27° dimanche du Temps Ordinaire

Logo radio esperance

Télécharger le texte de l'évangile de ce dimanche pour une récitation orale

27e t o evangile mt 21 33 4327e dimanche du Temps ordinaire. Evangile Mt 21, 33-43 (138.68 Ko)

 

Première lecture (Is 5, 1-7)

Psaume (Ps 79 (80), 9-12, 13-14, 15-16a, 19-20)

Deuxième lecture (Ph 4, 6-9)

Évangile (Mt 21, 33-43)

 

Première lecture (Is 5, 1-7)

Je veux chanter pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Il en retourna la terre, en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. Au milieu, il bâtit une tour de garde et creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais. Et maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda, soyez donc juges entre moi et ma vigne ! Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? J’attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ? Eh bien, je vais vous apprendre ce que je ferai de ma vigne : enlever sa clôture pour qu’elle soit dévorée par les animaux, ouvrir une brèche dans son mur pour qu’elle soit piétinée. J’en ferai une pente désolée ; elle ne sera ni taillée ni sarclée, il y poussera des épines et des ronces ; j’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie.

La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici le crime ; il en attendait la justice, et voici les cris. – Parole du Seigneur.

 

« Je veux chanter pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne ». Isaïe évoque l’amour de Dieu pour son peuple. C’est un amour divin. C’est l’amour du Créateur. Il y a dans cet amour une tendresse ineffable, mais aussi une secrète blessure. Oui, l’amour de Dieu est indestructible, mais la défaillance humaine, la rupture de l’alliance et ses conséquences font aussi partie de l’histoire de l’alliance entre Dieu et l’homme. L’amour de Dieu ne peut simplement nier le ‘non’ de l’homme, son refus, ce ne serait plus de l’amour mais un automatisme, ce ne serait plus une alliance.

L’action punitive de Dieu est pour lui-même une souffrance (Os 11, 7-9). Elle n’est pas la fin de son amour, mais une nouvelle étape. Donc, l’expression « l'Ancienne Alliance n'a jamais été révoquée » (CEC 121) doit être précisée pour tenir compte du fait que Dieu ne peut pas nier le refus et l’infidélité humaine : « Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici le crime ; il en attendait la justice, et voici les cris ».

La lecture de ce dimanche révèle l’importance de la réponse humaine, Israël n’est pas automatiquement béni et protégé : « je vais vous apprendre ce que je ferai de ma vigne : enlever sa clôture pour qu’elle soit dévorée par les animaux, ouvrir une brèche dans son mur pour qu’elle soit piétinée ». Et si nous avions continué le livre d’Isaïe, on entend : « 8 Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, qui joignent champ à champ jusqu'à ne plus laisser de place et rester seuls habitants au milieu du pays. 9 A mes oreilles, le Seigneur l'a juré : Oui, nombre de maisons seront réduites en ruine, grandes et belles, elles seront inhabitées » (Is 5, 8-9).

« La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël » dit Isaïe. Et il laisse entendre le soupir d’amour du Seigneur : « Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? » Un soupir que saint Bernard commente en disant : « Il vint donc dans la chair et il se montra sous des traits si aimables qu'il en vînt jusqu'à nous témoigner une charité plus grande qu'on ne peut l'avoir, puisqu'il donna sa vie pour nous »[1] : c’est Jésus, or Jésus dit :

« Je suis la vigne véritable / et mon Père est le vigneron.
Tout sarment qui, en moi, ne donne pas de fruits, / il l’enlève ;
et celui qui donne des fruits, / il le purifie ;
afin que de nombreux fruits, / il produise » (Jn 15, 1-2).

De sorte que la lecture d’Isaïe concerne aussi l’Église. « Il en retourna la terre, en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. Au milieu, il bâtit une tour de garde et creusa aussi un pressoir. » Dans l’interprétation de saint Irénée, le pressoir est un réservoir pour l’esprit prophétique (AH, IV, 36). Mais si l’Église n’a pas écouté l’Esprit Saint ? Si elle a donné de mauvais fruits ? S’applique alors à l’Église ce verset d’Isaïe : « Je vais vous apprendre ce que je ferai de ma vigne : enlever sa clôture pour qu’elle soit dévorée par les animaux, ouvrir une brèche dans son mur pour qu’elle soit piétinée » (Is 5, 5).

Depuis le philosophe Bergson, s’est répandue l’idée d’une société ouverte et universelle ; Georges Soros a donné à sa fondation le nom « open society », ce nom désigne une société ouverte, sans frontières ni clôtures. Et pourtant, le prophète Isaïe, par ailleurs si ouvert aux étrangers et aux préoccupations universelles, exprime le désir d’une clôture. Enlevez la membrane de n’importe quelle cellule vivante, et cette cellule meurt. Dans un réseau de villes ou de nations qui ont chacune leur « clôture », on va chez l'un et chez l’autre pour admirer les réalisations de chacun, et goûter le bon vin du terroir de chacun selon l’image de la vigne, ce n’est pas négatif.

On peut prendre les choses à l’échelle de petits détails, pas si petits d’ailleurs. Dans les églises jusqu’à peu de temps encore, le jubé séparait le chœur, sa suppression favorise une certaine confusion entre le don de Dieu et l’action humaine, et parfois un spiritualisme gnostique. C’est un exemple, on pourrait parler aussi de la musique ou des vêtements. Si l’on applique à l’Église « enlever sa clôture pour qu’elle soit dévorée par les animaux, ouvrir une brèche dans son mur pour qu’elle soit piétinée » (Is 5, 5), l’Église serait occupée par des gens qui servent d’autres intérêts, et piétinée, humiliée, réduite dans sa dimension divine.

Or dans tous ces malheurs, la lecture d’Isaïe nous apprend qu’il s’agit d’un châtiment de Dieu : « J’attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ? Eh bien, je vais vous apprendre ce que je ferai de ma vigne… » Dieu peut-il faire autrement si nous ne voulons être « ni taillés ni sarclés » (Is 5, 6), c’est-à-dire si nous refusons l’ascèse qui taille notre existence de ce qui est superflu, et si nous refusons d’être sarclés pour enlever les mauvaises herbes qui sont les péchés et les erreurs doctrinales étouffant la vigne ?

« Il y poussera des épines et des ronces » (Is 5, 6) : voulons nous d’une Église où pousseront des épines et des ronces, c’est-à-dire où auront le champ libre les influences démoniaques qui finissent toujours par faire souffrir ?

« J’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie » (Is 5, 6) : la pluie représente les grâces divines, mais comment y aurait-il encore des grâces si l’homme est sûr de lui et de ses idées et ne recherche plus la grâce divine ? Si l’homme ne s’agenouille plus pour demander cette grâce qui vient d’en haut comme la pluie qui vient du ciel ? Certainement, il nous faut regarder Marie, celle qui est comblée de grâces, celle qui peut attirer sur nos vies et sur la vigne tout entière de nouvelles grâces, abondantes.

Psaume (Ps 79 (80), 9-12, 13-14, 15-16a, 19-20)

La vigne que tu as prise à l’Égypte, tu la replantes en chassant des nations. Elle étendait ses sarments jusqu’à la mer, et ses rejets, jusqu’au Fleuve. Pourquoi as-tu percé sa clôture ? Tous les passants y grappillent en chemin ; le sanglier des forêts la ravage et les bêtes des champs la broutent. Dieu de l’univers, reviens ! Du haut des cieux, regarde et vois : visite cette vigne, protège-la, celle qu’a plantée ta main puissante. Jamais plus nous n’irons loin de toi : fais-nous vivre et invoquer ton nom ! Seigneur, Dieu de l’univers, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés.

Le psaume commence par un raccourci historique. Moïse a fait sortir Israël d’Égypte, et le livre de Josué relate l’implantation en Israël en chassant des nations. Ce livre fait un récit très symbolique, en effet, il raconte la prise et l’anathème de villes telles que la ville d’Aï qui n’existait plus à cette époque. Le but d’un tel récit est d’exhorter les Hébreux à ne pas se mêler aux coutumes des autres nations. L’archéologie contredit l’idée d’une conquête fulgurante et révèle au contraire une population très éparse sur les collines de Judée, une population semi-nomade. Ainsi le psaume dit-il : « La vigne que tu as prise à l’Égypte, tu la replantes en chassant des nations. Elle étendait ses sarments jusqu’à la mer, et ses rejets, jusqu’au Fleuve [l’Euphrate] ». Mais on sait que la terre des Hébreux fut successivement envahie par les Assyriens puis par Nabuchodonosor, roi de Babylone, et même, plus tard, par les Grecs puis les Romains ! Le psalmiste est nostalgique de sa « clôture ».

L’idée de clôture est intéressante et nullement périmée. Il y aura toujours des « clôtures », en bien ou en mal. Dans l’Apocalypse, il est question de ceux qui sont marqués de la marque de la bête afin de pouvoir acheter et vendre dans la vaste Babylone aux dimensions mondiale (Ap 13, 18), cette Babylone aux dimensions mondiale a donc une « clôture » définie par la marque de la Bête. Et ceux qui sont marqués du sceau de Dieu pourront entrer dans la Jérusalem nouvelle, qui a aussi une clôture :

« Voici, Je viens, / d’un [coup] !

Et Mon salaire avec Moi, / et Je [le] donne à tout homme selon son œuvre !

Je [suis] l’Aleph et Je [suis] le Taw,

          le Premier et le Dernier,

                    le Commencement et l’Accomplissement.

Bienheureux sont-ils [ceux] qui font Ses commandements : / leur autorité sera sur le bois de la Vie !

Et, par la Porte [voilà la « clôture »], ils entreront dans la Cité ! / Et les ‘prostitués’ et meurtriers et idolâtres : dehors !

Et les impurs et les magiciens ! / et tous les observateurs et faiseurs d’imposture ! » (Ap 22, 12-15 traduction F. Breynaert)

Revenons au psaume : « Pourquoi as-tu percé sa clôture ? » la première lecture nous en donnait la raison : « Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? J’attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ? » (Is 5, 4). Le Seigneur, déçu de sa vigne qui ne donne que de mauvais fruits, s’est écrié : « J’en ferai une pente désolée ; elle ne sera ni taillée ni sarclée, il y poussera des épines et des ronces ; j’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie » (Is 5, 6). Et le psaume répond à ce passage d’Isaïe en priant : « Dieu de l’univers, reviens ! Du haut des cieux, regarde et vois : visite cette vigne, protège-la, celle qu’a plantée ta main puissante. »

Certes, le Créateur n’abandonne jamais totalement sa créature, sinon elle tomberait dans le néant. C’est Dieu qui nous donne l’être et la vie, même si nous sommes mauvais, cependant Dieu permet que l'homme souffre de quelque défaut, de peine ou de péché (cf. Saint Thomas, I Prima Pars Qu.113 a.6). De cette épreuve doit sortir une conversion, un retournement, un rebondissement. Le psaume dit : « Jamais plus nous n’irons loin de toi [c’est l’action humaine] : fais-nous vivre [c’est la grâce divine] et invoquer ton nom ! » Nous ne refuserons plus d’être taillés et sarclés par l’ascèse qui taille notre existence de ce qui est superflu, et par la correction qui arrache les mauvaises herbes, les péchés et les erreurs doctrinales étouffant la vigne. Si nous ne voulons plus d’épines ni de ronces, repoussons les influences démoniaques et demandons la grâce qui vient d’en haut comme la pluie qui vient du ciel. Certainement, il nous faut regarder Marie, celle qui est comblée de grâces, celle qui peut attirer sur nos vies et sur la vigne tout entière de nouvelles grâces, abondantes.

« Pourquoi as-tu percé sa clôture ? Tous les passants y grappillent en chemin ; le sanglier des forêts la ravage et les bêtes des champs la broutent ». L’image suggère un processus destructeur à partir d’une faille, d’un trou dans la clôture. J’explique dans un livre dédié qu’à partir de l’oubli de l’enseignement du Nouveau Testament sur la rencontre du Christ avec les défunts, on est alors obligé de dire soit que tous les non-chrétiens vont en enfer, soit que tous les non-chrétiens sont chrétiens sans le savoir ou bien qu’il n’y a pas réellement d’enfer (mon livre s’appelle « la bonne nouvelle aux défunts », préface Mgr Minnerath).

Si l’on dit que les gens sont chrétiens sans le savoir, des chrétiens anonymes, au simple motif, par exemple, de faire partie d’une ONG philanthropique, alors il n’y a plus besoin d’une révélation biblique, il suffit de répandre les idées de l’ONG concernée. S’il n’y a plus de révélation biblique, il n’y a même plus de « Seigneur, Dieu de l’univers », mais Gaïa ou le grand horloger, et il n’y a plus non plus de vigne plantée par le Seigneur : « la vigne » ou « les forêts du sanglier » se confondent, la clôture étant percée.

D’une autre manière, les hébreux disent que les commandements sont comme une haie, comme une clôture donc, mais si l’on dit que l’enfer est virtuel et que Satan n’est qu’une effigie, le bien et le mal n’ont pas de réelles conséquences, la clôture est percée.

« Pourquoi as-tu percé sa clôture ? » Dans ce psaume, ce n’est pas un homme qui perce la clôture par un oubli, une erreur, mais c’est Dieu lui-même qui perce la clôture. Dieu permet les péchés et les erreurs pour qu’en soient manifestées les conséquences. Cela sera encore plus clair avec l’Antichrist : si le peuple élu rejette la révélation, il faut que l’Antichrist se manifeste et que le monde qui n’a pas pu connaître la révélation puisse être jugé pour ou contre l’Antichrist. Pour un chrétien, la prière « Dieu de l’univers, reviens ! » devient la prière « Maranatha », implorant la venue glorieuse du Christ, car, rappelons-le, en Mt 28, 20, là où nous traduisons habituellement « la fin du monde », le texte grec dit : « jusqu’à la synteléias [συντέλεια] » (l’accomplissement) du monde. Le retour glorieux du Christ anéantira l’Antichrist (2Th 2, 8) afin que puisse s’accomplir le dessein du Créateur, que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel et que le monde puisse être emporté dans la gloire céleste pour l’éternité alors prions avec ce psaume : « Dieu de l’univers, reviens ! »

Deuxième lecture (Ph 4, 6-9)

Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. Enfin, mes frères, tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le en compte. Ce que vous avez appris et reçu, ce que vous avez vu et entendu de moi, mettez-le en pratique. Et le Dieu de la paix sera avec vous. – Parole du Seigneur.

« Ne soyez inquiets de rien », même lorsque le sanglier des forêts ravage la vigne du Seigneur  pour reprendre l’image du psaume : en effet, Dieu est le souverain maître de l’histoire, le juge ultime, et sa volonté se fera, son règne viendra. « Priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus », car Jésus reviendra dans la gloire, non pas matériellement et militairement, mais dans la gloire, il règnera, et il offrira le royaume au Père[2].

« Tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le en compte ». Sainte Hildegarde est ici précieuse, car elle fait des descriptions pleines de finesses des différents vices et vertus, en les faisant en quelque sorte parler, comme dans un petit théâtre. Par exemple :

La lâcheté dit : « Je n’offense personne pour ne pas subir le bannissement dont on ne viendrait pas à me consoler. En effet, si j’offensais quelqu’un je mettrais ma vie en jeu et je serais privée d’amis. J’honorerai les nobles et les riches, mais je ne me soucierai en rien des saints et des pauvres, car ils ne peuvent m’apporter aucun bénéfice. […] Tant que je serai parmi les hommes, je serai en paix avec eux, qu’ils fassent le bien ou le mal, je me tairai. Je préfère mentir ou tromper de temps en temps que de dire tout le temps la vérité. Mieux vaut obtenir quelque chose que de le perdre, et fuir devant les forts que les combattre. Les courageux et les sages rient de moi, mais j’ai choisi ma maison. Bien souvent ceux qui disent la vérité passent à côté des belles choses, et ceux qui combattent sont tués ». La vertu nommée « la Victoire de Dieu » répond à la lâcheté : « tu commets ta première erreur en proférant ainsi des paroles hostiles à Dieu, et tu ne veux pas respecter la Justice ; puisque dans ton inconsistance tu t’es exilée tremblante et insensible, ta bienveillance trop versatile a abusé les hommes. De plus, il n’y a pas de droiture en toi. Moi je possède l’épée de Dieu dotée de la très puissante force, avec laquelle je tranche toute injustice, et je le dégaine pour t’en frapper à la mâchoire. Je n’aurai aucune pitié envers toi car tu es de la cendre dans la cendre ; et quoi que tu désires et obtiennes, cela est mesquin et misérable. Moi [la vertu] je veux m’abreuver à la fontaine jaillissante, je combats l’ancien serpent et je détruis tous ses déguisements grâce au mystère de l’Écriture de Dieu, en qui j’ai toujours confiance lors des batailles qu’il livre au Diable, et ainsi je resterai toujours fidèle à la vérité de Dieu ».

La colère s’exprime en ces termes : « J’écrase et détruis quiconque me blesse… pourquoi endurer des blessures ? Si tu aimes la sérénité, ne m’approche pas. Quiconque voudra me faire du mal, je le frapperai de mon épée et le mettrai en pièces avec ma massue. » La patience répond à la colère : « Ma voix est répercutée par les plus hauts sommets, et se porte même au-delà des frontières de ce monde. Ma sérénité est comme un baume suintant de la terre. Mais toi, [la colère] es un parasite, une sangsue, le crime même. Je suis [la vertu de patience] la douce énergie de vie, la viridité. Je porte en moi les fleurs et les fruits inhérents à toutes les vertus et j’établis fermement celles-ci dans l’esprit des hommes, car tout ce que j’entreprends je le termine avec persévérance ; je ne frappe personne. Je suis consciente du mal et le maîtrise par mon attitude de bienveillante tranquillité. Je n’écrase personne, je fais en sorte de vivre en harmonie avec tous. Personne ne me déteste. Et je détruirai la tour que tu dresses, [toi la colère] parce que je demeure pour toujours, tandis que toi tu périras. » (Livre des Mérites de la Vie p. 14) ». « La victoire m’appartient depuis l’origine des temps de par l’invincible Fils de Dieu. Il est venu de Dieu pour sauver l’humanité, puis il est retourné à Dieu. Il est mort sur la croix dans d’atroces souffrances, mais Il est ressuscité et monté au Ciel. Me remémorant ce fait, je ne fuis pas les misères et les souffrances de cette vie.» (Scivias, III, 3)

Dans les secondes visions de sainte Hildegarde, la dispute suit le mensonge, mais la vertu de paix répond à la dispute : « O chaleur cuisante et dévorante de l’injure, tu es le crime sanguinaire et le grincement de dent, et tu mijotes tant dans l’injustice que tu fais couler le sang ; tu voudrais t’imposer suivant ta volonté. […] Nulle part tu ne trouves une place paisible, tu n’en veux pas et tu n’en cherches pas non plus. Au contraire, tu t’enroules dans l’obscurité d’une grotte tel un serpent, depuis laquelle tu lances tes javelots pour blesser tout le monde. […] Mais moi [la vertu de paix] je suis le remède de tous ceux que tu endommages. Je guéris ce que tu blesses. Je méprise tes armes et ta propagande de guerre, parce que je suis une montagne d’encens et de myrrhe sentant bon la paix. Je demeure au-dessus des nuages et j’attire à moi le bien. Je ne supporterai aucune tribulation et me tiendrai loin des choses qui me sont contraires. Je précipiterai à terre tous ceux qui médisent. Je connais sans cesse la joie et prends du plaisir en toutes choses bonnes. Jésus est celui qui pardonne et console toutes les peines, parce que Jésus a enduré la souffrance dans Son corps. Et comme Jésus est juste, je souhaite me joindre à Lui et l’accompagner toujours. Je lance loin de moi la haine, l’envie et toutes choses mauvaises. Je veux avoir un visage où se lit la joie, capable de refléter la justice ».

http://www.ecolesaintehildegarde.com/medias/files/les-vertus-selon-hildegarde-de-bingen-1.pdf

Évangile (Mt 21, 33-43)

[En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple] :

« Écoutez une autre parabole :

Il y avait un homme, / maître d’un domaine,

et qui planta une vigne, / l’entoura d’une clôture,

y creusa un pressoir / et bâtit une tour [de garde].

Puis il la loua à des vignerons, / et partit en voyage.

34 Quand arriva / le temps des fruits,

il envoya ses serviteurs / auprès des vignerons

pour qu’ils lui envoient / des fruits de sa vigne.

35 Mais les vignerons se saisirent de ses serviteurs, / il y en a qui le rouèrent de coup,

il y en a qui le lapidèrent / il y en a qui le tuèrent.

36 De nouveau, il envoya d’autres serviteurs / plus nombreux que les premiers ;

mais ils agirent, à leur égard, / de la même façon.

37 Finalement, il leur envoya / son fils,

en disant : / ‘Peut-être auront-ils honte devant mon fils.’

38 Or les vignerons, voyant le fils, / se dirent entre eux :

‘Voici l’héritier : / venez !

Tuons-le, / et saisissons-nous de l’héritage !’

39 Ils se saisirent [de lui], le jetèrent hors de la vigne / et le tuèrent.

40 Lorsque viendra donc le maître de la vigne, / que fera-t-il à ces vignerons-là?’

41 Ils lui répondirent : / ‘Il les fera périr dans toutes sortes de maux !

Et il louera la vigne à d’autres vignerons, / ceux qui lui en donneront les fruits en leur temps’.

42 Jésus leur dit :

‘Jamais / n’avez-vous lu dans le Livre :

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, / c’est elle qui devint la pierre d’angle !

C’est de la part du Seigneur qu’advint cette chose ! / C’est une merveille devant nos yeux !

43 Cest pourquoi, / je vous le dis :

Le royaume de Dieu vous sera enlevé / et il sera donné à un peuple qui en produira les fruits’. » – Acclamons la Parole de Dieu.

Selon l’image classique où Israël est la vigne plantée par le Seigneur, comme dans la première lecture et dans le psaume, Dieu lui envoya des prophètes, mais par exemple, Jézabel fit massacrer les prophètes du Seigneur, Élie seul survécut et on chercha aussi à le faire périr ; plus tard, Jérémie fut persécuté, et, tout proche de Jésus, Jean-Baptiste fut décapité. Dieu envoya son propre fils, mais par la parabole, Jésus annonce qu’il sera, lui aussi, rejeté et tué. Jésus cite alors le Psaume 118, 22-23 : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, c’est elle qui devint la pierre d’angle ! C’est de la part du Seigneur qu’advint cette chose ! C’est une merveille devant nos yeux ! » Et il est pertinent de lire d’autres versets de ce psaume auquel Jésus fait allusion : « Ils m'ont entouré comme des guêpes, ils ont flambé comme feu de ronces, au nom du Seigneur je les sabre. On m'a poussé, poussé pour m'abattre, mais le Seigneur me vient en aide » (Ps118, 12-13) Et « Non, je ne mourrai pas, je vivrai et publierai les oeuvres du Seigneur ; il m'a châtié et châtié, le Seigneur, à la mort il ne m'a pas livré. Ouvrez-moi les portes de justice, j'entrerai, je rendrai grâce au Seigneur ! C'est ici la porte du Seigneur, les justes entreront » (Ps 118, 17-20).

Jésus prend dans la parabole l’image de la vigne plantée par le Seigneur Saint Irénée explique que la vigne désigne tous les hommes, depuis Adam. Dieu, en effet, planta la vigne du genre humain par le modelage d'Adam et l'élection des patriarches. Puis il la confia à des vignerons par le don de la Loi mosaïque. Il l'entoura d'une clôture, c'est-à-dire circonscrivit la terre qu'ils auraient à cultiver. Il bâtit une tour, c'est-à-dire choisit Jérusalem. Il creusa un pressoir, c'est-à-dire prépara un réceptacle pour l'Esprit prophétique. Et c'est ainsi qu'il leur envoya des prophètes avant l'exil de Babylone, puis, après l'exil, d'autres encore, en plus grand nombre que les premiers, pour réclamer les fruits et pour leur dire : "Voici ce que dit le Seigneur : Redressez vos voies et vos habitudes de vie Jr 7,3" ; "jugez avec justice, pratiquez la pitié et la miséricorde chacun envers son frère, n'opprimez pas la veuve et l'orphelin, l'étranger et le pauvre, et que personne d'entre vous ne conserve dans son coeur le souvenir de la méchanceté de son frère Za 7,9-10"; "n'aimez pas faire de faux serments Za 8,17" ; "lavez-vous, purifiez-vous, ôtez la malice de vos coeurs de devant mes yeux ; cessez vos méchancetés, apprenez à bien faire ; recherchez la justice, sauvez celui qui souffre l'injustice, faites droit à l'orphelin et défendez la veuve : venez alors et disputons ensemble, dit le Seigneur Is 1,16-18" ; et encore : "Détourne ta langue du mal et tes lèvres des paroles perfides ; évite le mal et fais le bien, cherche la paix et poursuit-la Ps 33,14-15." Voilà par quelles prédications les prophètes réclamaient le fruit de la justice Am 6,12; Ph 1,11; Jc 3,18. Mais, comme ceux-là demeuraient incrédules, il leur envoya finalement son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, que ces mauvais vignerons tuèrent et jetèrent hors de la vigne. Aussi Dieu a-t-il confié celle-ci - non plus circonscrite, mais étendue au monde entier - à d'autres vignerons qui lui en remettent les fruits en leur temps. » (Saint Irénée, Contre les Hérésies Liv.4 ch.36)

C’est chacun de nous que Jésus appelle sa vigne, il nous a entourés comme d'une clôture, de la sécurité que donnent ses commandements et de la garde de ses anges, car l'ange du Seigneur campera autour de ceux qui le craignent (Ps 33,8). Ensuite, il a planté autour de nous une sorte de palissade en établissant dans l'Église premièrement des Apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement des docteurs. En outre, par les exemples des saints hommes d'autrefois, il élève nos pensées sans les laisser tomber à terre où elles mériteraient d'être foulées aux pieds. Il veut que les embrassements de la charité, comme les vrilles d'une vigne, nous attachent à notre prochain et nous fassent reposer sur lui afin qu'en gardant constamment notre élan vers le ciel, nous nous élevions comme des vignes grimpantes jusqu'aux plus hautes cimes.

Il nous demande encore de consentir à être sarclés. Or une âme est sarclée quand elle écarte d'elle les soucis du monde qui sont un fardeau pour nos coeurs. Ainsi celui qui écarte de soi l'amour charnel et l'attachement aux richesses, ou qui tient pour détestable et méprisable la passion pour cette misérable gloriole, a, pour ainsi dire, été sarclé, et il respire de nouveau, débarrassé du fardeau inutile des pensées terrestres.

Mais, pour rester dans la ligne de la parabole, il ne nous faut pas produire que du bois, c'est-à-dire vivre avec ostentation, ni rechercher la louange de ceux du dehors : il nous faut porter du fruit en réservant nos oeuvres pour les montrer au vrai vigneron. (Adaptation de l’Homélie de saint Basile le Grand (+ 379) Homélies sur l'Hexaéméron, 5, 6; SC 27, 304-307).

 

[1] Saint Bernard, sermon divers, n°29, sur le triple amour de Dieu

[2] BREYNAERT, Françoise, La Venue glorieuse du Christ. Véritable espérance pour le monde. Editions du Jubilé (octobre 2016). 

BREYNAERT, Françoise, Second Coming of Christ, The Ancient Doctrine and Present Times, St. Augustine’s Press, August 2022

Date de dernière mise à jour : 08/09/2023