31° dimanche - Temps ordinaire

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

31e dimanche ordinaire evangile mt 2331e dimanche ordinaire Evangile mt 23, 1-12 (83.45 Ko)

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Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

 

31ème dimanche du Temps Ordinaire

Première lecture (Ml 1, 14b – 2, 2b.8-10)

Psaume (Ps 130 (131), 1, 2, 3)

Deuxième lecture (1 Th 2, 7b-9.13)

Évangile (Mt 23, 1-12)

 

Première lecture (Ml 1, 14b – 2, 2b.8-10)

Je suis un grand roi – dit le Seigneur de l’univers –, et mon nom inspire la crainte parmi les nations. Maintenant, prêtres, à vous cet avertissement : Si vous n’écoutez pas, si vous ne prenez pas à cœur de glorifier mon nom – dit le Seigneur de l’univers –, j’enverrai sur vous la malédiction, je maudirai les bénédictions que vous prononcerez. Vous vous êtes écartés de la route, vous avez fait de la Loi une occasion de chute pour la multitude, vous avez détruit mon alliance avec mon serviteur Lévi, – dit le Seigneur de l’univers. À mon tour je vous ai méprisés, abaissés devant tout le peuple, puisque vous n’avez pas gardé mes chemins, mais agi avec partialité dans l’application de la Loi. Et nous, n’avons-nous pas tous un seul Père ? N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ? Pourquoi nous trahir les uns les autres, profanant ainsi l’Alliance de nos pères ? – Parole du Seigneur.

Malachie transmet une exhortation du Seigneur, un avertissement, un reproche de Dieu. Avant d’en observer le détail, il est formidable que le Créateur entre ainsi en dialogue et qu’il fasse de telles exhortations, car c’est bien la preuve que l’homme n’est pas une marionnette et que Dieu ne manipule pas sa liberté. Dieu a donné à l’homme le libre-arbitre. L’homme peut déplaire à son Créateur, le Créateur ne va pas le contraindre, mais il va lui parler.

Malachie a écrit après l’exil à Babylone, puisque les Israélites étaient administrés par un gouverneur (Ml 1, 8). D’autre part, le culte s’effectuait au Temple, ce qui tend à prouver qu’il était reconstruit à cette époque-là : la date proposée par la majorité des commentateurs se situe entre -500 et -490. Malachie écrit des reproches adressés aux prêtres, les fils de Lévi institués pour garder et pour transmettre la loi divine. La lecture de ce dimanche commence au verset 14, mais le verset précédent donnait : « Vous dites : Voyez, que de souci ! et vous me dédaignez, dit Yahvé Sabaot. Vous amenez l’animal dérobé, le boiteux et le malade, et vous l’amenez en offrande. Puis-je l’agréer de votre main ? Dit le Seigneur » (Malachie 1, 13). C’est comme si les prêtres disaient « quelle corvée » avant d’aller célébrer la liturgie… Au chapitre 2, Dieu va jusqu’à dire « je maudirai les bénédictions que vous prononcerez » (Ml 2, 2), et il reproche aux prêtres de lui avoir tourné le dos en agissant à la tête du client : « agi avec partialité dans l’application de la Loi » (Ml 2, 9). C’est extrêmement grave.

« Si vous n’écoutez pas, si vous ne prenez pas à cœur de glorifier mon nom [si vous dites que la Messe ou que l’office est une corvée !] – dit le Seigneur de l’univers –, j’enverrai sur vous la malédiction, je maudirai les bénédictions que vous prononcerez ».

« Vous vous êtes écartés de la route, vous avez fait de la Loi une occasion de chute pour la multitude » : c’est-à-dire qu’à cause de vous une multitude de gens s’écartent de la route qui mène à Dieu et à la vie éternelle !

« Vous avez détruit mon alliance avec mon serviteur Lévi, – dit le Seigneur de l’univers » : L’Alliance avec les fils de Lévi est racontée dans le livre de l’Exode après l’épisode du veau d’or, quand ils acceptèrent de tuer les fautifs : « Moïse dit : "Vous vous êtes aujourd’hui conféré l’investiture pour le Seigneur, qui au prix de son fils, qui au prix de son frère, de sorte qu’il vous donne aujourd’hui la bénédiction." (Ex 32, 29). Jésus ne demande plus d’actes aussi violents, mais il demande aux disciples de le préférer à leur parenté : « Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10, 37).

« À mon tour je vous ai méprisés, abaissés devant tout le peuple, puisque vous n’avez pas gardé mes chemins, mais agi avec partialité dans l’application de la Loi ». Par exemple, un commandement est tout bonnement effacé parce qu’il déplaît. Un coupable est laissé en liberté parce qu’il est utile. Parce qu’il fait un travail de purification gênante, un juste est sali et emprisonné avec forte médiatisation, puis innocenté sans réparation et sans publicité (pensons au cardinal Pell)… Cela finit dans le mépris. Ne restons pas sur cette triste perspective, nous lisons au chapitre 3 : « Et soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez ; et l’Ange de l’alliance que vous désirez, le voici qui vient ! […] Il siégera comme fondeur et nettoyeur. Il purifiera les fils de Lévi et les affinera comme or et argent, et ils deviendront pour le Seigneur ceux qui présentent l’offrande selon la justice » (Ml 3, 1-3)

Ce dimanche, en Malachie 2, 10, le style change. Il n’est plus question de reproches faits aux prêtres. « Et nous, n’avons-nous pas tous un seul Père ? N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ? Pourquoi nous trahir les uns les autres, profanant ainsi l’Alliance de nos pères ? » : le peuple se remet en cause. Ce n’est plus l’accusation visant les prêtres, c’est le peuple qui s’examine lui-même. Il n’y a aucune transition avec ce qui précède, ce qui suggère que la médiocrité du peuple encourage l’infidélité des prêtres. Au chapitre 3, on entend : « Je m’approcherai de vous pour le jugement et je serai un témoin prompt contre les devins, les adultères et les parjures, contre ceux qui oppriment le salarié, la veuve et l’orphelin, et qui violent le droit de l’étranger, sans me craindre, dit Yahvé Sabaot » (Ml 3, 3-5). Et : « La malédiction vous atteint : c’est que vous me trompez, vous la nation dans son entier » (Ml 3, 9). Ne critiquons pas trop vite la hiérarchie, c’est le peuple tout entier qui est concerné. Avant de conclure, observons que les dénonciations de la lecture de ce dimanche ne crient pas au scandale à la manière de nos journalistes. Le souci, c’est l’Alliance avec Dieu, la sainteté de l’Alliance avec Dieu. « Vous avez détruit mon alliance » est-il dit aux prêtres, et le peuple s’interroge : « Pourquoi nous trahir les uns les autres, profanant ainsi l’Alliance de nos pères ? » On sent une nostalgie terrible dans ce verset. Cette Alliance est merveilleuse. Elle est libératrice. Elle est une promesse. Et on va la perdre ? Et on va la profaner ? C’est-à-dire la ternir, l’assombrir, la déformer, la salir ? L’Alliance avec le Créateur, c’est le lien avec Celui qui nous fait vivre et qui nous vivifie. La profaner, c’est se condamner à boire une eau polluée qui nous fera mourir.

Tant que le regard est horizontal, le raisonnement peut se perdre dans des arguments humains et des arguties sans fin, on trouvera toujours un processus pour faire accepter d’agir selon les réalités locales et subjectives, c’est-à-dire « avec partialité dans l’application de la Loi » (Ml 2, 9). Mais, dans la balance, dès que le regard s’élève vers le Créateur, vers Celui qui nous fait vivre et qui nous vivifie, vers notre Source, donc vers les biens éternels, alors le souci de garder l’Alliance pèse plus lourd : « Pourquoi nous trahir les uns les autres, profanant ainsi l’Alliance de nos pères ? »

Psaume (Ps 130 (131), 1, 2, 3)

Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais.

« 1. Il s’agit de paroles intenses qui développent un thème cher à toute la littérature religieuse : l’enfance spirituelle. Cela nous fait spontanément penser à sainte Thérèse de Lisieux, à sa "petite voie", à son désir de "demeurer petite" pour "être entre les bras de Jésus"[1].

Au centre du psaume, en effet, se découpe l’image d’une mère avec son enfant, signe de l’amour tendre et maternel de Dieu, comme l’avait déjà exprimé le prophète Osée : « Quand Israël était jeune, je l’aimai [...] Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour; j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue ; je m’inclinais vers lui et le faisais manger » (Os 11, 1.4).

 « Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent ».

« 2. Le Psaume s’ouvre par la description d’un comportement contraire à celui de l’enfance, qui est consciente de sa fragilité, mais qui est confiante en l’aide d’autrui. Le Psaume met en scène au contraire le coeur fier, l’orgueil du regard, la "grandeur et les prodiges" (cf. Ps 130, 1). C’est la représentation de la personne orgueilleuse, qui est décrite à travers des termes hébreux qui indiquent l’"arrogance" et l’"exaltation", l’attitude arrogante de celui qui regarde les autres avec un sentiment de supériorité, les considérant inférieurs à lui. La grande tentation de l’orgueilleux, qui veut être comme Dieu, arbitre du bien et du mal (cf. Gn 3, 5), est fortement repoussée par l’orant, qui opte pour la confiance humble et spontanée dans l’unique Seigneur. » (Audience de Benoît XVI, Mercredi 10 août 2005)

Sainte Faustine raconte dans son journal : « J’ai parlé aujourd’hui avec le Seigneur qui m’a dit : Il y a des âmes dans lesquelles je ne peux rien faire : ce sont les âmes qui observent constamment les autres et ne savent pas ce qui se passe dans leur propre intérieur. Elles parlent constamment des autres, même pendant le temps de silence strict qui est destiné à converser avec moi ; pauvres âmes, elles n’entendent pas mes paroles et leur intérieur reste vide, elles ne me cherchent pas à l’intérieur de leur propre cœur, mais dans le bavardage où je ne suis jamais. Elles sentent leur vide, et pourtant elles ne reconnaissent pas leur propre faute, et les âmes dans lesquelles je règne pleinement sont pour elles de constants remords de conscience. Au lieu de se corriger, la jalousie grandit dans leur cœur et si elles ne reviennent pas à la raison, elles s’enfoncent plus encore » (Petit journal 1717).

« Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère ».

« 3. On passe ainsi à l’image inoubliable de l’enfant et de la mère. Le texte original hébreu ne parle pas d’un nouveau-né, mais d’un "petit enfant" (Ps 130, 2). Or, on sait que dans l’Antiquité, au Proche-Orient, le sevrage se situait officiellement aux alentours des trois ans, et était célébré par une fête (cf. Gn 21, 8; 1 S 1, 20-23; 2 M 7, 27). L’enfant, auquel le psalmiste fait référence, est lié à la Mère par un rapport désormais plus personnel et intime et non pas par le simple contact physique et la nécessité de se nourrir. Il s’agit d’un lien plus conscient, même s’il est toujours immédiat et spontané. Telle est la parabole idéale de la véritable "enfance" de l’esprit, qui s’abandonne à Dieu, non pas de façon aveugle et automatique, mais sereine et responsable.

« Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais » (Ps 130, 3). « L’espérance naît à présent dans tout le peuple, qui reçoit de Dieu sécurité, vie et paix, et se prolonge du présent vers l’avenir, "dès maintenant et à jamais!". » (Audience de Benoît XVI, Mercredi 10 août 2005)

Chers auditeurs, attendre le Seigneur… Il va venir. Il va nous visiter. Il vient dans chacune de nos vies, à travers une parole intérieure qui nous console, nous éclaire et nous guide. Mais il faut savoir l’attendre, et ne pas s’agiter en remplissant l’attente avec trop de bruit, de bavardages, de musiques, etc. Attendre, ce n’est pas rester oisif, mais il faut savoir l’attendre sans nous précipiter à agir par nous même dans l’élan impétueux d’un cœur en colère. Nous attendons le Seigneur, mais le Seigneur se manifeste au bon moment, quand nous avons cheminé un peu, quand nous avons mis en ordre notre conscience, etc. Nous attendons le Seigneur en remplissant chaque jour notre devoir, car notre avenir dépend du sérieux de notre comportement présent.

« Attends le Seigneur, maintenant et à jamais ». Israël a attendu le Messie, mais l’ange Gabriel a attendu la réponse de la Vierge Marie. Heureusement qu’elle n’a pas tardé à répondre. Et si parfois la réponse du Seigneur semble tarder, c’est aussi parfois parce que Dieu passe aussi par les autres, et qu’il faut que les autres répondent aussi au Seigneur.

« Attends le Seigneur, maintenant et à jamais ». Ceux qui n’attendent pas le Seigneur sont impatients d’un monde idéal en imposant une dictature, on appelle cela les messianismes, ils sont révolutionnaires et éliminent ceux qui ne partagent pas leur utopie, ils ne voient pas que cette censure détruit la liberté et détruit le débat qui est le moyen de formuler et d’évaluer des alternatives.

« Attends le Seigneur, maintenant et à jamais ». Nous attendons collectivement une grâce immense, le don de la Venue glorieuse du Christ qui libèrera le monde de l’emprise de Satan par le jugement de ce monde. Cela aussi nous devons l’attendre par une prise de position contre la Bête et le faux prophète dont parle l’Apocalypse. C’est donc finalement une attente qui nous engage, éventuellement jusqu’au martyre. « Attends le Seigneur, maintenant et à jamais ». Amen Maranatha, viens Seigneur Jésus.

Deuxième lecture (1 Th 2, 7b-9.13)

« Frères, nous avons été pleins de douceur avec vous, comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons. Ayant pour vous une telle affection, nous aurions voulu vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais jusqu’à nos propres vies, car vous nous étiez devenus très chers. Vous vous rappelez, frères, nos peines et nos fatigues : c’est en travaillant nuit et jour, pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous, que nous vous avons annoncé l’Évangile de Dieu. Et voici pourquoi nous ne cessons de rendre grâce à Dieu : quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants. » – Parole du Seigneur 

Saint Paul n’a probablement jamais rencontré la mère de Jésus, mais il en parle d’une manière magistrale, en soulignant qu’elle enfante « à la plénitude des temps » (Ga 4, 4-7) : elle a fait changer le cours de l’histoire du monde. Saint Paul a eu pour compagnon saint Luc, l’évangéliste qui nous a laissé les plus longues pages sur Marie, la mère de Jésus, et l’on peut penser que c’est le rayonnement de Marie qui a inspiré à saint Paul sa douceur et l’ardeur de son affection pour les autres : « Frères, nous avons été pleins de douceur avec vous, comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons. Ayant pour vous une telle affection, nous aurions voulu vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais jusqu’à nos propres vies, car vous nous étiez devenus très chers ». C’est une affection généreuse, et pleine de délicatesse : « Vous vous rappelez, frères, nos peines et nos fatigues : c’est en travaillant nuit et jour, pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous, que nous vous avons annoncé l’Évangile de Dieu. »

Saint Paul est un ancien, il est respecté comme apôtre, il enseigne, corrige, éclaire, mais tout se fait dans la douceur et la générosité. Il n’y a aucune prise de pouvoir sur les Thessaloniciens. L’attitude humble de saint Paul, ainsi que l’attitude des Thessaloniciens, qui se laissent instruire et aimer, correspondent très bien au psaume de ce dimanche :

Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais.  

Saint Paul est humble, il sait qu’il a tout reçu de Dieu, et il remercie Dieu : « Et voici pourquoi nous ne cessons de rendre grâce à Dieu : quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu ».

L’évangile de ce jour dit : « Et n’appelez personne ‘Père’ parmi vous sur la terre,
car unique est votre Père qui es aux Cieux » (Mt 23, 9).

Or saint Paul écrit : « nous avons été pleins de douceur avec vous, comme une mère ». Entre la comparaison à la mère et la comparaison au père, il n’y a qu’un pas. Dans l’évangile, l’injonction de ne donner à personne le nom de ‘père’ est une mise en garde contre le fait d’attirer les gens à soi au lieu de les attirer à Dieu. Aucun homme ne peut vivifier, donner la vie divine, mais seulement Dieu. Ce n’est pas l’apôtre qui donne la vie aux Thessaloniciens, c’est Dieu, c’est la parole de Dieu qui est à l’œuvre : « quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants. »

Dans une autre lettre, saint Paul écrit que Timothée est « son enfant dans la foi » (1Tm 1, 2). Timothée est né à Lystres d’un père païen et d’une mère juive convertie au Christ. Paul le remarque au cours de son deuxième voyage et se l’attache. Il est probable que Paul laisse Timothée, « son enfant dans la foi », l’appeler « père ». Cependant, Paul l’aura fait en tant qu’apôtre du Christ Jésus, et il précise que la grâce vient non pas de Paul, mais  « de par Dieu le Père et le Christ Jésus notre Seigneur », de sorte qu’il est évident que la paternité spirituelle de Paul n’attire pas l’attention de Timothée sur la personne de Paul, mais sur Dieu le Père et sur notre Seigneur Jésus, le Messie. Paul n’attache pas Timothée à lui-même, mais le place sous l’influx de la grâce divine : « Paul, apôtre du Christ Jésus selon l’ordre de Dieu notre Sauveur et du Christ Jésus, notre espérance, à Timothée, mon véritable enfant dans la foi : grâce, miséricorde, paix, de par Dieu le Père et le Christ Jésus notre Seigneur » (1Tm 1, 1-2).

On lit dans le journal de sainte Faustine : « + Jésus, je me suis aperçue que c’est comme si tu t’occupais moins de moi – Oui, mon enfant, [lui dit Jésus] je me cache derrière ton directeur ; il s’occupe de toi selon ma volonté, respecte chacune de ses paroles comme mes propres paroles, il est pour moi un voile sous lequel je me cache. » (Petit Journal 1308). Dans l’évangile, Jésus ne veut pas que nous appelions quelqu’un « directeur », et pourtant, ce mot a été en usage jusqu’à très récemment, mais vous avez entendu dans quel sens : il s’agit de la transmission de la parole de Dieu. L’important, c’est que la parole de Dieu soit à l’œuvre. L’apôtre transmet cette parole, et, de génération en génération, c’est le rôle de l’Église, et en particulier des prêtres, de transmettre cette parole. C’est la raison pour laquelle il y a une hiérarchie dans l’Église, parce que la parole vient de Jésus à travers les apôtres et les générations. Une fois cette parole transmise, elle est à l’œuvre, sans que l’on sache exactement comment. Le prédicateur ne maîtrise pas tout. Le grand acteur n’est pas le directeur spirituel, c’est Dieu lui-même.

Deux paraboles de Jésus reviennent ici à l’esprit :

31 Il leur proposa une autre parabole / et dit :
Le royaume des Cieux est comparable / à une graine de moutarde

qu’un homme a prise / pour la semer dans son champ.

32
C’est la plus petite / de toutes les semences,

mais, quand elle a grandi, / c’est elle la plus grande de toutes les plantes potagères et devient un arbre,

en sorte que les oiseaux du ciel viennent / et font leurs nids dans ses branches ». (Mt 13, 31-32).

Nous pouvons ici penser à sainte Faustine, son directeur spirituel n’a fait que semer une petite graine, et dans la vie de sainte Faustine, c’est devenu un arbre.

«  33. Il leur dit une autre parabole :
Le royaume des Cieux est comparable / au levain qu’une femme a pris pour l’enfouir

dans trois mesures [boisseau] de farine, / jusqu’à ce que tout ait levé. » (Mt 13, 33).

Cette seconde parabole met en scène une femme, et nous pouvons encore penser à la Vierge Marie et lui demander cette douceur et cette affection généreuse que saint Paul avait envers les Thessaloniciens.

Évangile (Mt 23, 1-12)

Alors Jésus parla avec les foules et avec ses disciples, / et leur dit :
2
‘Sur la chaire de Moïse / sont assis les scribes et les pharisiens ;

3
donc, tout ce qu’ils vous diront d’observer, / observez-le et faites-le ;

mais n’agissez pas / d’après leurs actes,

car ils disent / et ne font pas.

4 Ils lient de pesants fardeaux, / et ils les posent sur les épaules des gens ;
alors qu’eux-mêmes ils ne veulent pas / les approcher du doigt.

5 Toutes leurs actions, / ils les font pour se faire voir des gens :
ils élargissent en effet leurs phylactères / et rallongent les franges de leurs manteaux ;

6 ils aiment à occuper les premières places dans les dîners, / et les premiers sièges dans les synagogues,
7
et les salutations sur les places publiques : / ils aiment être appelés par les gens ‘Rabbi’.

8 Pour vous,
ne vous faites pas appeler ‘Rabbi’, / car unique est votre Rabbi

vous tous, en effet, / vous êtes frères.

9 Et n’appelez personne ‘Père’ parmi vous / sur la terre,
car unique est votre Père / qui es aux Cieux.

10 Ne vous faites pas non plus appeler ‘Directeurs’ / car nous n’avez qu’un seul Directeur [Guide], le Messie [le Christ].
11
Mais celui qui est supérieur parmi vous, / qu’il soit votre serviteur.

12 Qui en effet s’élève, / sera abaissé,
et qui s’abaissera / sera élevé’ ».

Acclamons la Parole de Dieu.

Dans l’évangile de ce dimanche, les détails observés par Jésus indiquent que les scribes et les pharisiens attirent l’attention sur eux-mêmes et le titre de ‘Rabbi’ [mon supérieur] flatte leur orgueil. Jésus dit aux foules et aux disciples : « Ne vous faites pas appeler ‘Rabbi [mon supérieur]’, car unique est votre Rabbi, vous tous, en effet, vous êtes frères » (v 8). En araméen, en syriaque, il y a un jeu d’écho avec le verset 11, mais le texte grec ou latin ne permet plus de le voir. On a en effet : « Mais celui qui est supérieur [rabb] parmi vous, qu’il soit votre serviteur » (v 11).

Quels titres a donc utilisé l’Église primitive ? Avant la chute du Temple de Jérusalem, il aurait été provocateur d’utiliser les termes « lévites », « prêtres » ou « grand prêtre ». L’Église a donc utilisé le mot « mšamšānā (diacre, serviteur) » (Ph 1,1 ; 1Tm 3, 8-12) et le mot « qašīšā » qui signifie l’ancien, l’aïeul, et pour les chrétiens, celui qui préside, le prêtre donc, ce terme est parfois traduit par épiscope (Tt 1, 7 ; 1 Tm 3, 11) ou par « presbytre » (Jc 5, 14 ; 1Tm 4, 14 ; 1Tm 5, 17.19 ; Tt 1, 5), mais c’est le même terme en araméen « qašīšā ». Et le dérivé qašīšūṯā désigne la fonction de l’ancien, la prêtrise (1Tm 3, 1). Ce choix de vocabulaire a le mérite de souligner l’idée d’une transmission. C’est l’aïeul qui transmet.

L’enseignement de saint Paul met clairement en lumière que ce « qašīšā » n’est pas dans une position de pouvoir ni d’autoréférence, mais dans le rôle de transmission de l’enseignement de Jésus. « L’épiscope [qašīšā], en effet, en sa qualité d’intendant de Dieu, doit être irréprochable : ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni batailleur, ni avide de gains déshonnêtes, mais au contraire hospitalier, ami du bien, pondéré, juste, pieux, maître de soi » (Tt 1, 7-8). Ces versets viennent avant celui qui concerne la doctrine : le témoignage d’une bonne vie rend possible l’exposé de la doctrine. À l’inverse, des péchés graves sont un obstacle à la foi et à la proclamation du Christ. « L’épiscope doit être attaché à l’enseignement sûr, conforme à la doctrine ; ne doit-il pas être capable, à la fois, d’exhorter dans la saine doctrine [yūlpānā ḥlīmā (la doctrine saine, forte, entière)] et de confondre les contradicteurs ?» (Tt 1, 9). Autrement dit, l’épiscope enseigne et corrige, il est donc un guide, mais il n’est pas autoréférent. L’enseignement d’un évêque ou d’un pape doit être celui d’un « intendant » (Tt 1, 7), c’est-à-dire qu’il se réfère à ce qu’il a reçu, à savoir l’enseignement continu de l’Église en remontant jusqu’aux Pères de l’Église, aux apôtres et à Jésus lui-même.

Ceci étant dit, il ne faut pas se focaliser sur les mots, mais sur ce qui est vécu dans l’esprit de l’évangile. « L’aïeul [qašīšā traduit par épiscope, presbytre ou ancien] » est presque synonyme de « père ». De plus, quand Jésus dit à Pierre d’être le berger de ses brebis, l’idée est presque synonyme de celle d’en être le « guide ». Enfin,Quand Pierre et Jean enseignent sous les colonnades de Salomon, ils ont un statut de rabbi. Le rejet des titres tels que Rabbi, Père ou Directeur [ḏabbrānā Guide],  doit être entendu dans le contexte où Jésus critique les scribes et les pharisiens, c’est-à-dire dans une mise en garde contre la tentation de l’orgueil, du pouvoir et de l’autoréférence. Quand l’Église latine parle de supérieurs de communautés religieuses, et quand des prêtres sont appelés pères ou directeurs spirituels, il faut regarder ce qui est vécu.  

Sainte Faustine : « Conversation avec le père Andrasz à la fin de la retraite. J’ai été fort étonnée d’une chose que j’ai remarquée pendant chaque conversation, durant laquelle je cherchais conseils et indications auprès du père, à savoir : j’ai remarqué qu’à toutes les questions que je lui présentais, que le Seigneur exige que je lui soumette, le père Andrasz me répondait avec une telle clarté et une telle décision comme s’il le vivait lui-même. Ô mon Jésus, s’il y avait plus de directeurs spirituels comme lui, les âmes sous une telle direction atteindraient rapidement les sommets de la sainteté et ne gâcheraient pas de si grandes grâces. Je remercie Dieu à chaque instant pour cette grande grâce, d’avoir daigné dans sa bonté, mettre sur le chemin de ma vie spirituelle ces colonnes lumineuses qui éclairent mon chemin, pour que je n’erre pas sur de fausses routes, ni ne me retarde dans la poursuite d’une étroite union avec le Seigneur. » (Petit Journal 749). Le but n’est pas l’union avec le père spirituel mais avec le Seigneur.

Sainte Faustine a vécu quelque chose de constructif, dans l’esprit de l’évangile, mais ce n’est pas toujours le cas, demeure la liberté et la primauté de la conscience. La clé, de part et d’autre, c’est l’humilité. La parole de Jésus « Qui en effet s’élève, sera abaissé, et qui s’abaissera sera élevé » s’adresse à tous. Tous doivent être humbles, chaque prêtre, chaque chrétien.

Sainte Faustine : « O humilité, fleur de beauté, je vois combien peu d’âmes te possèdent – est-ce parce que tu es si belle et en même temps si difficile à conquérir ? Oh ! Oui, et l’un et l’autre. Dieu lui-même y trouve prédilection. Sur l’âme pleine d’humilité sont entrouvertes les écluses célestes et un océan de grâces se déverse sur elle. Oh ! qu’elle est belle l’âme humble ; de son cœur comme d’un encensoir, monte tout un parfum extrêmement agréable et traverse les nues, et parvient jusqu’à Dieu lui-même, et emplit de joie Son Très Saint Coeur. À cette âme, Dieu ne refuse rien ; une telle âme est toute puissante, elle influence le sort du monde entier ; Dieu élève une telle âme jusqu’à son trône, plus elle s’humilie, plus Dieu se penche vers elle, la suit de ses grâces et l’accompagne à chaque moment de sa toute-puissance. Cette âme est très profondément unie à Dieu. Ô humilité, implante-toi profondément dans tout mon être. Ô Vierge la plus pure, et aussi la plus humble, aide-moi à obtenir une profonde humilité. » (Petit Journal 1306)

 

[1] cf. Manuscrit "C", 2r°-3v°: Oeuvres complètes, Cité du Vatican 1997, pp. 235-236

Date de dernière mise à jour : 27/10/2023