La manière dont nous imaginons le Jugement (ou non) a une répercussion sur notre vie personnelle ou communautaire : l’être humain est la seule créature qui agisse en fonction de l’avenir ‒ ou de ce qu’il pense être l’avenir. Même les athées règlent leur vie ainsi : pour certains, l’avenir de leurs enfants tient lieu de raison de vivre ; tandis que pour d’autres, la seule raison est la jouissance du pouvoir et de la richesse, alors chacun se prend pour un petit dieu déterminant à sa guise le bien et le mal, et très vite ces sociétés athées sont soumises à des pouvoirs occultes et à des personnages qui s’érigent en nouveaux dieux : celui qui domine les autres hommes et en fait ses esclaves n’est-il pas « Dieu » en quelque sorte ? La Révélation chrétienne a annoncé un tel pouvoir cherchant à s’étendre au monde : « [Doit venir l’apostasie] et se révéler l’Homme impie, l’Etre perdu, l’Adversaire, celui qui s’élève au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ou reçoit un culte, allant jusqu’à s’asseoir en personne dans le sanctuaire de Dieu, se produisant lui-même comme Dieu » (2Th 2, 3-4). Dans le passé, des gens ont voulu se faire adorer pour plus qu’humains, ils préfiguraient en petit celui qui sera l’Antichrist mondial, Ad-Dajjâl.
Selon un hadith rapporté par Muslim : « Le Prophète (~) a dit : «Vous combattrez la Péninsule arabique et Allah vous accordera la victoire, puis vous combattrez la Perse et Allah vous accordera la victoire, puis vous combattrez les Romains et Allah vous accordera la victoire, puis vous combattrez l’Antéchrist et Allah vous accordera la victoire »[1]. Il existe des dizaines de milliers de hadiths. On parle de 40 hadiths authentiques, mais lesquels et sous quelle forme ? Ce hadith, clairement de l’époque des Abbassides, affirme qu’avant même le Jugement, les musulmans pourraient vaincre les forces du Mal. C’est l’espérance qui anime les islamistes et d’autres, mais qui se transforme en cauchemar chaque fois que l’on veut l’appliquer ! Est-ce qu’on peut se préparer ainsi à passer notre propre jugement pour le Paradis, ou est-ce l’inverse ? Un autre hadith de Muslim souligne plus classiquement le rôle capital joué par ‘Issa (Jésus), mais c’est un Messie (= Christ en grec) qui revient en combattant armé : « L’heure n’aura pas lieu sans que les Romains aient stationné leurs troupes à al-A’mâq ou ad-Dâbiq […] Pendant que les musulmans se prépareront à le combattre [l’Antichrist], on appellera à la prière. Ce faisant, ‘Issa viendra [litt. descendra] puis dirigera la prière. Quand l’ennemi d’Allah le verra, il se mettra à fondre comme le sel fond dans l’eau ; n’eût été [le décret] d’Allah, il se serait décomposé jusqu’à en mourir, mais Allah le fera périr par la main [de ‘Issa] et il leur montrera son sang sur sa lance »[2]. Dabiq est le nom du mensuel de « l’Etat islamique en Irak et Syrie » (DAECH) fabriqué à Londres en lien avec les services secrets britanniques. Jésus (‘Issa) n’a jamais pris les armes, ses seules armes étaient spirituelles ; et, bien sûr, il n’a jamais collaboré avec des groupes occultes ou criminels.
En mentant, en volant, en menant le jihad contre les non-musulmans, en terrorisant les survivants, est-ce qu’on détruit l’Antichrist ? Ou est-ce l’inverse ? Dans ce hadith, il y a une phrase vraie : « Quand l’ennemi de Dieu verra ‘Issa (Jésus), il se mettra à fondre comme le sel fond dans l’eau ». C’est ce que dit la Révélation chrétienne, sans l’image du sel. Personne ne peut faire le tri et éliminer l’Antichrist avant la venue d’Al-Massih, et à sa place. Seul Jésus pourra le faire, avec ses anges (Mt 13, 24-43). Ce qui nous revient, c’est de préparer le Royaume qui viendra par Jésus (‘Issa), sans collaborer avec le Mal, mais en persévérant courageusement dans le Bien, la douceur et la piété, et c’est aussi ainsi qu’on se prépare à notre propre jugement.
© Françoise Breynaert
[1] Mohamed BENCHILI, La venue du Mahdî selon la tradition musulmane, éditions Tawhid, 2009, p. 64
[2] Mohamed BENCHILI, Ibid., p. 68-69