L'attente messianique

Exercices pour les étudiants de l’institut Foi vivifiante

Lecture biblique :

Les références données dans le chapitre. Parcours biblique, p. 263-279

Exercices :

  1. On attendait un messie roi, roi selon le cœur de Dieu, or Dieu est attentif aux pauvres. Et on attend un messie prêtre, dans la sainteté du prêtre qui offre le sacrifice. Et pourtant, on n’a pas accueilli Jésus… Quelles autres idées ont perturbée cette attente ?
  2. Dans la tradition juive, les justes défunts peuvent-ils encore intercéder pour nous ?
  3. L’Incarnation de Dieu ou la vie éternelle sont des dons disproportionnés que l’on ne peut pas à proprement parler mériter. Cependant, la tradition juive parle de mérite. A votre avis, est-ce important pour la théologie de l’Alliance ?
  4. Les Juifs attendent-ils Jésus d’une manière ouverte, ou sont-ils dans une attitude d’observateur savants et juges ?

Etude :
Françoise Breynaert, Parcours biblique : Le berceau de l'Incarnation (imprimatur), Parole et silence 2016, p. 263-279
Disponible en librairie et sur internet, à la Procure (merci de privilégier les librairies catholiques).

 

L’attente d’un messie prêtre et roi

Parcours biblique -43- L'attente d'un messie prêtre et roi

-1-

            Dans l’Ancien testament, nous sommes accoutumés à une nette distinction entre les fonctions du prêtre, du roi, et du prophète. Cependant, au début de l’histoire biblique, le roi ou le chef de tribu, bien avant le premier Temple juif, accomplissait également des fonctions cultuelles, comme le roi Melchisédech, le roi-prêtre de Shalem que rencontra Abraham dans la Jérusalem pré-israélite (cf. Gn14, 17-20)[1] ; Gédéon offrit un sacrifice, Saul aussi, les fils de David étaient prêtres, Salomon bénit le peuple... Et à la fin de l’histoire biblique, au temps des Grecs, les Asmonéens étaient prêtres et rois, ce qui déplaisait aux pharisiens.

            Le Psaume 110 (109) reflète l’union des fonctions royales et sacerdotales. Il reflète sans doute un rituel d’intronisation du roi, selon lequel on faisait s’asseoir l’élu à la droite de l’arche de l’alliance, de façon à recevoir du roi suprême d’Israël, c’est-à-dire du Seigneur, le pouvoir de gouverner : « Siège à ma droite, que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds! » (Ps 110, 1). En arrière-plan, on perçoit la présence de forces hostiles, cependant neutralisées par une conquête victorieuse.[2] Il est aussi prêtre : « Tu es prêtre à jamais, selon l’ordre de Melchisédech » (Ps 110, 4). Dans l’attente juive, certains attendront deux messies, un messie d’Aaron, prêtre, et un messie de David, roi ; certains ont aussi pu comprendre que l’Ancien Testament porte l’espérance d’un messie à la fois prêtre et roi, "à la manière de Melchisédech" (He 5, 10), c’est-à-dire comme le sera Jésus.

-2-

            A ce sujet, les écrits de Qumrân ne sont pas faciles à interpréter. Ils reflètent une attente d’un messie prêtre et roi[3], ce qui prolonge et unifie les prophéties du livre de Zacharie sur le messie roi et le messie prêtre.

            Cependant, bon nombre de ces textes sont des relectures postchrétiennes, qui ne sont pas pour autant chrétiennes.

            Par exemple, dans l’un des rouleaux, il est écrit : « Ceux-là seront sauvés au temps de la Visite mais les autres seront livrés au glaive, quand viendra le Messie d’Aaron et d’Israël, ainsi qu’il fut au temps de la première visite »[4]. Qui dit seconde visite en suppose une première, il s’agit d’un texte postchrétien, par des gens déçus du salut dans le Christ, et qui espèrent toujours un salut politique dans une autre venue du Christ, à son « retour » (on peut y voir une source de l’islam).

            Dans un autre rouleau, il est écrit : « Dans la cinquième semaine, ils retourneront vers leur pays dévasté, et ils restaureront la Maison du Seigneur »[5]. Restaurer le Temple ne peut s’envisager qu’après sa destruction, c’est donc là aussi un texte postchrétien.

            On peut donc dire que Jésus a vécu dans un contexte qui attendait certainement un messie prêtre et roi mais qui portait en même temps les germes de la contradiction et de l’opposition au salut qu’il apportait. A peine Jésus mort et ressuscité, les lettres de saint Jean parleront déjà de l’antéchrist[6]

-3-

            Marie a vécu au milieu de l’attente quelque peu ambiguë de son temps. Marie est fiancée à un homme descendant de David (ou de Juda[7]), et sa parente Elisabeth est l’épouse de Zacharie de la tribu d’Aaron (ou de Lévi), prêtre (cf. Lc 1, 26.36.40)[8]. Elle apporte donc à son fils une ascendance à la fois de David et d’Aaron. Marie vit à Nazareth. Une bourgade très petite, loin de la capitale, dans une région un peu méprisée à cause de son mélange avec les nations. L’archéologie et la tradition montrent de sa maison une grotte à laquelle s’attache une construction de pierres, des pierres de belle facture, mais la maison est petite et basse[9], elle n’a rien d’un palais.

            La tribu de David est royale, David est roi selon le cœur de Dieu, or Dieu est attentif aux pauvres. David est aussi le roi qui fut particulièrement confiant en la miséricorde de Dieu.

            La tribu d’Aaron est attachée au Temple qui est le lieu de la Présence et de la miséricorde de Dieu.

            Tout en étant de Nazareth, Marie a donc reçu beaucoup de richesses spirituelles transmises par son milieu familial, elle est donc humainement préparée à sa mission[10].           

            Et la parole de l’ange à l’Annonciation « Il sera saint » ne désigne pas seulement la pureté rituelle d’une naissance virginale, la parole de l’ange désigne sans doute son état de sainteté permanente, parce qu’en offrant sa vie dès son entrée dans le monde et jusqu’à sa mort, il sera en permanence dans l’état de sainteté du prêtre qui offre le sacrifice. La lettre aux Hébreux développe l’idée de Jésus Grand-Prêtre, offrant le sacrifice dans le Temple céleste.

            Jésus cependant est au-delà des schémas habituels : il n’est pas un messie davidique au sens où on l’attendait, il fuit ceux qui veulent le faire roi (Jn 6, 15) et proclame devant Pilate que sa royauté est d’en haut (Jn 18, 36 et 19, 11). Jésus est le Saint (Jn 6, 69 ; Lc 4, 34…).

© Françoise Breynaert


[1] JEAN PAUL II, audience du mercredi 18 août 2004

[2] JEAN PAUL II, audience générale du mercredi 26 novembre 2003

[3] REGLE DE LA COMMUNAUTE 9,11 et DOCUMENT DE DAMAS 12,23. Jésus modifie considérablement cette attente : dans le Christ, il ne s’agit plus d’un roi venu pour combattre des ennemis terrestre, mais d’un roi spirituel venu combattre le péché pour nous donner la vie éternelle.

[4] DOCUMENT DE DAMAS, manuscrit B 1, 10

[5] TESTAMENT DE LEVI, 17, 10-11

[6] 1Jn 2,18 ; 2,22 ; 4,3 ; 2Jn 1,7

[7] A ne pas confondre avec Judas qui trahit Jésus.

[8] On peut aussi imaginer un mariage entre les tribus de Lévi (Aaron) et de Juda (David) au niveau des parents de la Vierge : sa mère serait descendante d’Aaron et son père de David. Les livres de Néhémie ou de Tobit demandent que le mariage ait lieu dans la même tribu, mais le courant Isaïen et le livre de Ruth sont beaucoup moins stricts à ce sujet. Avec de tels ascendants, Marie peut se marier avec Joseph, un homme de la tribu de David et peut avoir une parente Elisabeth de la famille sacerdotale.

[9]Cf. G. SANTARELLI,La Santa Casa di Loreto, un’esperienza di fede e di arte attraverso i secoli, mondatori, Milano 1999 et G. SANTARELLI,Nuove fonti letterarie, in Theotokos 1997, n° 2, pp. 707-724

[10] Le vieux récit Apocryphe du « Protévangile de Jacques », écrit en Egypte, parle de l’éducation de Marie dans le temple. Or le temple n’avait ni école ni pension pour petites filles ! Mais ce récit, sans valeur historique, a une valeur liturgique qui est juste du point de vue théologique, car il nous dit que Marie a été préparée à sa mission.

Le juste

Parcours biblique -46- Les mérites du juste dans le pluralisme juif

Le juste dans la tradition rabbinique

-1-

            Il est possible d’appréhender l’époque de Jésus, en considérant que la Mishna repose sur une tradition orale, et, surtout, en s’intéressant aux « baraïtot » (singulier : baraïta), ce qui signifie littéralement un enseignement « extérieur », c’est-à-dire non incorporé à la Mishna.           L’époque des maîtres Tannaïm (au singulier Tanna) est définie de manière variable[1] :

- de Hillel jusqu’au début de l’ère chrétienne, selon Joseph Ibn Aqnin, élève de Maïmonide,

- depuis Siméon le juste (300 ans avant J.-C.), selon Abraham Ibn Daud’s sefer ha-Qabbalah XII° siècle,

- ou depuis la chute du temple en l’an 70, selon Yohanan ben Akkai, ou encore depuis la révolte de Bar Kokhba en 135, selon Rabbi[2].

            Les maîtres Tannaïm ont ensuite été commentés par les Amoraïm jusque vers l'an 500, de sorte que les baraïtot, absentes de la Mishna, peuvent être lues dans le Talmud de Babylone.

            Dans la tradition rabbinique, à côté du Messie ou du Rédempteur personnel, il y a place pour d’autres personnages, des « justes »[3], qui ont un rôle sans aucun doute secondaire mais pas pour autant négligeable.

           

            Le juste, pilier du monde :

            Du verset « Le juste est le fondement du monde » (Pr 10, 25), les Tannaïm inféraient déjà qu’un seul juste équivaut au monde tout entier[4].

            R. Hiyya bar Abba transmet au nom de R. Yohanan : « Aucun juste ne peut quitter ce monde avant qu’un autre juste ne soit créé, selon le verset : Le soleil se lève, le soleil se couche - avant que n’ait disparu le soleil d’Eli, le soleil de Samuel de Rama s’était levé. »[5]

            Et ailleurs : « R. Hiyya bar Abba dit en outre au nom de R. Yohanan : Un seul juste suffit à maintenir l’existence du monde, selon le verset, Le juste est le fondement du monde »[6].

 

            Le juste amène un influx de bienfaits :

            Genèse Rabba prend l’exemple de Noé :

« Lorsque le saint, béni-soit-Il, créa l’homme, il lui conféra la souveraineté sur toute chose : la vache se pliait à la volonté du laboureur, la porte obéissait au menuisier. Mais après que l’homme eut péché, Dieu les fit se rebeller contre lui : la vache n’obéissait plus au laboureur, ni la porte au menuisier. Toutefois, lorsque vint Noé, à nouveau ils se soumirent »[7].

           

            Ce thème réapparait dans les commentaires des Amoraïm [des sages plus tardifs] sur la naissance d’Isaac et de Moïse »[8].

 

            Ajoutons que :

            Le juste fait des reproches aux méchants[9]

            Le juste plaide la cause de ses semblables à l’heure du jugement[10]

            L’activité du juste et l’influence de ses mérites ne cessent pas après sa mort[11].

 

            Dans la tradition juive tardive (Amoraïm[12]), paradoxalement, ceux qui ont fait bénéficier la communauté de leurs mérites vont être eux-mêmes envoyés étudier la Torah : « Et Abraham retourna auprès des jeunes gens - où était donc Isaac ? [Abraham] l’envoya auprès de Shem pour étudier la Torah »[13].            Ceci signifie que le rôle majeur du juste devient subordonné au rôle de la Torah et du cercle des sages qui en fixent l’interprétation.

           

            Jésus. Marie.

            Le juste par excellence, pour un chrétien, c’est Jésus, il est le seul qui soit le rédempteur du péché originel.

            Aux autres justes, la mère de Jésus et tous les saints, la foi chrétienne attribue volontiers les autres rôles que la tradition juive attribue aux justes : plaider la cause des hommes à l’heure du jugement ; continuer d’avoir une influence bénéfique après leur mort.

            Juifs et Chrétiens finalement prennent « deux chemins » : pour les Chrétiens, le juste Jésus devient parole vivante ; pour les Juifs (Amoraïm), la Torah et le cercle des sages dominent (et jugent) le juste.

 

Interprétations juives sur les mérites

-1-

            L’Écriture et le judaïsme extrabiblique enseignent que les pères et les mères de l’ancienne alliance ont acquis des mérites devant le Seigneur, ils peuvent alors intercéder, ils deviennent pères et mères spirituelles du peuple[14].

            En voici des exemples :

            Le Psaume 68,7 - qui récite: « [Dieu] fait sortir les prisonniers avec joie [hébreu : bakkôshârôt] » - est interprété ainsi par le Midrash : les prisonniers sont les Juifs esclaves en Egypte, libérés en récompense de la « justice des femmes » [= bakkôshârôt][15]. Cette justice est en particulier la pudeur et la pureté des mœurs. Sarah, notre mère descendue en Egypte, ceignit ses hanches contre l’impudeur (Gn 20), et toutes les femmes furent protégées grâce à elle.

            La bénédiction de Jacob pour Joseph (Gn 49,25) lui souhaite de posséder une terre qui produise des fruits exquis, ceci, selon le Talmud, grâce aux mérites de Sarah, Rébecca, Rachel et Léa[16].

            Le jour du Kippour, Aaron entra dans le saint des saints pour expier les péchés du peuple. On raconte alors que « Satan entra pour accuser Israël mais quand il vit Aaron, il s’enfuit à cause de tant d’actes méritoires qui entrèrent avec lui. Les mérites des patriarches entrèrent avec lui et les mérites des matriarches entrèrent avec lui, les mérites des douze tribus entrèrent avec lui, etc. »[17]

            Il existe donc dans le judaïsme ancien un bain culturel et spirituel qui considère que les pères et les mères de l’ancienne alliance ont acquis des mérites devant le Seigneur.

 

-2-

            Mais les mérites des patriarches et des matriarches n’ont pas partout le même sens[18].

 

            Le sens des mérites dans le courant officiel :

            Plus on s’éloigne de la période du second temple et plus la mention de la foi se fait rare dans le judaïsme. La Torah est de plus en plus perçue comme préexistante et immuable. Il n’y a plus à attendre du ciel, par la foi, une nouvelle révélation. Dans le courant officiel, les patriarches méritent par une obéissance anticipée aux commandements de la Torah, qui est immuable.

            Comment mérite-t-on ? Par les œuvres.

            On mérite « par les œuvres » autrement dit « par l’obéissance », obéissance à la volonté de Dieu que l’on croit connaître suffisamment. Même Abraham, qui n’avait pas la Torah donnée à Moïse, connaissait la Torah et le Temple qui ont servi de modèle à la création, et aucune faute n’a obscurci l’accès à cette Torah, qu’Abraham connaissait donc. Les actes d’Abraham (Gn 18, 16) sont donc considérés comme méritoires. De même, les matriarches méritent « par la justice = [hébreu : qashar: bonté, rectitude, capacité] ».

            Que mérite-t-on ? L’exode, la bénédiction, le pardon du Yom kippour ; Benjamin mérite le temple, la Shekhinah, sur son territoire[19] ; tous les actes d’Abraham (Gn 18, 16) sont à l’origine des actes de Dieu pendant l’exode – la manne, l’eau, les cailles, la nuée, la protection du fléau. Le targum de Jérusalem parle des mères qui méritent que les fils d’Israël n’entrent pas dans la Géhenne[20].

            On n’attend pas un nouveau pardon, les mérites des œuvres sont toujours suffisants pour obtenir le pardon du Yom Kippour et pour obtenir que les fils n’aillent pas dans la Géhenne.

            Et puisque l’on croit que Dieu s’est suffisamment révélé, on n’attend pas l’Incarnation.

 

            Le sens des mérites dans le courant "ouvert" :

            Dans le courant "ouvert", Abraham et le peuple méritent par sa foi, ils méritent l’exode et le retour de l’exil.

            Comment mérite-t-on ? On ne dit pas que l’on mérite par les œuvres, parce que l’on considère que notre esprit est trop enténébré pour connaître le bien, la Torah, qui est céleste. On mérite donc par la foi. Le peuple crut et ils entendirent… (Ex 4, 31).

            Que mérite-t-on ? L’exode (que Dieu fende la mer)[21] ; le retour d’exil ; les exilés sont rentrés de l’exil par la foi. Mais on mérite aussi le dévoilement de la Torah, et la présence de Dieu dans le temple, ou dans un autre langage, le temple non fait de main d’homme. On mérite aussi le roi messianique, le royaume. Tout cela en effet était remonté au ciel car Dieu se retire lorsqu’il n’est pas désiré. Le dévoilement des réalités du ciel est attendu.

           

            Saint Paul hérite de ce courant théologique lorsqu’il dit : « Abraham crut en Dieu, et ce lui fut compté comme justice » (Gn 15, 6 ; Rm 4, 1).

            Jean Baptiste se situe aussi dans ce courant en marge du temple où il aurait dû officier comme son père Zacharie ; la Vierge Marie aussi, en accueillant un ange, et en s’ouvrant à la révélation du Fils, Verbe Incarné.

           

Les causes, les mérites, le but ultime

-1-

            Nous venons de voir que selon la tradition juive, un juste peut mériter, c’est-à-dire attirer une présence ou une grâce divine. Elargissons l’horizon : le Seigneur ne donne pas seulement ses grâces en considérant les justes du passé ou du présent : il va jusqu’à anticiper l’avenir[22].

            Prenons un exemple : quelle est la cause de la traversée miraculeuse de la Mer Rouge ? Est-ce le mérite d’Abraham [solution 1] ? Est-ce le mérite du peuple [solution 2] ? Ou est-ce parce que le Seigneur décide de donner cette grâce « en vue » du mérite de la Jérusalem future [solution 3] ?

            La tradition juive accepte les trois solutions (notons au passage que le mérite peut consister simplement dans l’acte de foi).

 

« Shemaya dit :

La confiance que notre père Abraham mit en Moi suffit pour que Je partage la mer pour eux, selon les mots : Et il crut en YHVH, et cela lui fut imputé à justice (Gn 15,6). [solution 1]

Avtalyon dit :

Il suffit qu’ils aient confiance en Moi et cru fermement que J’allais partager la mer pour eux, selon les mots : Et le peuple crut et quand ils entendirent... (Ex 4, 31) [solution 2] »[23].

 

            Mais il existe une autre opinion qui attribue les évènements au mérite des grandes actions à venir : ainsi Dieu ne partage pas la mer en vertu du mérite d’Abraham ou du peuple présent à ce moment-là, mais en vertu du but ultime, la réalisation de Jérusalem :

« Pourquoi cries-tu vers Moi ? - en vertu (ou par le mérite) de Jérusalem Je partagerai pour eux la mer... »[24] [solution 3]

           

            Le Tanna R. Néhémiah déclare que « les Israélites sortirent d’Egypte en raison de la Torah qu’ils allaient recevoir. »[25] [solution 3]

           

            Le Tanna R. Yehudah ben rabbi Ilea’ï explique pourquoi Nathan dit à David que ce n’est pas lui qui construira le Temple :

« [...] Le saint, béni soit-il, répondit : Il M’est dévoilé qu’Israël est destiné à pécher et je donnerai libre cours à Ma colère en la déchaînant contre le sanctuaire et en le détruisant, mais les Israélites seront sauvés. »[26]

            Ainsi ce ne sont pas les actions de David qui empêchèrent qu’il construise le Temple, mais le sort de son peuple dans un avenir lointain. [Solution 3]

 

Toutefois, l’homme ne doit jamais se préoccuper lui-même de cet avenir :

« Qu’as-tu à te préoccuper des mystères du Miséricordieux ? Tu dois faire ce qui t’est ordonné et ce qui est Sa volonté adviendra. »[27]

 

            Jésus. Marie.

            Cette richesse théologique, ou cette « pluralité des causes », se retrouve aussi dans la pensée chrétienne.

            Prenons un premier exemple : le miracle de Cana (Jn 2, 1-12), premier et prototype de tous les signes de Jésus[28].

- On peut dire que ce miracle est causé par le mérite des pères, en incluant Marie parmi les mères en Israël, elle a le mérite de prévenir son fils du manque de vin et de prier avec foi.

- On peut dire que ce miracle est causé par le mérite du peuple, en particulier les servants qui remplissent d’eau les jarres jusqu’au bord.

- On peut dire que ce miracle est causé par ce qui doit advenir dans le futur, notamment la prédication de Jésus qui donnera « le vin de la Torah messianique », puis, quand l’heure sera venue, le vin de son sang et de l’eucharistie.

           

            Prenons un second exemple : l’incarnation est causée par Dieu qui voit ce qui doit advenir : la rédemption par son Fils Jésus. Elle est aussi causée par la réponse de Marie et par sa foi (Lc 1, 38).

           

            Et un troisième exemple : l’Immaculée conception est causée en vue de la maternité divine et par anticipation des mérites du Christ[29]. L’argument de Duns Scot (†1308) est en fait – mais pouvait-il le savoir ? – la reprise d’un mode de pensée judaïque.

 

            Ceci étant dit, il faut, avec Benoît XVI, préciser les limites du mérite, toujours disproportionné au don de Dieu, et souligner l’importance de l’attitude d’ouverture :

« Assurément, nous ne pouvons pas "construire" le règne de Dieu de nos propres forces – ce que nous construisons demeure toujours le règne de l'homme avec toutes les limites qui sont propres à la nature humaine. Le règne de Dieu est un don, et c’est pourquoi justement il est grand et beau, et il constitue la réponse à l'espérance. Et nous ne pouvons pas – pour utiliser la terminologie classique – "mériter" le ciel grâce à "nos propres œuvres". Il est toujours plus que ce que nous méritons ; il en va de même pour le fait d'être aimé qui n'est jamais une chose "méritée", mais toujours un don. Cependant, avec toute notre conscience de la "plus-value" du "ciel", il n'en reste pas moins toujours vrai que notre agir n'est pas indifférent devant Dieu et qu'il n'est donc pas non plus indifférent pour le déroulement de l'histoire. Nous pouvons nous ouvrir nous-mêmes, ainsi que le monde, à l'entrée de Dieu: de la vérité, de l'amour, du bien. C'est ce qu'ont fait les saints, qui, comme "collaborateurs de Dieu", ont contribué au salut du monde (cf. 1 Co 3, 9; 1 Th 3, 2). »[30]

 


[1] Günter STEMBERGER, Introduction to the Talmud and Midrash, T&T Clarck, Edinburgh 1996, p. 177

[2] Günter STEMBERGER,Ibid., p. 2

[3] Cf. Ephraïm URBACH, Les sages d’Israël, Ibid., p. 505-523.

[4] Mekhilta de Rabbi Ishmaël, shira I, p. 118 ; voir Genèse Rabba XXX, 1 

[5] Talmud de Babylone, Yoma 38b

[6] Talmud de Babylone, Yoma 38b

[7]Genese Rabba XXV, 2 

[8] Pesiqta rabbati 117a

[9] TALMUD DE BABYLONE, Shabbat 55°

[10]Genese Rabba XXXIII,3 

[11] TALMUD DE BABYLONE, Mo’edQatan 28a

[12] Les maîtres Tannaïm ont ensuite été commentés par les Amoraïm jusque vers l'an 500, de sorte que les baraïtot, absentes de la Mishna, peuvent être lues dans le Talmud de Babylone.

[13]Genese Rabba LVI, 11 

[14] Cf. R. LE DEAULT, Aspects de l’intercession dans le Judaïsme ancien, dans « Journal for the study of judaism » n°1 (1970), p.33-57. et A. SERRA, Miryam, figlia di Sion, la Donna di Nazaret e il femminile a partire dal giudaismo antico. Ed. Paoline, Milano, 1997, pp.110-114

[15] Nombres Rabbah 3,6 sur Nombres 3,14. La Mekhilta de Rabbi Ishmael (traité Pischà, c. 16° 13,4) attribue cette interprétation à Rabbi Natan (vers 160).

[16] TALMUD DE JERUSALEM I, II sur Dt 33,15

[17]W. G. BRAUDE Pesikta Rabbati, Discourses for feast, fasts and Special Shabbaths. Vol II, Yale Ubiversity Press, New haven and London 1968, pp. 806-807.

[18]Les deux courants s’opposent sur le fait d’attendre ou non une nouvelle révélation, une ouverture du ciel; mais ils ne s’opposent pas sur la dialectique des œuvres et de la foi : on ne peut pas avoir la foi sans les œuvres et réciproquement, sur ce sujet, il s’agit simplement d’accents différents.

[19]Mekhilta sur Exode 14, 22, 31 édition Horowitz, p. 115, ligne 11

[20] Targum du Pentateuque sur Exode 40, 8.

[21] Mekhilta de rabbi Ismael sur Exode 14, 15 édition Horowitz, p. 99, ligne 1-4

[22] Cf. Ephraïm URBACH, Ibid., p. 516-517 et 538.

[23] Mekhilta de rabbi Ishmael, va-yehi III, p. 99

[24] Mekhilta de rabbi Ishmael, va-yehi III, p. 97

[25] Midrash tehillim CXIV, 5, p. 472

[26] Midrash tehillim LXII, 4, p. 309

[27] TALMUD DE BABYLONE, Berakhot 10a

[28]Cf. ST JEAN-PAUL II, Audience du 5 mars 1997

[29]DUNS SCOT,En III sententiarum, d 3, q 1. Pie IX, Bulle « Ineffabilis Deus » du 8 Décembre 1854 ; St JEAN-PAUL II, audience générale du 5 juin 1996, § 4

[30]BENOIT XVI, Encyclique Spe Salvi § 35. Le concile de Trente, largement étudié dans notre « parcours christologique », explicite tout cela.

© Françoise Breynaert

Parcours biblique -44- L'attente d'un prophète comme Moïse

L’attente d’un nouveau Moïse

-1-

            Nous avons dans l’Ancien Testament cette promesse : « Je leur susciterai un prophète semblable à toi [= à Moїse] » (Dt 18,18). Il y a cependant deux façons de voir les choses.

            Selon le premier point de vue, Dieu a révélé le nom de Dieu, Je Suis, Je Suis celui qui Suis, alors nous connaissons le Nom de Dieu. Il est monté sur la montagne et il a donné le décalogue, la Torah, et donc maintenant nous connaissons la Torah. Et d’ailleurs, même avant Moïse, Abraham pratiquait la Torah, il avait la circoncision. Autrement dit, nous possédons la Torah, et le Nom de Dieu. Si nous faisons des péchés, il y a le pardon dans le Temple où Dieu maintient sa Shekhinah, sa présence. La Shekinah ne quitte pas Israël et celui-ci a tout ce qu’il faut pour interpréter la Torah[1]. On sent dans cette façon de voir une satisfaction. On attend "le prophète comme Moïse" annoncé par le Deutéronome (Dt 18, 18), mais il ne "changerait" pas grand-chose, ce sera comme on fait déjà ; on restera comme on est, et on est bien.

 

            Mais il y a une autre façon de voir, c’est celle d’un petit peuple qui se sait petit, un peuple de pauvres, qui s’écrit à la suite du 3° Isaïe : « Regarde le Seigneur et vois... Tu es notre Père, notre rédempteur... Reviens à cause de tes serviteurs... Ah ! Si tu déchirais les cieux et si tu descendais, devant ta Face fondraient les montagnes... » (Isaïe 63,15-19). Autrement dit, Dieu doit revenir, c’est qu’il est parti, il doit descendre, c’est qu’il est remonté aux cieux. Nous retrouvons cette vision dans certaines traditions juives, extrabibliques : « Et ne souillez pas la terre où vous habitez. L’Ecriture dit que l’effusion de sang rend impure la terre et fait cesser la Shekhinah. »[2] Une autre tradition dit : « Le saint, béni soit-il, pleura et dit : Malheur à moi, qu’ai-je fait ! J’ai fait que la Shekhinah descende pour Israël, et maintenant qu’ils ont péché, je suis retourné à mon lieu d’origine »[3]. Et donc nous sommes dans le noir, nous sommes aveugles. Alors la prophétie du Deutéronome : « Je leur susciterai un prophète semblable à toi [= à Moїse] » (Dt 18,18) donne lieu à l’attente d’un véritable "rédempteur" personnel, un messie qui éclaire dans la lumière de sa sainteté personnelle le sens de la Torah, un rédempteur qui restitue au décalogue sa signification profonde, dégagée des ajouts qui en étouffe la racine qui est amour. Dans cette façon d’attendre, l’homme se considère très pauvre, en manque.

 

            Il y a donc deux façons d’attendre. Certains vont se positionner comme juges, en comparant Jésus à ce qu’ils savent, à ce qu’ils ont, à ce qu’ils sont, et ils ne vont pas supporter en Jésus une autorité qui apporte quelque chose de neuf. Cependant, d’autres vont se laisser illuminer par sa lumière et être guéris de leur aveuglement.

-2-

            C’est ici qu’il vaut la peine de refaire un petit détour par la personnalité du Moïse historique (Exode 1-3). Nous voyons un homme sauvé des eaux, élevé à la cour du pharaon, et qui en sort pour rencontrer ses frères hébreux. Voyant un Egyptien maltraiter un hébreu, il tue l’égyptien et l’enfouit dans le sable. Le lendemain, deux hébreux se battent, Moïse veut les calmer, mais eux le rejettent en lui disant : veux-tu nous tuer comme tu as tué l’égyptien ? Moïse, homme violent, fougueux, veut libérer ses frères hébreux, mais il se comporte très mal et il doit partir. Le voilà immigré en Madian, de l’autre côté du Sinaï. Là, il se marie et garde les troupeaux de son beau-père. Durant cette période, qui est pour lui un temps de désert, il devient« très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté » (Nb 12,3). Il a mesuré ses limites, et son incapacité. Et voilà qu’au mont Horeb, Dieu se révèle (Ex 3). Je suis le Dieu de tes pères… Je t’envoie vers mon peuple… tu leur diras : « Je suis » m’a envoyé vers vous. Et voilà Moïse qui est fasciné par « Je suis », saisi parce qu’il voit. Il ne se regarde plus. Il est absorbé par « Je Suis ». Il se voile la face pour ne pas regarder Dieu. Il se met en route pour obéir à « Je suis ». Il dialogue cependant avec Dieu : je n’ai pas d’éloquence, envoie plutôt mon frère… Et Dieu accepte que Moïse soit accompagné d’Aaron. Sans donner plus de détails, prenons conscience que ce grand Moïse, dont on ne cesse de parler, est un petit pauvre, quelqu’un qui a fait l’expérience de sa pauvreté foncière, de son incapacité ; il est envahi par « Je Suis », par un Autre, par Dieu qui va lui donner sa force. Et il va être tellement rempli de force et d’efficacité qu’il va faire quelque chose dont tout le monde va se souvenir pendant des générations. L’homme le plus humble que la terre ait porté a été envahi par « Je suis »…

            Ce sont toujours ceux qui se ressemblent qui deviennent amis. Si vous voulez accueillir « un prophète comme Moïse », il faut avoir fait l’expérience de vos limites, de vos péchés, de votre incapacité à faire quoi que ce soit d’utile… Etre des petits pauvres que Dieu peut investir, vivifier, remplir de force.

 

-3-

            Quand on passe de l’Ancien au Nouveau Testament, il y a toujours une cohérence, une continuité, et un passage de seuil, quelque chose qui déroute, un dépassement.

            On attend un nouveau Moïse (Dt 18, 18). Jésus va donner des indices qu’il est ce nouveau Moïse, et cependant il va aussi se dire « Je suis ». Moïse transmettait le nom de Dieu « Je suis », ce nom qui le brûlait. Mais pouvait-on imaginer que « Je suis » descende dans l’Incarnation pour se faire frère des hommes et pour que nous puissions lire dans ses yeux l’infinie tendresse qu’il a pour libérer son peuple et le conduire dans une terre vaste et plantureuse, non seulement la terre de Canaan, mais la terre de l’infini du « Je suis »… La terre de la proximité avec Dieu, puisqu’il est lui-même Je Suis.

            Avant que nous entrions dans les Evangiles pour découvrir cela, voici simplement une petite clé, au seuil des Evangiles.

            Chez Matthieu (Mt 5,1s), comme Moïse a donné l’ancienne Torah sur le Sinaï, Jésus donne la nouvelle Torah sur la montagne.

            Auparavant, dans l’Evangile de Jean, Jésus effectue à Cana un miracle qui évoque en lui le nouveau Moïse, le messie attendu. Aux noces de Cana, Jésus change l’eau en vin (Jn 2, 1-12).        L’eau dans les jarres matérialise la Torah donnée par Moïse. Les jarres sont en pierre (Jn 2,6), cela rappelle encore la loi de Moïse qui fut donnée sur des tables de pierre.

            La mère de Jésus dit : « Tout ce qu’il vous dira faites-le » (Jn 2, 5), c’est l’écho des paroles du peuple d’Israël au Sinaï : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique. » (Ex 19,8).        La mère de Jésus est appelée « femme » (Jn 2, 4) : elle représente le peuple de l’Alliance. Marie est aussi dans la position de Moïse qui transmet au peuple la volonté de Dieu.

            Le vin matérialise la sagesse, la loi de Moïse : « La sagesse prépare son vin… Venez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai préparé » (Pr 9, 2-5)[4]. Or la sagesse est préexistante (Si 24).         Le mot sagesse signifie saveur… Jésus change l’eau en vin, il communique à toute chose une inexprimable saveur, comme le Bienaimé du Cantique dont émane un parfum vivifiant. Traditionnellement, le vin est le symbole de la Torah expliquée par le Messie[5]. En changeant l’eau en vin, Jésus se révèle donc comme le messie.

            Les jarres sont remplies jusqu’au bord. Avec Jésus, le temps de la plénitude est venu[6] : la plénitude de la sagesse.     Marie est à la fois la mère du nouveau Moïse, la mère du messie, la mère de la Sagesse qui est préexistante. De là à dire qu’elle est la Mère de Dieu, il n’y a qu’un pas qui sera franchi, non pas par la voie de la doctrine (les sages du sanhédrin seront majoritairement dubitatifs au sujet de la divinité de Jésus), mais par la mise en pratique de la sagesse nouvelle : c’est la pratique du bien par les disciples qui les conduira à l’ineffable vérité.

 

 

[1] On lit cette opinion en : Sifre Nb Pisqa 161, p.222, § 15b

[2]Sifre Nb Pisqa 161, p.222 § 15a

[3]Eikhahrabbah 24

[4]Cf. PHILON, De benedictionibus 121-123 ; De Somniis II, 246-249 ; Legumallegoriae III,82.

Targum sur le cantique 7,3 ; Targum sur Osée 9,10

Commentaires des rabbins : Genèse Rabba 43,6…

[5] Targum sur Ct 8,12 et midrash Genèse Rabba 98,9 à 49,11

[6] Et le sein de Marie a donc lui aussi été rempli en plénitude avec Jésus.

Parcours biblique -45- L'attente de l'apparition d'Elie (Ml 3, 23)

L’attente de l’apparition d’Elie

-1-

            « Voici que je vais vous envoyer Elie le prophète, avant que n'arrive le Jour de Yahvé, grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et le cœur des fils vers leurs pères, de peur que je ne vienne frapper le pays d'anathème » (Ml 3, 23-24). Ce n’est pas l’attente de la réincarnation d’Elie, c’est l’attente de quelqu’un qui vienne dans l’esprit d’Elie. Il y a aussi l’attente d’un « prophète » pour régler certaines questions délicates : « On délibéra sur ce qu’on devait faire de l’autel des holocaustes, qui avait été profané, [...] ils en déposèrent les pierres sur la montagne de la Demeure en un endroit convenable, en attendant la venue d’un prophète qui se prononcerait à leur sujet » (1M 4, 44-46). Au temps des Asmonéens (de 140 à 37 avant J.-C), royauté et prêtrise étaient confondus, et les grands prêtres n’étaient plus descendants de Sadoq. En dépit de toutes les critiques qu’ils dirigèrent contre la conduite et la politique des derniers Asmonéens et des rois de la maison d’Hérode[1], les sages n’allèrent jamais jusqu’à contester les institutions existantes de la monarchie, de la prêtrise et du temple. Certains sages occupèrent des postes dans l’administration et le gouvernement. Dans ce contexte, un unique rôle était dévolu à Elie, celui d’élucider la pureté ancestrale. « …et les prêtres avaient jugé bon que Simon fût higoumène et grand prêtre pour toujours jusqu’à ce que paraisse un prophète accrédité » (1M 14, 41). Ces choses relevaient de la juridiction des sages mais les institutions habilitées à prononcer un jugement étant trop faibles pour redresser les torts, cette tâche était donc réservée à Elie[2]. Mais l’attente d’Elie n’avait pas de caractère d’urgence…

-2-

            Devant Achab et devant la veuve de Sarepta, Elie proclamait « vivant est le Seigneur devant qui je me tiens ». Il est plein de vie, il ressuscite le fils de la veuve de Sarepta, et il rappelle à Achab qu’il n’a pas le droit de tuer Naboth pour prendre sa vie. Au début de son ministère, les gens pensent que Jésus est Elie. Il ressuscite le fils de la veuve de Naïm, et l’épisode des noces de Cana (Jn 2, 1-11), premier des signes de Jésus, révèle en Jésus un nouvel Elie qui opère un miracle de multiplication du contenu des jarres (comme Elie : 1R 17, 14) ; même la parole de Marie aux servants ressemble à celle de la jeune fille juive conseillant à son maître araméen, lépreux, d’aller confier son mal à Elisée, le successeur d’Elie (2 R 5, 3). La prophétie de Malachie situe la venue d’Elie (Ml 3, 23) dans le cadre du jour du Seigneur qui opère un jugement : « Je m'approcherai de vous pour le jugement (Ml 3, 5) ; « Alors vous verrez la différence entre un juste et un méchant, entre qui sert Dieu et qui ne le sert pas » (Ml 3, 18). La venue de Jésus opère, elle aussi un jugement : « Car le Père ne juge personne ; il a donné au Fils le jugement tout entier » (Jn 5, 22).

            Cependant, Jésus ne s’identifie pas à Elie, il le dépasse[3]. La figure d’Elie, c’est Jean-Baptiste qui l’accomplit (Mt 17, 10-13).

 


[1]Le roi Aggripa, dont l’ascendance était de pureté douteuse, s’attira l’éloge des sages lorsqu’il fit la démonstration publique de sa fidélité à la Torah (Mishna Sota VII, 8 ; Tosefta et Talmud de Jérusalem VII etc.)

[2] M. Eduyot VIII, 7.

[3] Elie et Moïse, qui tous les deux avaient conversé avec le Seigneur Dieu sur la montagne, apparaissent sur la montagne du Thabor pour converser avec Jésus transfiguré (Lc 9, 30-31).

© Françoise Breynaert

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Date de dernière mise à jour : 03/06/2020