1er dimanche de carême

Logo radio esperance

Première lecture (Gn 2, 7-9 ; 3, 1-7a)

Psaume (Ps  50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17)

Deuxième lecture (Rm 5, 12-19)

Évangile (Mt 4, 1-11)

Première lecture (Gn 2, 7-9 ; 3, 1-7a)

« Le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé. Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Or le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : ‘Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin’ ? » La femme répondit au serpent : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : ‘Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.’ » Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea. Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus. – Parole du Seigneur. »

Chers auditeurs, le péché de David avec la femme d’Urie ou les infidélités des Hébreux au temps de la traversée du désert sont représentés dans ce péché d’Adam et Éve mangeant de l’arbre défendu. Tous ces péchés chassent du paradis de l’intimité avec le Créateur. L’idée que Satan tente les hommes est une idée relativement tardive, présente dans les livres de sagesse, après l’exil à Babylone. La doctrine du péché originel a ses prémices dans la théologie juive au temps du Christ : mais elle ne peut être clairement comprise qu’à la lumière de l’Évangile, pour définir le péché originel, le concile de Trente s’appuie non pas sur Genèse 2-3 mais sur l’épitre de saint Paul aux Romains qui sera la 2e lecture de ce dimanche. Cependant, surtout à l’heure où certains promeuvent le transhumanisme, il est possible avec le récent catéchisme (CEC 399-401), de voir dans ce récit une description du péché originel. Il est surtout important de comprendre l’anthropologie enseignée par ce récit de la Genèse. Je vais suivre le livre de Gabrielle Lévy, dans « Le 3e Temple et l’ultime Shabbat », aux éditions Vérone 2022, p. 100-101.

« Le Seigneur D.ieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres séduisants à voir et bons à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance bonne et mauvaise » (Gn 2, 9). Attention à la traduction. Habitués à la logique binaire, on transforme la phrase pour parler d’un arbre du bien et du mal. Mais en hébreu, il s’agit bel et bien d’adjectifs. L’arbre est bon dans le sens où son existence donne de nouvelles possibilités de connaissances, mais en décoder les secrets revient à figer la vie. « Vous n’en mangerez pas, le jour où vous en mangerez, vous mourrez de mort [sémitisme pour dire assurément vous mourrez] » (Gn 2, 16). L’inconnaissable ne peut être dévoilé que par une instauration divine, une Révélation. Mettre la main sur cet arbre et en consommer, c’est fabriquer de fausses révélations, c’est détruire l’ouverture à D.ieu, la source de Vie, la dimension religieuse qui fait que l’homme est humain.

L’attitude de la Vierge de Nazareth qui questionne l’ange Gabriel constitue une manière de vérifier si la révélation qu’il apporte est véridique (Lc 1, 28-38) et sa virginité incarne le respect absolu de l’instauration divine.

Le Créateur avait aussi dit à Adam : « tu mangeras de tous les arbres du jardin… [y compris l’arbre de vie, mais non l’arbre de la connaissance bonne et mauvaise] » (Gn 2, 16), il s’agit d’une nourriture symbolisant la connaissance variée associée à la vie sur la terre. Cette connaissance fait partie de la nature humaine, mais le serpent, Satan, veut la réduire à rien. La tentation du serpent de la Genèse commença par ces mots : « Alors, D.ieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? » (Gn 3, 1). Le péché originel ne consiste donc pas seulement à consommer un fruit défendu, c’est aussi le refus de manger des arbres du jardin, avec pour conséquence l’expulsion hors du jardin. Hors de la clôture protectrice du jardin, l’homme se retrouve sans limite, dans un Ein Sof fascinant mais destructeur. S’éloigner des arbres du jardin, c’est aussi s’éloigner du réel jusqu’à le nier ; combien d’idéologies tiennent alors pour bonnes des constructions politiques ou économiques qui impliquent des atrocités ? Saint Luc souligne deux fois le fait que Marie médite les événements (Lc 2, 19. 51) : elle nourrit son esprit avec les faits concrets qui adviennent dans sa vie ».

Entrant dans un dialogue critique avec la pensée juive Kabbalistique, Gabrielle Lévy s’oppose à la pensée résumées par Élie BÉNAMOZEGH, qui écrit que D.ieu interdit à l’homme le Réel[1]. « Nous pensons, écrit Gabrielle Lévy, qu’il n’en est pas ainsi et nous associons au réel « les arbres du jardin » dont D.ieu donne l’ordre de manger. Certes, les idées de l’intelligence permettent de façonner le réel, mais le Serpent-Satan déforme l’ordre divin en disant que D.ieu aurait dit de ne manger aucun arbre du jardin parce que les séductions et les illusions démoniaques échouent devant des faits réels observables par tout un chacun. Nous pensons que le D.ieu unique ne doit pas être confondu avec « l’Idéal », car il est le créateur des Lois et des Idées, comme il est aussi le créateur des faits concrets. L’arbre qu’il ne faut pas manger (Gn 2, 9) n’est d’ailleurs pas appelé l’arbre de la connaissance du bien et du mal mais l’arbre de la connaissance bonne et mauvaise (Gn 2, 9) : c’est l’arbre de la révélation, bonne lorsqu’elle est reçue comme un don de Dieu, mauvaise lorsque l’homme veut mettre la main sur la source car il produit alors de fausses révélations ».

Chers auditeurs, relisons le début du péché des origines : « La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence »… Mais cette prétendue intelligence était coupée de la Source de la Vie divine, elle l’occultait ! Et Adam et Eve furent nus, dépouillés de la gloire que leur donnait leur relation filiale au Créateur.

Psaume (Ps  50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17)

« Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. Contre toi, et toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint. Rends-moi la joie d’être sauvé ; que l’esprit généreux me soutienne. Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange ».

Nous allons suivre et résumer le commentaire de saint Augustin sur ce psaume (S. Augustin, Sur les Psaumes 51).

 En voici le titre : «Psaume de David, lorsque le prophète Nathan vint le trouver, après son adultère avec Bethsabée»; car Bethsabée était femme et épouse d'un autre homme. Nous ne le disons qu'avec douleur et en tremblant; et pourtant ce n'est point pour qu'on en garde le silence, que le Seigneur l'a fait consigner dans l'histoire.  David fit même tuer à la guerre le mari de cette femme; à l'adultère il joignit le meurtre: et après ce crime le prophète Nathan lui fut envoyé, et envoyé par le Seigneur, pour lui reprocher un si grand forfait 2S 11,1-14  Il faut donc veiller à cette faiblesse de la chair, et se souvenir de ces paroles de l'Apôtre: «Que le péché ne règne pas dans votre chair mortelle Rm 6,12». L'Apôtre n'a pas dit: Qu'il n'y soit point; mais: «Qu'il n'y règne pas». Le péché est en toi, quand tu en ressens l'attrait; il y règne, si tu y consens. Il faut réprimer l'attrait charnel, surtout lorsqu'il nous porte à ce qui est défendu, à ce qui est funeste, et non lui lâcher les rênes. Il faut le dominer, et non pas en être dominé. Regarde sans crainte, si tu n'as rien qui te porte au mal. Mais, diras-tu, je résiste avec force. Es-tu donc plus fort que David?  Ecoute aussi, toi pécheur, et dis avec David: «Ayez pitié de moi, ô mon Dieu, selon la grandeur de votre miséricorde +Ps 50,3». Implorer une grande miséricorde, c'est avouer une grande misère. 

« Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. »

Je ne m'oublie point moi-même pour regarder les autres, je ne cherche point à ôter la paille de l'oeil de mon frère, quand il y a une poutre dans mon oeil Mt 7,3 ;    «J'ai péché contre vous, contre vous seul, j'ai commis le mal en votre présence», Que veut dire cette parole? Est-ce que l'adultère de cette femme et le meurtre du mari ne furent connus d'aucun homme ? Tous ne savaient-ils point le crime de David? Que signifie: «J'ai péché contre vous seul, j'ai commis le mal en votre présence?» C'est que Dieu seul est sans péché. Celui-là seul punit avec justice, qui n'a rien en soi que l'on doive punir. 

« Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. » Comme il était coupable d'un crime, et qu'avant ce crime il était plus innocent, il nous montre ainsi la valeur de cette expression: «Créez. Et renouvelez au fond de mon âme l'esprit de droiture». Mon crime, dit-il, avait détruit et courbé la droiture de mon esprit. Il dit dans un autre psaume: «Ils ont, courbé mon âme ». Et quand l'homme se penche vers les convoitises du temps, il se courbe en quelque sorte; quand il s'élève aux biens d'en haut, de manière à trouver la douceur en Dieu, son coeur devient droit. «Combien est bon le Dieu d'Israël, pour ceux «qui ont le coeur droit !» Donc, mes frères, écoutez.

Souvent Dieu châtie de ses péchés en cette vie l'homme auquel il pardonne pour l'autre vie. David lui-même, à qui Dieu avait dit par son Prophète: «Votre péché vous est remis », dut subir les châtiments dont Dieu l'avait menacé à cause de sa faute. Son fils Absalon lui fit une guerre sanglante et le réduisit à d'humiliantes extrémités. Il marchait dans la douleur, dans l'affliction et le mépris, tellement soumis à Dieu qu'il reconnaissait sa justice dans ces traitements, et confessait qu'il ne souffrait rien qu'il n'eût mérité. Déjà son coeur était redressé, et Dieu ne lui déplaisait point. Il entendit patiemment un homme qui l'injuriait et lui jetait à la face des imprécations,un homme qui se déclarait son ennemi, et marchait avec les soldats de son fils rebelle. A ces malédictions jetées au roi, un des compagnons de David voulut courir sur cet insolent et le tuer; mais David le retint. En quels termes? «C'est Dieu», dit-il, «qui l'a envoyé pour me maudire». Il reconnaît donc sa faute, il en approuve le châtiment, il ne cherche point sa propre gloire; il bénit le Seigneur du bien qu'il trouve en lui-même, il bénit le Seigneur des maux qu'il endure, il bénit le Seigneur en tout temps; la louange du Seigneur est toujours en sa bouche.

Tels sont les hommes au coeur droit: bien différents de ces hommes dépravés qui se croient justes et Dieu pervers; qui jubilent quand ils font le mal; qui blasphèment quand ils souffrent; qui sous le fouet de la tribulation s'écrient dans leur âme dépravée: Dieu, que t'ai-je fait? En vérité, ils n'ont rien fait pour Dieu, ils ont tout fait pour eux-mêmes : «Renouvelez dans mes entrailles l'esprit de droiture».

« Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint »

«Ne me repoussez point de votre présence». Détournez vos regards de mes péchés, mais ne m'éloignez pas de votre présence. Il redoute le regard de Dieu, et néanmoins il invoque ce regard. «Ne m'éloignez pas de votre présence, et ne retirez pas de moi votre Esprit Saint ». Car le Saint-Esprit est dans celui qui avoue ses fautes. Que votre péché vous déplaise, c'est là un don de l'Esprit Saint. Le mal plaît à l'esprit impur, il déplaît à l'esprit de sainteté : et quoique, d'une part, tu demandes encore pardon à Dieu, néanmoins comme d'autre part, tu as en aversion le mal que tu as fait, tu es uni à Dieu, puisque tu hais ce qu'il hait. Ainsi, vous voilà deux contre la fièvre, le médecin et toi. Aussi le Prophète ne dit point : Donnez-moi votre Esprit Saint, mais : « Ne le retirez pas de moi. Ne retirez pas de moi votre Esprit Saint ».

«Seigneur, vous ouvrirez mes lèvres, et ma bouche publiera vos louanges.

Vos  louanges, parce que vous m'avez créé ; vos louanges, parce que vous ne m'avez pas abandonné, malgré mon péché ;

vos louanges, parce que vous m'avez averti de confesser ma faute ;

vos louanges, parce que vous m'avez purifié afin que je fusse en sûreté :

Vous ouvrirez mes lèvres, et ma bouche publiera vos louanges».

 

Deuxième lecture (Rm 5, 12-19)

Cette lecture étant longue, nous l’expliquons au fur et à mesure.

« Frères, nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché. »

Ce texte de saint Paul expose la doctrine du péché originel.

Cette doctrine a ses prémices dans la théologie juive au temps du Christ, avec l’idée présente dans les tannaïm selon laquelle, si l’homme pèche et rejette Dieu, Dieu ne s’impose pas, mais il se retire au 7° ciel, laissant le monde dans les ténèbres [2]. Le Christ, en se présentant comme la lumière du monde, sous-entendrait une telle vision des choses. Lumière du monde, il sauve le monde des ténèbres où la Faute l’a jetée.

Le Christ avait dit « mon Père et moi sommes un » (Jn 10, 30). Comment les hommes en sont-ils arrivés à un aveuglement tel qu’ils crucifient Jésus, le Christ, oint de l’Esprit Saint ? Il fallait qu’il y ait une cassure profonde, le péché originel, une fracture "en Adam".

La résurrection nous montre un homme glorieux qui entre toutes portes fermées : on le reconnaît, pourtant il est différent. Serait-ce la manifestation de la nature humaine avant la chute ?

La doctrine du péché originel mûrit donc à la lumière de la croix et de la résurrection, notamment avec saint Paul. Et, en effet, le concile de Trente s’appuie non pas sur Genèse 2-3 mais sur l’épitre de saint Paul aux Romains. Saint Paul nous dit : « Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé en tous les hommes, du fait que tous ont péché » (Rm 5, 12). Le péché originel est donc une tache morale qui appelle une rédemption, une responsabilité juridique qui appelle une réconciliation.

Au verset 14, Paul précise que la mort concerne même les innocents : le péché originel est donc un état déchu, une corruption héréditaire, plus encore qu’une tache morale. « Cependant la mort a régné d’Adam à Moïse même sur ceux qui n’avaient point péché d’une transgression semblable à celle d’Adam » (Rm 5, 14). Le baptême des tout petits en découle, il est pratiqué pour que la régénération purifie en eux ce que la génération leur a apporté » (DS 223, concile de Carthage en l’an 418).

Continuons la lecture de saint Paul. 

« Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde, mais le péché ne peut être imputé à personne tant qu’il n’y a pas de loi. Pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. Or, Adam préfigure celui qui devait venir. Mais il n’en va pas du don gratuit comme de la faute. En effet, si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ. Le don de Dieu et les conséquences du péché d’un seul n’ont pas la même mesure non plus : d’une part, en effet, pour la faute d’un seul, le jugement a conduit à la condamnation ; d’autre part, pour une multitude de fautes, le don gratuit de Dieu conduit à la justification. Si, en effet, à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a établi son règne, combien plus, à cause de Jésus-Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en abondance le don de la grâce qui les rend justes.

Bref, de même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation, de même l’accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie. En effet, de même que par la désobéissance d’un seul être humain la multitude a été rendue pécheresse, de même par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle rendue juste. »

La multitude sera rendue juste, mais il faut que l’évangile soit annoncé, que le salut soit accueilli, que les gens soient baptisés !

L’expérience du pardon du Christ et de sa rédemption est tellement puissante qu’elle a conduit saint Paul à penser que le Christ a restauré la création jusque "en Adam". «… De même la grâce régnerait par la justice pour la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 5, 21). Le Christ nouvel Adam restaure l’humanité à la racine et de manière universelle.

Jésus se désignait "Fils de l’homme", il restaure la nature humaine.

Nous lisons dans les Actes des apôtres que Paul (Saül), sur le chemin de Damas, eut une vision du Christ ressuscité qui l’envoya vers les nations païennes « pour leur ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent, par la foi en moi [c’est Jésus qui parle], la rémission de leurs péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26, 18). La mission de saint Paul est de délivrer les hommes de l’empire de Satan par la foi au Christ, synonyme d’une guérison du péché d’Adam. « Si, par la faute d’un seul, la multitude est morte, combien plus la grâce de Dieu et le don conféré par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, se sont-ils répandus à profusion sur la multitude » (Rm 5, 15). Cette grâce advient par le baptême dans la mort et la résurrection du Christ (Rm 6). C’est l’occasion d’un regard d’ensemble sur la lettre aux romains.

Paul affirme à la fois un état déchu et une responsabilité de chacun. Il explique que la responsabilité personnelle demeure (Rm 1 – 2), tous ont péché, même les païens car ils avaient une loi inscrite dans le cœur (Rm 2, 15). La faute d’Adam a généré un état déchu pour toute l’humanité, par conséquent, la mort touche tous les êtres humains, et de toute façon, « tous ont péché » (Rm 5, 12).

En Jésus nous avons la justification, la régénération, la restauration de la nature humaine. Chers auditeurs, annonçons l’évangile pour que les gens soient sauvés, vivifiés, régénérés, restaurés !

 

Évangile (Mt 4, 1-11)

« En ce temps-là, Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. » Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. » Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient. – Acclamons la Parole de Dieu ».

Les versets d’introduction présentent les protagonistes : Jésus et l’Esprit, l’Accusateur, littéralement le mangeur de calomnies « āḵelqarṣā » Jésus change de lieu vers un lieu désert, nous avons ici le mot maḏbrā, un mot qui dérive du mot parole, c’est le lieu où l’on entend la Parole de Dieu, et qui rappelle le Sinaï (il y a autre mot pour dire le désert, ḥūrbā, que l’on trouve en Lc 4, 1 et que l’on peut traduire par lieu dévasté, champ de ruines, image de la désolation du monde sous l’emprise démoniaque). Et voici que pendant 40 jours, Satan « tente » Jésus ; nous avons le verbe araméen « nasse » qui signifie tenter, éprouver, s’efforcer [3]. Les quarante jours d’épreuve de Jésus font écho aux quarante ans des Hébreux dans le désert, qui ont été pour le peuple un temps de mise à l’épreuve (Dt 8, 2).

Première tentation (Mt 4, 3-4)

Le jeûne extrême et la faim exposent Jésus à la tentation de changer les pierres en pain.

Le prophète de la fin des temps doit être comme Moïse (Dt 15, 18), ne faudrait-il donc pas que Jésus fasse le miracle de la manne ? Le miracle de la manne fut une concession au peuple qui murmurait (Ex 16, 2-4). Contrairement au peuple, Jésus ne regrette pas le pain d’Égypte, il se comporte en israélite obéissant. Plus encore, il accomplit l’ordre de se souvenir « de tout le chemin que YHWH ton Dieu t’a fait faire pendant 40 ans dans le désert […] pour te montrer que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche de YHWH » (Dt 8, 2-3) et Jésus cite la fin de la phrase (Mt 4, 4). Jésus fera des miracles, mais il le fera pour les autres, non pour lui-même. Sa relation au Père est plus importante que le Pain.

Deuxième tentation (Mt 4, 5-8)

L’Accusateur conduit Jésus sur « l’aile du Temple [kenpā dhayklā] » (Lc 4, 9), cette expression évoque la prophétie des 70 semaines dans le livre de Daniel, qui annonce « un Messie supprimé… et sur l’aile du Temple l’abomination de la désolation » (Dn 9, 26-27). Mais Satan sélectionne ses références à l’Écriture, et il veut que Jésus joue avec l’extraordinaire et les puissances angéliques. L’Accusateur est perfide car, s’il est écrit : « Il donnera pour lui des ordres à ses anges » (Ps 90, 11-12), aucune Écriture ne dit : « Jette-toi en bas », mais c’est de son fond menteur que Satan tire cette suggestion. Jésus lui oppose une autre Écriture : « Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu » (Dt 6, 16).

Jésus est pleinement Fils, tout entier dépendant du Père, et, étant pleinement Fils, il est le Messie, oint de l’Esprit Saint.

Troisième tentation (Mt 4, 8-10)

Jésus vient d’affirmer la primauté de sa relation au Père, mais Satan lui propose aussitôt une autre alliance, pervertie. Espère-t-il que Jésus va vivre une double relation ? La seconde tentation consiste à exercer une emprise sur le monde par les moyens de Satan, en se prosternant devant lui. Par exemple, on est catholique, et on fait des fraudes fiscales, on exploite son prochain, etc.

L’Ancien Testament exprime souvent que Dieu est la source de toute autorité politique (Pr 21, 1 ; Pr 8, 15-16), et Jésus respecte cet enseignement quand il demande de payer l’impôt (Lc 20, 20-26). Après lui, l’apôtre Paul dit dans le même sens : « il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu » (Rm 13, 1). Cela ne signifie pas que tous les rois sont justes ou saints ; saint Irénée observe avec finesse que certains rois sont donnés pour le profit de leurs sujets, d’autres pour le châtiment, et d’autres pour la moquerie, selon que leurs sujets le méritent [4]. Ces considérations nous font comprendre clairement que l’Accusateur profère un mensonge lorsqu’il dit à Jésus « Je te donnerai toutes ces choses ». Par ce mensonge, il cherche à séduire les hommes pour qu’ils l’adorent lui-même comme Dieu [5]. Mais Jésus démasque son apostasie en répondant : « Vers le Seigneur ton Dieu tu te prosterneras, et à lui seul tu rendras un culte ». Jésus répond en citant l’Écriture : « tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu » (Dt 26, 10), et l’interdit de se prosterner devant d’autres divinités (Dt 5, 9) ; le verbe « se prosterner » peut aussi être traduit « adorer ».

La vie de Jésus est un service de Dieu, sans aucune visée démoniaque de toute puissance personnelle.

Mt 4, 11. Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient.

Le diable est un ange déchu, et les bon anges s’approchent de Jésus après sa victoire sur ses tentations.

 

[1] Élie BÉNAMOZEGH, Israël et l’humanité. Étude sur le problème de la religion universelle et sa solution., Éditions Ethose 2020, p. 347

[2] Tanhuma naso 16, éditions Eshkol, Jérusalem 1972, pp. 687-688

[3] En grec, le verbe peirazô, forme intensive de Peiraô (essayer, tenter) signifie « essayer de tenter ».

[4] Cf. S. IRÉNÉE, Contre les Hérésies V, 24, 2

[5] S. IRÉNÉE, Contre les Hérésies V, 24, 3-4

 

F. Breynaert

Date de dernière mise à jour : 31/03/2023