Les Rameaux

Dimanche des Rameaux année A. 1

1e émission. 1

Entrée messianique (Mt 21, 1-11) 1

Deuxième lecture (Ph 2, 6-11) 2

2e émission. 3

Évangile de la Passion (Mt 26, 14ss.) 3

3e émission – première lecture et évangile. 6

Première lecture (Is 50, 4-7) 6

Évangile (Mt 26, 36 ss) 6

4e émission – Psaume et fin évangile. 8

Evangile (suite) 8

Psaume (Ps 21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a) 10

1e émission

Entrée messianique (Mt 21, 1-11)

« Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem, arrivèrent en vue de Bethphagé, sur les pentes du mont des Oliviers. Alors Jésus envoya deux disciples en leur disant : ‘Allez au village qui est en face de vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et son petit avec elle. Détachez-les et amenez-les moi. Et si l’on vous dit quelque chose, vous répondrez : ‘Le Seigneur en a besoin’. Et aussitôt on les laissera partir’. Cela est arrivé pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète : Dites à la fille de Sion : Voici ton roi qui vient vers toi, plein de douceur, monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d’une bête de somme. Les disciples partirent et firent ce que Jésus leur avait ordonné. Ils amenèrent l’ânesse et son petit, disposèrent sur eux leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus. Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux sur le chemin ; d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route. Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui suivaient criaient : ‘Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !’ Comme Jésus entrait à Jérusalem, toute la ville fut en proie à l’agitation, et disait : ‘Qui est cet homme ?’ Et les foules répondaient : ‘C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée.’ » – Acclamons la Parole de Dieu.

Nous ne sommes pas dans la situation où un prétendant au trône rassemble autour de lui des foules pour l’investir de la royauté (1R 12, 20), en effet, Jésus est déjà l’oint du Seigneur, comme il a été dit au moment de son baptême au Jourdain : « il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui » (Mt 3, 16). Jésus n’a besoin d’aucune autre onction que cette onction divine. Et c’est cette onction divine que la foule des disciples perçoit et acclame.

L’entrée de Jésus à Jérusalem n’est pas non plus comparable aux visites que les souverains, princes ou gouverneurs, grec, romains ou juifs, rendaient à leurs cités. Certes, le mot « Parousie », utilisé pour évoquer la Venue glorieuse du Fils de l’homme, est empruntée à ce modèle, cependant, l’entrée de Jésus est triomphante, mais elle n’est pas sa Parousie : l’ânon de Jésus est une marque d’humilité.

Jésus est en chemin vers la fête de la Pâque à Jérusalem. Cette fête est le mémorial de la libération d’Égypte et le signe de l’espérance dans la libération définitive. Jésus sait qu’une nouvelle Pâque l’attend et qu’il prendra lui-même la place des agneaux immolés, s’offrant lui-même sur la Croix […] Il est en chemin vers la hauteur de la Croix, vers le moment de l’amour qui se donne. Le terme ultime de son pèlerinage est la hauteur de Dieu lui-même, hauteur à laquelle il veut élever l’être humain.

Les foules reconnaissent en Jésus leur roi. « Hosanna au fils de David ! Hosanna au plus haut des cieux ! » L’acclamation s’adresse clairement au Roi-Messie.

La foule acclame en Jésus son roi : « Hosanna ! ». Ce qui au départ était un appel à l’aide en hébreu (« sauve-nous ! » cf. Ps 118, 25), est devenu ensuite en araméen une action de grâces et de louange à cause de la délivrance (« Il sauve ! »). L’épisode n’est certes pas passé inaperçu à Jérusalem. L’atmosphère est joyeuse, c’est celle de ceux qui s’ouvrent à la présence mystérieuse qui les sauve.

Les prophéties messianiques s’accomplissent : l’ânon est attaché comme dans l’oracle de Juda (Gn 49, 11). Le choix de s’asseoir sur un ânon évoque la prophétie de Zacharie et s’oppose à l’image du cheval de guerre : « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse. Il retranchera d'Ephraïm la charrerie et de Jérusalem les chevaux ; l'arc de guerre sera retranché. Il annoncera la paix aux nations. Son empire ira de la mer à la mer et du Fleuve aux extrémités de la terre » (Za 9, 9-10).

L’acclamation « Hosanna ! » se retrouvera rapidement dans la liturgie eucharistique. Elle signifie que Jésus est le Sauveur. Il nous sauve du mal à sa racine par une victoire sur Satan, le Prince de ce monde ; il nous sauve en étant élevé de terre (sur la croix) et glorifié par le Père.

Nous, nous sommes trop faibles pour élever notre cœur jusqu’à la hauteur de Dieu, et notre orgueil de vouloir le faire tout seul nous éloigne encore plus de Dieu. C’est pourquoi nous nous tournons vers Jésus pour recevoir son amour, nous confier en lui, et nous laisser conduire par lui. Nous avons besoin de lui : il nous tire vers le haut, étant soutenus par ses mains – c'est-à-dire dans la foi – il nous donne la juste orientation et la force intérieure qui nous élève vers le haut. Nous avons besoin de l’humilité de la foi qui cherche le visage de Dieu et se confie à la vérité de son amour.

L’humilité de Jésus assis sur un âne correspond bien à la deuxième lecture (Ph 2, 6-11) que nous allons commenter tout de suite.

Deuxième lecture (Ph 2, 6-11)

« Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers [le séjour des morts], et que toute langue proclame : ‘Jésus Christ est Seigneur’ à la gloire de Dieu le Père. – Parole du Seigneur ».

« Tout seuls, nous sommes trop faibles pour élever notre cœur jusqu’à la hauteur de Dieu. Nous n’en sommes pas capables. Justement l’orgueil de pouvoir le faire tout seuls nous tire vers le bas et nous éloigne de Dieu. Dieu lui-même doit nous tirer vers le haut, et c’est ce que le Christ a commencé sur la Croix. Il est descendu jusqu’à l’extrême bassesse de l’existence humaine, pour nous tirer en haut vers lui, vers le Dieu vivant. Il est devenu humble, nous dit la deuxième Lecture d’aujourd’hui. Ainsi seulement notre orgueil pouvait être surmonté : l’humilité de Dieu est la forme extrême de son amour, et cet amour humble attire vers le haut » (Benoît XVI, Homélie du dimanche des Rameaux, JMJ 2011).

2e émission

Évangile de la Passion (Mt 26, 14ss.)

« En ce temps-là, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres et leur dit : ‘Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ?’ Ils lui remirent trente pièces d’argent. Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.

Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples s’approchèrent et dirent à Jésus : ‘Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs pour manger la Pâque ?’ Il leur dit : ‘Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : ‘Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples’.’ Les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit et ils préparèrent la Pâque.

Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze. Pendant le repas, il déclara : ‘Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer.’ Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, chacun son tour : ‘Serait-ce moi, Seigneur ?’ Prenant la parole, il dit : ‘Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là !’ Judas, celui qui le livrait, prit la parole : ‘Rabbi, serait-ce moi ?’ Jésus lui répond : ‘C’est toi-même qui l’as dit !’ »

Il ne suffit pas d’avoir eu un contact avec Jésus, en tant que l’un des Douze, pour être juste, il faut aussi le vouloir. De même, la Passion du Christ ne sauvera que les hommes qui veulent être sauvés.

La fête des azymes a lieu le lendemain de la Pâque, mais il fallait plusieurs jours pour purifier les maisons de tout levain, et l’on commençait donc à manger des azymes « Le premier jour de la fête des pains sans levain » (probablement le 10 Nisan). Il s’agit de préparer la Pâque, ce qui va advenir sera pour les uns, une défaite analogue à celle de pharaon, et pour les autres une libération analogue à celle d’Égypte.

Il est possible de faire le lien avec le récit des tentations de Jésus au désert où Jésus fut tenté par le diable. « Il jeûna durant 40 jours et 40 nuits, après quoi il eut faim. Et, s'approchant, le tentateur lui dit : "Si tu es Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent des pains." Mais il répondit : "Il est écrit : Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu" » (Mt 4, 2-4). Or Judas a préféré l’argent (le pain) à Dieu. Judas sans doute aussi espère-t-il de Jésus une fuite juste à temps, ou un coup d’éclat, autrement dit : il tente Dieu, contrairement à Jésus qui sut répondre à Satan : « ‘Il est dit : Tu ne tenteras point le SEIGNEUR, ton Dieu’ » (Mt 4, 7).

« Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : ‘Prenez, mangez : ceci est mon corps’. Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : ‘Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père’. »

Le sang de l’Alliance se réfère à la première Alliance au Sinaï : « Moïse, ayant pris le sang, le répandit sur le peuple et dit : ‘Ceci est le sang de l'Alliance que le Seigneur a conclue avec vous moyennant toutes ces clauses’ » (Ex 24, 8).

Le sang est versé pour « beaucoup » : l’araméen « saggīe » signifie « beaucoup » et non pas « tous » : tous peuvent recevoir le salut mais ce n’est pas automatique, aussi le sang sera-t-il « seulement » pour « beaucoup », pour « une multitude ».

Jésus sait qu’il va mourir (« je ne boirai plus »), mais il évoque aussi sa résurrection et son règne sur la terre lors de son retour glorieux comme le suggère la perspective du « royaume de mon Père ». Les Saints Mystères (l’Eucharistie) se célèbrent dans la bienheureuse espérance du second avènement du Seigneur Jésus. Vous savez, les musulmans ne croient pas que Jésus ait sauvé le monde, et ils s’abstiennent de vin. Mais les chrétiens boivent du vin parce qu’ils croient que Jésus est ressuscité, le vin eucharistique. En même temps qu’un récit de l’institution eucharistique, c’est le sens de la Passion qui est ici donné.

« Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Alors Jésus leur dit : ‘Cette nuit, je serai pour vous tous une occasion de chute ; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée’. »

Le matin de Pâques, quelques femmes retournent au sépulcre pour savoir si elles ont rêvé, ou pour confirmer leur témoignage. Jésus apparaît en venant à leur rencontre et il leur parle du rendez-vous en Galilée (Mt 28, 6-10). Cette invitation en Galilée, les apôtres pouvaient la reconnaitre : Jésus l’avait annoncé dans l’intimité du dernier repas avec les Douze (Mt 26, 32), ce que les femmes n’avaient pas entendu, et ne pouvaient inventer, les apôtres, eux, pouvaient y voir un signe convainquant.

« Prenant la parole, Pierre lui dit : ‘Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais’. Jésus lui répondit : ‘Amen, je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois’. Pierre lui dit : ‘Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas’. Et tous les disciples dirent de même. »

Plus loin dans le récit, au moment du procès chez le grand prêtre, alors que Pierre était assis dehors dans la cour. « Une jeune servante s’approcha de lui et lui dit : ‘Toi aussi, tu étais avec Jésus, le Galiléen !’ Mais il le nia devant tout le monde et dit : ‘Je ne sais pas de quoi tu parles’. Une autre servante le vit sortir en direction du portail et elle dit à ceux qui étaient là : ‘Celui-ci était avec Jésus, le Nazaréen’. De nouveau, Pierre le nia en faisant ce serment : ‘Je ne connais pas cet homme’. Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre : ‘Sûrement, toi aussi, tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, ta façon de parler te trahit’. Alors, il se mit à protester violemment et à jurer : ‘Je ne connais pas cet homme’. Et aussitôt un coq chanta. Alors Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : ‘Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois’. Il sortit et, dehors, pleura amèrement ».

 

3e émission – première lecture et évangile.

Première lecture (Is 50, 4-7)

« Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. – Parole du Seigneur ».

Ce texte d’Isaïe nous prépare bien au récit de la prière de Jésus avec ses disciples au jardin de Gethsémani. Nous lisons :

Évangile (Mt 26, 36 ss)

« Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : ‘Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas pour prier’. Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse. Il leur dit alors : ‘Mon âme est triste à en mourir. Restez ici et veillez avec moi’. Allant un peu plus loin, il tomba face contre terre en priant, et il disait : ‘Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux’. Puis il revient vers ses disciples et les trouve endormis ; il dit à Pierre : ‘Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ? Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible’. De nouveau, il s’éloigna et pria, pour la deuxième fois ; il disait : ‘Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite !’ Revenu près des disciples, de nouveau il les trouva endormis, car leurs yeux étaient lourds de sommeil. Les laissant, de nouveau il s’éloigna et pria pour la troisième fois, en répétant les mêmes paroles. Alors il revient vers les disciples et leur dit : ‘Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. Voici qu’elle est proche, l’heure où le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre’. »

Jésus leur dit : « Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation » : l’épreuve qui arrive ne doit pas devenir une tentation qui fait chuter. Jésus se met à genoux et prie. C’est l’opinion de saint Éphrem[1] et d’Origène[2] que la requête d’éloigner la coupe fut adressée à Dieu pour protéger ceux qui allaient en subir les conséquences.ccc C’est certainement une supplication aimante, comme dit saint Cyrille de Jérusalem, « quel vigneron, quand sa vigne est abandonnée, ne ressent-il pas de l’angoisse pour elle ? » [3], Jésus n’a-t-il pas pleuré sur Jérusalem ? C’est une tristesse d’amour, Jésus est surtout angoissé pour les pécheurs du monde entier, depuis Adam jusqu’au dernier homme.

Il est question d’une « coupe », or, dans l’Ancien Testament, la coupe signifie la douleur d’un châtiment divin[4]. Jésus ne va peut pas échapper au châtiment divin (analogue au fléau qui frappa l’Égypte) parce qu’il est lui-même l’Agneau pascal. Jésus n’est certes pas coupable, l’image de la coupe indique pourtant bel et bien un châtiment, autrement dit, Jésus prend sur lui le châtiment de tous les hommes.

La prière « Cependant, non pas ma volonté [racine ṣba], mais la tienne ! » rappelle la voix céleste au Jourdain : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me suis complu’ [bāk eṣṭbīt - racine ṣba] » (Mt 4, 17). Au Jourdain, la forme verbale « etp’el » soulignait l’appartenance réciproque et vivante. À Gethsémani, la forme nominale souligne la distance à parcourir pour que soit unie la volonté humaine du Fils avec la volonté divine. L’union s’accomplit entre la volonté de Jésus et la volonté de son Père, qui est aussi l’union de la volonté humaine de Jésus avec sa propre volonté divine. Alors Jésus reçoit toute la puissance contenue dans la volonté divine, le dynamisme du vouloir divin. Et voici la suite de l’évangile.

« Jésus parlait encore, lorsque Judas, l’un des Douze, arriva, et avec lui une grande foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple. Celui qui le livrait leur avait donné un signe : ‘Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le’. Aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : ‘Salut, Rabbi !’ Et il l’embrassa. Jésus lui dit : ‘Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le !’ Alors ils s’approchèrent, mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent. L’un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre, et lui trancha l’oreille. Alors Jésus lui dit : ‘Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges. Mais alors, comment s’accompliraient les Écritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ?’ À ce moment-là, Jésus dit aux foules : ‘Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus vous saisir de moi, avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, dans le Temple, j’étais assis en train d’enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté’. Mais tout cela est arrivé pour que s’accomplissent les écrits des prophètes. Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent. Ceux qui avaient arrêté Jésus l’amenèrent devant Caïphe, le grand prêtre, chez qui s’étaient réunis les scribes et les anciens.

Quant à Pierre, il le suivait à distance, jusqu’au palais du grand prêtre ; il entra dans la cour et s’assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait. Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort. Ils n’en trouvèrent pas ; pourtant beaucoup de faux témoins s’étaient présentés. Finalement, il s’en présenta deux, qui déclarèrent : ‘Celui-là a dit : ‘Je peux détruire le Sanctuaire de Dieu et, en trois jours, le rebâtir.’ Alors le grand prêtre se leva et lui dit : ‘Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ?’ Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit : ‘Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu’. Jésus lui répond : ‘C’est toi-même qui l’as dit ! En tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel’. »

Jésus, bien que Satan déchaîne contre lui toute sa puissance d’injustice et de mensonge, et bientôt toute sa puissance de cruauté, va demeurer innocent. Il est l’innocent qui donne sa vie. Qui peut juger le monde sinon le seul qui soit innocent ? Jésus est le Fils de l’homme qui reviendra sur les nuées du ciel pour juger le monde et établir son règne, selon la prophétie de Daniel (Dn 7, 13). Continuons.

« Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : ‘Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème ! Quel est votre avis ?’ Ils répondirent : ‘Il mérite la mort’. Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres le rouèrent de coups en disant : ‘Fais-nous le prophète, ô Christ ! Qui t’a frappé ?’ » Et, comme on l’a déjà lu, c’est alors que Pierre va renier Jésus.

4e émission – Psaume et fin évangile

Evangile (suite)

« Le matin venu, tous les grands prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mettre à mort. Après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate, le gouverneur. Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens. Il leur dit : ‘J’ai péché en livrant à la mort un innocent’. Ils répliquèrent : ‘Que nous importe ? Cela te regarde !’ Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre. Les grands prêtres ramassèrent l’argent et dirent : ‘Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang’. Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le champ du potier pour y enterrer les étrangers. Voilà pourquoi ce champ est appelé jusqu’à ce jour le Champ-du-Sang. Alors fut accomplie la parole prononcée par le prophète Jérémie : Ils ramassèrent les trente pièces d’argent, le prix de celui qui fut mis à prix, le prix fixé par les fils d’Israël, et ils les donnèrent pour le champ du potier, comme le Seigneur me l’avait ordonné.

On fit comparaître Jésus devant Pilate, le gouverneur, qui l’interrogea : ‘Es-tu le roi des Juifs ?’ Jésus déclara : ‘C’est toi-même qui le dis’. Mais, tandis que les grands prêtres et les anciens l’accusaient, il ne répondit rien. Alors Pilate lui dit : ‘Tu n’entends pas tous les témoignages portés contre toi ?’ Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur fut très étonné.

Or, à chaque fête, celui-ci avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que la foule demandait. Il y avait alors un prisonnier bien connu, nommé Barabbas. Les foules s’étant donc rassemblées, Pilate leur dit : ‘Qui voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ? ou Jésus, appelé le Christ ?’ Il savait en effet que c’était par jalousie qu’on avait livré Jésus. Tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : ‘Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui’. Les grands prêtres et les anciens poussèrent les foules à réclamer Barabbas et à faire périr Jésus. Le gouverneur reprit : ‘Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ?’ Ils répondirent : ‘Barabbas !’ »

Les grands prêtres et les anciens ont poussé les foules à demander la relâche de Barrabas, c’est-à-dire à opter pour une posture insurrectionnelle, subversive, révolutionnaire. Le nom Barrabas, Bar-Abba : « fils du père » suggère la contrefaçon du Christ. Continuons l’évangile.

« Pilate leur dit : ‘Que ferai-je donc de Jésus appelé le Christ ?’ Ils répondirent tous : ‘Qu’il soit crucifié !’ Pilate demanda : ‘Quel mal a-t-il donc fait ?’ Ils criaient encore plus fort : ‘Qu’il soit crucifié !’ Pilate, voyant que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : ‘Je suis innocent du sang de cet homme : cela vous regarde !’ Tout le peuple répondit : ‘Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants !’ Alors, il leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et il le livra pour qu’il soit crucifié.

Alors les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans la salle du Prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde. Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge. Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient devant lui en disant : ‘Salut, roi des Juifs !’ Et, après avoir craché sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier. En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus. Arrivés en un lieu dit Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire), ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire. Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ; et ils restaient là, assis, à le garder. Au-dessus de sa tête ils placèrent une inscription indiquant le motif de sa condamnation : ‘Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs’. Alors on crucifia avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche. Les passants l’injuriaient en hochant la tête ; ils disaient : ‘Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix !’ De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant : ‘Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui ! Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! Car il a dit : ‘Je suis Fils de Dieu.’ Les bandits crucifiés avec lui l’insultaient de la même manière ».

Au désert, Satan l’Accusateur disait à Jésus : « Si tu es le Fils de Dieu… » (Mt 4, 3). Au calvaire, à travers les accusateurs de Jésus, Satan réitère ses trois tentations. Or seul un faux prophète se sert des signes dans son propre intérêt, et seuls les hypocrites sont tentés de réclamer un tel miracle, mais Jésus ne se sauve pas lui-même.

« À partir de la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : ‘Éli, Éli, lema sabactani ?’, ce qui veut dire : ‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’ L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : ‘Le voilà qui appelle le prophète Élie !’ Aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il trempa dans une boisson vinaigrée ; il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire. Les autres disaient : ‘Attends ! Nous verrons bien si Élie vient le sauver.’ Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit (Ici on fléchit le genou et on s’arrête un instant) Et voici que le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens. À la vue du tremblement de terre et de ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande crainte et dirent : ‘Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu !’ Il y avait là de nombreuses femmes qui observaient de loin. Elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir. Parmi elles se trouvaient Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée ».

L’évangile s’achève par l’ensevelissement par Joseph d’Arimatie, un notable. Les témoins de sa mort sont des témoins importants et fiables.

Psaume (Ps 21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a)

Jésus a prononcé les premières paroles du psaume 22. « Éli, Éli, lema sabactani ? » En araméen, « lmānā » désigne un décompte (comme pour dénombrer les prophéties, pour compter les épreuves subies, ou les pécheurs à racheter). Jésus a accompli tout ce psaume, en particulier les versets donnés par la liturgie et qui s’achèvent par la proclamation de la victoire :

« Tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent et hochent la tête :’ Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre ! Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami !’ Oui, des chiens me cernent, une bande de vauriens m’entoure. Ils me percent les mains et les pieds ; je peux compter tous mes os. Ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement. Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin : ô ma force, viens vite à mon aide ! Tu m’as répondu ! Et je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée. Vous qui le craignez, louez le Seigneur ».

Chers auditeurs, vous avez entendu qu’à la mort de Jésus, la terre tremble et qu’à sa résurrection il y a des apparitions de défunts. La mort de Jésus accomplit sa mission rédemptrice par la bonne nouvelle aux défunts, Jésus annonce la bonne nouvelle aux habitants du séjour des morts, à Adam, etc. Cf. Catéchisme de l’Eglise catholique § 634-635[5].

 

[1] ÉPHREM LE SYRIEN, Commentaire du Diatessaron de Tatien, 20, 11 (tra Lenoir)

[2] ORIGÈNE, Contre Celse, II, 24-25

[3] Saint CYRILLE de Jérusalem, Sermons sur Luc n° 146

[4] Is 51, 17. 22-23 ; Ez 23, 31-34 et Jr 25, 15-16.17.27.28 ; Ps 75, 9 ; Ha 2, 16 ; Ps 8, 14-15

[5] Cf. BREYNAERT, Françoise, La bonne nouvelle aux défunts, nouveau paradigme de la théologie des religions, Via romana, Versailles, 2014 (Préface Mgr Minnerath).

Date de dernière mise à jour : 13/04/2023