresse d'un père pour ses fils, tendre est le Seigneur pour qui le craint » (Ps 103, 13). Après le sacrement de réconciliation, il ne faut plus penser à ses fautes et à ses manquements, c'est un affront à la Miséricorde, cela empêche le Christ d’étreindre notre âme. Si l’on essaie toujours de s'empêtrer dans la boue du passé, nous empêchons Jésus de nous faire prendre notre envol vers le Ciel, nous sommes enfermés sur nous-mêmes.

Et puis, quand, en considérant les nombreuses grâces reçues on se sent plein de confusion et de honte de se voir encore si indigne, on peut prier en disant : « Mais mon aimable et doux Jésus, pardonnez-moi, ne vous retirez pas de moi, mais continuez à déverser en moi votre grâce, afin de faire de moi un triomphe de votre Miséricorde ! »

« Si vous remettez les péchés à quelqu’un, ils lui seront remis ». Remettre les péchés, c’est les laisser tomber [racine šbq]. Mais si, par exemple, le pénitent n’y a aucun regret, les apôtres peuvent « retenir » les péchés, les maintenir jusqu’à ce que peut-être les dispositions du pécheur changent… Il ne s’agit pas de condamnation définitive, mais d’une mise à l’écart à cause de l’absence de repentir (c’est le sens originel du mot « excommunication »). Jamais ce verbe « retenir » ne signifie condamner. Jésus ne donne pas aux apôtres le pouvoir de juger, c’est lui le Fils de l’homme qui jugera le monde lors de sa venue glorieuse. Alors bonne fête de la divine miséricorde.

 

Psaume (Ps 117 (118), 2-4, 13-15b, 22-24)

 

« Oui, que le dise Israël : Éternel est son amour ! Que le dise la maison d’Aaron : Éternel est son amour ! Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur : Éternel est son amour ! On m’a poussé, bousculé pour m’abattre ; mais le Seigneur m’a défendu. Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut. Clameurs de joie et de victoire sous les tentes des justes. La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ; c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! »

« La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ». Ce verset du psaume a été cité par Jésus dans une parabole importante, celle que l’on appelle la parabole des vignerons homicides :

« 9. Et il se mit à dire au peuple cette parabole :
"Un homme planta une vigne,
et il la fit entretenir par des vignerons / et partit au loin, longtemps.
10. Et, le moment venu, il envoya son serviteur aux vignerons / pour qu’ils lui donnent du fruit de la vigne ;
mais les vignerons le frappèrent / et le renvoyèrent à vide.
11. Il recommença, / envoyant son autre serviteur ;
or eux, / celui-là aussi,
ils le frappèrent, le bafouèrent, / et le renvoyèrent à vide.
12. Il recommença, / et en envoya un troisième ;
or eux, / celui-là aussi,
ils le blessèrent / et le firent sortir.
13. Le seigneur de la vigne dit alors : / ‘Que vais-je faire ?
J’enverrai… / mon fils bien-aimé !
Peut-être que… / quand ils le verront, ils le respecteront’.
14. Or les vignerons, / l’ayant vu,
calculaient en eux-mêmes / en disant :
‘C’est lui / l’héritier !
Venez, / tuons-le,
et l’héritage / sera à nous !’.
15. Et, ils le firent sortir hors de la vigne, / et le tuèrent.
 Que fera d’eux par conséquent / le maître de la vigne ?
16. Il viendra faire périr ces vignerons / et donnera la vigne à d’autres !"
Or, l’ayant entendu, / ils dirent :
‘Que cela / ne soit pas !’
17. Or, lui, il les fixa du regard, / et dit :
‘Pourquoi y a-t-il / cette écriture :
La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, / c’est elle qui est devenue la principale [2] de la corne d’angle ?” » (Lc 20, 9-17)

 

Je voudrais maintenant vous parler de sainte Faustine à qui nous devons, en ce dimanche, la fête de la divine miséricorde.

Faustine est née le 25 août 1925 en Pologne, son père, paysan, réveillait la maisonnée en chantant les laudes de très bonne heure... Elle est devenue sœur converse (cuisinière, jardinière, vendeuse, portière..). Son noviciat fut marqué par une longue période où les vérités de la foi lui semblèrent incompréhensibles, elle reçoit à l’envers les paroles de consolation de sa supérieure, elle est aux prises avec des tentations de blasphème et se sent damnée. Elle dit : « Jésus j’ai confiance en Toi ». Puis avec l’épuisement il lui semble que même la fine pointe de l’âme a cessé de lutter, elle s’effondre dans sa chambre, la supérieure entre et lui dit : ‘mon enfant au nom de l’obéissance, lève-toi’. Peu après, le Seigneur lui révèle combien elle est sa bien-aimée et les révélations sur la miséricorde divine suivent.

Faustine a été refaite par le Seigneur, la guérison, c’est la visite par la miséricorde. Jésus dit : « Ma fille, tu ne m’as pas encore tout donné, tu ne m’as pas donné ce qui est vraiment tien, donne-moi ta misère. »

Faustine dit : « Je vis l’abîme de ma misère, si j’avais commis tous les crimes de tous les damnés, je ne perdrai pas confiance. »

Jésus lui demande que soit faite une image telle qu’il lui est apparu : dans un mouvement de résurrection, avec de flots de lumière rouge et blanc : l’eau qui lave et le sang qui vivifie, et de faire inscrire sous l’image : « Jésus j’ai confiance en toi »

Puis il fait des promesses solennelles aux personnes, aux villes, aux pays qui Le vénèreront sous ses traits de Christ Miséricordieux.

Jésus demande que soit instituée la fête de la Divine miséricorde, le dimanche de l’octave de Pâque.

Faustine, moins de 50 ans après sa mort, a été béatifiée par Jean Paul II, pour l’octave de Pâques 1993. (Et pour son encyclique sur la miséricorde, Jean Paul II dit avoir reçu d’elle l’inspiration.) Et elle fut canonisée en l’an 2000 pour l’octave de Pâques instituée fête de la miséricorde.

Chers auditeurs, il n’y a aucune raison d’être désespéré, jamais. En cette fête de la divine miséricorde, citons, dans le journal de sainte Faustine, la « Conversation avec l’âme désespérée ». 

« - Jésus : Âme plongée dans les ténèbres, ne désespère pas, tout n’est pas encore perdu, entre en conversation avec ton Dieu qui est tout Amour et Miséricorde. Âme, entend la voix de ton Père Miséricordieux.

 Mais l’âme reste sourde et aveugle, alors, sans aucune coopération de l’âme, Dieu lui donne sa dernière grâce. 

- Jésus : Je te vois si faible, c’est pourquoi je te prend dans mes bras.

- Jésus : Âme, sache bien que tous tes péchés ne m’ont pas blessé aussi douloureusement que tu ne le fais par ta méfiance actuelle.

- L’âme : O Seigneur sauvez-moi tout seul !

Jésus conduisit l’âme dans la demeure de son cœur où tous ses péchés disparurent.

- L’âme : O Seigneur, je sens une nouvelle vie qui me pénètre. Enhardie de votre bonté je vais vous dire tout ce qui fait la douleur de mon cœur.

- Jésus : Dis tout mon enfant

- L’âme : Je vois que j’aurai mérité la profondeur de l’enfer pour avoir gaspillé vos grâces.

- Jésus : Ne t’enfonce pas dans ta misère, tu es trop faible pour parler, regarde plutôt mon cœur plein de bonté. Imprègne-toi de ma façon de sentir et efforce-toi au calme et à l’humilité. Sois miséricordieuse comme je sens que Je Suis avec toi, et lorsque tu sentiras que tes forces faiblissent, viens à la source de la Miséricorde et fortifie ton âme. » (Sainte Faustine, Petit Journal n° 1486).

 

2e lecture (1 P 1, 3-9)

« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure. Cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi, pour un salut prêt à se révéler dans les derniers temps. Aussi vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la valeur de votre foi qui a bien plus de prix que l’or – cet or voué à disparaître et pourtant vérifié par le feu –, afin que votre foi reçoive louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ. Lui, vous l’aimez sans l’avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d’une joie inexprimable et remplie de gloire, car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi. – Parole du Seigneur. » 

« Dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance », une espérance d’abord pour chacun de vous, à l’heure de la mort parce qu’un « héritage vous est réservé dans les cieux » (1P1, 4). Mais aussi une espérance pour le monde. En effet, saint Pierre parle du « salut prêt à se révéler dans les derniers temps » (1P1, 5), en araméen : zaḇne ḥrāye (les temps ultimes) ; en latin : in tempore novissimo (le temps très nouveau) ; en grec : εν καιρω εσχατω (le temps eschatologique) en grec biblique, l’adjectif eskhatos signifie dernier au sens de prochain (comme on dit « le prochain train », ou « dans la suite des jours »), ou encore à venir. Malheureusement, les traductions françaises sont confuses : là où il serait donc préférable de traduire par « moments à venir », on trouve généralement l’expression « les derniers temps » qui risque de suggérer qu’il n’y aurait plus rien après notre temps actuel. Tout naturellement, on en vient ainsi à conjecturer des représentations de fin du monde au sens le plus effrayant de destruction ou de disparition.

En fait, saint Pierre parle du temps de la Parousie qui n’est pas la fin des temps mais les temps ultimes accomplissant le dessein du Créateur. Cette espérance est importante à proclamer, surtout de nos jours où se développe une idéologie qui veut effacer l’humanité de la face de la terre, mais le dessein divin est plus fort. Et l’avènement de Jésus-Christ, sa venue glorieuse est pour nous une joyeuse espérance. Saint Pierre nous dit que votre foi recevra « louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ », c’est-à-dire lorsqu’il se manifestera dans la gloire, à la Parousie, soit que vous soyez encore sur la terre, soit que vous soyez parmi les saints du ciel qui accompagneront son apparition glorieuse (cf. 1Th 3, 13).

Venons-en à sainte Faustine, à qui nous devons la fête de la Divine Miséricorde. En 1935, Jésus dit à sainte Faustine : « Tu prépareras le monde à mon ultime venue » (Petit Journal § 429). Il n’y a qu’une seule venue glorieuse du Christ, mais l’apparition du signe du Fils de l’homme (Mt 34, 30) constitue ce que l’on peut appeler l’avertissement. Sainte Faustine en donne une idée en deux endroits de son journal, tout d’abord, quand elle écrit : « Une fois, j'ai été convoquée au jugement (siège) de Dieu. Je me suis tenue seule devant le Seigneur. Jésus est apparu tel que nous le connaissons pendant sa passion. Au bout d'un moment, ses blessures ont disparu, sauf cinq, celles de ses mains, de ses pieds et de son côté. Soudain, j'ai vu l'état complet de mon âme tel que Dieu le voit. Je pouvais clairement voir tout ce qui déplaît à Dieu. Je ne savais pas que même les plus petites transgressions devront être expliquées » (Petit journal n° 36). Cette expérience nous aide à comprendre cet autre passage de son journal : « Avant de venir comme un Juge équitable, – lui dit Jésus – je viens d’abord comme Roi de miséricorde. Avant que n’advienne le jour de Justice, il sera donné aux hommes un signe dans le ciel. Toute lumière dans le ciel s’éteindra et il y aura de grandes ténèbres sur toute la terre. Alors le signe de la croix se montrera dans le ciel, et des plaies des mains et des pieds du Sauveur, sortiront de grandes lumières, qui pendant quelques temps illumineront la terre » (Petit journal n° 83). Ce texte de sœur Faustine est un rappel d’un passage de l’évangile de Matthieu : « Et alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme ; et alors toutes les races de la terre se frapperont la poitrine ; et l'on verra le Fils de l'homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire » (Mt 24, 30).

Il n’y a qu’une seule venue glorieuse du Christ. La succession de la miséricorde et de la justice ne signifie pas que Dieu puisse cesser un jour d’être miséricordieux, d’ailleurs, en 1934, Jésus demande à sœur Faustine « proclame que la miséricorde est le plus grand attribut de Dieu » (Petit Journal § 301). Cela signifie, comme l’Apocalypse l’enseigne, que les hommes vont un jour se fixer dans le bien (le sceau de Dieu) ou dans le mal (la marque de la bête), et qu’un jugement du monde aura alors lieu, car ceux qui auront rejeté le Créateur ne pourront plus vivre sur la terre.

Venons-en à l’évangile.

« 19. Or, lorsque ce fut le soir, / de ce jour qui est le premier de la semaine,
et que les portes étaient maintenues fermées, / là où se trouvaient les disciples,
à cause de la crainte des Juifs,
Jésus vint, / se tint debout parmi eux,
et leur dit : / ‘La paix [plénitude] avec vous !’
20. Il dit ceci,
et il leur montra ses mains / et son côté.
Et les disciples se réjouirent /de ce qu’ils virent Notre Seigneur » (Jn 20, 19-20)

Après la terrible épreuve qu’ils viennent de traverser, on comprend que les disciples aient besoin de paix. Sous la colonnade de Salomon, les premiers auditeurs de Pierre et Jean ont aussi besoin de paix. Ils sont hébreux, et le Messie qui leur était destiné, leurs chefs l’ont livré pour être crucifié !

« La paix soit avec vous ! » : Ouvrir les bras (comme dans le geste liturgique). Le mot paix qui est ici utilisé est le mot « šlāmā ». Il désigne la paix intérieure, le « bien-être » avec Dieu que Jésus donne, à la différence de la « šaynā » qui désigne la paix extérieure, le consensus social, qui permet de se poser pour cultiver la terre. En grec et dans les langues européennes, il n’y a malheureusement qu’un seul mot pour traduire les deux mots araméens. La paix que Jésus donne est šlāmā, pas šaynā (Mt 10, 34 ; Lc 12, 51). Ceux qui se convertissent en entendant les apôtres peuvent pressentir les futures persécutions, ils n’auront pas la tranquillité, la šaynā, mais ils ont besoin de « šlāmā », la plénitude de la présence divine.

Le Christ ressuscité « leur montra ses mains et son côté » (Jn 20, 20), par où il n’a cessé d’apporter la lumière au monde, la guérison, la sanctification. Or, ces mains et ce côté sont transpercés : c’est à travers sa Passion que Jésus apporte l’Esprit de sainteté. S’accomplit ce que Jean le Baptiste avait annoncé : l’Agneau de Dieu prend sur lui et enlève le péché du monde, il immerge dans l’Esprit de Sainteté (Jn 1, 29. 33).

 

Évangile (Jn 20, 19-31)

L’évangile dans une traduction adaptée à la récitation orale.

« 19. Or, lorsque ce fut le soir, / de ce jour qui est le premier de la semaine,
et que les portes étaient maintenues fermées, / là où se trouvaient les disciples,
à cause de la crainte des Juifs,
Jésus vint, / se tint debout parmi eux,
et leur dit : / ‘La paix [plénitude] avec vous !’

20. Il dit ceci,
et il leur montra ses mains / et son côté.
Et les disciples se réjouirent /de ce qu’ils virent Notre Seigneur.

21. Or Jésus leur dit de nouveau : / ‘La paix avec vous.
De la même façon que Mon Père m’a envoyé, / Moi, aussi, Je vous envoie !’

            22. Et, ayant dit ces choses-là,
il souffla en eux / et leur dit :
‘Recevez / l’Esprit Saint !

23. Si vous remettez les péchés à quelqu’un, / ils lui seront remis.
Si vous retenez [ceux] de quelqu’un, / ils sont retenus’.

24. Or Thomas, l’un des Douze, / celui qui est dit le Jumeau,
il n’était pas là, avec eux, / lorsque vint Jésus.
25. Les disciples lui disaient : / ‘Nous avons vu Notre Seigneur !’

Or, lui, / il leur dit :
‘Si je ne vois dans ses mains les endroits des clous, / et ne jette en eux mes doigts,
et n’étends ma main dans son côté, / je ne croirai pas !’ 

            26. Et, après huit jours,
de nouveau, les disciples étaient à l’intérieur, / et Thomas avec eux.
Et Jésus vint, tandis que les portes étaient maintenues fermées, / et se tint debout au milieu,
et il leur dit : / la paix [plénitude] soit avec vous !’ 

            27. Et il dit à Thomas :
Fais venir ton doigt ici même/ et vois mes mains !
Et fais venir ta main / et étends[-la] dans mon côté !
Et ne sois pas incroyant, / mais croyant.’

28. Et Thomas répondit / et lui dit :
‘Mon Seigneur / et mon Dieu !’

            29. Et Jésus lui disait : 
Maintenant que tu m’as vu, / tu as cru !
Bienheureux sont-ils, / ceux qui ne m’ont pas vu et qui ont cru !

30. Or ce sont beaucoup d’autres signes / que fit Jésus devant ses disciples.
et qui ne sont pas écrits / dans ce livre.
31. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez / 
que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu,
et que dès que vous avez cru, / vous ayez en son nom la vie pour toujours ». 

(traduction de F. Guigain modifiée par F. Breynaert).

« Croire » : appuyer ses mains devant soi comme sur un appui de fenêtre.

« Mon Seigneur et mon Dieu » : geste d’adoration, par exemple, les mains croisées sur la poitrine en s’inclinant.

Il est stupéfiant que Jésus donne aux apôtres le pouvoir de remettre les péchés, ce qui est la prérogative du Grand-Prêtre au Yom Kippour. L’investiture d’un Grand-Prêtre fait l’objet de solennités qui durent sept jours (Ex 29, 35 ; Lv 8, 33), ce qui explique cette autre apparition où Thomas est désormais présent. L’appellation Grand-Prêtre est en effet attestée pour désigner les évêques par les anciennes traditions, par exemple, au début du III° siècle, la Tradition apostolique s’exprime ainsi concernant les visites aux malades « que s’il plait à l’évêque, il leur rende visite : c’est en effet un grand réconfort pour un malade que le Grand-Prêtre se souvienne de lui » [3]. Pierre Perrier a démontré que saint Thomas est représenté dans un grand bas-relief sur la falaise de Kong Wang Shan en Chine, et cette représentation est datée de la fin du premier siècle, vers l’an 70. Or on observe sur Thomas la coiffe plate et la plaque (dorée) caractéristique du Grand-Prêtre.

Attention dans l’évangile à l’ordre des mots ; d’abord « Recevez l’Esprit de Sainteté » (Jn 20, 22), ensuite « Remettez les péchés » (Jn 20, 23). Il y a une action à l’intérieur des personnes, une sanctification, une transformation des apôtres : l’Esprit de Sainteté leur confère de pouvoir recevoir les confessions sans être atteints par leur négativité, mais en apportant la parole qui relève et sanctifie. Cette transformation sera ensuite appelée par l’Église « le sacrement de l’ordre ». Le sacrement de l’ordre est donc très fortement associé à celui de la rémission des péchés ‒ l’association des deux sacrements mérite attention : supprimer le sacrement de réconciliation, c’est vider l’essence du sacerdoce.

Le Grand-Prêtre est normalement unique. Dans l’Église, les apôtres et leurs successeurs sont participants de l’unique Grand Sacerdoce du Christ. Cette participation n’est pas uniquement extérieure à eux : remettre les péchés, c’est obtenir la conversion des pécheurs, et pour l’obtenir, le Christ a offert sa Passion, et le prêtre participe à cette offrande.

En invitant Thomas à voir ses mains et à mettre sa main dans son côté (Jn 20, 27), Jésus suggère que le sacerdoce chrétien est un contact avec la Passion et la Résurrection du Christ. Non pas une école de pensée ou un parti, mais une fidélité à Jésus jusqu’à la Croix et la résurrection. Le contact (qūrbānā) de Thomas avec Jésus est une rencontre (qūrbānā) bouleversante avec l’Amour divin, être prêtre signifie donc être spécialiste de la rencontre de l’homme avec Dieu (qūrbānā, ce mot araméen qui désigne les Saints Mystères eucharistiques) !

« Si vous remettez [racine šbq] les péchés à quelqu’un, ils lui seront remis [racine šbq] ». Remettre les péchés, c’est les laisser tomber. C’est le même verbe que quand, au bord du Lac, Jésus appelle Simon, André, Jacques et Jean qui « laissent [verbe šḇaq] leur filet » et se mettent à la suite de Jésus (Mc 1, 20). Les apôtres peuvent remettre les péchés, avec le discernement procuré par l’assistance de l’Esprit Saint. Le péché pardonné est pardonné pour l’éternité.

Mais si, par exemple, il n’y a aucun regret, les apôtres peuvent « retenir – [racine ‘ḥd] » les péchés, les maintenir jusqu’à ce que peut-être les dispositions du pécheur changent… Il ne s’agit pas de condamnation définitive, mais d’une mise à l’écart à cause de l’absence de repentir (c’est le sens originel du mot « excommunication »). En araméen, jamais ce verbe « retenir » ne signifie condamner. Jésus ne donne pas aux apôtres le pouvoir de juger, c’est lui le Fils de l’homme qui jugera le monde lors de sa venue glorieuse. Il donne aux apôtres le pouvoir de remettre les péchés, mais, avec discernement (Jn 20, 21-23).

 

[1] F. Breynaert, Jean, L’évangile en filet. L’oralité d’un texte à vivre. (Préface Mgr Mirkis – Irak) Éditions Parole et Silence. Paris, 8 décembre 2020.
[2] « rīš » ne désigne pas forcément la tête, donc la clé de voûte, mais la principale, le commencement, donc la première, la pierre de fondation.
[3] TRADITION APOSTOLIQUE § 34, Ed. B. Botte, Münster, 1963, p. 80-81

 

Tous droits réservés (comme partout sur le site) F. Breynaert

L'hymne des chérubins, dans la version de Grigory Lvovsky (1830-1890), par le chœur (laïque) du monastère Stretenski de Moscou. L'enregistrement existait déjà (je ne sais pas de quand il date), mais il vient d'être mis sur YouTube. C'est d'une beauté absolue, comme composition et comme interprétation.

Date de dernière mise à jour : 26/04/2024