Saint Paul

Parcours biblique -65- Saint Paul

Saint Paul

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            A Saul, pharisien et persécuteur de l’Eglise, le Christ ressuscité se manifeste, sur le chemin de Damas. Saül comprend désormais ce que le Jésus terrestre expliquait à ses adversaires (Jn 5, 37) : Moïse aurait dû faire reconnaître le Christ, mais il n’y suffit pas, il faut que le Christ lui-même sauve l’homme de son aveuglement. Saül, devenu Paul, écrit : « C’est quand on se convertit au Seigneur que le voile est enlevé » (2Co 3, 16). A travers saint Paul commence une nouvelle génération de chrétiens : ceux qui n’auront pas connu Jésus dans sa vie terrestre.

            Paul insiste sur la grâce apportée par Jésus, « né d’une femme » (Ga 4, 4). Ce n’est plus « un esprit de peur » (2Tm 1, 7) dans une vie « sous la loi » (Ga 4, 5), comme l’automobiliste qui ralentit par peur du gendarme, mais c’est un esprit d’amour, « par la grâce moyennant la foi » (Ep 2, 8), comme l’automobiliste qui ralentit par amour des enfants qui courent après leur ballon… De sorte que tu n’es plus esclave mais Fils (Ga 4, 7)[1].

 

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            Avec saint Paul, la deuxième partie du livre des Actes des apôtres nous le raconte abondamment, la mission chez les païens prend une très grande ampleur. Cela implique un renoncement au nationalisme juif et à la circoncision. Mais cela ne signifie pas que l’on accueille dans l’Eglise toutes les manifestations du paganisme. Au temps d’Antiochus Epiphane, il ne fallait pas superposer le culte de Zeus au culte d’Adonaï (YHWH) dans le temple de Jérusalem (c’est ce qui avait provoqué la révolte de la famille des Maccabées, les martyrs d’Israël), de même, dans le temps du christianisme, il ne faut pas superposer les cultes païens à la vénération du Nom de Jésus.

« 14Ne formez pas d’attelage disparate avec des infidèles. Quel rapport en effet entre la justice et l’impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? 15 Quelle entente entre le Christ et Béliar [Satan] ? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle ? 16 Quel accord entre le temple de Dieu et les idoles ? Or c’est nous qui sommes le temple du Dieu vivant, ainsi que Dieu l’a dit : J’habiterai au milieu d’eux et j’y marcherai; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. 17 Sortez donc du milieu de ces gens-là et tenez-vous à l’écart, dit le Seigneur. Ne touchez rien d’impur, et moi, je vous accueillerai. 18 Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur tout-puissant. » (2Co 6, 14-18)

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            Nous voici donc avec des Juifs et des païens rassemblés dans l’Eglise. Dans la lettre aux Romains, Paul médite sur le fait que tous ont péché (Rm 1-2). Les Juifs qui n’ont pas reconnu Jésus ont rejeté la Torah. Mais les païens aussi ont péché, parce qu’ils avaient la Torah dans le cœur et ils ne lui ont pas obéi. L’idée de Torah dans le cœur vient de la tradition juive, par exemple, la Mekhilta de Rabbi Ishmaël sur Exode 20,1 : la Torah fut proposée aux païens et les païens ont décliné l’offre. Une trace cependant leur en reste, dans le cœur.

            Jésus vient rendre à la Torah dans le cœur son lustre originel, et les chrétiens peuvent l’appeler la loi naturelle, voulue par Dieu et restaurée par le Christ.

            La Torah de Moïse est préexistante à la création du monde (Siracide 24). Les Juifs ont été préparés par la Torah de Moïse à recevoir le Christ. Or les païens sont rejoints par le Christ, alors qu’ils y sont peu préparés, c’est le signe que le Christ est bien plus aux fondements du monde que ne l’est la Torah. Il est bien davantage le préexistant. La mission des apôtres chez les Juifs et les païens confirme la préexistence du Christ et sa divinité « Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui » (Col 1, 17).

            Cependant, ce n’est pas la mission universelle qui prouve ou révèle la préexistence du Christ : le Christ lui-même s’était révélé tel. Paul n’ajoute rien à la révélation du Christ, il ne fait que la déployer et la confirmer. En effet, lorsque Jésus avait donné son enseignement sur le pur et l’impur (Mc 7, 14-23), il avait ouvert un universalisme qui n’était possible que s’il se situait aux fondements du monde, au rang du Créateur. De même, lorsqu’il déclara aux Juifs, « avant qu’Abraham existât, Je Suis » (Jn 8, 58).

 

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            Pour traduire l’idée de « Fils de l’homme », saint Paul a pris plusieurs langages complémentaires, notamment celui du nouvel Adam et celui du corps de Christ.

            Citons Benoît XVI :

       « Jésus, comme dit saint Paul, par rapport au premier homme qui était et est terrestre, il est le second, l’homme définitif (le dernier), qui vient « du ciel », « esprit vivifiant » (cf. 1Co 15, 45-49). Il vient, et il est en même temps le nouveau « royaume ». Il n’est pas simplement un, mais de nous tous avec lui-même il ne fait "plus qu’un" (Ga 3, 28) : il nous transforme en une humanité nouvelle.

       Le cortège entrevu de loin par Daniel ("comme un fils d’homme", Daniel 7) devient une personne, mais étant là pour la multitude, cette personne dépasse les limites de l’individu, embrasse une multitude, et devient avec la multitude un seul corps et un seul esprit (1Co 6, 17).

       Telle est la manière de suivre à laquelle Jésus nous appelle : se laisser attirer dans sa nouvelle humanité et ainsi dans la communion avec Dieu.

       Pour citer encore une fois Paul : "Puisque Adam est pétri de terre, comme lui les hommes appartiennent à la terre ; puisque le Christ est venu du ciel, comme lui les hommes appartiennent au ciel" (1Co 15, 48).

       L’expression "Fils de l’homme" demeure réservée à Jésus lui-même mais la vision nouvelle de l’union entre Dieu et l’homme qui s’y exprime traverse la totalité du Nouveau Testament et le marque de son empreinte. »[2]

 

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            La Résurrection et l’Ascension sont un évangile, une bonne nouvelle. Elles confirment ce que Jésus disait, il n’était donc pas un blasphémateur. Et Jésus, qui se présentait comme le fils de l’homme, dévoile le plan divin. Ce plan divin est que l’homme mortel est lui aussi élevé à l’immortalité : de nous tous avec lui-même le Fils de l’homme ne fait qu’un et nous emporte dans sa sainte résurrection. C’est ce que saint Paul traduit en disant que le Christ est devenu « le premier-né d’une multitude de frères » (Rm 8, 29).

 

            Puisque le plan divin est dévoilé jusqu’à son but ultime, une hymne peut chanter :

       « En lui nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce, 8 qu’Il nous a prodiguée, en toute sagesse et intelligence:

            9 Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, ce dessein bienveillant qu’Il avait formé en lui par avance, 10 pour le réaliser quand les temps seraient accomplis:

       ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres » (Eph 1, 7-10).

 

            Et puisqu’il s’agit d’un dessein bienveillant formé par Dieu, c’est un plan éternel, qui existait avant la création du monde. Et puisque, de plus, Dieu s’est révélé Père, Fils et Saint Esprit, l’hymne peut commencer en disant :

« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ. 4 C’est ainsi qu’Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, 5 déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ. Tel fut le bon plaisir de sa volonté, 6 à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-Aimé » (Eph 1, 1-6).

 

            Cette vocation nous concerne nous, les Juifs (Eph 1, 11-12) et vous concerne aussi vous, les païens, dès lors que vous êtes marqués par l’évangile du salut (Eph 1, 13-14).

 

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            Malgré cela, une rupture entre Juifs et chrétiens va progressivement s’instaurer. L’Eglise s’est longtemps appuyée sur les synagogues de la diaspora pour annoncer son message. En l’an 49, l’édit de Claude chasse de Rome à la fois les Juifs et les chrétiens : pour un profane, ils se confondent encore. En 70, le Temple de Jérusalem est détruit. En 134, Jérusalem est détruite et refaçonnée en une ville romaine. Les chrétiens n’ayant jamais voulu participer aux rebellions nationalistes qui ont provoquées ces désastres, ils sont rejetés des Juifs qui n’ont pas apprécié leur refus de participer à ces luttes. La fuite des judéo-chrétiens montre, de toute façon, et encore une fois de manière évidente, le "non" des chrétiens à l’interprétation zélote du message biblique et de la figure de Jésus : leur espérance est d’une autre nature »[3].

 

[1] Thème développé par le concile de Trente… (cf. parcours christologique).

[2] Joseph RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 362-363.

[3] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth. De l'entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 46

Date de dernière mise à jour : 11/07/2019