Noël Messe de la nuit (A)

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1ère lecture – Is 9, 1-6

Psaume – Ps 95 (96)

Deuxième lecture Tt 2, 11-14)

Évangile Lc 2, 1-14

1ère lecture – Is 9, 1-6

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés. Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. » Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers ! – Parole du Seigneur » (Is 9, 1-6).

Le prophète Isaïe donne son oracle au temps du roi Ezéchias, qui sera une source de joie car, en son temps, Jérusalem sera protégée de l’invasion par l’empire assyrien. Cependant, les mots « la paix sera sans fin pour le trône de David » constituent une prophétie messianique.

Oui, nous attendons une paix sans fin, une ère de paix qui doit nous préparer à l’éternité. Mais, comme je l’explique de nombreux ouvrages traitant de la Venue glorieuse du Christ, au niveau du monde, cette paix ne peut advenir qu’à travers le jugement eschatologique, c’est-à-dire le jugement de l’Antichrist.

Jésus éclaire donc le sens de l’histoire. Sa première venue, dans l’histoire, sera suivie d’une seconde venue, à l’aboutissement du temps, une venue glorieuse qui instaurera la paix de la Parousie. Jésus est donc dès maintenant le Prince-de-la-Paix parce qu’il donne tout de suite la paix du cœur à ses disciples, et il sera aussi le Prince-de-la-Paix au niveau mondial quand il viendra dans la gloire à l’aboutissement du temps, ce qu’il ne faut pas traduire par « la fin du monde » ! Par exemple en Mt 13, 40, dans la parabole du bon grain et de l’ivraie, « De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à l’aboutissement du temps (én têi sunteleïai tou aíônos) [ici, la traduction « la fin du monde » n’est pas bonne car elle suggère qu’il n’y a plus rien après la mise à l’écart des mauvais] ».

Nous nous préparons à la Messe de Noël, où la seconde préface donne :

« Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant.

Dans le mystère de la Nativité, celui qui par nature est invisible se rend visible à nos yeux ; engendré avant le temps, il entre dans le cours du temps. Faisant renaître en lui la création déchue, il restaure tout chose et remet l’homme égaré sur le chemin de ton royaume ».

Pour être précis, c’est la seconde venue de Jésus qui sera la restauration de toute chose (Ac 3, 21) ; Jésus éclaire le sens de l’histoire, et il est d’abord venu à un moment précis de l’histoire. Un moment que nous présente très précisément l’évangile en cette nuit de Noël.

« 1 Et ce fut donc, / en ces jours-là,
que sortit l’ordre de César Auguste, / pour que s’inscrive tout le peuple sous sa domination.

2
 – Cette première inscription eut lieu / sous la gouvernance de Quirinius en Syrie. –

3
 Et tout homme allait / s’inscrire dans son chef-lieu.

4 Joseph aussi était monté du chef-lieu de Nazareth de Galilée / vers la Judée,
dans le chef-lieu de David / qui s’appelle Beth-Léhem ;

– parce qu’il était de la maison / et de la lignée de David –

5
 avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte / afin de s’y inscrire » (Lc 2, 1-5)

Avant d’instaurer une organisation romaine, il faut effectuer un recensement du nombre d’habitants, une évaluation des propriétés pour calculer l’assiette de l’impôt, et un cadastre. À cette occasion, la population doit dire vrai et « prêter serment de fidélité à l’empereur », sans qu’il soit question de citoyenneté romaine.

C’est ainsi que Luc nous dit que l’empereur César Auguste veut recenser « ᶜammā dūḥḏānēh » (Lc 2, 1) Espagne le peuple où s’exerce sa souveraineté. Les traductions latines et grecques disent « tout l’univers », « tout le monde habité », c’est simplement une manière de dire « tout le monde » (hommes, femmes, enfants, citoyens romains ou non). Mais César ne recense évidemment pas les habitants de l’empire parthe ou chinois ! Les recensements eurent lieu l’un après l’autre, province après province, selon le rythme de leur incorporation à l’organisation romaine. Nous avons des documents qui témoignent de ces recensements pour la Gaule (en 727 et en 742 du calendrier varronien), l’Espagne, l’Égypte, la Galatie, la Cappadoce etc.

En ce qui nous intéresse, le recensement des personnes dans le royaume d’Hérode commence en l’an 748, or, selon Flavius Josèphe, il fut retardé par une révolte des pharisiens. Saint Luc s’intéresse à la date où ce recensement, repris en main par Quirinius, va effectivement concerner Joseph, Marie et Jésus.

Luc nous dit que l’empereur émit un « pūqdānā » (Lc 2, 1), que l’on peut traduire par « commandement » ou « édit », « décret », cependant la traduction grecque « δογμα (cf. dogme) » ne va pas dans le sens d’une loi juridique : l’empereur parle simplement à l’administrateur d’une région en projet d’annexion et qui n’a pas encore la législation romaine et qui est gouvernée par un roi : Hérode l’Ancien. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas de trace du recensement de la région de Judée dans les documents romains.

Pour le recensement des personnes, les gens se déplacent, selon l’usage juif, dans la ville originaire de la tribu ; c’est ce à quoi fait allusion l’évangile en disant que « tous allaient se faire recenser » (Lc 2, 3), et que Joseph et Marie se rendent à Beth-Léhem (Lc 2, 4).

Le christianisme n’est pas fondé sur une légende pieuse, mais sur des réalités et des faits objectifs. Après la description de ce recensement, Luc nous parle de la naissance de Jésus et termine, en Lc 2, 21, par la circoncision de Jésus, un rite qui ne nécessite pas d’aller au Temple, et qui a donc lieu à Beth-Léhem. Ayant reçu son nom, Jésus peut être recensé, inscrit sur les registres de l’empereur.

Psaume – Ps 95 (96)

« Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière, chantez au Seigneur et bénissez son nom !
De jour en jour, proclamez son salut, racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles !

Joie au ciel ! Exulte la terre ! Les masses de la mer mugissent, la campagne tout entière est en fête.

Les arbres des forêts dansent de joie devant la face du Seigneur, car il vient, car il vient pour juger la terre.

Il jugera le monde avec justice et les peuples selon sa vérité » (Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc).

Ce psaume prophétise la Venue glorieuse du Christ, que je vais vous expliquer avec quelques poèmes ou chants tirés de mon livre : Françoise Breynaert, « La Venue glorieuse du Christ expliquée aux jeunes », éditions Bod.

Préambule et refrain

La venue de Jésus / fit aboutir le temps
La venue de Jésus / l’accomplissement des temps.

Et nous sommes désormais / dans le dernier des temps.

La Venue glorieuse / de Jésus le Messie

N’est pas la Fin du monde / n’est pas l’ultime instant.

Mais c’est le prochain temps / qui ouvre un avenir.

Chant inspiré de l’Apocalypse

Amis n’ayez pas crainte / des fléaux de tous genres
Car comme les plaies d’Egypte / ils vous feront quitter

la terre d’idolâtrie / pays des oppressions.

Refusez l’Antichrist / qui vous promet du pain

il entraine vos âmes / très loin du Dieu vivant

il détourne vos âmes / des saints commandements.

Amis n’oubliez pas : / Babylone tombera.

Mais vous, ô mes amis / sortez et fuyez-là
Evitez ses orgies / Evitez ses trafics

Fuyez ses tromperies / Fuyez son indécence

Dites non à l’argent sale / Dites non aux lois iniques.

Ceux qui l’avaient bâtie / la bête, le faux prophète,

La prenant en dégoût / Eux-mêmes la détruiront.

Ce sera une ruine / tous se lamenteront.

Mais vous ô mes amis / attendez la promesse :
Jésus le Roi des rois / à tous apparaîtra

son armée est céleste / les saints anges du Ciel.

Jésus le Roi des rois / veut régner sur la terre

Soyons ceux qui l’accueillent / et prient Maranatha
Soyons l’épouse pure / du Verbe divin qui vient.

Ne devançons pas l’heure / N’imposons pas le règne

Qui ne peut advenir / que de la Parousie.

La Passion de l’Eglise

La Passion de l’Eglise / sans espoir apparent
Est victoire de l’amour / en chacun des martyrs.

Accompagné des saints / le Christ apparaîtra

Le monde entier verra / sa majesté glorieuse

Et sur la terre enfin / les justes régneront

Jusqu’au dernier des jours / pour l’ascension finale

Des hommes et du cosmos / dans la gloire éternelle.

Sur Mt 6

Notre Père des Cieux, / nous ne pècherons plus
Mais que vienne sur terre / ton règne de sainteté

Que vienne sur toute la terre / ton règne qui est aux Cieux

Et que de notre terre / tu nous emportes aux Cieux.

Sur 1Co 15, 25-28 et St Irénée AH, V, 36, 2

Le Christ soumettra / la bête et l’Antichrist,
Il les refoulera / dans l’enfer éternel,

car il faut que sur terre / le Christ règne en roi,

car il faut que sur terre / Dieu règne comme au Ciel,

et qu’au Père soit offerte / l’humanité créée

ayant réalisé / son dessein créateur.

Tout ceci nous aide à mettre la belle fête de Noël dans la perspective du sens de l’histoire, voici un passage de l’évangile, dans une traduction faire pour être apprise par cœur, en se balançant de gauche à droite, avec quelques mimes sobres qui nous aident à recevoir la parole avec le cœur.

6 Et ce fut, lorsqu’ils étaient là, / que les jours furent accomplis où elle devait enfanter,

7 et elle enfanta son fils / premier-né,

et elle l’enveloppa de langes / et le présenta dans une mangeoire,

parce qu’il n’y avait pas de place pour eux / là où ils s’arrêtaient.

8 Or il y avait dans la région des bergers / qui s’arrêtaient là,

et montaient la garde de nuit / sur leurs troupeaux.

9 Et voici : / l’Ange du Seigneur vint auprès d’eux

et la gloire du Seigneur / resplendit sur eux,

et ils furent saisis d’une crainte / immense.

10    Et l’ange leur dit :

‘Ne craignez pas ; / voici en effet, que je vous annonce une joie immense !

et qui sera / pour le monde entier :

11 Il vous est né, en effet, aujourd’hui, / un Sauveur 

qui est le Seigneur Messie, / dans la cité de David !

12 Et ceci vous servira / de signe :

vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes / et déposé dans une mangeoire.’ » (Lc 2, 6-12, de l’araméen)

Puissiez-vous à Noël recevoir mystiquement Jésus dans vos bras, pour une rencontre guérissante, sanctifiante, apaisante.

Deuxième lecture Tt 2, 11-14)

« Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus-Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. – Parole du Seigneur » (Tt 2, 11-14).

Saint Paul parle de la gloire de notre grand Dieu, or, l’évangile de cette nuit de Noël nous parle aussi de cette gloire. Écoutons :

       « 10 Et l’ange leur dit :

‘Ne craignez pas ; / voici en effet, que je vous annonce une joie immense !

et qui sera / pour le monde entier :

11 Il vous est né, en effet, aujourd’hui, / un Sauveur 

qui est le Seigneur Messie, / dans la cité de David !

12 Et ceci vous servira / de signe :

vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes / et déposé dans une mangeoire.’

13 Et soudain se firent voir avec l’ange / les nombreuses puissances des Cieux,

qui glorifiaient Dieu / en disant :

14 ‘Gloire à Dieu / dans les Hauteurs ;

et paix / sur la terre ;

et bonne espérance / aux hommes !’ » (Lc 2, 10-14 de l’araméen)

Jésus, rayonnant de sainteté tel Adam lorsqu’il sortit des mains du Créateur, rend « gloire à Dieu ». Germe de l’accomplissement de la finalité de tout l’univers créé, la naissance de Jésus apporte la « paix sur la terre », la paix šlāmā, c’est-à-dire plénitude pour la terre et la « bonne espérance [saḇrā ṭāḇā] aux hommes » [1] c’est l’espérance de l’accomplissement de la finalité de la création.

On comprend que les gens soient étonnés. Même Marie et Joseph. D’ailleurs, Beth-Léhem (Bethléem) se situe dans la montagne de Judée ; pour Marie et Joseph, la venue à Beth-Léhem est une montée (Lc 2, 4), la hauteur est le lieu d’une révélation.

La tendresse du petit Jésus contraste avec le caractère stupéfiant de l’ange et avec la crainte immense des bergers (Lc 2, 10), qui est une crainte théophanique, celle qui s’abat sur l’homme quand il se voit immédiatement confronté à la présence de Dieu lui-même.

La naissance de Jésus dans la solitude et la pauvreté contraste aussi avec la joie immense qui sera, dit le texte araméen, pour « le monde entier [lḵullēh ᶜālmā] » (Lc 2, 10), et non pas pour « tout le peuple » comme le suggère le grec (παντι τω λαω), ou le latin (omni populo). La naissance de Jésus concerne non seulement les Hébreux, mais aussi tous les hommes, le monde entier.

Il est normal que Marie ait enveloppé Jésus de langes, il est beaucoup plus étonnant que l’enfant soit « déposé dans une mangeoire ». Sans doute, Marie l’a-t-elle d’abord mis dans les bras de Joseph, mais pourquoi ne l’a-t-elle pas gardé contre elle, jouissant de la proximité ineffable de ce sublime enfant ? Elle a perçu que la volonté divine était de s’en priver un peu et de le présenter dans une mangeoire. La mangeoire était probablement à la hauteur des animaux et certainement Marie se tenait tout près, à genoux, remerciant et adorant, dans l’amour. En déposant l’enfant dans la mangeoire, Marie va permettre aux bergers de le prendre dans leurs bras, de le cajoler comme leur propre enfant. Jésus se donne à tous. Jésus veut être donné à tous. Dieu désire que son amour pour l’humanité soit compris et reçu. Saint Paul écrit : « Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes » (Tt 2, 11). Et Marie nous inspire cette qualité d’amour pour tous les hommes.

Revenons à saint Paul : il nous demande de « vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ ». Cette manifestation sera celle de la Venue glorieuse du Christ, qui manifestera la gloire de Dieu. Cette gloire de Dieu n’est pas écrasante, elle est rayonnante comme la grâce sur le visage d’un nouveau-né ; la gloire de Dieu n’utilise pas la force de coercition, elle est la force créatrice de l’amour ; la gloire de Dieu n’est pas celle de l’or et de l’argent, c’est celle du don de soi et de la joie d’aimer. Lors de la Venue glorieuse du Christ, les petits et les pauvres n’auront rien à craindre.

Comme nous lisons dans l’Apocalypse :

« Et une voix, depuis le Trône, / de dire :
‘Glorifiez notre Dieu, tous Ses serviteurs, / et ceux qui craignent Son Nom,

eux tous, / les petits avec les grands » (Ap 19, 5-6a FG).

Dans l’Apocalypse, l’Église de Philadelphie est aimée de Jésus, aucun reproche ne lui ai fait. Jésus lui promet que certains membres de la synagogue viendront à elle en se prosternant. Elle représente le petit reste nécessaire pour que Jésus puisse être accueilli lorsqu’il viendra dans la gloire. Alors, il établira son règne sous la forme d’une noce d’amour avec son peuple, la Jérusalem resplendissante.

Saint Paul parle de la gloire de notre grand Dieu, et nous pouvons nous préparer à la Messe de Noël avec la première préface de la Nativité :

« Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâces, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant. Car la révélation de ta gloire s’est éclairée pour nous d’une lumière nouvelle dans le mystère du Verbe incarné : maintenant, nous connaissons en lui Dieu qui s’est rendu visible à nos yeux, et nous sommes entraînés par lui à aimer ce qui demeure invisible ».

Évangile Lc 2, 1-14

« En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre [l’araméen dit « tout ce qui est sous sa domination »] – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte. Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha [l’araméen dit « présenta »] dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple [l’araméen dit : « pour le monde entier] : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime [l’araméen dit : « et bonne espérance aux hommes »]. » – Acclamons la Parole de Dieu » (Lc 2, 1-14)

Marie met au monde son fils, et présente le nouveau-né dans une mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux « là où ils déliaient [racine šra] (les bagages) » ce que l’on peut traduire « dans la salle, l’auberge, la maison, l’hôtel particulier, etc. » (Lc 2, 7). À Beth-Léhem, une auberge, pleine de gens et de bruit à cause de l’édit de César, n’était pas une place pour eux ; de plus, pour ne pas endosser les éventuels problèmes, le maître de maison pouvait hésiter à héberger une femme sur le point d’accoucher. Il est aussi possible qu’il s’agisse d’une maison privée appartenant à la parenté de Joseph, car il est de la tribu de David ; alors, et c’est encore pire, c’est peut-être parce que Joseph n’était pas aimé de ses frères, comme son ancêtre le patriarche, qu’il n’y a pas de place pour eux.

Un détail mérite d’être observé, le signe donné par l’ange aux bergers est « un nouveau-né enveloppé de langes et déposé dans une mangeoire » (v. 12). Quand cependant les bergers vont voir, « ils trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né déposé dans une mangeoire » (Lc 2, 16). Voir le signe des langes est équivalent à trouver Marie et Joseph parce que c’est le signe que l’enfant est amoureusement soigné par ses proches qui prennent souci de lui, comme dit l’Écriture : « J’ai été élevé dans les langes et parmi les soucis » (Sg 7, 4).

Les bergers « trouvèrent Marie, Joseph… » (v. 12) : le fait que Joseph soit nommé en second indique qu’il n’est pas le père et que l’enfant a été conçu virginalement, c’est un signe de la divinité de Jésus qui est justement désigné par l’Ange comme « un Sauveur qui est le Seigneur Messie ». De plus, dire qu’un nouveau-né est enveloppé de langes, c’est donner un détail évident et l’on s’attendrait à cet autre détail, tout aussi normal, que l’enfant soit lavé. L’absence de cet autre détail pourrait suggérer la naissance virginale.

Le verset Lc 2, 19 – « Quant à Marie, elle gardait toutes ces paroles / et les soupesait en son cœur » – pourrait constituer la « signature » de Marie. En effet, rien n’oblige à croire que ce récit ait été composé par une communauté, après Pâques.

Certes, il est probable que ce soit Luc qui ait ajouté la précision sur la date du recensement, et donc de la naissance de Jésus : « Cette première inscription eut lieu sous la gouvernance de Quirinius en Syrie » (Lc 2, 2) ainsi que la glose concernant Joseph « parce qu’il était de la maison et de la lignée de David » (Lc 2, 4), chose évidente pour les premiers témoins. Mais pour le reste, Marie a fort bien pu composer le récit elle-même.

L’appellation « le Seigneur [māryā] » (Lc 2, 11) pour désigner Jésus est un motif pascal, certes. Mais cette appellation est déjà utilisée dans le psaume 110 pour désigner le Messie, tout en évoquant sa naissance « depuis le sein maternel [marbᶜā] », le récit de Marie a pu s’inspirer de ce psaume.

Marie présente [racine rma] l’enfant dans la mangeoire (Lc 2, 7), le verbe [racine rma à la forme aphel] signifie aussi présenter, soumettre, donner à manger. Comme Beth-Léhem signifie « la maison du pain », nous pouvons percevoir dans une première annonce du mystère eucharistique, mais c’est simplement un présage qui n’oblige pas à attribuer le récit à un auteur postpascal.

Le nouveau-né est enveloppé [racine krk] de langes (Lc 2, 7.12) et les bergers vont observer l’enfant déposé [racine « sm »] dans la mangeoire (Lc 2, 12. 16). Après la mort de Jésus, Joseph d’Arimatie enveloppe [racine krk] le corps de Jésus dans un linceul et le dépose [racine « sm »] dans le sépulcre (Lc 23, 50.51.52.53). Cette similitude des situations montre que le messie se rend réellement participant de notre vie du berceau à la tombe. Faut-il déduire de cette similitude de vocabulaire, que le récit de Noël ait été composé après Pâques ? Pas nécessairement, car si c’est une même personne qui a témoigné en composant le récitatif de Noël et celui de l’ensevelissement, il est normal que le vocabulaire soit similaire. Or Marie a été le témoin privilégié des deux épisodes. 

Il est normal pour une maman de composer le récit de la naissance de son enfant, de manière à pouvoir célébrer cette naissance. Les mamans juives faisaient ainsi.

 


[1] Le texte araméen ne précise pas « de bonne volonté » (alors que le latin dit : pax hominibus bonæ voluntatis ; et le grec : ανθρωποις ευδοκιας).

Date de dernière mise à jour : 27/07/2023