Avec Ste Thérèse de Lisieux

Ste Thérèse de Lisieux (1873-1897)

Thérèse Martin, en religion sœur Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face [1], plus connue sous l'appellation Sainte Thérèse de Lisieux (Alençon, 2 janvier 1873 - Lisieux, 30 septembre 1897) est une religieuse carmélite.

 

Entrée au couvent à l'âge de 15 ans, elle est morte de la tuberculose le 30 septembre 1897, à l'âge de 24 ans.

Son existence courageuse, depuis la petite enfance orpheline, jusqu'à sa mort  douloureuse, est vécue sous "le manteau virginal de Marie", avec l'humble simplicité de "l'enfant Jésus", et dans la contemplation de la "sainte face" de Jésus crucifié. Thérèse s'offre pour les criminels, et pour les prêtres...

 

Sa voie spirituelle, qu'elle décrit dans son journal (publié sous le titre : Histoire d'une âme) est marquée par la confiance et l'amour.

 

Thérèse aime dire : "dans le cœur de l'Eglise, ma mère, je serai l'amour".

Comme femme consacrée dans la virginité, Thérèse vit profondément avec Marie et dans l'Eglise, dans ce "Cœur brûlant d'Amour" qui est inséparablement celui de Marie et de l'Eglise[1], cœur d'Epouse donné à Jésus seul, et cœur de Mère donné à Jésus et ouvert à tous les hommes créés et sauvés par Lui.

 

Elle est canonisée dès 1925, puis proclamée sainte patronne secondaire de la France et des missions et Docteur de l'Église (c'est-à-dire que son enseignement fait autorité).

 

Elle est fêtée le 1° octobre (mémoire liturgique).

 

[1] Cf Ms B, 3v; PN 54/18.

 

N.B. En français, nous citons les textes de Thérèse à partir de l'édition critique: THERESE DE LISIEUX: Oeuvres Complètes (Paris, 1992, ed du Cerf). Nous utilisons les sigles: Ms pour désigner les trois Manuscrits Autobiographiques (A, B, C), LT pour les Lettres, PN pour les Poésies, RP pour les Récréations Pieuses et Pri pour les Prières.

 

Contenu

Ste Thérèse de Lisieux (1873-1897).

Pentecôte 1883, le sourire de Marie.

Première communion de Ste Thérèse de Lisieux.

Pranzini, 'mon premier enfant' (Thérèse de L.).

Un commandement nouveau.

Le privilège de Marie : sa petitesse, son amour.

Mt 2, 13 - Quand Ste Thérèse fuit…..

La petite voie : une voie mariale.

Coopération à la rédemption (Ste Thérèse).

 

 

Pentecôte 1883, le sourire de Marie

[La maman de Thérèse de Lisieux mourut alors que Thérèse d'avait que quatre ans et huit mois. Dès lors, Thérèse devint timide et sensible à l'excès. Elle choisit pour seconde mère sa sœur Pauline.

L'entrée de Pauline au Carmel, le 2 octobre 1882 fut une nouvelle épreuve pour l'enfant qui commença à souffrir de maux de têtes.

Un soir, son oncle lui raconta des souvenirs de sa maman, et ce soir-là, Thérèse fut prise d'un mal de tête extrême. La maladie empira.

Arriva un temps où Thérèse ne reconnaissait plus ses proches...]

 

« Un jour, je vis Papa entrer dans la chambre de Marie où j'étais couchée ; et lui donnant plusieurs pièces d'or avec une expression de grande tristesse il lui dit d'écrire à Paris et de faire dire des messes à Notre Dame des Victoires pour qu'elle guérisse sa pauvre petite fille. Ah ! que je fus touchée en voyant la Foi et l'Amour de mon Roi chéri, j'aurais voulu pouvoir lui dire que j'étais guérie, mais je lui avais déjà fait assez de fausses joies, ce n'était pas mes désirs qui pouvaient faire un miracle, car il en fallait un pour me guérir... Il fallait un miracle et ce fut Notre Dame des Victoires qui le fit.

 

Un Dimanche (pendant la neuvaine de messes [Le dimanche de Pentecôte 1883]) Marie sortit dans le jardin me laissant avec Léonie qui lisait auprès de la fenêtre, au bout de quelques minutes je me mis à appeler presque tout bas : « Mama... Mama ». Léonie étant habituée à m'entendre toujours appeler ainsi, ne fit pas attention à moi. Ceci dura longtemps, alors j'appelai plus fort et enfin Marie revint, je la vis parfaitement entrer, mais je ne pouvais dire que je la reconnaissais et je continuais d'appeler toujours plus fort : « Mama... ».

 

Je souffrais beaucoup de cette lutte forcée et inexplicable et Marie en souffrait peut-être encore plus que moi ; après de vains efforts pour me montrer qu'elle était auprès de moi, elle se mit à genoux auprès de mon lit avec Léonie et Céline puis se tournant vers la Sainte Vierge et la priant avec la ferveur d'une Mère qui demande la vie de son enfant, Marie obtint ce qu'elle désirait...

Ne trouvant aucun secours sur la terre, la pauvre petite Thérèse s'était aussi tournée vers sa Mère du Ciel, elle la priait de tout son cœur d'avoir enfin pitié d'elle...

 

Tout à coup la Sainte Vierge me parut belle, si belle que jamais je n'avais vu rien de si beau, son visage respirait une bonté et une tendresse ineffable, mais ce qui me pénétra jusqu'au fond de l'âme ce fut le « ravissant sourire de la Ste Vierge ».

Alors toutes mes peines s'évanouirent, deux grosses larmes jaillirent de mes paupières et coulèrent silencieusement sur mes joues, mais c'était des larmes d'une joie sans mélange...

Ah ! pensai-je, la Ste Vierge m'a souri, que je suis heureuse... oui mais jamais je ne le dirai à personne, car alors mon bonheur disparaîtrait.

Sans aucun effort je baissai les yeux, et je [vis] Marie qui me regardait avec amour, elle semblait émue et paraissait se douter de la faveur que la Ste Vierge m'avait accordée... »

 

Sainte Thérèse de Lisieux, Histoire d'une âme, chap III, 29 v° - 30v°

 

 

 

Première communion de Ste Thérèse de Lisieux

« Le beau jour entre les jours arriva enfin [8 mai 1884] [...]

Je ne veux pas entrer dans les détails, il est de ces choses qui perdent leur parfum dès qu'elles sont exposées à l'air, il est des pensées de l'âme qui ne peuvent se traduire en langage de la terre sans perdre leur sens intime et Céleste, elles sont comme cette « Pierre blanche qui sera donnée au vainqueur et sur laquelle est écrit un nom que nul ne connaît que celui qui la reçoit. »

Ah! qu'il fut doux le premier baiser de Jésus à mon âme !...

Ce fut un baiser d'amour, je me sentais aimée, et je disais aussi : « Je vous aime, je me donne à vous pour toujours. » Il n'y eut pas de demandes, pas de luttes, de sacrifices, depuis longtemps, Jésus et la pauvre petite Thérèse s'étaient regardés et s'étaient compris...

 

L'après-midi ce fut moi qui prononçais l'acte de consécration à la Ste Vierge, il était bien juste que je parle au nom de mes compagnes à ma Mère du Ciel, moi qui avais été privée si jeune de ma Mère de la terre...

Je mis tout mon cœur à lui parler, à me consacrer à elle, comme une enfant qui se jette entre les bras de sa Mère et lui demande de veiller sur elle.

Il me semble que la Sainte Vierge dut regarder sa petite fleur et lui sourire, n'était-ce pas elle qui l'avait guérie par un visible sourire ?...

N'avait-elle pas déposé dans le calice de sa petite fleur, son Jésus, la Fleur des Champs, le Lys de la vallée ?... »

 

Sainte Thérèse de Lisieux, Histoire d'une âme, chapitre III,

Ms A 35r° 35v°

 

 

Pranzini, 'mon premier enfant' (Thérèse de L.)

Amour d'épouse pour le Christ, amour de mère pour les pécheurs

Thérèse de Lisieux est devenue une femme, elle est devenue épouse et mère à 14 ans, avant son entrée au Carmel. Dans son cœur féminin, la charité fait vibrer ces deux "cordes" les plus fortes et les plus belles que sont l'amour sponsal [= amour d'épouse] et l'amour maternel: amour sponsal de Jésus et amour maternel du prochain. Cette grâce est celle d'un nouveau regard vers Jésus Crucifié et vers le prochain, le plus pauvre pécheur pour lequel Jésus a versé son Sang. C'est une grâce eucharistique, reçue pendant la messe dominicale, à travers une simple image, mais qui devient pour Thérèse une véritable icône en lui faisant voir le Mystère de la Rédemption:

 

"Un Dimanche en regardant une photographie de Notre-Seigneur en Croix, je fus frappée par le sang qui tombait d'une des ses mains Divines, j'éprouvai une grande peine en pensant que ce sang tombait à terre sans que personne ne s'empresse de le recueillir, et je résolus de me tenir en esprit au pied de la Croix pour recevoir la Divine rosée qui en découlait, comprenant qu'il me faudrait ensuite la répandre sur les âmes... Le cri de Jésus sur la Croix retentissait aussi continuellement dans mon cœur : " J'ai soif ! " Ces paroles allumaient en moi une ardeur inconnue et très vive... Je voulais donner à boire à mon Bien-Aimé et je me sentais moi-même dévorée de la soif des âmes" (Ms A 45v).

 

La collaboration au Rédempteur : communiquer son Sang aux hommes

Dans sa simplicité, ce texte éclaire profondément le sens de la co-rédemption et de la médiation de Marie et de l'Eglise. Il y a une vraie collaboration de la créature, comme épouse et mère, à l'œuvre accomplie par Jésus, l'unique Sauveur, l'unique Rédempteur, l'unique Médiateur.  Cette collaboration ne consiste pas à ajouter quoi que ce soit au Sang de Jésus, mais à communiquer ce Sang aux hommes de tous les temps et de tous les pays.

 

Thérèse se tient près de la Croix comme l'épouse qui veut donner à boire à son "Bien-Aimé", et c'est alors qu'elle devient mère par la fécondité virginale du Sang Rédempteur qu'elle recueille. Elle raconte aussitôt comment Jésus lui donne comme "son premier enfant" le criminel Pranzini (Ms A 45v-46v).

C'est une des pages les plus belles et les plus fortes sur l'espérance en la Miséricorde.

Ce criminel condamné à mort est sur le point de mourir dans l'impénitence. Thérèse a conscience de l'extrême danger où il se trouve, mais en même temps, elle ne peut se résigner à la perte de ce frère pour qui le Christ est mort:

"je voulus à tout prix l'empêcher de tomber en enfer", écrit-elle. L'unique prix est celui du Sang de Jésus. La jeune fille fait célébrer la Messe pour lui. Elle exprime la certitude de son salut de façon absolue: "même s'il ne se confessait pas et ne donnait aucune marque de repentir, tant j'avais de confiance en la Miséricorde infine de Jésus" (Ms A 45v-46v).

Avant d'être exécuté, Pranzini embrassera le Crucifix que lui présente l'aumônier de la prison. Ce simple signe ramène Thérèse à son point de départ, qui était la contemplation de Jésus Crucifié:

 

"N'était-ce pas devant les plaies de Jésus, en voyant couler son sang Divin que la soif des âmes était entrée dans mon coeur ? Je voulais leur donner à boire ce sang immaculé qui devait les purifier de leurs souillures, et les lèvres de " mon premier enfant " allèrent se coller sur les plaies sacrées !!!... Quelle réponse ineffablement douce !... Ah ! depuis cette grâce unique, mon désir de sauver les âmes grandit chaque jour, il me semblait entendre Jésus me dire comme à la samaritaine : " Donne-moi à boire ! " C'était un véritable échange d'amour ; aux âmes je donnais le sang de Jésus, à Jésus j'offrais ces mêmes âmes rafraîchies par sa rosée Divine" (Ms A 46v).

 

En tout cela, Thérèse est singulièrement proche de Marie, Mère de tous les hommes rachetés par le sang de Jésus, Mère de Miséricorde et Refuge des pécheurs.

 

 

 

Père Lethel, carme.

Extraits de  "La coopération de Marie et de l'Eglise au mystère de la Rédemption, à la lumière de sainte Thérèse de Lisieux" sur http://www.carmes-liban.org/teresina1.htm

 

 

 

14296.0 En route pour Rome, Notre Dame des victoires

[L'évêque de Bayeux ayant trouvé Thérèse trop jeune pour entrer au Carmel, elle rejoint (avec son père et sa sœur Céline) un groupe de pèlerins pour aller à Rome, espérant demander une dispense au pape Léon XIII. La première étape fut Paris. Thérèse raconte sa visite à « Notre Dame des Victoires » :]

 

« Ah ! ce que j'ai senti à ses pieds je ne pourrais le dire... Les grâces qu'elle m'accorda m'émurent si profondément que mes larmes seules traduisirent mon bonheur, comme au jour de ma première communion... La Sainte Vierge m'a fait sentir que c'était vraiment elle qui m'avait souri et m'avait guérie. J'ai compris qu'elle veillait sur moi, que j'étais son enfant, aussi je ne pouvais plus lui donner [57 r°] que le nom de « Maman » car il me semblait encore plus tendre que celui de Mère... Avec quelle ferveur ne l'ai-je pas priée de me garder toujours et de réaliser bientôt mon rêve en me cachant à l'ombre de son manteau virginal !... Ah! c'était là un de mes premiers désirs d'enfant... En grandissant j'avais compris que c'était au Carmel qu'il me serait possible de trouver véritablement le manteau de la Sainte Vierge et c'était vers cette montagne fertile que tendaient tous mes désirs...

Je suppliai encore Notre Dame des Victoires d'éloigner de moi tout ce qui aurait pu ternir ma pureté, je n'ignorais pas qu'en un voyage comme celui d'Italie, il se rencontrerait bien des choses capables de me troubler, surtout parce que ne connaissant pas le mal je craignais de le découvrir, n'ayant pas expérimenté que tout est pur pour les purs et que l'âme simple et droite ne voit de mal à rien, puisqu'en effet le mal n'existe que dans les coeurs impurs et non dans les objets insensibles... Je priai aussi St Joseph de veiller sur moi ; depuis mon enfance j'avais pour lui une dévotion qui se confondait avec mon amour pour la Ste Vierge. Chaque jour je récitais la prière : « Ô St Joseph père et protecteur des vierges » aussi ce fut sans crainte que j'entrepris mon lointain voyage, j'étais si bien protégée qu'il me semblait impossible d'avoir peur. »

 

[A Rome le pape lui dit simplement de faire ce que les supérieurs décideront.]

 

14297.0 Le 8 septembre pour Ste Thérèse de Lisieux

Le 8 septembre, jour de la nativité de Marie, invite à contempler la petitesse de Marie. Sainte Thérèse de Lisieux aime contempler cette petitesse et elle en vit. Mais il ne s'agit nullement de mièvrerie. Pour le faire comprendre, nous situons sa contemplation dans leur contexte.

 

Le courage qui précéda les vœux de Thérèse

Après avoir surmonté de grands obstacles pour obtenir l'autorisation d'entrer au carmel à quinze ans, Thérèse de Lisieux est entrée au carmel le 9 avril 1888, c'était le jour où l'on célébrait l'Annonciation, remise à cause du carême.

Durant les deux premières années, elle fut traitée sévèrement et réagit avec courage et esprit de foi:

 

"Quelle grâce inappréciable !... Comme le Bon Dieu agissait visiblement en celle qui tenait sa place !... Que serais-je devenue si comme le croyaient les personnes du monde j'avais été « le joujou » de la communauté ?... Peut-être au lieu de voir Notre Seigneur en mes Supérieures n'aurais-je considéré que les personnes et mon cœur si bien gardé dans le monde se serait attaché humainement dans le cloître... Heureusement je fus préservée de ce malheur. Sans doute j'aimais beaucoup notre Mère, mais d'une affection pure qui m'élevait vers l'Époux de mon âme... "

(Ms A, 70v°)

 

Le 8 septembre 1890, premiers vœux de Thérèse

"Le matin du 8 septembre, je me sentis inondée d'un fleuve de paix et ce fut dans cette paix « surpassant tout sentiment » que je prononçai mes Saints Vœux...

Mon union avec Jésus se fit, non pas au milieu des foudres et des éclairs, c'est-à-dire des grâces extraordinaires, mais au sein d'un léger zéphyr semblable à celui qu'entendit sur la montagne notre père St Élie...

Que de grâces n'ai-je pas demandées ce jour-là !... [...]

Quelle belle fête que la nativité de Marie pour devenir l'épouse de Jésus !

C'était la petite Ste Vierge d'un jour qui présentait sa petite fleur au petit Jésus...

Ce jour-là tout était petit excepté les grâces et la paix que j'ai reçues..."

(Ms A,  76 v° et 77r°)

 

Le 8 septembre 1896, Thérèse nous livre sa méditation : Marie est la plus grande parce qu'elle est la plus petite

Dans la contemplation de Thérèse, Marie est parfaitement simple dans sa foi et dans son espérance. Elle est "toute mère" parce qu'elle "toute espérance" (Charles Péguy), et ceci fondamentalement parce qu'elle est très petite "toute petite" par excellence, "pleine de grâce" d'une manière imbattable, encore plus que Thérèse, parce qu'elle a encore été plus petite.

 

Ainsi Thérèse parle de Marie sans la nommer quand elle dit à Jésus, à la fin du manuscrit B:

 

"Je sens que si par impossible tu trouvais une âme plus faible, plus petite que la mienne, tu te plairais à la combler de faveurs plus grandes encore, si elle s'abandonnait avec une entière confiance à ta miséricorde infinie." (Ms B, 5v).

Ces mots ont été écrits le 8 septembre 1896, fête de la Nativité de Marie, dans la grâce de la petitesse de celle qui deviendra la mère de Dieu.

 

P. Lethel, Extraits de P. Lethel,

Teresa di Lisieux e la Vergine Maria.

http://www.carmes-liban.org/TerMaria.htm

 

 

 

166.0 L'amour de Marie selon Ste Thérèse de l'Enfant Jésus

Un jour que les pécheurs écoutent la doctrine

De Celui qui voudrait au Ciel les recevoir

Je te trouve avec eux, Marie, sur la colline

Quelqu'un dit à Jésus que tu voudrais le voir,

 

Alors, ton Divin Fils devant la foule entière

De son amour pour nous montre l'immensité

Il dit:"Quel est mon frère et ma soeur et ma Mère,

Si ce n'est celui-là qui fait ma volonté?"

 

O Vierge Immaculée, des mères la plus tendre

En écoutant Jésus, tu ne t'attriste pas

Mais tu te réjouis qu'Il nous fasse comprendre

Que notre âme devient sa famille ici-bas

 

Oui tu te réjouis qu'Il nous donne sa vie,

Les trésors infinis de sa divinité!...

Comment ne pas t'aimer, ô ma Mère chérie

En voyant tant d'amour et tant d'humilité?

 

Tu nous aimes, Marie, comme Jésus nous aime

Et tu consens pour nous à t'éloigner de Lui.

Aimer c'est tout donner et se donner soi-même

Tu voulus le prouver en restant notre appui.

 

Le Sauveur connaissait ton immense tendresse

Il savait les secrets de ton coeur maternel,

Refuge des pécheurs, c'est à toi qu'Il nous laisse

Quand Il quitte la Croix pour nous attendre au Ciel.

 

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Ste Thérèse de l'Enfant Jésus

(extrait du poème : "Pourquoi je t'aime, ô Marie" (PN 54)

2453.0 Pourquoi je t'aime, ô Marie ! de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus

Oh! je voudrais chanter, Marie pourquoi je t'aime

Pourquoi ton nom si doux fait tressaillir mon coeur

Et pourquoi la pensée de ta grandeur suprême

Ne saurait à mon âme inspirer de frayeur.

 

Si je te contemplais dans ta sublime gloire

Et surpassant l'éclat de tous les bienheureux

Que je suis ton enfant je ne pourrais le croire

O Marie, devant toi je baisserais les yeux!...

 

Il faut pour qu'un enfant puisse chérir sa mère

Qu'elle pleure avec lui, partage ses douleurs

O ma Mère chérie, sur la rive étrangère

Pour m'attirer à toi, que tu versas de pleurs!...

 

En méditant ta vie dans le saint Evangile

J'ose te regarder et m'approcher de toi

Me croire ton enfant ne m'est pas difficile

Car je te vois mortelle et souffrant comme moi...

 

Lorsqu'un ange du Ciel t'offre d'être la Mère

Du Dieu qui doit règner toute l'éternité

Je te vois préfèrer, ô Marie, quel mystère!

L'ineffable trésor de la virginité.

 

Je comprends que ton âme, ô Vierge Immaculée

Soit plus chère au Seigneur que le divin séjour

Je comprends que ton âme, Humble et Douce Vallée

Peut contenir Jésus, L'Océan de l'Amour!...

 

Oh! je t'aime, Marie, te disant la servante

Du Dieu que tu ravis par ton humilité

Cette vertu cachée te rend toute-puissante

Elle attire en ton coeur la Sainte Trinité

 

Alors l'Esprit d'Amour te couvrant de son ombre

Le Fils égal au Père en toi s'est incarné...

De ses frères pécheurs bien grand sera le nombre

Puisqu'on doit l'appeler: Jésus, ton premier-né!...

 

O Mère bien-aimée, malgré ma petitesse

Comme toi je possède en moi Le Tout-Puissant

Mais je ne tremble pas en voyant ma faiblesse:

Le trésor de la mère appartient à l'enfant

 

Et je suis ton enfant, ô ma Mère chérie

Tes vertus, ton amour, ne sont-ils pas à moi?

Aussi lorsqu'en mon coeur descend la blanche Hostie

Jésus, ton Doux Agneau, croit reposer en toi!...

 

Tu me le fais sentir, ce n'est pas impossible

De marcher sur tes pas, ô Reine des élus,

L'étroit chemin du Ciel, tu l'as rendu visible

En pratiquant toujours les plus humbles vertus.

 

Auprès de toi, Marie, j'aime à rester petite,

Des grandeurs d'ici-bas je vois la vanité,

Chez Sainte Elisabeth, recevant ta visite,

J'apprends à pratiquer l'ardente charité.

 

Là j'écoute ravie, Douce Reine des anges,

Le cantique sacré qui jaillit de ton coeur.

Tu m'apprends à chanter les divines louanges

A me glorifier en Jésus mon Sauveur.

 

Tes paroles d'amour sont de mystiques roses

Qui doivent embaumer les siècles à venir.

En toi le Tout-Puissant a fait de grandes choses

Je les veux méditer, afin de l'en bénir.

 

Quand le bon Saint Joseph ignore le miracle

Que tu voudrais cacher dans ton humilité

Tu le laisses pleurer tout près du Tabernacle

Qui voile du Sauveur la divine beauté!...

 

Oh! que j'aime, Marie, ton éloquent silence,

Pour moi c'est un concert doux et mélodieux

Qui me dit la grandeur et la toute-puissance

D'une âme qui n'attend son secours que des Cieux...

 

Plus tard à Bethléem, ô Joseph et Marie!

Je vous vois repoussés de tous les habitants

Nul ne veut recevoir en son hôtellerie

De pauvres étrangers, la place est pour les grands...

 

La place est pour les grands et c'est dans une étable

Que la Reine des Cieux doit enfanter un Dieu.

O ma Mère chérie, que je te trouve aimable

Que je te trouve grande en un si pauvre lieu!...

 

Quand je vois L'Eternel enveloppé de langes

Quand du Verbe Divin j'entends le faible cri

O ma Mère chérie, je n'envie plus les anges

Car leur Puissant Seigneur est mon Frère chéri!...

 

Que je t'aime, Marie, toi qui sur nos rivages

As fait épanouir cette Divine Fleur!....

Que je t'aime écoutant les bergers et les mages

Et gardant avec soin toute chose en ton coeur!...

 

Je t'aime te mêlant avec les autres femmes

Qui vers le temple saint ont dirigé leurs pas

Je t'aime présentant le Sauveur de nos âmes

Au bienheureux Vieillard qui le presse en ses bras

 

D'abord en souriant j'écoute son cantique

Mais bientôt ses accents me font verser des pleurs.

Plongeant dans l'avenir un regard prophétique

Siméon te présente un glaive de douleurs.

 

O Reine des martyrs, jusqu'au soir de ta vie

Ce glaive douloureux transpercera ton coeur

Déjà tu dois quitter le sol de ta patrie

Pour éviter d'un roi la jalouse fureur.

 

Jésus sommeille en paix sous les plis de ton voile

Joseph vient te prier de partir à l'instant

Et ton obéissance aussitôt se dévoile

Tu pars sans retard et sans raisonnement.

 

Sur la terre d'Egypte, il me semble, ô Marie

Que dans la pauvreté ton coeur reste joyeux,

Car Jésus n'est-Il pas la plus belle Patrie,

Que t'importe l'exil, tu possèdes les Cieux?...

 

Mais à Jérusalem, une amère tristesse

Comme un vaste océan vient inonder ton coeur

Jésus, pendant trois jours, se cache à ta tendresse

Alors c'est bien l'exil dans toute sa rigueur!...

 

Enfin tu l'apercois et la joie te transporte,

Tu dis au bel Enfant qui charme les docteurs:

"O mon Fils, pourquoi donc agis-tu de la sorte? "

Voilà ton père et moi qui te cherchions en pleurs."

 

Et l'Enfant Dieu répond, oh quel profond mystère !

A la Mère chérie qui tend vers lui ses bras:

"Pouquoi me cherchiez-vous?... Aux oeuvres de mon Père

"Il faut que je m'emploie; ne le savez-vous pas?"

 

L'Evangile m'apprend que croissant en sagesse

A Joseph, à Marie, Jésus reste soumis

Et mon coeur me révèle avec quelle tendresse

Il obéit toujours à ses parents chéris.

 

Maintenant je comprends le mystère du temple,

Les paroles cachées de mon Aimable Roi.

Mère, ton doux Enfant veut que tu sois l'exemple

De l'âme qui Le cherche en la nuit de la foi.

 

Puisque le Roi des Cieux a voulu que sa Mère

Soit plongée dans la nuit, dans l'angoisse du coeur;

Marie, c'est donc un bien de souffrir sur la terre?

Oui souffrir en aimant c'est le plus pur bonheur!...

 

Tout ce qu'Il m'a donné Jésus peut le reprendre

Dis-lui de ne jamais se gêner avec moi...

Il peut bien se cacher, je consens à l'attendre

Jusqu'au jour sans couchant où s'éteindra ma foi...

 

Je sais qu'à Nazareth, Mère pleine de grâces

Tu vis très pauvrement, ne voulant rien de plus

Point de ravissements, de miracles, d'extases

N'embellissent ta vie, ô Reine des Elus!...

 

Le nombre des petits est bien grand sur la terre

Ils peuvent sans trembler vers toi lever les yeux

C'est par la voie commune, incomparable Mère

Qu'il te plaît de marcher pour les guider aux Cieux.

 

En attendant le Ciel, ô ma Mère chérie,

Je veux vivre avec toi, te suivre chaque jour

Mère, en te contemplant, je me plonge ravie

Découvrant dans ton coeur des abîmes d'amour.

 

Ton regard maternel bannit toutes mes craintes

Il m'apprend à pleurer, il m'apprend à jouir.

Au lieu de mépriser les joies pures et saintes

Tu veux les partager, tu daignes les bénir.

 

Des époux de Cana voyant l'inquiétude

Qu'ils ne peuvent cacher,car ils manquent de vin

Au Sauveur tu le dis dans ta sollicitude

Espérant le secours de son pouvoir divin.

 

Jésus semble d'abord repousser ta prière

"Qu'importe" répond-Il,"femme, à vous et à moi?"

Mais au fond de son coeur, Il te nomme sa Mère

Et son premier miracle, Il l'opère pour toi...

 

Un jour que les pécheurs écoutent la doctrine

De Celui qui voudrait au Ciel les recevoir

Je te trouve avec eux, Marie, sur la colline

Quelqu'un dit à Jésus que tu voudrais le voir

 

Alors, ton Divin Fils devant la foule entière

De son amour pour nous montre l'immensité

Il dit:"Quel est mon frère et ma soeur et ma Mère,

"Si ce n'est celui-là qui fait ma volonté?"

 

O Vierge Immaculée, des mères la plus tendre

En écoutant Jésus, tu ne t'attriste pas

Mais tu te réjouis qu'Il nous fasse comprendre

Que notre âme devient sa famille ici-bas

 

Oui tu te réjouis qu'Il nous donne sa vie,

Les trésors infinis de sa divinité!...

Comment ne pas t'aimer, ô ma Mère chérie

En voyant tant d'amour et tant d'humilité?

 

Tu nous aimes, Marie, comme Jésus nous aime

Et tu consens pour nous à t'éloigner de Lui.

Aimer c'est tout donner et se donner soi-même

Tu voulus le prouver en restant notre appui.

 

Le Sauveur connaissait ton immense tendresse

Il savait les secrets de ton coeur maternel,

Refuge des pécheurs,c'est à toi qu'Il nous laisse

Quand Il quitte la Croix pour nous attendre au Ciel.

 

Marie, tu m'apparais au sommet du Calvaire

Debout près de la Croix, comme un prêtre à l'autel

Offrant pour apaiser la justice du Père

Ton bien-aimé Jésus, le doux Emmanuel...

 

Un prophète l'a dit, ô Mère désolée,

"Il n'est pas de douleur semblable à ta douleur!"

O Reine des Martyrs, en restant exilée

Tu prodigues pour nous tout le sang de ton coeur!

 

La maison de Saint Jean devient ton seul asile

Le fils de Zébédée doit remplacer Jésus...

C'est le dernier détail que donne l'Evangile

De la Reine des Cieux il ne me parle plus.

 

Mais son profond silence, ô ma Mère chérie

Ne révèle-t-il pas que Le Verbe Eternel

Veut Lui-même chanter les secrets de ta vie

Pour charmer tes enfants, tous les Elus du Ciel?

 

Bientôt je l'entendrai cette douce harmonie

Bientôt dans le beau Ciel, je vais aller te voir

Toi qui vins me sourire au matin de ma vie

Viens me sourire encor...Mère...voici le soir!...

 

Je ne crains plus l'éclat de ta gloire suprême

Avec toi j'ai souffert et je veux maintenant

Chanter sur tes genoux, Marie, pourquoi je t'aime

Et redire à jamais que je suis ton enfant!...

 

 Ste Thérèse de Lisieux, Poésie 54 - mai 1897

 

2455.0 Ne crains pas d'aimer trop la Sainte Vierge

Méditant le mystere de l'Annonciation par l'ange Gabriel à la Vierge Marie, Thérèse qui était entrée au carmel de Lisieux « le jour où le carmel célébrait la fête de l'Annonciation» (Ms 4,68 v°), devait écrire au soir de sa vie :

«Ô Mère bien-aimée, malgré ma petitesse, comme toi je possède en moi le Tout-Puissant, mais je ne tremble pas en voyant ma faiblesse : le trésor de la mère appartient à l'enfant» (PN 54).

Relisant récemment sa correspondance je suis tombé sur ces lignes qui sont peut-être mystérieusement adressées au lecteur qui les lira : «Ne crains pas d'aimer trop la Sainte Vierge, jamais tu ne l'aimeras assez, et Jésus sera bien content puisque la Sainte Vierge est sa Mère» (LT 92).

 

Un commandement nouveau

« Je vous donne un commandement nouveau: vous aimer les uns les autres; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. »

(Jn 13, 34)

 

Lorsque le Seigneur avait ordonné à son peuple d'aimer son prochain comme soi-même, Il n'était pas encore venu sur la terre, aussi sachant bien à quel degré l'on aime sa propre personne, Il ne pouvait demander à ses créatures un amour plus grand pour le prochain.

 

Mais lorsque Jésus fit à ses apôtres un commandement nouveau, son commandement à Lui, comme Il le dit plus loin, ce n'est plus d'aimer le prochain comme soi-même qu'Il parle mais de l'aimer comme lui, Jésus, l'a aimé, comme Il l'aimera jusqu'à la consommation des siècles...

 

Ah ! Seigneur, je sais que vous ne commandez rien d'impossible, vous connaissez mieux que moi ma faiblesse, mon imperfection, vous savez bien que jamais je ne pourrais aimer mes sœurs comme vous les aimez, si vous-même, ô mon Jésus, ne les aimiez encore en moi.

 

C'est parce que vous vouliez m'accorder cette grâce que vous avez fait un commandement nouveau. Oh ! que je l'aime puisqu'il me donne l'assurance que votre volonté est d'aimer en moi tous ceux que vous me commandez d'aimer !...

 

Sainte Thérèse de Lisieux, Ms C, 12 v°.

 

 

Le privilège de Marie : sa petitesse, son amour

Le principal privilège de Marie dans l'Évangile: la petitesse et la pauvreté comme lieu du plus grand amour

Nous lisons dans les « derniers entretiens » de sainte Thérèse de Lisieux :

« Elle me disait que tout ce qu'elle avait entendu prêcher sur la Sainte Vierge ne l'avait pas touchée.

Que les prêtres nous montrent donc des vertus pratiquables ! C'est bien de parler de ses prérogatives, mais il faut surtout qu'on puisse l'imiter.

Elle aime mieux l'imitation que l'admiration, et sa vie a été si simple !

Quelque beau que soit un sermon sur la Sainte Vierge, si l'on est obligé tout le temps de faire : Ah !... Ah !... on en a assez. 
Que j'aime à lui chanter :

L'étroit chemin du Ciel tu l'as rendu visible (Elle disait : facile)
En pratiquant toujours les plus humbles vertus. » (Carnet Jaune 23.8.9).

 

Thérèse, qui cite deux vers de sa poésie, s'oppose à une prédication résolument "triomphaliste" qui parlait seulement de la grandeur et des privilèges de Marie et se fondait souvent sur les évangiles apocryphes, pleins d'épisodes merveilleux et extraordinaires. La carmélite répond à tels excès avec l'Évangile qui au contraire nous montre Marie toute simple, petite, proche de nous et imitable.

 

Thérèse retrouve ainsi le plus grand privilège oublié par les prédicateurs: le privilège de la pauvreté et de la petitesse qui caractérise toute la vie terrestre de Jésus et de Marie.

 

Ceci coïncide avec ce que saint François écrivait dans sa dernière volonté à sainte Claire : "Moi, frère François, petit, je veux suivre la vie et la pauvreté de notre haut Seigneur Jésus Christ et de sa mère très sainte". Pour sainte Claire  comme pour le petit pauvre, les mots "petitesse" et "pauvreté" expriment fondamentalement la même réalité : le cœur de l'Évangile, lieu de rencontre et de communion la plus intime avec Jésus et Marie.

 

Quand les prédicateurs rendaient Marie lointaine et inimitable en montrant seulement sa gloire sublime, Thérèse la découvre au contraire dans l'Évangile proche de nous en sa petitesse et pauvreté:

 

En méditant ta vie dans le saint Évangile

j'ose te regarder et m'approcher de toi

Me croire ton enfant ne m'est pas difficile

car je te vois mortelle et souffrant comme moi.

(P 54/2.)

 

Ne pas craindre d'aimer trop la Sainte Vierge

Thérèse de Lisieux relit tous les textes de l'Évangile où Marie est présente, en utilisant toujours comme clé de lecture l'acte d'amour: "je t'aime".

De cette manière, l'Esprit saint lui donne d'habiter l'Évangile, en la rendant immédiatement présente à tous les mystères révélé, de l'incarnation jusqu'à la croix. Ce sont précisément les mystères de la pauvreté où "la Sainte Vierge pauvre embrasse le Christ pauvre" en "l'aimant totalement" selon les expressions de sainte Claire[1].

 

Par le point de vue de l'amour, Thérèse retrouve le vrai sens de l'adage: "Numquam satis de Maria", c'est-à-dire "jamais assez pour Marie", "ce n'est jamais suffisant quand il s'agit de Marie".

 

Elle en donne une expression merveilleuse quand, pendant le noviciat, elle écrit à sa cousine Marie Guérin qui était scrupuleuse:

 

"Ne crains pas d'aimer trop la Sainte Vierge; tu ne l'aimeras jamais assez, et Jésus en sera très content, parce que la Sainte Vierge est sa mère" (Lettre 92).

 

C'est la même réponse que saint Louis Marie Grignion de Montfort donnait aux "fidèles scrupuleux" qui craignaient de déplaire à Jésus en aimant trop Marie: "on n'aime jamais assez Marie, parce que on aime toujours Jésus par elle en elle et avec elle." [2]

 

Ce n'est donc assez "jamais" dans le sens où il s'agit de l'amour, et non pas dans le sens  d'inventer de nouveaux privilèges.

 

[1] Ste Claire, Lettre à Agnès de Pragues

[2] Saint L-M de Montfort, Traité de la vraie dévotion § 10 e 94

 

P. Lethel

Extraits de P. Lethel, Teresa di Lisieux e la Vergine Maria.

http://www.carmes-liban.org/TerMaria.htm

 

 

 

Mt 2, 13 - Quand Ste Thérèse fuit…

« Après leur départ, voici que l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit: "Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa mère, et fuis en Egypte; et restes-y jusqu'à ce que je te dise. »

(Matthieu 2, 13)

 

« Ma Mère bien-aimée, je vous l'ai dit, mon dernier moyen de ne pas être vaincue dans les combats, c'est la désertion, ce moyen, je l'employais déjà pendant mon noviciat, il m'a toujours parfaitement réussi.

Je veux, ma Mère, vous en citer un exemple qui je crois vous fera sourire.

 

Pendant une de vos bronchites, je vins un matin tout doucement remettre chez vous les clefs de la grille de communion, car j'étais sacristine ; au fond je n'étais pas fâchée d'avoir cette occasion de vous voir, j'en étais même très contente mais je me gardais bien de le faire paraître; une sœur, animée d'un saint zèle et qui cependant m'aimait beaucoup, me voyant entrer chez vous, ma Mère, crut que j'allais vous réveiller, elle voulut me prendre les clefs, mais j'étais trop maligne pour les lui donner et céder mes droits. Je lui dis le plus poliment possible que je désirais autant qu'elle de ne point vous éveiller et que c'était à moi de rendre les clefs...

Je comprends maintenant qu'il aurait été bien plus parfait de céder à cette sœur, jeune il est vrai, mais enfin plus ancienne que moi. Je ne le comprenais pas alors, aussi voulant absolument entrer à sa suite malgré elle qui poussait la porte pour m'empêcher de passer, bientôt le malheur que nous redoutions arriva: le bruit que nous faisions vous fit ouvrir les yeux...

 

Alors, ma Mère, tout retomba sur moi, la pauvre sœur à laquelle j'avais résisté se mit à débiter tout un discours dont le fond était ceci: C'est sœur Thérèse de l'Enfant Jésus qui a fait du bruit... mon Dieu, qu'elle est désagréable... etc.

Moi qui sentais tout le contraire j'avais bien envie de me défendre, heureusement il me vint une idée lumineuse, je me dis que certainement si je commençais à me justifier, je n'allais pas pouvoir garder la paix de mon âme, je sentais aussi que je n'avais pas assez de vertu pour me laisser accuser sans rien dire, ma dernière planche de salut était donc la fuite.

Aussitôt pensé aussitôt fait, je partis sans tambour ni trompette, laissant la sœur continuer son discours qui ressemblait aux imprécations de Camille contre Rome.

Mon cœur battait si fort qu'il me fut impossible d'aller loin et je m'assis dans l'escalier pour jouir en paix des fruits de ma victoire.

Ce n'était pas là de la bravoure, n'est-ce pas, Mère chérie, mais je crois cependant qu'il vaut mieux ne pas s'exposer au combat lorsque la défaite est certaine ?

 

Sainte Thérèse de Lisieux, Ms C, 14 v°-15r°

 

 

La petite voie : une voie mariale

Résumé :

Saint Jean de la Croix et sainte Thérèse d'Avila ont parlé du mariage mystique, le mariage spirituel dans la septième demeure du château intérieur (Thérèse d'Avila), ou la vive flamme d'amour qui résonne dans un Cantique spirituel (Jean de la Croix).

Sainte Thérèse de Lisieux connaissait l'un et l'autre, ayant contemplé le mystère de l'incarnation où Dieu se livre et se fait petit, sainte Thérèse veut épouser en particulier la petitesse de Jésus, pour cela, elle se laisse guider par Marie.

Son mariage spirituel ouvre sur une maternité, une fécondité spirituelle : à la suite de la Vierge Marie, sainte Thérèse enfante les autres à la vie divine.

 

Avec la Vierge Marie, Thérèse de Lisieux peut épouser la petitesse de Jésus

Avec la Vierge Marie, Thérèse de Lisieux peut épouser la petitesse de Jésus réellement, comme François et Claire d'Assise avaient épousé sa pauvreté en communiant intimement aux mystères de son abaissement, de l'incarnation jusqu'à la croix. Avec Marie, tous ces saints ont communié au mystère bouleversant de la pauvreté et de la petitesse de Dieu.

 

Dans la lettre du 25 avril 1893, à travers le symbole de la fleur des champs, Thérèse montre que la petitesse est le lieu indispensable de l'union virginale entre l'épouse et l'époux. Pour être pour lui et pour lui seul, "il faut être petits, petits comme une goutte de rosée" (LT 141). C'est la virginité du cœur comme amour unique qui conduit Thérèse à épouser la petitesse de Jésus en se donnant totalement et exclusivement à lui comme la petite goutte de rosée, la seule qui puisse répondre à sa soif d'amour.

 

Pour Thérèse, comme pour François d'Assise, le mystère de la crèche reste toujours très présent; en lui se révèle l'union de la mère avec son fils dans la pauvreté, exemple de notre union avec lui dans l'Eucharistie où il est encore beaucoup plus petit qu'un enfant (PR 2,5r). Dans cette lumière, Thérèse écrivait à Céline :

"Il faut que cette année nous fassions beaucoup de prêtres qui sachent aimer Jésus!... qu'ils le touchent avec la même délicatesse avec laquelle Marie le touchait dans son berceau" (LT 101).

C'est exactement ce qu'elle demande à Marie pour un futur prêtre, le séminariste Maurice Bellière, son premier frère spirituel:

"Daigne lui enseigner déjà avec quel amour tu touchais le divin enfant Jésus et tu l'enveloppais de langes, parce qu'il puisse un jour monter au saint autel et tenir dans ses mains le Roi des cieux. Je te demande encore de le garder toujours à l'ombre de ton manteau virginal" (Pr 8).

 

Le pèlerinage de la foi vécu avec Marie

La relation intime entre Marie et son fils était vécue dans la foi. Le rapport entre Marie et Jésus est inséparablement le rapport entre la mère et son fils et le rapport entre la croyante et son Dieu. A une époque où les prédicateurs, en se fondant sur les apocryphes, remplissaient la vie de Marie de grâces extraordinaires, Thérèse au contraire montre, à partir de l'Évangile, la pauvreté spirituelle de Marie, en affirmant qu'elle "vivait de foi comme nous" (Carnet Jaune 21.8.3). Pour elle comme pour nous la foi était obscure et parfois douloureuse, mise à la preuve par Jésus lui-même.

 

Thérèse l'affirme à propos de l'épisode évangélique de Jésus perdu et retrouvé dans le temple:

 

Mère, ton doux Enfant veut que tu sois l'exemple

De l'âme qui Le cherche en la nuit de la foi.

Thérèse de Lisieux, Poésie 54/15

 

Tel est pour Thérèse le climat de la vie spirituelle de Marie à Nazareth:

 

Je sais qu'à Nazareth, Mère pleine de grâces

Tu vis très pauvrement, ne voulant rien de plus

Point de ravissements, de miracles, d'extases

N'embellissent ta vie, ô Reine des Elus!...

Thérèse de Lisieux, Poésie 54/18

 

La strophe est particulièrement importante, en ce qui concerne le caractère marial de la "petite voie" : Thérèse de Lisieux approfondit le mystère de la pauvreté de Marie comme une pauvreté spirituelle de la foi, dépouillée de toutes les grâces extraordinaires.

 

Effectivement la passion de Thérèse de Lisieux, qui commence à l'occasion des fêtes pascales de 1896, elle est caractérisée surtout par l'épreuve douloureuse de la foi. A cette occasion, Thérèse participe à la plus extrême pauvreté spirituelle de Marie en participant aussi à sa maternité universelle. La maternité spirituelle de Thérèse s'étend à tous les hommes: elle devient donc complètement missionnaire et "adopte" de manière spéciale les athées du monde moderne. Avec la plus grande confiance elle intercède pour eux et prie pour leur salut éternel.

L'amour maternel de Thérèse est vécu dans une foi douloureuse et dans une espérance sans limites, non seulement pour elle-même, mais pour les autres, pour tous. Comme le poète Charles Péguy, son contemporain, Thérèse puise en Marie toute la beauté de son espérance maternelle : l'espérance de la mère pour le salut de tous ses pauvres fils.

 

P. Lethel

Extraits de P. Lethel, Teresa di Lisieux e la Vergine Maria.

http://www.carmes-liban.org/TerMaria

 

 

 

 

Coopération à la rédemption (Ste Thérèse)

Catholiques et Réformés sont bien d'accord : Jésus a tout « payé » pour nous (Mt 10, 45 et 20, 28) et nous sommes sauvés par la foi. Jésus est Le Rédempteur.

Reconnaissons que ce qu'a vécu sainte Thérèse de Lisieux correspond aussi à l'Evangile, à d'autres passages de l'Evangile, complémentaires, comme par exemple : « Quiconque ne porte pas sa croix et ne vient pas derrière moi ne peut être mon disciple » (Lc 14, 27).

Sainte Thérèse de Lisieux médite sur sa propre vocation avec l'évangile de Mt 9, 38 : Jésus veut que nous ayons part avec lui au salut des autres.

« Autrefois Jésus disait à ses disciples en leur montrant les champs de blés mûrs : "Levez les yeux et voyez comme les campagnes sont déjà assez blanches pour être moissonnées", et un peu plus tard : "A la vérité la moisson est abondante mais le nombre des ouvriers est petit ; demandez donc au maître de la moisson qu'Il envoie des ouvriers."

Quel mystère !... Jésus n'est-Il pas tout-puissant ? Les créatures ne sont-elles pas à celui qui les a faites ? Pourquoi Jésus dit-Il donc "Demandez au maître de la moisson qu'Il envoie des ouvriers"? Pourquoi ?...

Ah ! c'est que Jésus a pour nous un amour si incompréhensible qu'Il veut que nous ayons part avec lui au salut des âmes.

Il ne veut rien faire sans nous. Le créateur de l'univers attend la prière d'une pauvre petite âme pour sauver les autres âmes rachetées comme elle au prix de tout son sang. »

(Lettre 135, à Céline, 15 août 1892)

 

Et pour mieux atteindre son but, Thérèse s'unit au saint Père et aux frères prêtres.

 

Thérèse lit l'évangile de Jean (Jn 12, 24) et voit la fécondité de la souffrance :

« Je vois que la souffrance seule peut enfanter les âmes et plus que jamais ces sublimes paroles de Jésus me dévoilent leur profondeur : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé étant tombé à terre ne vient à mourir, il demeure seul, mais s'il meurt il rapporte beaucoup de fruit. » Quelle abondante moisson n'avez-vous pas récoltée !... Vous avez semé dans les larmes, mais bientôt vous verrez le fruit de vos travaux, vous reviendrez remplie de joie portant dés gerbes en vos mains... » (Ms A, 81 r°)

 

Thérèse pense au Jésus à Gethsémani :

Sainte Thérèse de Lisieux contemple la sueur de sang (cf. Lc 22,44) et aux larmes (cf. Hb 5,7) de Jésus en Agonie. C'est déjà l'eau et le sang dont est née l'Eglise. Thérèse s'adresse alors à Jésus :

Rappelle-toi qu'au soir de l'agonie

avec ton sang se mêlèrent tes pleurs,

rosée d'amour, sa valeur infinie

a fait germer de virginales fleurs.

Un ange te montrant cette moisson choisie

fit renaître la joie sur ta Face bénie.

Jésus, que tu me vis

au milieu de tes lys,

rappelle-toi.

 

Rappelle-toi que ta Rosée féconde,

virginisant les corolles des fleurs,

les a rendues capables dès ce monde

de t'enfanter un grand nombre de coeurs.

Je suis vierge, ô Jésus ! Cependant, quel mystère,

en m'unissant à toi, des âmes je suis mère.

Des virginales fleurs

qui sauvent les pécheurs,

rappelle-toi.

(Poésie 24, § 21-22)

 

Au coeur de ces strophes jaillit la splendide affirmation:

 

Je suis vierge, ô Jésus, cependant quel mystère

en m'unissant à toi, des âmes je suis mère.

 

Thérèse, avec la compassion de Marie, considère Jésus comme son époux :

Dans une de ses dernières Lettres à sa sœur Céline, Thérèse exprime symboliquement cette plénitude de l'Amour Sponsal [= amour d'épouse] du Crucifié:

 

"Souvent, comme l'Epouse nous pouvons dire que 'Notre bien-Aimé est un bouquet de myrrhe', qu'il est pour nous un époux de sang" (LT 165).

 

Ces deux expressions viennent de l'Ecriture.

"Epoux de Sang" vient de Ex 4,25.

L'autre expression, le "bouquet de myrrhe" vient du Cantique des Cantiques[1] selon la traduction de la Vulgate, lorsque l'Epouse dit:

"Mon Bien-Aimé est pour moi un bouquet de myrrhe, il demeure entre mes seins"

(Ct 1,13)

 

Thérèse aimait tout particulièrement ce verset, accueilli dès le temps de son noviciat et reçu dans son contexte marial[2]. En effet, ce verset du Cantique était l'une des antiennes de l'office de la Compassion de Marie.

 

La carmélite concrétise cela dans une action symbolique, en gardant continuellement sur elle une toute petite image de la Sainte Face encadrée par les mots: "fais que je te ressemble Jésus" (Prière 11). Le "Bouquet de Myrrhe" est Jésus comme Fleur douloureuse reposant doucement sur le sein et sur le coeur de son Epouse.[3]

 

Avec Jésus à l'heure des ténèbres, Thérèse porte le poids du péché contre la foi :

Dans sa Lettre Apostolique Novo Millennio Ineunte, Jean-Paul II remarque précisément comment Thérèse "vit son agonie en communion avec celle de Jésus" (n° 27). Il cite à ce sujet une des paroles de la Carmélite dans les Derniers Entretiens:

"Notre Seigneur dans le Jardin des Oliviers jouissait de toutes les délices de la Trinité, et pourtant son agonie n'en était pas moins cruelle.

C'est un mystère, mais je vous assure que j'en comprends quelque chose par ce que j'éprouve moi-même"[4].

 

Jésus traverse l'heure des ténèbres.

Thérèse traverse l'heure, comme pour la Vierge Marie, de la "kénose de la foi"[5].

Thérèse porte douloureusement le poids du péché contre la foi en étant elle-même plongée dans les ténèbres de l'athéisme moderne (Cf. Manuscrit C 5r-7v,  "épreuve contre la foi" C, 31r). Il ne s'agit évidemment pas de l'écroulement ou de la perte de la foi, mais au contraire de la foi la plus éprouvée et la plus héroïque.

Devenue sœur des athées, elle intercède pour eux avec le plus grand amour et aussi la plus grande confiance concernant leur salut.

 

La mort de Thérèse :

Vierge, épouse du Christ, féconde par la prière et cette souffrance qui seule régénère les âmes, elle peut dire à Marie « avec toi j'ai souffert » (Poésie 54, 25).

Et ainsi s'explique sa prodigieuse fécondité spirituelle :

« Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre ! »

 


[1] cf. François Marie LETHEL, L'Amour de Jésus: La christologie de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, Paris 1999, p. 217-234.

[2] Elle le cite pour la première fois en Lettre 108

[3] Cf. également Lettre 144

[4] JEAN PAUL II, Redemptoris Mater n° 18

[5] JEAN PAUL II,Novo Millennio Ineunte, n° 27, citant le Carnet Jaune, à la date du 6 Juillet 1897.


 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 20/06/2016