4e Dimanche de Carême

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Première lecture (1 S 16, 1b.6-7.10-13a)

Psaume (Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)

Deuxième lecture (Ep 5, 8-14)

Évangile selon saint Jean, chap 9.

 

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Première lecture (1 S 16, 1b.6-7.10-13a)

« En ces jours-là, le Seigneur dit à Samuel : ‘Prends une corne que tu rempliras d’huile, et pars ! Je t’envoie auprès de Jessé de Bethléem, car j’ai vu parmi ses fils mon roi’. Lorsqu’ils arrivèrent et que Samuel aperçut Éliab, il se dit : ‘Sûrement, c’est lui le messie, lui qui recevra l’onction du Seigneur !’ Mais le Seigneur dit à Samuel : ‘Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur’. Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : ‘Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là.’ Alors Samuel dit à Jessé : ‘N’as-tu pas d’autres garçons ?’ Jessé répondit : ‘Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau’. Alors Samuel dit à Jessé : ‘Envoie-le chercher : nous ne nous mettrons pas à table tant qu’il ne sera pas arrivé.’ Jessé le fit donc venir : le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau. Le Seigneur dit alors : ‘Lève-toi, donne-lui l’onction : c’est lui !’ Samuel prit la corne pleine d’huile, et lui donna l’onction au milieu de ses frères. L’Esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là. – Parole du Seigneur. »

David est un roi très aimé. La Bible ne donne de date ni pour le début du règne de Saül ni pour le début de règne de David. C’est donc avec une certaine imprécision que nous situons son histoire au XI° siècle avant J-C. Cette imprécision ne signifie pas que nous ayons un récit légendaire sans fondements historiques.

L’histoire de David possède des jalons archéologiques (l’existence des Philistins et de la ville de Gath, l’existence d’une place forte à Jérusalem avec des terrasses et des structures à degré, la stèle de Dan mentionnant la maison de David²…). Nous ne sommes pas devant un mythe créé de toutes pièces pour les intérêts de Josias au VII° siècle. Le récit de David ne correspond pas à la préoccupation de Josias qui est la centralisation du culte. Josias n’a pas besoin de récits guerriers pour justifier la reconquête du royaume de Samarie, cette reconquête se justifie d’elle-même par la présence de nombreux réfugiés dans le territoire de Juda.

Alors, David ? Le contexte politique est celui-ci : le long de la côte, les Philistins, peuples venus de la mer vers le XIII° siècle avant J-C, ont construit, au XII° siècle avant J-C, cinq villes : Gaza, Ascalon, Ashdod, Gath (Gat), Eqrôn. Ils s’affrontent avec les Hébreux pour contrôler la Shefelah, zone de moyenne montagne, plus fertile que la côte sableuse et que les montagnes caillouteuses. On comprend bien que pour mieux se défendre, les Hébreux demandent un roi.

Samuel résiste à répondre favorablement à cette demande du peuple et c’est important à rappeler. En ce temps-là, on trouve un peu partout, en Égypte, en Grèce, au Proche-Orient, des critiques adressées à des souverains concrets, mais ce n’est qu’en Israël qu’une critique de l’institution royale apparaît comme telle. Au fond, cette critique de la royauté insiste sur ce point : le seul vrai roi d’Israël est YHWH le Seigneur (1Sam 12, 12, lire aussi : 1Sam 8, 7). Le roi d’Israël ne sera jamais divinisé, ni durant sa vie, ni après sa mort.

Cependant, Dieu demande à Samuel d’accorder un roi au peuple. Et Samuel lui donne l’onction. Dieu fait un don au roi, un don de son Esprit Saint. L’Esprit Saint n’est pas uniquement sur les prophètes et sur les prêtres, il est aussi sur le roi. L’institution, la structuration de la société, tout cela aussi est bon, et béni de Dieu.

Samuel donne d’abord l’onction royale à Saül, dans la petite localité de Miçpa (au nord de Jérusalem, 1Sam 10, 16-25). Mais Saül n’obéit pas à Dieu et son onction lui est retirée. Samuel, qui habite à Rama, part donner discrètement l’onction au jeune David, originaire de Bethléem. Il est choisi de préférence à ses frères parce que « YHWH voit le cœur » (1Sam 16, 8). « L’esprit du Seigneur fondit sur David à partir de ce jour-là et dans la suite » (1Sam 16, 13).

Ensuite, l’histoire de David est longuement développée. Beaucoup plus que l’histoire des autres rois. Mises à part quelques prophéties très particulières, la révélation se dit à travers une manière de vivre, à travers une attitude emprunte de piété, de justice, de chasteté, de sagesse, de fidélité et de miséricorde, et même de péché et de repentance.

« En ces jours-là, le Seigneur dit à Samuel : ‘Prends une corne que tu rempliras d’huile, et pars ! Je t’envoie auprès de Jessé de Bethléem, car j’ai vu parmi ses fils mon roi’. Lorsqu’ils arrivèrent et que Samuel aperçut Éliab, il se dit : ‘Sûrement, c’est lui le messie, lui qui recevra l’onction du Seigneur !’ Mais le Seigneur dit à Samuel : ‘Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur’. »

Le Seigneur ne regarde pas l’apparence, mais il regarde le cœur. Le royaume de David prépare, préfigure, si l’on peut dire, le royaume du divin vouloir, l’accomplissement de la prière du Notre Père : « que ton règne vienne sur la terre comme au ciel ». Nous savons que cela viendra, mais nous ne savons pas quand. Or, Dieu ne regarde pas l’apparence. Ce qui fait advenir le mieux le règne de Dieu n’est pas ce qui a, selon nous, belle apparence. Mais ce qui est selon le cœur de Dieu, voilà ce qui fera advenir efficacement son règne.

« Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : ‘Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là.’ Alors Samuel dit à Jessé : ‘N’as-tu pas d’autres garçons ?’ Jessé répondit : ‘Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau’. »

Ne craignons donc pas les plus petits, restés à l’écart comme le jeune David était encore au champ avec ses troupeaux quand Samuel venait pour oindre un roi. Dieu regarde au cœur.

 

Psaume (Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)

« Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante. Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ; j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. » 

Le Seigneur est mon berger. Il me fait vivre. Il me conduit. L’expression « ton bâton me guide et me rassure » désigne le bâton du berger qui écarte les dangers, ou les broussailles.

Le psaume de ce dimanche s’applique très particulièrement à David : « Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante ».

« Il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom » correspond bien aux trois premiers versets de l’évangile de ce dimanche :

« 1. Et, tandis qu’il passait, / Jésus vit un homme aveugle depuis le sein de sa mère.

2. Et ses disciples l’interrogèrent, / en disant :

‘Notre Rabbi ! / Qui a péché ?

Celui-ci, / ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ?’

3. Jésus leur disait :

‘Ni lui n’a péché, / ni ses parents,

mais c’est afin que soient vues, en lui, / les œuvres de Dieu ! » (Jn 9, 1-3).

Plus généralement, ce psaume, qui évoque à la fois les eaux, la coupe, et l’onction parfumée préfigure les sacrements. J’explique, dans mon livre « Jean, l’évangile en filet » (Parole et Silence 2020) que Jean a formé un fil où sans fixer le nombre des sacrements, ni leurs rituels, il a indiqué les grandes lignes de la vie sacramentelle, qui est très nettement une affaire d’Esprit Saint.

Saint Augustin fit un beau commentaire de ce psaume. J’ai glané pour vous :

« 1. C'est l'Église qui s'adresse au Christ : «Le Seigneur me dirige et rien ne me manquera (Ps 22,1)». Le Seigneur Jésus est mon pasteur, et je ne manquerai de rien.

2. «Il m'a placé dans un lieu de pâturage (Ps 22,2)». Il m'a placé, pour me nourrir, dans ce lieu de pâturage qui commence par me conduire à la foi. «Il m'a entretenu le long des eaux salutaires ». Il m'a fait grandir par les eaux du baptême, qui rendent la force et la santé à ceux qui ont langui.

3. «Il rend la force à mon âme, et me fait marcher dans les sentiers de la justice, pour la gloire de son nom (Ps 22,3)» Il m'a conduit dans les sentiers étroits de sa justice, où peu savent marcher; non point à cause de mes mérites, mais pour la gloire de son nom.

4. «Quand même je marcherais au milieu des ombres de la mort». Dussé-je marcher au milieu de cette vie, qui est l'ombre de la mort… « Je ne craindrai aucun mal, parce que vous êtes avec moi Ps 22,4) ». Je ne craindrai aucun mal, parce que vous habitez dans mon coeur par la foi, et maintenant vous êtes avec moi, afin qu'après les ombres de la mort, je sois avec vous.

Seigneur, vous avez préparé un festin sous mes yeux, afin que le lait de l'enfance (1Co 3,2) ne fût plus mon aliment, mais que, devenu plus grand, je prisse une nourriture qui me fortifiât contre ceux qui me persécutent. «Vous avez répandu sur ma tête une huile parfumée ». Vous avez donné à mon coeur une joie spirituelle. «Quelle délicieuse ivresse dans la coupe que vous m'avez donnée (Ps 22,5) !» Combien est doux votre breuvage qui nous fait oublier les vains plaisirs !

6. « Et votre miséricorde me suivra tous les jours de ma vie (Ps 22,6)»; c'est-à-dire tant que je suis en cette vie mortelle, qui n'est pas la vôtre, mais la mienne. Afin que j'habite la maison du Seigneur, dans les jours éternels. Elle me suivra, non-seulement ici-bas, mais elle me donnera la maison du Seigneur, pour la vie éternelle. » (Saint Augustin, sur les Psaumes, 23).

 

Deuxième lecture (Ep 5, 8-14)

« Frères, autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ; conduisez-vous comme des enfants de lumière – or la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité – et sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur. Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt. Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte même d’en parler. Mais tout ce qui est démasqué est rendu manifeste par la lumière, et tout ce qui devient manifeste est lumière. C’est pourquoi l’on dit : Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. – Parole du Seigneur ». 

Paul parle avec humilité et connaissance de cause quand il dit : « Frères, autrefois, vous étiez ténèbres », en effet, Paul lui-même autrefois persécutait l’Église, avant sa conversion sur le chemin de Damas. Rappelons le récit de sa conversion au début du chapitre 9 des Actes des apôtres : « En ces jours-là,   Saul était toujours animé d’une rage meurtrière contre les disciples du Seigneur. Il alla trouver le grand prêtre et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s’il trouvait des hommes et des femmes qui suivaient le Chemin du Seigneur, il les amène enchaînés à Jérusalem. Comme il était en route et approchait de Damas, soudain une lumière venant du ciel l’enveloppa de sa clarté ».

« Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt » évoque à notre époque les activités des sectes…  

Le premier document est l’encyclique de S. S. Clément XII à tous les fidèles de Jésus Christ, Salut et Bénédiction Apostolique, du 28 Avril 1738 « In eminenti ». On y lit, entre autre ces conclusions : « C'est pourquoi Nous défendons sévèrement et en vertu de la sainte obéissance, à tous et à chacun des fidèles de Jésus-Christ, de quelque état, grade, condition, rang, dignité et prééminence qu'ils soient, laïcs ou clercs, séculiers ou réguliers méritant même une mention particulière, d'oser ou de présumer, sous quelque prétexte, sous quelque couleur que ce soit, d'entrer dans les dites sociétés de Francs-Maçons ou autrement appelées, ni de les propager, les entretenir, les recevoir chez soi ; ni de leur donner asile ou protection, y être inscrits, affiliés, y assister ni leur donner le pouvoir ou les moyens de s'assembler, leur fournir quelque chose, leur donner conseil, secours ou faveur ouvertement ou secrètement, directement ou indirectement, par soi ou par d'autres, de quelque manière que ce soit, comme aussi d'exhorter les autres, les provoquer, les engager à se faire inscrire à ces sortes de sociétés, à s'en faire membres, à y assister, à les aider et entretenir de quelque manière que ce soit, ou les conseiller : et Nous leur ordonnons absolument de se tenir strictement à l'écart de ces sociétés, assemblées, réunions, agrégations ou conventicules, et cela sous peine d'excommunication à encourir par tous les contrevenants désignés ci-dessus, ipso facto et sans autre déclaration, excommunication de laquelle nul ne peut recevoir le bienfait de l'absolution par nul autre que Nous, ou le Pontife Romain qui nous succèdera, si ce n'est à l'article de la mort ».

L’interdit du pape a pour but d’éviter de servir les desseins des ennemis de l’Eglise. Il a aussi un but protecteur, mais direz-vous peut-être : où est le danger à héberger des gens qui ne sont pas armés ? Où est le danger à donner une conférence, un conseil ? C’est qu’il s’agit d’adeptes de l’ésotérisme, nous ne luttons pas contre des gens en chair et en os, mais contre les démons qui sont invoqués par eux (cf. Eph 6, 12-13).

Le pape interdit de « leur donner les moyens de s’assembler » : on entend pourtant de nos jours telle communauté religieuse qui, pour rentabiliser l’hôtellerie, les héberge… avec un incendie sans cause identifiable dans le bureau neuf du père responsable le jour de leur départ…

Le pape interdit de « leur donner conseil » : on entend pourtant de nos jours de bons professeurs d’instituts catholiques se sentir honorés de venir y faire part de leurs recherches… et on s’étonne de les voir dévier de la droite doctrine quelques années après, ou voir leur institut dépérir.

Dans son exorcisme, le pape Léon XIII fait allusion à la franc-maçonnerie en des termes à peine voilés : « L’Église, épouse de l’Agneau immaculé, des ennemis très rusés l’ont saturée d’amertume et abreuvée d’absinthe ; ils ont porté leurs mains impies sur tout ce qu’elle a de plus précieux. Là où a été établi le Siège du bienheureux Pierre et la Chaire de la Vérité pour la lumière des nations, là ils ont posé le trône de l’abomination de leur impiété ; de sorte qu’en frappant le Pasteur, ils puissent aussi disperser le troupeau. »

En 1983, l’Eglise a rappelé l’interdit : « Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion. Les autorités ecclésiastiques locales n’ont pas compétence pour se prononcer sur la nature des associations maçonniques par un jugement qui impliquerait une dérogation à ce qui a été affirmé ci-dessus. » [1].

« Conduisez-vous comme des enfants de lumière – or la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité » dit saint Paul.

Terminons notre méditation avec le tome 12 du Livre du ciel de Luisa Piccarreta. 28 septembre 1917 : « Poursuivant dans mon état habituel, mon doux Jésus me dit : Ma fille, les ténè­bres sont épaisses et les créatures tombent de plus en plus. Dans ces ténèbres, elles creusent le précipice où elles périront. […] Il ajouta : Les actions faites dans ma Volonté sont comme des soleils illuminant tout. Tant que les actions de la créature demeurent dans ma Volonté, de nouveaux soleils brillent sur les esprits aveugles et les âmes qui ont un minimum de bonne volonté trouvent la lumière pour échapper au précipice. Toutes les autres périront. En ces temps de ténèbres si épaisses, quel bien font les créatures vivant dans ma Volonté ! Les âmes qui survivront, le feront seulement à cause de ces créatures.»


 

Évangile selon saint Jean, chap 9.

Voici le texte de l’évangile dans une traduction de l’araméen (syriaque), à transmettre par cœur, de cœur à cœur, avec un léger balancement droite gauche, que vous pouvez agrémenter de quelques gestes sobres.

« 1 Et, tandis qu’il passait, / il vit un homme aveugle depuis le sein de sa mère.

2 Et ses disciples l’interrogèrent, / en disant :

‘Notre Rabbi ! / Qui a péché ?

Celui-ci, / ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ?’

3 Jésus leur disait :

‘Ni lui n’a péché, / ni ses parents,

mais c’est afin que soient vues, en lui, / les œuvres de Dieu !

4 C’est à moi qu’il convient / de réaliser les œuvres…

de celui qui m’a envoyé, / tant qu’il fait jour !

La nuit vient, / où personne ne pourra travailler !

5 Tant que je suis dans le monde, / je suis la lumière du monde !’

6 Et, ayant dit ces choses, / il cracha sur la terre ;

Et il modela la boue à partir de sa salive / et en enduisit les yeux de cet aveugle.

7 Et il lui dit : / ‘Va te laver dans le bassin de Siloé [l’Envoyé] !’

Et il alla se laver et [re]vint, / en voyant ! 

8 Ses voisins, donc, / et ceux par lesquels il était vu auparavant en train de mendier,

disaient : / ‘N’est-il pas celui qui était assis et mendiait ?’

9 Il y en avait qui disaient : / ‘C’est lui !’

Et il y en avait qui disaient : / ‘Non, mais pour lui ressembler, il lui ressemble !’

Or, lui, il disait : / ‘C’est moi !’

10 Ils lui disaient : / ‘Comment tes yeux se sont-ils ouverts ?’

11 Il répondit / et leur dit :

‘L’homme qu’on appelle Jésus, / a fait de la boue et m’en a enduit les yeux’ ;

et il m’a dit : / va te laver dans les eaux de Siloé !’

Et je suis allé me laver / et j’ai recouvré la vue !

12 Ils lui disaient : / ‘Où est-il ?’

Il leur disait : / ‘Je ne sais pas !’

13 Et ils le firent venir, celui qui auparavant était aveugle, / auprès des Séparés.

14 Or c’était, justement, / un shabbat,

lorsque Jésus fit de la boue / et lui ouvrit les yeux.

15 Et, de nouveau, les Séparés l’interrogèrent : / ‘Comment as-tu recouvré la vue ?’

Or, lui, / il leur dit :

‘De la boue, / il posa sur mes yeux ;

et je me suis lavé, / et j’ai recouvré la vue !’

16 Et ils disaient, / certains parmi les Séparés :

‘Cet homme n’est pas de Dieu, / car il ne garde pas le Shabbat !’

D’autres, cependant, / disaient :

‘Comment est-il capable, un homme pécheur, / de faire de tels signes ?’

Et il y eut une division entre eux.

17 Ils disaient de nouveau à cet aveugle :

‘Toi, / que dis-tu sur lui, qui t’a ouvert les yeux ?’

          Il leur disait :

‘Je dis, moi, / qu’il est prophète !’

18 Or les Juifs ne crurent pas, à son sujet, / qu’il était aveugle et qu’il [re]vit,

jusqu’à ce qu’ils eurent appelé / les parents de celui qui [re]vit.

19        Et ils leur demandèrent :

‘Celui-ci est-il votre fils, / celui dont vous dites qu’il est né aveugle ?’

20 Or ses parents répondirent / et dirent :

‘ Nous savons que celui-ci est notre fils, / et qu’il est né aveugle,

21 or, comment, maintenant, il voit, / ou bien qui lui a ouvert les yeux,

nous ne le savons pas ; / aussi, lui, il a son âge,

interrogez-le ! / Lui, pour lui-même, il parlera !’

22 Ses parents dirent ces choses-là, / parce qu’ils avaient peur des Juifs.

Ils avaient tranché, en effet, / les Juifs,

que si quelqu’un reconnaît en lui le Messie, / ils le fasse sortir de la synagogue[2].

23 C’est pourquoi ses parents dirent : / ‘Il a son âge, interrogez-le !’


24 Et ils appelèrent l’homme une seconde fois, / celui qui avait été aveugle,

en lui disant : / ‘Rends gloire à Dieu !

Nous, en effet, nous savons / que cet homme est pécheur !’

25 Il répondit, lui, / et leur dit :

‘S’il est pécheur, / je ne sais pas !

Une chose cependant, / que je sais :

que j’étais aveugle et que, maintenant, / voici, je vois !’

26 Ils lui disaient de nouveau :

‘Que t’a-t-il fait ? / Comment t’a-t-il ouvert les yeux ?’

27 Il leur disait :

‘Je vous l’ai dit, / et vous n’avez pas écouté !

Quoi de plus / voulez-vous écouter ?

Est-ce que, / vous aussi

vous voulez être / ses disciples ?’

28 Or eux, ils l’injurièrent, / en lui disant :

‘C’est toi / le disciple de celui-là !

Nous, en effet, / nous sommes disciples de Moïse !

29 Et nous savons qu’avec Moïse / Dieu a parlé !

Quant à celui-là, / nous ne savons pas d’où il est !’

30 Cet homme répondit / et leur dit :

C’est en ceci alors, qu’il faut s’étonner : / que, vous, vous ne sachiez d’où il est !

Et les yeux qui sont miens, / il les a ouverts !

31 Or nous savons que Dieu, la voix des pécheurs, / il ne l’écoute pas !

Mais celui qui le craint et fait sa volonté, / celui-là, il l’écoute !

32 Jamais n’a-t-on entendu / que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle-né !

33 Si celui-là n’avait pas été de Dieu, / il n’aurait pas pu faire ceci !

34 Ils répondirent, / en lui disant :

‘Toi, / tu es né tout entier dans les péchés !

Et, toi, / tu nous enseignes !’

Et ils le firent sortir au-dehors.

35 Et Jésus entendit / qu’ils l’avaient fait sortir au-dehors.

Et il le trouva / et lui dit :

‘Toi, / crois-tu au fils de Dieu ?[3]

36 Il répondit, celui qui avait été guéri, / et dit :

‘Qui est-il, Seigneur, / pour que je croie en lui ?’

37 Jésus lui dit : / ‘Tu l’as vu !

Et celui qui parle avec toi, / c’est lui !’

38 Or, lui, / il dit :

‘Je crois ! / Seigneur !’

Et il tomba / et se prosterna vers lui.

 

          39 Et Jésus dit :

‘Pour le jugement de ce monde-ci, / je suis venu,

pour que ceux qui ne voient point, / voient ;

et que ceux qui voient, / s’aveuglent !’

40 Et certains Séparés / ─ ceux qui étaient avec lui –

entendirent ces choses-là / et lui dirent :

‘Est-ce que, nous aussi, / nous serions aveugles ?’

          41 Jésus leur disait :

‘Si vous étiez aveugles, / vous n’auriez pas de péché.

Or, maintenant, vous dites : / ‘Nous voyons !’

C’est pourquoi votre péché / est subsistant !’ » (Jn 9, 1-41)

Le geste est très évocateur : Jésus a fait de la boue, il en a enduit les yeux de l’aveugle, et c’est en se lavant dans le bassin d’immersion de Siloé (l’Envoyé) qu’il est guéri (Jn 1, 6-7). Au paralytique de Capharnaüm, Jésus avait dit « tes péchés te sont remis », il s’agit de péchés particuliers ; au paralytique de la piscine de Beth-Hesda, Jésus dit « ne pèche plus », il s’agit des péchés en général ; ici, il s’agit de l’aveuglement natif, représentant l’état de ténèbres dans lequel l’humanité se trouve depuis le péché d’Adam, c’est pourquoi le texte insiste quatre fois pour dire que Jésus ayant craché sur la terre, utilise de la boue (Jn 9, 6,11.14.15), comme lorsque « le Seigneur Dieu modela l’homme avec la glaise du sol » (Gn 2, 7).

En filigrane est préparé l’enseignement sur le baptême chrétien. Le bassin (Jn 9, 7) a la même racine [ᶜmd] que pour le mot baptême (immersion). En cohérence avec l’interprétation sacramentelle de cet épisode, l’Église primitive a appelé le baptême une « illumination »[4].

 

[1] Déclaration sur l’incompatibilité entre l’appartenance à l’Eglise et à la franc-maçonnerie (1983)

[2] En araméen, le mot « knūštā », traduit par « synagogue » peut simplement signifier « la communauté, l’assemblée ». Il y a ici une variante dans le manuscrit syriaque du Sinaï : « que si quelqu’un reconnaît en lui le Messie, / ils le renvoient ». Le sens est le même.

[3] [3] Variantes. La Pshitta, la vulgate, le grec de Nestlé-Aland donnent « crois-tu au fils de Dieu ? »

Mais le texte grec liturgique et le manuscrit syriaque du Sinaï donne « Crois-tu au fils de l’homme ? »

Je fais l’hypothèse que le texte « Crois-tu au fils de Dieu » appartiendrait au récitatif du proto-filet, déjà mémorisé quand fut introduite la variante « Crois-tu au fils de l’homme ? » nécessaire à la cohérence du sens eschatologique de la « tresse eucharistique » ainsi que pour celle de ce fil dans lequel l’alternative n’a de sens qu’en vue du jugement, fait par le Fils de l’homme ! (Cf. F. Breynaert, Jean, l’évangile en filet, Parole et Silence 2020).

[4] Par exemple : saint JUSTIN, Première apologie § 61

Date de dernière mise à jour : 31/03/2023