Éclairage de saint Silouane

Éclairage de saint Silouane

À l’incroyant je donne ce conseil

Dieu est Personnel

Devenir belle, beau (St Silouane †1938)

La voie la plus courte pour arriver au salut

Où habites-tu âme humble ?

Prières pour obtenir l’humilité

Les degrés d’humilité

La paix dans l’adversité (St Silouane †1938)

Le détachement hésychaste : attirance du Dieu vivant

La prière pure

L’amour des ennemis (St Silouane †1938)

Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas

Marie a de la compassion pour tous

Le don des larmes (St Silouane †1938)

La force du Seigneur la soutenait

La grâce et la conscience dogmatique

La grâce perdue et retrouvée

Les épreuves spirituelles

Le mal

La clairvoyance

Les saints voient l'enfer mais il n'a sur eux aucune emprise

Expérience de l’éternité (St Silouane †1938)

Au Paradis (St Silouane †1938)

Le détachement hésychaste : attirance du Dieu vivant

Éclairage de saint Silouane

Saint Silouane († 1938) est à la fois un saint très moderne, très proche de nous, et essentiel pour connaître la spiritualité chrétienne orientale.

Il est né en Russie et il est devenu moine au mont Athos. Il s’est inscrit dans la tradition des Pères du Désert et la Philocalie. Nous présentons quelques-uns de ses écrits et quelques synthèses de sa doctrine présentées par l’archimandrite Sophrony.

Nous suivons : Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982

À l’incroyant je donne ce conseil

A l'incroyant je donne le conseil de dire : « Seigneur, si tu existes, éclaire-moi, et je Te servirai de tout mon cœur et toute mon âme ».

Pour cette pensée humble et pour cette disposition à servir Dieu, le Seigneur l'éclairera sans faute.

Mais il ne faut pas dire : « Si tu existes, punis-moi » ; car si la punition vient, peut-être ne trouveras-tu pas la force de rendre grâce à Dieu et de te repentir.

Lorsque le Seigneur t'éclairera, ton âme sentira sa présence ; elle sentira que le Seigneur lui a pardonné, qu'Il l'aime.

Tu sauras cela par ta propre expérience ; dans ton âme, la grâce du Saint Esprit témoignera de ton salut, et tu voudras crier au monde entier : « Comme l'amour de Dieu pour nous est grand ! » (p. 283-284)

 

Dieu est Personnel

Le Seigneur avait dit à Ponce Pilate : "je suis venu dans le monde pour témoigner de la vérité."

Sceptique, Pilate avait répliqué : "Qu'est-ce que la vérité ?"

Mais si Pilate avait posé sa question "Qui est la vérité ?", il aurait reçu en réponse la parole que, peu de temps auparavant, le Seigneur avait dite pendant la Sainte Cène à ses disciples bien-aimés et par eux au monde entier : « Je suis la vérité » (Jn 14,6 ; 18, 37-38).

Chaque fois qu'un théologien tente de connaître la vérité sur Dieu par ses propres forces, qu'il en soit conscient ou non, il tombe fatalement dans la même erreur que la science, la philosophie et le panthéisme, à savoir : la recherche d'un principe universel trans-personnel.

La Vérité-Personne ne peut d'aucune manière être connue par la raison (p. 107-115).

Le Dieu Personnel ne peut être connu que la révélation (cf. Mt 11, 27) et communion existentielle, c'est-à-dire par le Saint-Esprit.

La vraie communion avec Dieu ne peut être recherchée que par une prière personnelle adressée au Dieu Personnel.

Quand il invoquait Dieu par les Noms divins - Père, Seigneur et autres - le starets se trouvait dans un état dont « il ne convient pas à un homme de parler » ( 2 Co 12,4) ; mais celui qui a lui-même eu l'expérience de la présence du Dieu vivant, comprendra.

La perte du principe de la Personne amène inéluctablement à accorder la prééminence au « commun » sur le « particulier », à rechercher quelque « principe trans-personnel « . Dans ce cas, on ne demandera pas l'obéissance envers un homme, une personne, mais une soumission à la « Loi », à la « Règle », à la « Fonction », à « l'Institution », etc... Réfléchissez sur ce qui a été dit, et vous verrez qu'avec une telle manière impersonnelle d'aborder la structure de la société humaine se perd l'authentique sens de l'obéissance chrétienne incluse dans les commandements du Christ, et qu'à sa place intervient la « discipline ».

Ainsi, le starets Silouane écrit :

« Celui qui veut mener une vie de prière sans avoir de guide, et pense, dans son orgueil, qu'il peut s'instruire seul dans les livres sans s'adresser à un starets, a déjà à moitié succombé à l'illusion. Quant à l'homme humble, le Seigneur l'aidera. S'il ne trouve pas de maître expérimenté, il ira chez son père confesseur, quel qu'il soit, et à cause de son humilité, le Seigneur le protègera. »  (p. 274)

Devenir belle, beau (St Silouane †1938)

Saint Silouane écrit :

Je connaissais un petit garçon, une jeune fille, j'ai vu des hommes...

« Je connaissais un petit garçon. Il avait l'air d'un ange ; il était humble, consciencieux et doux ; sa petite figure était claire avec des joues roses ; ses yeux bleus étaient lumineux, bons et paisibles. Mais quand il devint plus grand, il se mit à vivre d'une manière impure et perdit la grâce divine ; et lorsqu'il eut trente ans, il ressemblait tout à la fois à un homme et à un démon, à une bête sauvage et à un brigand, et toute son apparence était hideuse et terrible.

Je connaissais une jeune fille extrêmement belle : son visage était si rayonnant et si agréable que beaucoup enviaient sa beauté. Mais les péchés lui firent perdre la grâce et on ne pouvait plus la regarder.

Mais j'ai vu aussi le contraire :

J'ai vu des hommes qui étaient devenus moines avec des visages déformés par les péchés et les passions, mais qui, par le repentir et une vie de prière, se transformèrent et devinrent très agréable à voir.

J'ai vu aussi le père Jean de Cronstadt : son apparence était celle d'un homme ordinaire, mais la grâce divine donnait à son visage une splendeur semblable à celle d'un ange, et on désirait le regardait.

Ainsi, le péché défigure l'homme, mais la grâce le rend beau.

Le repentir transforme les gens et les rend très agréables à voir. » (p. 274)

Saint Silouane écrit encore :

J'ai soixante douze ans ; je vais bientôt mourir et j'écris, pour vous, sur la miséricorde de Dieu que le Seigneur m'a donné de connaître par le Saint Esprit ; et le Saint Esprit m'a appris à aimer tous les hommes. Oh ! que je voudrais vous placer sur une haute montagne pour que, de son sommet, vous puissiez voir le Visage doux et miséricordieux du Seigneur, et que vos cœurs exultent de joie. Je vous dis la vérité : je ne trouve rien de bon en moi et j'ai commis de nombreux péchés, mais la grâce du Saint Esprit les a tous effacés. Et je sais qu'à ceux qui luttent avec le péché, le Seigneur accorde non seulement le pardon, mais encore la grâce du Saint Esprit qui réjouit l'âme et lui donne une paix douce et profonde (p. 318).

Le Christ a prié pour ceux qui le crucifiaient : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. » Etienne, le premier diacre, priait pour ceux qui le lapidaient afin que le Seigneur ne leur compte pas ce péché. Et nous, si nous voulons garder la grâce, nous devons prier pour nos ennemis. Si tu n'as pas de compassion pour le pécheur qui sera tourmenté dans le feu (de l'enfer], c'est le signe que ce n'est pas la grâce du Saint Esprit qui est en toi, mais bien un esprit mauvais ; et tant que es encore en vie, efforce-toi, par le repentir, de te libérer de lui (p. 323)

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982,

La voie la plus courte pour arriver au salut

Starets Silouane écrit :

Voici la voie la plus courte et la plus facile pour arriver au salut :

Sois obéissant, sobre, ne juge personne, garde ton esprit des mauvaises pensées ; pense que tous les hommes sont bons et que le Seigneur les aime. Pour ces pensées humbles, la grâce du Saint Esprit vivra en toi, et tu diras : « Le Seigneur est bon ».

Mais si tu juges les autres, si tu murmures et que tu aimes accomplir ta propre volonté, alors, quand bien même tu prierais beaucoup, ton âme s'appauvrira et tu diras « le Seigneur m'a oublié ». Mais ce n'est pas le Seigneur qui t'a oublié.

La mère de Dieu était plus humble que tous les hommes, et c'est pourquoi le Ciel est la terre la glorifient ; et tout homme qui s'humilie sera glorifié par Dieu et contemplera la Gloire du Seigneur.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 304

Où habites-tu âme humble ?

Starets Silouane écrit :

Le Seigneur m’a enseigné à tenir mon esprit en enfer et à ne pas désespérer, et c’est ainsi que mon âme apprend l’humilité.

Ce n’est pas encore l’humilité véritable, mais celle-ci ne peut être décrite. Lorsque l’âme s’approche du Seigneur, elle est dans la crainte ; mais lorsqu’elle voit le Seigneur, elle jouit ineffablement de la beauté de sa Gloire. L’amour de Dieu et la douceur du Saint-Esprit lui font complètement oublier la terre. Tel est le Paradis du Seigneur.

Tous les hommes demeureront dans l’amour, et grâce à leur humilité semblable à celle du Christ, tous seront heureux de voir les autres plus élevés : ils sont heureux d’être les plus petits. C’est ce que le Seigneur m’a révélé.

Où habites-tu âme humble ? Qui vit en toi ? Et à quoi puis-je te comparer ?   Tu resplendis, claire comme le soleil, mais en brûlant tu ne te consumes pas, et tu réchauffes tous les hommes par ton ardeur.   A toi appartient la terre des doux, selon la parole du Seigneur.   Tu es semblable à un jardin en fleurs au fond duquel se trouve une magnifique maison où le Seigneur aime demeurer.   C’est toi qu’aiment le ciel et la terre.   C’est toi qu’aiment les saints Apôtres, les Prophètes, les Saints et les Bienheureux.   C’est toi qu’aiment les Anges, les Séraphins et les Chérubins.   C’est toi qu’aime, dans ton humilité, la Toute-Pure Mère du Seigneur.   C’est toi qu’aime et en toi que se réjouit le Seigneur.   

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie – Doctrine – Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p.281. 286

Prières pour obtenir l’humilité

Starets Silouane écrit :

« Oh ! Priez pour moi, tous les saints, pour que mon âme apprenne l'humilité du Christ ; mon âme a soif d'elle mais ne peut l'atteindre, et je la cherche en pleurant comme un petit enfant qui a perdu sa mère. "Où es-Tu, mon Seigneur ? Tu t'es caché de mon âme, et je Te cherche avec des larmes". »

« Seigneur donne-moi la force de m'humilier devant ta grandeur. »

« Seigneur, à Toi appartient la Gloire dans les cieux et sur la terre, mais à moi, à ta fragile créature, donne ton humble Esprit Saint. »

« Seigneur, mon esprit sans force ne peut parvenir à Toi ; aussi, comme le roi Abgar, je t'appelle : "Viens et guéris-moi des blessures de mes pensées mauvaises, et je Te louerai jour et nuit. Je t'annoncerai aux hommes pour que toutes les nations sachent que Toi, Seigneur, Tu accomplis des miracles comme autrefois, que Tu pardonnes les péchés, que Tu sanctifies et donnes la vie." »

« Celui qui a connu Dieu par le Saint Esprit a appris de lui l'humilité ; il ressemble à son Maître, le Christ, Fils de Dieu ; il est devenu semblable à Lui.

Seigneur, accorde-nous le don de ta sainte humilité.

Seigneur, donne-nous gratuitement ton humble Saint Esprit, tout comme Tu es venu sauver les hommes par pure grâce, les élevant aux Cieux pour qu'ils voient ta Gloire. »

Oh ! Comme il faut demander au Seigneur de donner à l'âme l'humble Esprit Saint ! L'âme orgueilleuse se tourmente elle-même. L'homme orgueilleux ne connaît pas l'amour divin, il est loin de Dieu. »

« Très sainte Mère de notre Seigneur, toi qui es miséricordieuse, prie pour que nos esprits trouvent l'humilité. »

« O tous les saints, vous vivez au Ciel, vous voyez la Gloire du Seigneur et votre esprit est dans la joie, - priez pour que, nous aussi, nous soyons avec vous. Mon âme désire voir le Seigneur, elle aspire à Lui dans l'humilité, consciente d'être indigne de ce don.»

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 281

Les degrés d’humilité

Starets Silouane écrit :

Il y a bien des degrés d'humilité.

L'un est obéissant et se fait des reproches à lui-même en toutes choses ; cela c'est de l'humilité.

Un autre se repent de ses péchés et se considère comme un misérable devant Dieu. Cela c'est aussi de l'humilité.

Mais autre est l'humilité de celui qui a connu le Seigneur par le Saint Esprit : sa connaissance et ses goûts son différents.

Lorsque, dans le Saint Esprit, l'âme voit combien le Seigneur est doux et humble, elle s'humilie elle-même jusqu'au bout. Cette humilité est tout à fait particulière et personne ne peut la décrire. Si les hommes pouvaient savoir par le Saint Esprit quel Seigneur nous avons, ils changeraient entièrement : les riches mépriseraient leurs richesses ; les savants, leur science ; les gouvernements, leur pouvoir et leur prestige ; tous vivraient dans une paix profonde et avec amour, et sur terre règnerait une grande joie.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 289

La paix dans l’adversité (St Silouane †1938)

Saint Silouane écrit :

Si une adversité te frappe, dis-toi :

« Le Seigneur voit mon cœur, et si cela lui est agréable, tout ira bien, et pour moi, et pour les autres. »

et ainsi ton âme sera toujours en paix.

 

Mais si un homme se met à murmurer et dit : « Cela ne devrait pas être comme ça... ce n'est pas bien... » - il n'aura pas de paix dans son âme, même s'il observe tous les jeûnes et prie beaucoup.  

L'âme ne peut pas avoir de paix si elle n'étudie pas jour et nuit la loi divine [= L'écriture sainte]. Cette loi est en effet écrite par l'Esprit Saint, et l'Esprit Saint passe de l'Ecriture dans l'âme.

Question : comment celui qui remplit une charge peut-il garder la paix quand ses subordonnés sont désobéissants ?

C'est dur et douloureux pour lui. Pour garder la paix, il doit se souvenir que, même si ses hommes ne sont pas obéissants, le Seigneur les aime malgré tout, qu'Il est mort dans les souffrances pour leur salut, et qu'il faut donc prier pour eux avec ardeur.

Alors le Seigneur donnera la prière à celui qui prie ; tu sauras par expérience comment l'esprit de celui qui prie s'approche de Dieu avec confiance et amour, et, bien que tu sois un homme pécheur, le Seigneur te donnera de goûter les fruits de la prière.

Si tu prends l'habitude de prier ainsi pour tes subordonnés, ton âme connaîtra une profonde paix et un grand amour.

 

Question : comment un subordonné peut-il garder la paix de l'âme s'il a pour supérieur un homme violent et méchant ?

Un homme coléreux endure lui-même une grande souffrance provoquée par un esprit mauvais. Il subit ce tourment à cause de son orgueil ; le subordonné, quel qu'il soit, doit le savoir et prier pour l'âme malade de son supérieur.

Le Seigneur voyant sa patience, lui accordera - au subordonné - le pardon de ses péchés et la prière incessante. C'est une grande œuvre devant Dieu que de prier pour ceux qui nous offensent et qui nous font souffrir.

En retour, le Seigneur te donnera sa grâce, tu connaîtras le Seigneur par le Saint Esprit et tu supporteras avec joie toutes les afflictions à cause de Lui.

Le Seigneur te donnera d'aimer le monde entier ; tu désireras ardemment le bien pour tous les hommes et tu prieras pour tous comme pour toi-même.

 

Silouane écrit encore :

Le Seigneur dit : « Bienheureux les pacifiques ». Et je me suis dit : « Je vais passer une partie de mon temps en prière silencieuse, et, dans le temps qui me reste, je tâcherai d'apporter la paix aux hommes. » J'allai m'installer dans une cellule voisine de celle d'un frère au caractère coléreux. Tout en parlant avec lui, je me mis à l'exhorter de vivre e paix avec tous et de pardonner à tous. Il patienta un moment, puis explosa contre moi avec une telle violence que je dus même quitter ma cellule et ne pus qu'à grand-peine lui échapper. Ensuite, je pleurai longuement devant Dieu de ce que la paix n'avait pas pu être gardée. Je compris qu'il faut chercher la volonté de Dieu et vivre comme le Seigneur le désire, et ne pas s'inventer pour soi-même des exploits ascétiques.

 

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 291-294. 418. Extraits par F. Breynaert.

 

Le détachement hésychaste : attirance du Dieu vivant

L'archimandrite Sophrony résume l'enseignement de Saint Silouane :

A chaque passion correspond une image qui lui est propre, appartenant au monde créé.

Si l'image n'est pas accueillie, la passion, incapable de se développer, ne pourra finalement que mourir.

L'intellect, faculté éminemment active, s'oppose aux fluctuations mentales de la raison discursive, à savoir l'attention.

À la différence de certains ascètes étrangers à notre tradition, l'ascète ne considère pas comme illusoire l'existence à laquelle il renonce. Son détachement n'est pas non plus un envol cers les sphères purement intelligibles et désincarnées, car une telle attitude débouche, tôt ou tard, de nouveau sur un mode imaginaire.

Non, ce détachement procède de l'ATTIRANCE que nous fait éprouver pour lui le Dieu vivant.

Un croyant humble et simple se libère du pouvoir de l'imagination par une aspiration totale à vivre selon la volonté de Dieu. Cela est à la fois si simple et si « caché aux sages et aux intelligents » qu'il est impossible de le communiquer par la parole.

Comment discerner si l'expérience spirituelle est située sur le plan de l'imagination, de la philosophie ou du panthéisme ? Par l'amour des ennemis.

Le bienheureux starets Silouane affirmait catégoriquement que le seul critère, dans l'ordre soumis à notre contrôle logique, n'est autre que l'amour des ennemis. Il disait :

« Le Seigneur est humble et doux. Il aime sa créature ; là où est l'Esprit du Seigneur, là règne infailliblement l'humble amour des ennemis et la prière pour le monde. Et si tu n'as pas cet amour, demande-le, et le Seigneur qui a dit : 'Demandez et l'on vous donnera, cherchez et vous trouverez' (Mt 7, 7), te l'accordera. »

L'orgueil amplifie l'imagination, l'humilité la fait cesser. L'orgueil se gonfle pour créer son propre monde, l'humilité accepte la vie qui venant de Dieu.

Les contemplations divines sont accordées à l'homme, non point quand il s'efforce de les rechercher par lui-même, mais lorsque l'âme descend dans l'enfer de la pénitence et réalise qu'elle se trouve au-dessous de toute créature.

L'impassible est plein d'amour, de compassion, de participation, mais tout cela vient de Dieu qui agit en lui. On peut définir l'impassibilité comme « acquisition du Saint-Esprit », comme Christ vivant en nous. L'impassibilité est la lumière d'une vie nouvelle, faisant naître dans l'homme des sentiments nouveaux et saints, de nouvelles pensées divines, une nouvelle lumière de la connaissance éternelle.

Les saints Pères de l'Eglise définissent l'impassibilité comme « résurrection de l'âme avant la résurrection générale des morts » (Jean Climaque 29, 2).

Tant que l'homme n'a pas réalisé sa résurrection en Christ, tout en lui reste déformé par la crainte de la mort, donc par l'esclavage du péché (cf. Hé 2, 15).

Illusions à éviter

L'impassibilité n'est pas un au-delà du bien et du mal.

Nous avons dit au starets qu'il y a des gens qui considèrent l'impassibilité non pas comme amour de Dieu, mais comme une contemplation de l'être situé au-delà du bien et du mal, et qu'ils considèrent pareille contemplation comme supérieure à l'amour chrétien.

Le Starets répondit : « Cette doctrine vient de l'Ennemi, le Saint Esprit n'enseigne pas ainsi. »

Quant aux contemplations résultant d'une certaine contrainte imposée à l'intelligence, elles ne sont pas véritables, mais apparentes, il se produit dans l'âme un état qui rend difficile même la possibilité d'une intervention de la grâce et, par conséquent, de la vraie contemplation.

Ne pas confondre l'expérience de Dieu et celle du dépouillement.

Mais lorsqu'on s'abandonne à la pratique de l'oraison hésychaste sans le repentir requis et sans que la prière soit toute tendue vers Dieu, alors l'âme, dénudée de toute représentation, peut demeurer quelque temps dans les « ténèbres du dépouillement » sans voir Dieu, car Dieu n'est pas dans ces ténèbres.

Demeurant dans les ténèbres du dépouillement, l'esprit ressent une douceur et un repos d'un genre particulier ; si à ce moment il se retourne sur lui-même, il peut percevoir quelque chose qui ressemble à la lumière, mais qui n'est cependant pas encore la Lumière incréée de la Divinité, mais un attribut de l'esprit créé à l'image de Dieu.

Malheur à celui qui prend cette sagesse pour la connaissance du vrai Dieu, et cette contemplation pour une communion à la vie divine. Malheur, parce que dans ce cas la nuit du dépouillement, située au seuil de la véritable vision de Dieu, se transformera en un écran impénétrable et en un mur qui le séparera plus sûrement de Dieu que les ténèbres des passions grossières, les ténèbres des attaques démoniaques manifestes ou les ténèbres de la perte de la grâce et de l'abandon de Dieu.

Malheur parce que ce serait une erreur, une illusion, car Dieu n'est pas dans les ténèbres du dépouillement. Dieu se manifeste dans la Lumière et comme Lumière.

Normalement, la prière hésychaste doit avoir un contenu positif. En d'autres termes, elle doit procéder d'un sentiment de repentir et d'un élan vers Dieu.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 101. 151-173. 177

La prière pure

L'archimandrite Sophrony résume la doctrine du Starets Silouane sur les trois modes de la prière (Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 132 – 137) :

 

Le premier mode est caractérisé par l'imagination, il correspond au mouvement de l'intellect vers l'extérieur.

Il n'est qu'une étape. Il ne faut donc pas continuer outre mesure à le cultiver, car alors l'homme se maintient dans un monde illusoire, dans le monde du rêve, ce qui peut engendrer des troubles spirituels profonds.

 

Le second mode est caractérisé par la méditation, il correspond au retour vers soi-même.

Il n'est aussi qu'une étape où l'homme reste exposé à diverses influences étrangères, la lutte avec les passions subtiles de l'âme - (la vanité et l'orgueil) se complique et, peu à peu, la grâce se perd imperceptiblement.

 

Le troisième mode est caractérisé par la contemplation, il correspond à la montée vers Dieu à travers l'homme intérieur.

L'intellect en prière empêche les pensées d'entrer dans le cœur, il les repousse et se met ainsi à l'abri de toute jonction avec elles ; on parvient de la sorte à paralyser l'action de toute passion à son premier stade, dès qu'elle se met à germer.

L'ascète a la possibilité d'étudier, avec une étonnante finesse, la nature de la pensée. Il connaît l'action (énergie) de chaque passion d'une manière bien plus profonde que l'homme qui en est possédé.

 

La Mère de Dieu, modèle de prière pure

Le starets Silouane écrit :

« Un jour que j'écoutais la lecture des prophéties d'Isaïe aux mots « Lavez-vous et vous serez purs » (Is 1, 16), il me vint une pensée : « peut-être la Mère de Dieu a-t-elle péché une fois, serait-ce en pensée. »

Et, chose étonnante, dans mon cœur, en même temps que la prière, une voix me dit clairement : « La Mère de Dieu n'a jamais péché, même en pensée ». Ainsi, dans mon cœur, l'Esprit Saint témoignait de sa pureté.

La Mère de Dieu n'a jamais mis par écrit ses pensées, ni son amour pour son Dieu et son Fils, ni les douleurs de son âme au moment de la Crucifixion, car nous n'aurions de toute façon pas pu les comprendre.

Son amour est en effet plus fort et plus ardent que l'amour des Séraphins et des Chérubins ; et toutes les Puissances célestes des Anges et des Archanges sont frappés d'étonnement à son sujet » (p. 356)

 

L’amour des ennemis (St Silouane †1938)

Le starets Silouane nous exhorte a vivre le commandement du Seigneur Jésus, aimez vos ennemis, priez pour eux. Il parle d’expérience. Et il indique aussi l’exemple de Marie.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie – Doctrine – Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, , p. 344-345

« Je vous en supplie, faites un essai ».

Je vous en supplie, faites un essai. Si quelqu’un vous offense, ou vous méprise, ou vous arrache ce qui vous appartient, ou persécute l’Eglise, priez le Seigneur en disant : « Seigneur, nous sommes tous tes créatures ; aies pitié de tes serviteurs et tourne-les vers le repentir. » Alors, tu porteras perceptiblement la grâce dans ton âme. Au commencement, force ton cœur à aimer tes ennemis ; le Seigneur, voyant ta bonne intention, t’aidera en tout, et l’expérience elle-même t’instruira. Mais celui qui pense du mal de ses ennemis, l’amour de Dieu n’est pas en lui, et il n’a pas connu Dieu.

Quand tu prieras pour tes ennemis, la paix viendra sur toi ; et lorsque tu aimeras tes ennemis, sache qu’une grande grâce divine vit en toi ; je ne dis pas qu’elle soit déjà parfaite, mais elle est suffisamment puissante pour le salut. Si, par contre, tu injuries tes ennemis, c’est le signe qu’un esprit mauvais vit en toi et qu’il introduit dans ton cœur de mauvaises pensées ; car, comme l’a dit le Seigneur, c’est du cœur que jaillissent les bonnes ou les mauvaises pensées.

L’orgueil nous fait perdre la grâce et, en même temps qu’elle, l’amour pour Dieu et l’audace dans la prière ; l’âme est alors tourmentée par de mauvaises pensées et ne comprend pas qu’il faut s’humilier et qu’il faut aimer les ennemis, sans quoi on ne peut pas plaire à Dieu.

Tu dis :

- « L’ennemi persécute notre sainte Eglise. Comment pourrais-je donc l’aimer ? »

A cela je répondrai :

- « ta pauvre âme n’a pas connu Dieu ; elle n’a pas connu combien Il nous aime et avec quel désir Il attend que tous les hommes se repentent et soient sauvés.

Le Seigneur est Amour ; Il a donné sur terre le Saint-Esprit qui apprend à l’âme à aimer les ennemis et à prier pour eux afin qu’ils soient, eux aussi, sauvés. C’est cela, l’amour.

Mais si on les juge d’après leurs actions, ils méritent un châtiment. »

« L’amour de la Mère de Dieu »

Le cœur de la Mère de Dieu, toutes ses pensées et toute son âme étaient occupées du Seigneur ; mais il lui fut donné quelque chose d’autre encore : elle aimait les hommes et priait ardemment pour eux, pour les nouveaux chrétiens, demandant que le Seigneur les fortifie ; elle priait pour le monde entier pour que le monde entier soit sauvé. Cette prière était sa joie et sa consolation sur la terre.

Nous ne comprenons pas dans sa plénitude l’amour de la Mère de Dieu, mais nous savons que :

Plus grand est l’amour, plus grandes sont les souffrances de l’âme.

Plus complet est l’amour, plus complète est la connaissance.

Plus brûlant est l’amour, plus ardente est la prière.

Plus parfait est l’amour, plus sainte est la vie.

Aucun de nous ne parvient à la plénitude de l’amour de la Mère de Dieu, et nous avons besoin du repentir d’Adam. Mais nous saisissons en partie cet amour, comme il nous est révélé dans l’Eglise par le Saint Esprit.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie – Doctrine – Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 335

Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas 

Starets Silouane écrit :  

La première année [au mont Athos], après avoir reçu le don du Saint Esprit, je me disais : « Le Seigneur m'a pardonné mes péchés : la grâce en témoigne ; de quoi quoi-je encore besoin ? » Mais il ne faut pas penser ainsi.

Bien que nos péchés soient pardonnés, il faut s'en souvenir et les pleurer toute sa vie, afin de garder la contrition.

Je ne le fis pas et perdis le repentir, ce qui me donna beaucoup à souffrir de la part des démons.

J'étais déconcerté et me disais : « Mon âme connaît le Seigneur et son amour, comment se fait-il donc que me viennent de mauvaises pensées ? »

Mais le Seigneur eut pitié de moi et m'enseigna Lui-même comment il faut s'humilier :

« Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas ».

C'est ainsi qu'on triomphe de ses ennemis ; mais dès que je laisse mon esprit sortir du feu [de la condamnation en enfer], de nouveau les pensées retrouvent leur force.

 

Celui qui, comme moi, a perdu la grâce, qu'il lutte courageusement avec les démons. Apprends que la faute est en toi-même ; tu es tombé dans l'orgueil et dans la vanité. Le Seigneur te fait connaître ce qu'est la vie dans le Saint-Esprit et ce qu'est la lutte avec les démons. Ainsi l'âme connaît par expérience les ravages causés par l'orgueil, et elle fuit les louanges humaines et les pensées de vanité. Alors seulement, elle commence à guérir et à savoir garder la grâce.

Comment peut-on comprendre si l'âme est saine ou malade ? L'âme malade est orgueilleuse ; mais l'âme en bonne santé aime l'humilité, comme le Saint Esprit le lui a appris ; et si elle ne connaît pas encore cette humilité, elle s'estime pire que tous.

 

Le Seigneur a fait preuve d'un grand amour pour moi, il m'a donné de comprendre que nous devons pleurer nos péchés durant toute notre vie. Telle est la voie du Seigneur. Et voici que, maintenant, j'écris par compassion pour ces hommes qui, comme moi, sont orgueilleux et, à cause de cela, souffrent.

J'écris pour qu'ils apprennent l'humilité et trouvent le repos en Dieu.

 

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 279-281.

Marie a de la compassion pour tous

Starets Silouane écrit au sujet de l’amour de la mère de Dieu, un amour qui embrasse le monde entier :

Bien  que la vie de la mère de Dieu soit comme voilée par un silence sacré, le Seigneur de notre Eglise orthodoxe nous a cependant donné de savoir que son amour embrasse le monde entier, que, dans l’Esprit Saint, elle voit tous les peuples de la terre et que, tout comme son Fils, elle a de la compassion pour tous les hommes.

Oh ! Si nous pouvions savoir comme la Toute Sainte aime ceux qui gardent les commandements du Christ, et comme elle a compassion et souffre pour ceux qui ne se corrigent pas ! J’en ai fait l’expérience moi-même. Je ne mens pas, je parle devant la Face du Dieu que mon âme connaît : en esprit, je connais la Vierge Toute-pure. Je ne l’ai pas vue, mais le Saint Esprit m’a donné de la connaître ainsi que son amour pour nous.

Sans sa miséricorde, il y a longtemps que j’aurai péri ; amis elle voulut me visiter et m’exhorter à ne plus pécher. Elle me dit : « Je n’aime pas voir ce que tu fais. » Ses paroles étaient calmes et douces, mais elles agirent avec force sur mon âme. Plus de quarante ans ont passé depuis, mais mon âme ne peut oublier ces paroles remplies de douceur. Je ne sais pas ce que je donnerai en retour pour son amour envers moi et comment je pourrai remercier la Mère du Seigneur.

Elle est, en vérité, notre protectrice auprès de Dieu, et son nom suffit pour réjouir l’âme. Mais tout le Ciel et toute la terre se réjouissent de son amour.

Merveille incompréhensible ! Elle vit aux Cieux et contemple constamment la Gloire de Dieu, mais elle n’oublie cependant pas les pauvres que nous sommes et couvre sa protection tous les peuples de la terre.

C’est sa Mère Très pure que le Seigneur nous a donnée. Elle est notre joie et notre espérance. Elle est notre mère selon l’esprit, et elle est proche de nous selon la nature, comme être humain ; et toute âme chrétienne s’élance vers elle avec amour.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie – Doctrine – Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 357-358

Le don des larmes (St Silouane †1938)

Le don des larmes[1]

Starets Silouane écrit :

Je suis abominable, le Seigneur le sait ; mais j'aime humilier mon âme et aimer mon prochain, même quand il m'a offensé. Je supplie continuellement le Seigneur de me donner l'amour des ennemis. Par la miséricorde de Dieu, j'ai saisi ce qu'est l'amour de Dieu et l'amour du prochain. Jour et nuit, je demande au Seigneur cet amour ; le Seigneur me donne des larmes et je pleure pour le monde entier. Mais si je juge quelqu'un ou le regarde de travers, les larmes tarissent et mon âme tombe dans l'abattement ; et, de nouveau, je commence à demander pardon au Seigneur, et le Seigneur miséricordieux me pardonne à moi, pécheur.

 

Bienheureuse l'âme qui aime son frère, car notre frère est notre propre vie[2].

Starets Silouane écrit :

Bienheureuse l'âme qui aime son frère : elle sent en elle la présence de l'Esprit du Seigneur ; Il lui donne paix et joie, et elle pleure pour le monde entier.

Mon âme s'est souvenue de l'amour du Seigneur, et mon cœur s'est réchauffé. Mon âme s'est abandonnée à une profonde lamentation, car j'ai offensé le Seigneur, mon Créateur bien-aimé. Mais Il ne s'est pas souvenu de mes péchés ; alors mon âme s'est abandonnée à une lamentation encore plus profonde pour que le Seigneur ait pitié de chaque âme et la prenne dans son Royaume céleste.

 

[1] Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 332-333.

[2] Ibid., p. 339.

La force du Seigneur la soutenait

Lorsque l'âme est toute pénétrée par l'amour de Dieu, oh ! comme tout est bon alors, comme tout est rempli de douceur et de joie ! Mais, même alors, on n'échappe pas aux afflictions, et plus grand est l'amour, plus grandes sont les afflictions.

La Mère de Dieu n'a jamais péché, même par une seule pensée, et elle n'a jamais perdu la grâce, mais elle aussi elle a eu à endurer de grandes afflictions. Quand elle se tenait au pied de la croix, sa peine était vaste comme l'océan.

Les douleurs de son âme étaient incomparablement plus grandes que celles d'Adam lorsqu'il a été chassé du Paradis, parce que son amour était, lui aussi, incomparablement plus grand que celui d'Adam.

Et si elle est restée en vie, c'est uniquement parce que la force du Seigneur la soutenait, car le Seigneur voulait qu'elle voie sa résurrection, et qu'après son ascension elle reste sur terre pour consoler et réjouir les apôtres et le nouveau peuple chrétien.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 355

La grâce et la conscience dogmatique

En russe, le mot pour désigner « la grâce » se dit « Blagodat' ». Il relève

- de la racine « blag » qui signifie « bonté »

- et de celle de « dat' » qui exprime la notion de « don.

Ce terme exprime donc dans une certaine mesure la nature de la grâce, c'est-à-dire : « don bienfaisant de Dieu », ou « don de la bonté de Dieu », la force (énergie) incréée de la Divinité.

 

Le commandement du Christ n'est pas une norme éthique, mais il est en lui-même la vie éternelle et divine. Dans sa nature créée, l'homme n'a pas la vie en lui-même, et c'est pourquoi il ne peut, par ses propres forces, accomplir la volonté de Dieu, autrement dit vivre selon les commandements de Dieu. Mais il est propre à l'homme de tendre vers Dieu et vers la béatitude de la vie divine.

L'expérience historique de l'Eglise nous montre que lorsqu'un homme a été gratifié de grands dons de la grâce et de visions, il lui faut encore de longues années de vie ascétique pour se les assimiler plus profondément. La grâce prend alors la forme d'une connaissance spirituelle que nous nommerons de préférence « connaissance dogmatique », mais non dans le sens académique du terme.

Mais quelque grand que soit le premier don de la grâce, tant qu'il ne l'a pas assimilé, l'homme reste exposé à des fluctuations et même à des chutes. L'apôtre Pierre nous en fournit un excellent exemple. Sur le mont Thabor, il est dans un bienheureux émerveillement ; mais ensuite, au moment des souffrances du Christ, il le renie ; bien des années plus tard, il citera dans son épître sa vision du Thabor comme un témoignage puissant en faveur de la vérité.

Le délai pour assimiler la grâce n'est pas le même pour tous.

Mais dans ses grandes lignes, le processus normal est le suivant:

- La première expérience de la visite de Dieu marque profondément l'être humain tout entier et l'entraîne à la vie intérieure, à la prière, à la lutte contre les passions. Pendant cette période, le cœur est rempli de sensations spirituelles, et les expériences vécues sont si fortes qu'elles attirent à elles toute l'attention de l'intellect.

- Durant la période suivante, la perte de la grâce plonge l'homme dans une grande affliction et l'amène à une recherche éperdue des causes de cette perte et des moyens pour retrouver le don de Dieu.

- Ce n'est qu'après de nombreuses années d'alternance de ces états spirituels, années habituellement passées à lire les saintes Ecritures, les œuvres des saints Pères de l'Eglise, à s'entretenir avec des maîtres spirituels et d'autres ascètes, à lutter contre les passions, que l'homme découvrira en lui la lumineuse connaissance des voies du salut venue mystérieusement et sans se laisser observer. Cette connaissance, que nous avons appelée conscience dogmatique, est la vie profonde de l'esprit et non pas une gnose abstraite.

L'Eglise est forte non pas par son érudition scientifique, mais, avant tout, par la réelle possession des dons de la grâce. L'Eglise vit par le Saint Esprit, elle respire par lui. Parle fait même de communier à lui, elle sait comment il agit.

 

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 180-187

La grâce perdue et retrouvée

 

Nous avons besoin de la grâce comme une fleur a besoin du soleil [1]

Saint Silouane écrit :

Pour vivre, notre corps a besoin chaque jour de nourriture et d'air. Pour notre âme, nous avons besoin du Seigneur et de la grâce du Saint Esprit, sans laquelle l'âme est morte. Comme le soleil réchauffe et vivifie les fleurs des champs qui se tournent vers lui, ainsi l'âme qui aime Dieu s'élance vers Lui et trouve sa béatitude en Lui ; et dans sa grande joie, elle veut que tous les hommes jouissent de ce même bonheur. Le Seigneur nous a créés afin qu'au Ciel nous demeurions éternellement avec Lui dans l'amour.

 

Nous cherchons la grâce comme Marie a cherché l'enfant Jésus[2]

Saint Silouane écrit :

Le fils du roi alla au loin pour chasser ; dans la forêt épaisse, il se perdit et ne put retourner à son palais. Il versa d'abondantes larmes en cherchant son chemin, mais ne le trouva pas. Restant dans la forêt sauvage, il désirait revoir le roi son père, la reine sa mère, et ses frères et ses sœurs. Comment pourrait-il vivre, lui le fils du roi, dans une forêt sauvage et perdue ? il sanglotait en songeant à sa vie d'autrefois dans le palais de son père, et regrettait amèrement d'avoir perdu sa mère.

C'est ainsi, et plus encore, que souffre et se lamente l'âme qui a perdu la grâce du Saint Esprit, et qui est emmenée en esclavage par les pensées mauvaises.

Mais celui qui ne connaît pas la grâce ne la cherche pas.

Pour garder la grâce, l'homme doit être retenu en tout : mouvements, paroles, regards, pensées et nourriture.

 

Il est dit dans l'Evangile que lorsque la Mère de Dieu quitta Jérusalem en compagnie de Joseph, elle pensait que son Fils faisait route avec des parents ou des connaissances. Et ce n'est qu'au bout de trois jours de recherches qu'ils le trouvèrent dans le Temple s'entretenant avec les docteurs (Lc 2, 44-46).

Seul le Seigneur sait toutes choses ; quant à nous, qui que nous soyons, pour éviter de commettre des erreurs, il nous faut prier Dieu de nous éclairer, et interroger notre père spirituel.

 

La grâce dans les étapes du chemin spirituel[3].

Archimandrite Sophrony résume l'enseignement de saint Silouane :

Le starets connaissait par expérience les étapes de la voie spirituelle. Il indiquait trois étapes essentielles dans cette voie :

La première, la réception de la grâce ;

La deuxième, la perte de la grâce ;

Et la troisième, le retour de la grâce par le labeur ascétique de l'humilité.

Nombreux sont ceux qui ont reçu la grâce, non seulement parmi ceux qui se trouvent dans l'Eglise, mais aussi parmi ceux qui sont hors d'elle, car le Seigneur ne fait acception de personne ;

Mais aucun homme n'a su garder cette première grâce, et rares sont ceux qui l'ont acquise à nouveau. Celui qui ne connaît pas cette deuxième période, celui qui n'a pas passé par l'expérience de l'effort ascétique pour recouvrer la grâce, celui-là n'a pas, à proprement parler, une véritable connaissance spirituelle.

 

Par l'alternance de ses états spirituels - communion à la grâce, retrait de la grâce - l'homme arrive à la conviction qu'il n'a pas la vie en lui-même, que sa vie est en Dieu.

 

[1] Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 298.

[2] Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 299.301.314

[3] Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 128.150

 

Les épreuves spirituelles

Au début, l'homme  est attiré vers Dieu par le don de la grâce,

Et quand il est déjà attiré, alors commence une longue période d'épreuves. La liberté de l'homme, sa confiance en Dieu sont mises à l'épreuve, parfois même durement.

Au début de sa conversion, ses prières, qu'elles soient importantes ou non, à peine sont-elles formulées, qu'elles sont habituellement rapidement et miraculeusement exaucées par Dieu.

Mais quand vient la période des épreuves, tout change : on dirait que le Ciel se referme et devient sourd à toutes nos prières.

Dans la vie d'un chrétien fervent tout devient difficile.

L'attitude des gens envers lui s'altère ; on cesse de le traiter avec respect ; on ne lui pardonne pas ce qu'on pardonne volontiers aux autres ; son travail est presque toujours rémunéré au-dessous de la norme ; la résistance de son corps contre les maladies diminue ; la nature, les circonstances, les hommes, tout se tourne contre lui. Quant à ses dons naturels, non moins grands que chez d'autres, ils ne trouvent pas d'application.

En plus de tout cela, il subit encore de nombreux assauts des puissances démoniaques.

Et le dernier, le plus pénible et le plus intolérable des tourments, c'est d'être abandonné par Dieu. Alors sa souffrance atteint son comble, car l'homme est frappé sur tous les plans de son être.

L'expérience millénaire, transmise de génération en génération, nous enseigne que lorsque Dieu voit la fidélité d'un ascète, comme il vit celle de Job, il la mène par des abîmes et des cimes inaccessibles à tout autre homme. Plus la fidélité de l'ascète et sa  confiance en Dieu sont inébranlables, plus grande sera son épreuve et plus complète aussi sera son expérience qui pourra s'étendre jusqu'au ultimes limites auxquelles puisse parvenir un homme.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 194

Le mal

« Dieu seul est absolu. Le mal n’est pas une réalité ayant sa propre essence [ce qui ne signifie pas qu’il n’ait pas une existence], mais une résistance de la créature libre à l’Etre principiel, à Dieu.

Tout mal accompli par les créatures libres vit nécessairement en parasite sur le « corps » du bien ; il doit se trouver une justification, se présenter caché sous les apparences du bien, et souvent du bien suprême. Le mal se présente toujours et inévitablement mêlé à quelque élément d’une recherche formellement positive, et c’est par ce côté qu’il séduit l’homme. Le mal essaie de présenter à l’homme son aspect positif comme un but si important que pour l’atteindre tous les moyens sont permis.

S’il n’est pas rare que le bien triomphe et que par sa présence il rectifie le mal, il serait cependant erroné de penser que le bien soit le résultat du mal. C’est impossible.

Mais là où la puissance de Dieu intervient, elle guérit tout, car Dieu est plénitude de vie et suscite la vie à partir du néant ».

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie – Doctrine – Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 118-119

La clairvoyance

Archimandrite Sophrony distingue trois modes de clairvoyance :

La première provient d’une intuition propre à certaines personnes et affinée par une vie d’ascèse. Elle cause des souffrances qui sont la conséquence de l’hypersensibilité de l’appareil neuropsychique.

La seconde provient de l’action des démons. Elle cause des souffrances qui proviennent des propriétés désintégrantes de l’action démoniaque, ce qui en général ne devient clair qu’après une longue période.

La troisième est un don de la grâce. Elle pénètre les profondeurs de l’âme humaine, souvent cachées à l’homme lui-même. Elle cause des souffrances à celui qui en est doué uniquement parce que, comme don de Dieu, elle est pleine d’amour, mais doit, en fait, voir surtout la laideur et l’ignominie de l’homme. C’est une souffrance de l’amour. Celui qui a reçu ce don ne cherche jamais à le garder, car il est libre de présomption et de vanité.

Bien des personnes témoignent de ce troisième mode de la clairvoyance chez le starets Silouane, quant à lui, non seulement il ne recherchait pas ce don mais il ne lui attribuait pas une grande signification.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie – Doctrine – Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 129-131.

Les saints voient l'enfer mais il n'a sur eux aucune emprise 

L'archimandrite Sophrony résume la doctrine de saint Silouane (†1938) :

L'orgueil est le principe du péché ; tous les aspects que peut revêtir le mal sont réunis en lui :

-         présomption, vaine gloire, désir de puissance,

-         froideur, cruauté, indifférence aux souffrances d'autrui.

-         Tendance de l'intellect à la rêverie, suractivité de l'imagination,

-         Expression démoniaque des yeux, et de toute l'apparence ;

-         Angoisse, désespoir, haine ;

-         Envie, complexe d'infériorité,

-         Pour plusieurs ce peut être accès de concupiscence charnelle ;

-         Lancinante inquiétude intérieure,

-         Indocilité,

-         Crainte de la mort ou, au contraire, désir de mettre fin à ses jours et,

-         Et finalement, ce qui n'est pas rare, démence complète.

Tels sont les signes distinctifs de la spiritualité démoniaque.

Quand un homme se laisse « séduire » par l'Ennemi et se met à le suivre, sans comprendre ce qu'est l'Ennemi, il ne connaît pas l'âpreté de la lutte directe contre lui ; il souffre néanmoins parce que l'Ennemi l'entraîne hors de la lumière de la vraie vie, dans les ténèbres dans lesquelles il demeure lui-même. Ces souffrances portent l'empreinte d'un véritable aveuglement spirituel.

Dans certains cas, l'Ennemi lui apporte une délectation trouble en créant chez lui l'orgueilleuse conscience d'une illusoire grandeur.

Dans d'autres cas, il provoque une douleur aiguë dans l'âme et la dresse contre Dieu ; l'âme ne comprend pas la véritable cause de ses maux, et c'est alors avec haine qu'elle se tourne contre Dieu.

Et l'âme se débat longtemps, en général, sans trouver l'issue qui la mènerait à Dieu.

Mais une âme pieuse qui a connu l'amour de Dieu souffre, dans la lutte directe contre l'Ennemi, de l'immense pouvoir maléfique que le diable dirige contre elle.

L'homme voit clairement que cette puissance peut terrasser tout son être.

Et Dieu apparaît à l'homme dans une grande lumière aussitôt que le terme de l'épreuve est atteint. C'est Dieu qui fixe la durée et l'intensité de cette épreuve ; pour certains, elle dure quelques minutes ; pour d'autres, une heure ou plus ; un ascète y restera pendant trois jours.

« Les saints voient l'enfer » disait le starets Silouane, « mais il n'a sur eux aucune emprise ». « Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas ».

En dehors de cette expérience de descente en enfer, il est impossible de connaître véritablement ce qu'est l'amour du Christ, son Golgotha et sa Résurrection.

Dans un tel combat spirituel, le secours de la Mère de Dieu est précieux. Elle nous conduit à la seule et véritable ressemblance à Dieu, la ressemblance à Dieu tel qu'il s'est manifesté sur terre par l'acte de l'Incarnation.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie - Doctrine - Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 197-198. 206

 

Expérience de l’éternité (St Silouane †1938)

L’archimandrite Sophrony résume l’enseignement de saint Silouane :

Dans la perspective de l’ascète, le temps et l’éternité sont deux modes différents de l’être. Le premier, c’est-à-dire le temps, est le mode de l’être mystérieusement créé du néant par Dieu, naissant à tout instant et se développant dans son mouvement. Le deuxième, c’est-à-dire l’éternité, est le mode de l’Etre divin, auquel nos conceptions d’étendue et de succession ne sont pas applicables. L’éternité est un acte unique, d’une plénitude inconcevable, acte de l’Etre divin.

Quand la bienveillance divine prodigue à l’homme le don de la grâce, non seulement il devient immortel, mais il participe à la sphère divine où il n’y a ni commencement ni fin. En disant que l’homme devient un être sans commencement, nous n’avons en vue ni la préexistence de l’âme, ni une transformation de notre nature créée en nature divine incréée, mais la communion réelle à la Vie divine.

 La question de savoir ce que sera l’existence éternelle ne se pose pas au moment de la contemplation, quand l’âme, immergée dans le Dieu éternel, ne sait pas si elle est dans le corps ou hors du corps ; la question se pose au moment où l’âme revient à ce monde, quand elle se sent de nouveau incluse dans la chair.

L’expérience vivante de l’éternité et de la contemplation intérieure de Dieu, détachée de la création, remplit d’une manière incompréhensible l’âme d’amour pour l’homme et pour toute créature. On découvre que seul celui qui a connu dans son expérience spirituelle la grandeur de l’homme, est capable d’estimer vraiment et d’aimer son prochain.

Sous l’effet de cet amour naissent dans l’âme de nouveaux sentiments et nouvelles pensées sur Dieu et sur le monde.

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie – Doctrine – Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 145-147

Au Paradis (St Silouane †1938)

Saint Silouane écrit : Il n’y a pas sur terre d’homme aussi doux et plein d’amour que notre Seigneur Jésus-Christ. En Lui est notre joie et notre allégresse. Aimons-Le, Il nous introduira dans son Royaume et nous verrons sa gloire (p. 238).

Où pourrait-on trouver un père qui accepterait de mourir sur une croix pour les crimes de ses enfants ? Habituellement, un père est attristé et plaint son fils qui doit être châtié à cause de ses crimes ; mais, bien qu’il ait pitié de son fils, il lui dira tout de même : « Tu n’as pas bien agi ; il est juste que tu sois puni pour tes mauvaises actions. »

Le Seigneur, Lui, ne nous dira jamais cela. A nous aussi, comme à l’apôtre Pierre, Il dira : « M’aimes-tu ? ». De même, au Paradis, Il demandera à tout le monde : « M’aimez-vous ? « « Et tous répondront : « Oui, Seigneur, nous t’aimons. Tu nous a sauvés par tes souffrances sur la Croix, et maintenant Tu nous a donné le Royaume des Cieux. »

Et au Ciel, personne n’aura honte, comme eurent honte Adam et Eve après la chute, mais n’y aura que douceur, amour et humilité. Non pas une humilité telle que nous la voyons maintenant, lorsque nous nous humilions et que nous endurons des reproches, ou quand nous nous estimons pires que tous ; mais tous auront l’humilité du Christ, qui est inconcevable pour les hommes, sauf pour ceux qui l’ont connue par le Saint Esprit (p 346).

Le détachement hésychaste : attirance du Dieu vivant

Archimandrite Sophrony résume l’enseignement de Saint Silouane :

A chaque passion correspond une image qui lui est propre, appartenant au monde créé.

Si l’image n’est pas accueillie, la passion, incapable de se développer, ne pourra finalement que mourir.

L’intellect, faculté éminemment active, s’oppose aux fluctuations mentales de la raison discursive, à savoir l’attention. (p. 151-152)

A la différence de certains ascètes étrangers à notre tradition, l’ascète ne considère pas comme illusoire l’existence à laquelle il renonce. Son détachement n’est pas non plus un envol cers les sphères purement intelligibles et désincarnées, car une telle attitude débouche, tôt ou tard, de nouveau sur un mode imaginaire.

Non, ce détachement procède de l’ATTIRANCE que nous fait éprouver pour lui le Dieu vivant.

Un croyant humble et simple se libère du pouvoir de l’imagination par une aspiration totale à vivre selon la volonté de Dieu. Cela est à la fois si simple et si « caché aux sages et aux intelligents » qu’il est impossible de le communiquer par la parole.

Comment discerner si l’expérience spirituelle est située sur le plan de l’imagination, de la philosophie ou du panthéisme ? Par l’amour des ennemis.

Le bienheureux starets Silouane affirmait catégoriquement que le seul critère, dans l’ordre soumis à notre contrôle logique, n’est autre que l’amour des ennemis. Il disait :

« Le Seigneur est humble et doux. Il aime sa créature ; là où est l’Esprit du Seigneur, là règne infailliblement l’humble amour des ennemis et la prière pour le monde. Et si tu n’as pas cet amour, demande-le, et le Seigneur qui a dit : ‘Demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez’ (Mt 7, 7), te l’accordera. »

L’orgueil amplifie l’imagination, l’humilité la fait cesser. L’orgueil se gonfle pour créer son propre monde, l’humilité accepte la vie qui venant de Dieu.

Les contemplations divines sont accordées à l’homme, non point quand il s’efforce de les rechercher par lui-même, mais lorsque l’âme descend dans l’enfer de la pénitence et réalise qu’elle se trouve au-dessous de toute créature.

Quant aux contemplations résultant d’une certaine contrainte imposée à l’intelligence, elles ne sont pas véritables, mais apparentes, il se produit dans l’âme un état qui rend difficile même la possibilité d’une intervention de la grâce et, par conséquent, de la vraie contemplation.

L’impassible est plein d’amour, de compassion, de participation, mais tout cela vient de Dieu qui agit en lui. On peut définir l’impassibilité comme « acquisition du Saint-Esprit », comme Christ vivant en nous. L’impassibilité est la lumière d’une vie nouvelle, faisant naître dans l’homme des sentiments nouveaux et saints, de nouvelles pensées divines, une nouvelle lumière de la connaissance éternelle.

Les saints Pères de l’Église définissent l’impassibilité comme « résurrection de l’âme avant la résurrection générale des morts » (Jean Climaque 29, 2).

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du mont Athos, Vie – Doctrine – Ecrits - Edition Présence, Belley, 1982, p. 155. 159. 163. 165

« Mais lorsqu’on s’abandonne à la pratique de l’oraison hésychaste sans le repentir requis et sans que la prière soit toute tendue vers Dieu, alors l’âme, dénudée de toute représentation, peut demeurer quelque temps dans les « ténèbres du dépouillement » sans voir Dieu, car Dieu n’est pas dans ces ténèbres.

Demeurant dans les ténèbres du dépouillement, l’esprit ressent une douceur et un repos d’un genre particulier ; si à ce moment il se retourne sur lui-même, il peut percevoir quelque chose qui ressemble à la lumière, mais qui n’est cependant pas encore la Lumière incréée de la Divinité, mais un attribut de l’esprit créé à l’image de Dieu.

Malheur à celui qui prend cette sagesse pour la connaissance du vrai Dieu, et cette contemplation pour une communion à la vie divine. Malheur, parce que dans ce cas la nuit du dépouillement, située au seuil de la véritable vision de Dieu, se transformera en un écran impénétrable et en un mur qui le séparera plus sûrement de Dieu que les ténèbres des passions grossières, les ténèbres des attaques démoniaques manifestes ou les ténèbres de la perte de la grâce et de l’abandon de Dieu. Malheur parce que ce serait une erreur, une illusion, car Dieu n’est pas dans les ténèbres du dépouillement. Dieu se manifeste dans la Lumière et comme Lumière ». (p. 177)

Normalement, la prière hésychaste doit avoir un contenu positif. En d’autres termes, elle doit procéder d’un sentiment de repentir et d’un élan vers Dieu.

Nous avons dit au starets qu’il y a des gens qui considèrent l’impassibilité non pas comme amour de Dieu, mais comme une contemplation de l’être situé au-delà du bien et du mal, et qu’ils considèrent pareille contemplation comme supérieure à l’amour chrétien. Le starets répondit : « Cette doctrine vient de l’Ennemi, le Saint Esprit n’enseigne pas ainsi. » (p. 101)

Tant que l’homme n’a pas réalisé sa résurrection en Christ, tout en lui reste déformé par la crainte de la mort, donc par l’esclavage du péché (cf. Hé 2, 15). (p. 103).

Date de dernière mise à jour : 07/08/2023