Je suis. Le Seigneur.

Travail pour les étudiants de l'institut Foi vivifiante

Lectures bibliques :

Les références données dans le chapitre.

Exercices :

Expliquez en 10 lignes la phrase : « La révélation, aussi bien dans les synoptiques (Mt, Mc, Lc) que chez saint Jean, est la révélation du Saint, de celui qui est Seigneur (Je suis), et qui vivifie. »

Etude :
Françoise Breynaert, Parcours biblique : Le berceau de l'Incarnation (imprimatur), Parole et silence 2016, p. 334-339

Parcours biblique -59- "Je suis" ; "le Seigneur" ; "le Saint" ; M'aimes-tu ?

« Je Suis ». « Le Seigneur »

La vie

            Dans l’Ancien Testament, au Buisson ardent, Dieu révèle son nom. En Exode 3, 14, le « Je suis » de l’hébreu, a été traduit en grec par «‘o ’ôn », l’étant, on entrait ainsi en métaphysique, mais on perdait la signification dynamique et plein de vie du « Je suis », « Je suis qui je serai »…

            Jésus, quand il reprend l’expression « Je suis », se réfère à la tradition hébraïque. Il est source de vie.

            La vie qu’il donne est beaucoup plus que la vie biologique. « La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? » (Mt 6,25)

            Les adversaires de Jésus, en cherchant à le lapider, ou à le tuer (Jn 7-12 ; Mc 3, etc.), s’opposent littéralement à cette vie. Ils ne le pourront pas.

            Jésus donne la vie « à la source ». N’a-t-il pas dit à la Samaritaine et à tous ceux qui croient : « l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle. » (Jn 4, 14). Et, au chapitre suivant, Jésus explique que le croyant est passé « de la mort à la vie » (Jn 5, 24)…Comment peut-il donner la vie « à la source » ? Jésus déclare : « et je donne ma vie pour mes brebis » (Jn 10, 15) ; et encore : « personne ne me l’enlève; mais je la donne de moi-même » (Jn 10, 18) ; il dit aussi : « C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mt 20,28 ; Mc 10, 45). Autrement dit, dans l’évangile de Jean comme chez Matthieu et Marc, Jésus donne la vie en donnant sa vie.

            Jésus apporte la vie « à la source ». Et il n’est pas seul, il apporte la vie dans le mystère trinitaire : le Père fait vivre, le Fils fait vivre : « Comme le Père en effet ressuscite les morts et leur redonne vie, ainsi le Fils donne vie à qui il veut » (Jn 5, 21). Et l’Esprit Saint fait vivre : « C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie » (Jn 6, 63)…        Cette dimension trinitaire est présente chez les synoptiques (Lc 1, 35…), mais saint Jean fait ressortir le mystère vivifiant. Ainsi, quand Jésus nous parle du « Père céleste » (21 fois chez saint Mathieu), il faut percevoir combien ce Père céleste est source de vie et que Jésus nous le désigne comme tel. De même, lorsque Jésus promet : « Ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit Saint »(Mc 13, 11), il faut entendre l’Esprit Saint comme une présence vivifiante.

 

Le Saint

            Les démons savent que Jésus est « le Saint de Dieu » (Mc 1, 24 ; Lc 4, 34).

            A Capharnaüm, Jésus se présente comme le « pain de vie », « Simon-Pierre lui répondit: "Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu" » (Jn 6, 68-69).         

            C’est parce qu’il est « le Saint » que Jésus est source de vie. Il y a un rapport étroit entre la sainteté et la vie. Ezéchiel l’avait exprimé dans sa vision d’un fleuve sortant du Temple, c’est-à-dire du lieu saint, et sur les bords de ce fleuve, la vie surabonde (Ez 47).

            A l’annonciation, l’ange avait dit à Marie : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1,35). Un être saint, dans une vie trinitaire, voilà Jésus, celui dont le nom signifie « Il sauve ». Il sauve en vivifiant, parce que du « Saint » jaillit la vie.

            Reconnaître que Jésus est Seigneur, c’est reconnaître qu’il est « le Saint » et cela ne peut se faire que dans l’Esprit Saint. Comme le dira saint Paul, « nul ne peut dire: "Jésus est Seigneur", s’il n’est avec l’Esprit Saint » (1Co 12, 3).

 

« Je suis », le Seigneur

            Nous allons nous appuyer sur le livre de l’Exode 3, 14-15 dans l’hébreu et le grec. Dieu dit à Moïse : « Je suis celui qui est ». Et il dit : « Voici ce que tu diras aux Israélites : Je suis m’a envoyé vers vous » (Ex 3, 14). Dans le texte hébreu, le « Je suis » s’écrit en hébreu avec les lettres « Aleph He Vaw He ». Le aleph est pour la première personne (je suis). Cela est traduit en grec ‘eimi ‘o ‘ôn (je suis l’étant).

 

9 je suis le seigneur nasa photo suaire 1987

Figure 16 : Photo du suaire de Turin par la Nasa en 1987

 

            Dans l’Evangile de Jean, Jésus se désigne « Je suis », par exemple : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que Je Suis et que je ne fais rien de moi-même, mais je dis ce que le Père m’a enseigné » (Jn 8,28). Cette appellation « Je suis » est exactement le nom divin, non pas dans la première partie du verset d’Exode 3, 14, mais dans la seconde partie : « Dieu dit à Moïse: "Je suis celui qui est." Et il dit : "Voici ce que tu diras aux Israélites: Je suis m’a envoyé vers vous" » (Ex 3,14).

 

             Revenons au nom de Dieu dans l’Exode : « Dieu dit encore à Moïse : "Tu parleras ainsi aux Israélites : YHWH [Kyrios] le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, m’a envoyé vers vous" » (Ex 3, 15).

            En Exode 3, 15, le nom de Dieu que Moïse transmet au peuple est, dans le texte hébreu : YHWH (Yahvé) (Iod He Vaw He), le Iod est pour la troisième personne (Il est). Remarquez que c’est presque les mêmes lettres hébraïques que dans le « Je suis » (Aleph He Vaw He). C’est lui qui est le Dieu (Elohè-) des pères, Abraham, Isaac et Jacob.

            Toujours dans Exode 3, 15, dans le texte grec, le nom YHWH (Yahvé) est traduit par Kyrios : Seigneur qui est la traduction de la forme orale de YHWH, Adonaï, mon Seigneur.

            Le Seigneur devient la désignation habituelle pour le Dieu d’Israël.

            Dans les évangiles le nom Kyrios, Seigneur, désigne aussi, et c’est la nouveauté, Jésus.

            Elisabeth s’exclame devant la Vierge Marie : « Comment m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Lc 1, 43).

            Jésus s’attribue le titre de façon voilée devant ses adversaires (Mt 22, 41-46) ou de façon explicite devant ses disciples « vous m’appelez Seigneur… » (Jn 13, 13).

            Dans l’évangile de Jean, Jésus se désigne aussi bien « Je suis » (Jn 8, 28) que « Seigneur » (Jn 13, 13). Les deux expressions font également écho au nom de Dieu au buisson ardent (Exode 3, 14-15). Le « Je suis » correspond à l’hébreu écrit. Le « Seigneur » correspond à la prononciation orale de YHWH ou au grec.

            Les évangiles synoptiques, où Jésus ne s’appelle pas « Je suis », ne sont pas pour autant inférieurs à l’évangile de Jean. Car on y trouve l’appellation « Seigneur » qui correspond aussi au nom de Dieu donné à Moise (Ex 3, 15).

            Comme au buisson ardent, le « Je Suis » qui se révèle a un visage condescendant. Moïse reçoit la révélation du « Je suis » qui lui dit « Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste » (Ex 3, 8). Moïse ôte ses sandales, il écoute et il se met en route. De la même façon, les disciples se laissent guérir et pardonner, et ils se mettent en route ! Ils passent d’une relation familière avec ce gentil rabbi, à une relation emprunte de gravité au fur et à mesure qu’ils perçoivent sa majesté divine, et voient se profiler son martyre. Dans les évangiles, très souvent, des personnes s’adressent à Jésus en l’appelant Seigneur (Mt 8, 2 ; 14, 30 ; 15,22 etc.). Par ce titre, les gens expriment leur confiance pour obtenir une guérison, et sous l’influence de l’Esprit Saint, ils reconnaissent le mystère divin de Jésus. Les disciples reçoivent la révélation du « Je suis » qui descend dans l’ineffable mouvement de l’Incarnation pour faire monter l’humanité vers la vie éternelle. Une reconnaissance qui devient adoration : adoration de l’aveugle né (Jn 9, 38), adoration de Thomas (Jn 20, 28). Le titre « Seigneur » a aussi une connotation d’amour et d’affection : « c’est le Seigneur ! » (Jn 21, 7).

 

« Venu dans le monde », « descendu »… « M’aimes-tu ? »

            Au début du sermon sur la montagne : Jésus est « venu » dans le monde, il vient d’ailleurs et il est venu pour « accomplir » un mystère (Mt 5, 17). Après la guérison du paralytique de Bethzata, Jésus déclare : « Mon Père est à l’œuvre jusqu’à présent et j’œuvre moi aussi […] le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il ne le voie faire au Père » (Jn 5, 17-19), et encore : « le Père ne juge personne ; il a donné au Fils le jugement tout entier, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père » (Jn 5, 22-23) ; au chapitre suivant, Jésus se présente comme le pain vivant descendu du ciel (Jn 6, 34-38) ; et au moment du procès devant Pilate, il se présente comme étant venu dans le monde (Jn 18, 37). Il vient de Dieu, il est Dieu incarné.

            Comment accueillir une révélation aussi énorme ?

            « Nul ne peut dire: "Jésus est Seigneur", s'il n'est avec l'Esprit Saint » (1Co 12, 3). C’est donc par l’Esprit Saint que les disciples reconnaissent Jésus, de là l’importance de l’Esprit Saint dès l’Ancien Testament pour préparer Israël et les disciples à reconnaître Jésus, à l’accueillir, en attendant la plénitude de l’Esprit Saint répandue dans le mystère pascal (Passion, Résurrection, Pentecôte).

            A notre époque, il semble difficile de penser que Dieu nous aime à ce point pour « venir » chez nous. Depuis que nous savons que la terre n’est pas au centre de l’univers, nous avons douté que le Créateur puisse nous aimer à ce point. Mais nous avons appris aussi que si l’univers est tellement immense, c’est parce qu’il lui a fallu du temps pour se former, en expansion. Pour former les atomes qui ont permis la vie, il lui a fallu justement des années-lumière, qui sont tout à la fois la mesure de l’âge de l’univers et de ses dimensions. Cette immensité est un formidable berceau… Il n’est pas irrationnel de penser quelle merveille nous sommes, et que nous sommes aimés.

            Quel chemin parcouru depuis l’Ancien Testament où la sainteté était d’abord une marque de distance. Ezéchiel percevait la transcendance de Dieu avec une telle acuité qu’il ne pouvait décrire le char de Dieu (Ez 1), et Dieu était perçu comme étant tellement saint que s’il daignait nous sauver, nous resterions cependant toujours honteux devant sa gloire (Ez 16) ! Dans les Evangiles, Dieu vient sauver les hommes mais pour nous revêtir de sa gloire. La révélation en Jésus est tout aussi transcendante, mais l’amour a brouillé les distances.

            Comment ne pas s’émerveiller des humbles demandes du Ressuscité : « Avez-vous quelque chose à manger ? » (Lc 24, 41) demande-t-il aux disciples. « M’aimes-tu ? » demande-t-il à Pierre (Jn 21, 15). Celui qui descend du Ciel vient nous demander de l’aimer !

            C’est ainsi que la révélation du Seigneur, aussi bien dans les synoptiques que chez saint Jean, est la révélation du Saint, de celui qui est Seigneur (Je suis), et qui vivifie. La vie qu’il donne est amour ! C’est ainsi que le sens même de la sainteté est renouvelé…

           

 

 

Date de dernière mise à jour : 16/07/2019