Très sainte Trinité

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

Evangile mt 28Evangile Mt 28 (104.06 Ko)

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

 

Première lecture (Dt 4, 32-34.39-40)

Psaume (32 (33), 4-5, 6.9, 18-19, 20.22)

Deuxième lecture (Rm 8, 14-17) L’Esprit nous conduit.

Évangile (Mt 28, 16-20)

 Première lecture (Dt 4, 32-34.39-40)

Moïse disait au peuple : « Interroge donc les temps anciens qui t’ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre : d’un bout du monde à l’autre, est-il arrivé quelque chose d’aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil ? Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu du feu, et qui soit resté en vie ? Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d’une autre, à travers des épreuves, des signes, des prodiges et des combats, à main forte et à bras étendu, et par des exploits terrifiants – comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte ? Sache donc aujourd’hui, et médite cela en ton cœur : c’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre. Tu garderas les décrets et les commandements du Seigneur que je te donne aujourd’hui, afin d’avoir, toi et tes fils, bonheur et longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu, tous les jours. » – Parole du Seigneur.

A bien des égards, notre époque est plongée dans le malheur. On cherche à se protéger du pire, on calcule ses économies et ses issues de secours dans la crise. Et voici que le Deutéronome nous parle de Dieu créateur, et de l’attention qu’il porte aux hommes, il leur « parle » et il désire leur donner le « bonheur » v 40.

Les hébreux et la sortie d’Égypte, c’est loin… Dieu le créateur s’est choisi par amour une nation pour préparer la venue de Jésus, l’incarnation du Verbe de Dieu. Il n’y a qu’un seul Dieu, et il n’y en a pas d’autre. Moïse rappelle la sortie d’Égypte, qui symbolise la sortie du malheur ; et il termine en parlant des commandements du Seigneur que le chapitre suivant déclinera sous la forme du Décalogue : les commandements de Dieu, voilà ce qui nous sortira du malheur. La liturgie nous fait lire le chapitre 4 du Deutéronome, et le chapitre 5 donne le Décalogue, donc les principaux commandements, les fondements stables et incontournables. Sur ces bases, certaines applications sociales peuvent ensuite varier un peu, notamment, certains commandements relatifs aux esclaves ou au prêt d’argent connaîtront une certaine progression dans le livre du Lévitique, un perfectionnement dans le sens d’un plus grand amour [1].

Chers auditeurs, il n’y a pas un temps du Père (avec la Loi) qui serait dépassé par un temps du Fils, puis par celui de l’Esprit. Jésus, qui est venu pour sauver le monde entier, a dit :

« 17 Ne pensez pas que je sois venu abolir / la Loi [nāmūsā] ou les Prophètes :
je ne suis pas venu abolir [šrā], / mais
Il est d’abord licite d’acquérir un esclave hébreu (Ex 21,2 ; Dt 15,12) puis c’est interdit (Lv 25, 39-55). Le prêt à intérêt est interdit (Ex 22, 24), mais ensuite, dans le Lévitique, il faut, en outre, aider le débiteur (Lv 25, 35-36). La loi vaut d’abord pour les israélites (Dt 23,20-21), mais elle vaut ensuite aussi, dans le Lévitique, pour les émigrés et les résidents (Lv 25, 35-36) ?

18 Amen, en effet, / je vous le dis :
jusqu’à ce que le ciel et la terre / passent [
bar]

pas un seul yod ou pas un seul trait / ne passera [
bar] de la Loi

jusqu’à ce que tout soit.

19 Donc, quiconque expliquera [šrā] l’un de ces petits commandements / et enseignera de cette façon aux hommes

sera appelé le moindre / dans le Royaume des Cieux ;

mais qui le mettra en pratique / et l’enseignera

sera appelé le grand / dans le Royaume des Cieux.

20 Je vous le dis en effet :

Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, / vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. »
(Mt 5, 17-20, de l’araméen / syriaque)

Jésus n’est pas venu « abolir la Loi » (Mt 5, 17) avec le terme nāmūsā qui désigne la loi écrite, à bien distinguer de la loi orale avec laquelle les pharisiens l’ont complétée. Le verbe šrā, traduit ici par « abolir », a un point de départ concret : défaire un nœud, délier les bagages quand on s’arrête à l’étape. Délier une maison dont les unités constructives sont liées les unes aux autres, c’est la démolir ; et pour une loi, cela veut dire qu’on l’abroge, on la rend inefficace, on la vide de signification. À l’opposé, les Prophètes et la Loi doivent être vus comme un vase qui n’est que partiellement rempli et que Jésus vient « remplir [verbe mlā] » : Jésus vient pour accomplir la Loi et les prophètes en plénitude et leur donner le sens ultime, eschatologique, c’est-à-dire à la perfection.

En Mt 5, 18, Jésus n’évoque pas la disparition du monde, mais son ultime passage [racine ᶜbar]. Et la Loi ne doit pas être transgressée [racine ᶜbar] jusqu’à ce que tout soit [nehwe] nous avons simplement le verbe être, en écho avec le livre de la Genèse 1, 3 « que la lumière soit ». Cet écho n’est pas suggéré par nos traductions françaises « que tout ne soit réalisé » (BJ), mais en grec (genetai) et en latin (fiat), le verbe est identique pour Genèse 1, 3 et Matthieu 5, 18. Le yod est la plus petite lettre de l’alphabet hébraïque et araméen. Le serṭā, c’est un petit trait qui indique comment prononcer une lettre. Il n’y aura rien de supprimé. (Les commandements concernant l’occultisme, la sexualité, le vol, aucun ne sera supprimé).

Jésus vient de dire que pas un trait de la Loi ne passera, nous retrouvons en Mt 5, 19 le verbe šra du 17 mais il serait absurde de le traduire à nouveau par « abolir » : celui qui « abolirait un de ces petits commandements » ne pourrait pas être appelé « le moindre dans le Royaume des Cieux » : il ne serait rien du tout ! Nous avons ici un sens plus rare de ce verbe, qu’un dictionnaire plus détaillé [2] précise pour les cas où ce verbe est associé à l’Alliance biblique ou à l’image d’ouvrir les sceaux d’un livre (ce qui est le cas ici si l’on considère que Jésus est assis sur la montagne dans la position de Moïse au moment de l’Alliance, ou bien Jésus est dans la position qui ouvre le rouleau de la Torah). Dans ce cas, šrā signifie ouvrir l’accès au sens, expliquer, interpréter (par exemple en Dn 5, 12), et c’est ce qui convient au verset 19, dont la structure d’oralité est remarquable. Le balancement des petgames souligne en effet, à gauche, une opposition entre celui qui explique et celui qui fait (neᶜbeḏ ») ; pourtant, tous les deux enseignent et tous les deux seront dans « le royaume des cieux » (à droite) ; cependant, il y a un contraste (à gauche) entre l’enseignant qui explique, c’est le moindre, et l’enseignant qui montre l’exemple, c’est le grand. L’idée est que celui qui explique les commandements est en-dessous de la moyenne, mais celui qui montre l’exemple est au-dessus de la moyenne, il est vraiment un guide, un bon éducateur, un pasteur.

L’évangile de ce dimanche donne la finale de l’évangile selon saint Matthieu. Quand Jésus envoie les disciples en mission dans le monde entier, quand il les envoie baptiser au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit, il leur dit : « apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé ». Et dans l’évangile de Matthieu, il s’agit principalement du sermon sur la montagne (Mt 5–7) qui perfectionne le Décalogue du Deutéronome. Déjà les scribes et les pharisiens enseignent la loi en l’expliquant, mais les disciples de Jésus, eux, doivent montrer l’exemple ! (Mt 5, 20)

Psaume (32 (33), 4-5, 6.9, 18-19, 20.22)

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ; il est fidèle en tout ce qu’il fait. Il aime le bon droit et la justice ; la terre est remplie de son amour. Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche. Il parla, et ce qu’il dit exista ; il commanda, et ce qu’il dit survint. Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour, pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de famine. Nous attendons notre vie du Seigneur : il est pour nous un appui, un bouclier. Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi !

« Elle est droite la parole du Seigneur », et donc nous aussi nous devons nous comporter droitement. Les prophètes de la Bible parlaient droitement, soit pour annoncer le Messie, soit pour annoncer un malheur, ils parlaient droitement. Mentir à quelqu’un et le maintenir en dehors des discussions qui le concerne, cela n’est pas une parole droite. La parole du Seigneur est droite.

« Le Seigneur est fidèle en tout ce qu’il fait ». Et pourtant, Jérémie, incompris par ses contemporains et témoin du pays « livré aux mains de l’ennemi » (Jr 12, 7) et « dépeuplé » (Jr 15, 7), s’écria « Pourquoi ma souffrance est-elle continue, ma blessure incurable, rebelle aux soins ? Vraiment tu es pour moi comme un ruisseau trompeur aux eaux décevantes ! » (Jr 15, 18) Jérémie ose dire à Dieu : tu m’as trompé ! tu as été infidèle ! Quelle injure ! Mais il vaut mieux crier sa plainte que de rompre l’Alliance en perdant la foi… « Alors le Seigneur répondit : Si tu reviens, et que je te fais revenir, tu te tiendras devant moi. Si de ce qui est vil tu tires ce qui est noble, tu seras comme ma bouche. Eux reviendront vers toi, mais toi, tu n'as pas à revenir vers eux! » (Jr 15, 19). Ce que fait le Seigneur, c’est une œuvre de long terme. Il faut parfois dix ans pour voir les fruits d’une prière. IlL faut parfois 20 ans pour voir les fruits d’un travail. Il a fallu de nombreuses générations pour que le peuple hébreu soit préparé à recevoir le Verbe de Dieu, conçu du Saint Esprit dans le sein de la Vierge Marie. « Le Seigneur est fidèle en tout ce qu’il fait ».

« Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche ».

Ce verset du psaume est parallèle au premier récit de la création, où il est écrit : « un vent de Dieu tournoyait sur les eaux », ou couvait les potentialités contenues dans le secret des eaux (Gn 1, 2).

« Il parla, et ce qu’il dit exista ; il commanda, et ce qu’il dit survint. » Ce verset du psaume est parallèle au premier récit de la création, où il est écrit :

« 3 Dieu dit : "Que la lumière soit" et la lumière fut.

6 Dieu dit : "Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux" et il en fut ainsi.

9 Dieu dit : "Que les eaux qui sont sous le ciel s'amassent en une seule masse et qu'apparaisse le continent" et il en fut ainsi. » (Gn 1, 3.6.9) Etc. Jusqu’à la création des plantes, des animaux et de l’être humain.

« Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour, pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur : il est pour nous un appui, un bouclier.

Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi ! ».

Le psaume se fait l'écho de ces "gémissements ineffables" dont parlera saint Paul (cf. Rm 8, 26), à travers lesquels l'Esprit du Seigneur pousse les croyants à s'unir à l'invocation caractéristique de Jésus : "Abba ! Père !" (Rm 8, 15 deuxième lecture).

Le Magnificat fait écho au psaume :
 46 Et Marie dit :

Mon âme exalte le S
EIGNEUR, / 47 et se réjouit mon esprit en Dieu, celui qui me vivifie,

48 car il a porté son regard / sur l’humilité de sa servante.
voici en effet, désormais, / toutes les générations me diront bienheureuse

49 car il a fait pour moi de hauts faits, lui qui est Puissant / et son nom est Saint.
50 Et sa tendresse s’étend d’âge en âge / sur ceux qui le craignent.

51 Il a réalisé la victoire par son bras ; / et dispersé ceux qui s’enflent des pensées de leur cœur.
52
Il a renversé les potentats des trônes / et il a élevé les humbles.

53
Les affamés, / il les a rassasiés de bonnes choses [ṭāḇāṯā]

Et les riches / il les a renvoyés à vide.

54 Il a secouru Israël, son serviteur, / et il s’est souvenu de sa tendresse
55
comme il l’avait dit à nos pères, / avec Abraham et sa postérité pour toujours » (Lc 1, 46-55).

Dieu, celui qui me vivifie, en araméen, nous avons ici « maḥyān » : en araméen nous avons le verbe vivre à l’afa‘el « faire vivre, vivifier », ici au participe : celui qui me vivifie. Alors que le latin « salutari » le grec « σωτηρι » et le français « sauveur » n’ont pas le même accent. Le Magnificat fait ainsi écho à ce psaume : « Nous attendons notre vie du Seigneur ».

Marie loue le SEIGNEUR [en araméen « māryā », considéré comme l’équivalent du tétragramme], Dieu (le Père). Elle le loue d’abord pour elle-même, puis son regard embrasse le monde. Cet ordre manifeste une loi fondamentale : en comblant une personne d’une manière singulière et unique, Dieu dévoile sa tendresse et son salut destinés à tous. Souvenons-nous de la première lecture, le Deutéronome : Dieu s’est choisi une nation pour dévoiler son désir d’un bonheur destiné à tous.

Les versets 51, 52, 53 fonctionnent par opposition, mais il ne suffit pas d’être pauvre pour être l’objet de la prédilection divine. Les affamés, les humbles et ceux qui craignent le Seigneur vont ensemble. Les orgueilleux, les potentats et les riches vont ensemble : les riches qui sont renversés sont ceux qui usurpent la force du Tout-Puissant, ils sont superbes et vides. Le Seigneur élève les humbles, littéralement ceux qui sont abaissés (makkīḵe), et qui sont aussi ceux qui le craignent, c’est-à-dire qui ont le désir de correspondre à sa bonté ; ils sont aussi ses serviteurs, comme le sont Israël et Marie.

Le Magnificat, une prière extrêmement puissante, pourrait aussi être dit « le Credo de Marie ». Marie croit que Dieu réalise ses promesses et exauce ses serviteurs, mais cet exaucement, miséricorde ou tendresse [ḥnānā] se réalise à travers un jugement. Ce jugement commence dans le cœur de chacun au sens où il y a, en chacun, un superbe et un riche qui résiste à la bonté de Dieu. Ce jugement aura aussi une dimension eschatologique, quand les prises de position seront fixées dans le bien ou dans le mal, ce sera alors un jugement entre les gens, au moment de la Venue glorieuse du Christ mais ce n’est pas à nous de le devancer.

Deuxième lecture (Rm 8, 14-17) L’Esprit nous conduit.

Frères, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions ‘Abba !’, c’est-à-dire : Père ! C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire. – Parole du Seigneur.

L’Esprit de Dieu nous conduit, il y a donc une marche, une progression. Comment reconnaître que nous sommes conduits par l’Esprit de Dieu ?

Personne ne nie le lien entre l’esprit et la matière, mais on ne peut pas dire que l’esprit « émerge » du monde matériel. Saint Jean-Paul II dit : « Les théories de l’évolution qui, en fonction des philosophies qui les inspirent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière, sont incompatibles avec la vérité de l’homme. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la dignité de la personne » [3]. Le travail récent de Frederik BECK et John ECCLES, Mario BEAUREGARD, Benjamin LIBET montre que le cerveau fonctionne comme un poste radio et non pas comme un ordinateur. Si, comme un poste radio, il est abîmé, il ne fonctionne pas. Mais, même si le cerveau peut produire certains automatismes, il est contrôlé par une autre instance. Benjamin LIBET a mesuré qu’il « se passe bien quelque chose de fondamental 0,2 seconde avant l’acte. C’est le moment où le « je », le « moi », a le choix de laisser courir ou de stopper des processus qui ont commencé sans lui. […] Donc le libre arbitre n’est pas une illusion. » [4] On ne peut donc pas dire que l’esprit « émerge » du monde matériel.

Je voudrais attirer votre attention sur ce que Teilhard de Chardin écrivait à Léontine Zanta : « Il m’est venu l’idée qu’on pourrait écrire un exposé intitulé : le troisième esprit – je veux dire l’Esprit de Divinisation du Monde, opposé à ce qu’on appelle l’esprit de Dieu et l’esprit du Monde par une alternative trop simpliste » [5]. Mais posons-nous la question : qui peut diviniser sinon celui qui est divin ? Quel est donc l’esprit qui puisse diviniser sinon l’Esprit de Dieu ? Quel est cet autre esprit que Teilhard de Chardin introduit et qui n’est pas « de Dieu » ?

Revenons à saint Paul. « Frères, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » (Rm 8, 14-16).

L’Esprit, selon saint Paul, est l’Esprit qui conduit à Abba, le Père. Le Père est donc le terme de la vie spirituelle et le règne de la volonté très sainte du Père constituera l’aboutissement de l’Histoire. Mais l’Esprit, selon les spiritualismes récents, constitue lui-même le terme de la vie spirituelle, de sorte que l’aboutissement du temps ne serait plus le dessein du Père mais le règne des gens se considérant eux-mêmes comme détenteurs de l’Esprit, en relativisant bien sûr toute loi, noyée dans le subjectivisme.

L’Esprit du Christ conduit à Abba, le Père, alors que toutes sortes de spiritualisme conduisent à l’emprise de gourous. Et l’intelligence artificielle peut être programmée pour donner des réponses typiques d’une emprise spirituelle.

L’Esprit de Dieu est un jaillissement toujours nouveau, comme une source toujours fraîche, et il ne peut pas être reproduit par des algorithmes.

Continuons la lecture de saint Paul : « Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire » (Rm 8, 17).

L’Esprit du Christ étant Saint, il est en butte en contradiction avec ce qui n’est pas saint. La capacité de souffrir cette contradiction, avec le Christ, constitue une clé de vérification si nous sommes conduits par l’Esprit de Dieu, l’Esprit Saint, l’Esprit de Sainteté. Quelqu’un qui n’aurait jamais de contradiction a de fortes chances d’être un démagogue et d’avoir démissionné de la dimension prophétique de son baptême. Tous les prophètes ont été persécutés. Tous les apôtres sont morts martyrs, sauf Jean qui a tout de même été exilé à Patmos à cause de la Parole de Dieu (Ap 1, 9). Il est donc normal de souffrir avec le Christ.

Les spiritualismes promettent le bien-être, l’épanouissement personnel, le zéro souci, le zéro stress, etc. Alors que Jésus a voulu souffrir et mourir sur la croix, on niera subtilement sa mort en croix, on ôtera les crucifix ou on les masquera, au nom d’un nouvel esprit qui serait adapté à notre époque. Mais justement, l’Esprit du Christ nous conduit sur une route dont le but n’est pas l’extinction de la souffrance, mais la transfiguration de la souffrance par la force de l’amour, la force du pardon, la richesse de la prière, la gloire. Cette gloire est celle du Père dont nous sommes alors « héritiers avec le Christ ». Être héritier du Père signifie que les vertus du Père sont à nous : sa puissance divine. Les saints, par l’Esprit Saint, faisaient des miracles. Tous ne faisaient pas des guérisons, mais tous faisaient toutes sortes d’œuvres étonnantes, qui continuent de plus belle après leur mort. L’Apocalypse dit que les vainqueurs règneront avec le Christ (Ap 20, 6 ; 22, 5). Cela aussi, c’est être héritier du Père.

Dans sa salutation à l’ouverture du livre de l’Apocalypse, Jean décrit le Père comme « Celui qui existe et qui existait et Celui qui vient » (Ap 1, 4), l’Esprit Saint est décliné avec « sept esprits » comme dans le texte d’Isaïe 11, 2-3 relatif à l’onction du Messie, et Jésus est décrit comme étant « premier-né des morts », donc le Ressuscité devant emporter les hommes dans sa résurrection, et il est aussi le « Chef des rois de la terre » (Ap 1, 5), une formule trinitaire, donc. Ensuite, l’Apocalypse dit que le dessein du Créateur (la Trinité) se réalisera. C’est donc l’amour divin trinitaire qui conduit l’Histoire. L’ange montre finalement à Jean, sur la terre nouvelle, « le fleuve d’eaux vives [image de l’Esprit Saint (Jn 7, 38-39)] aussi pur que lumineux, comme la glace ; et il sortait du Trône de Dieu [le Père] et de l’Agneau [le Fils] » (Ap 22, 1).

Le sens de l’histoire n’est pas : le Père, puis le Fils, puis l’Esprit. Le sens de l’histoire est tout entier porté par la très sainte et indivisible Trinité.

Évangile (Mt 28, 16-20)

16 Or les onze disciples allèrent vers la Galilée, / à la montagne que Jésus leur avait indiquée.
17
Et, quand ils le virent, / ils se prosternèrent devant lui ;

or certains parmi eux, / avaient eu [6]
 des doutes ;

18 Jésus s’approcha d’eux / et parla avec eux [7] :
‘Tout pouvoir m’a été donné / au ciel et sur la terre.

Et comme le Père m’a envoyé, / moi aussi je vous envoie :

19 Allez / par conséquent !
Faites des disciples de toutes les nations / et baptisez-les,

au nom du Père, / et du Fils, / et du Saint-Esprit [8].
20
Et apprenez-leur à observer / tout ce que je vous ai commandé.

Et voici que moi, / je suis avec vous
tous les jours / jusqu’à l’accomplissement du monde.

Acclamons la parole de Dieu.

Le verbe étant au plus que parfait, les disciples « avaient eu des doutes » bien avant cette apparition du Christ ; la ponctuation du texte araméen ne permet pas d’assurer la fin de la phrase après « avaient eu des doutes » ; « Jésus s’approcha et parla avec eux », il y a la préposition « avec » qui suggère que Jésus parla avec les uns et les autres, différemment selon les difficultés que chacun avait eues dans la foi.

Les doutes concernaient la messianité de Jésus, est-il le roi attendu ? Sa mort en croix l’a montré si pauvre, dépouillé, humilié et frappé à mort devant tout un peuple. Jésus rassure les disciples : tout pouvoir lui a été donné au ciel, dans le monde des anges, car par sa Passion justement, Jésus a totalement vaincu Satan et les tentations sataniques. Par conséquent, les disciples seront vainqueurs, au nom de Jésus, dans chacun des combats spirituels contre Satan qui jalonneront leur mission – par exemple saint Paul dira au roi Agrippa qu’il est envoyé vers les nations « pour leur ouvrir les yeux, afin qu'elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l'empire de Satan à Dieu » (Ac 26, 18).

Et tout pouvoir a été donné à Jésus sur la terre, cela peut sembler étonnant, car certains disciples seront persécutés et apparemment vaincus, mais Jésus est le souverain maître de l’histoire, et tout pouvoir lui a réellement été donné sur la terre : il reviendra dans la gloire, et parce qu’il est l’innocent parfait qui n’a versé le sang de personne, mais qui a versé son propre sang, il pourra juger le monde, car c’est lui le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel (et non pas dans un retour matériel et limité), celui que Daniel avait prophétisé (Dn 7).

« Et comme le Père m’a envoyé, / moi aussi je vous envoie :
Allez / par conséquent ! » (Mt 28, 18-19)

Chacun reçoit du Fils sa vocation, sa mission, son apostolat, et nous sommes appelés à vivre cet appel dans un esprit filial, sans se l’approprier, mais les yeux du cœur tournés vers le Père, en s’appuyant sur le Christ qui a reçu tout pouvoir.

Sans se comparer aux autres, mais en se sachant chacun personnellement aimé, choisi et envoyé dans le monde.

« Faites des disciples de toutes les nations / et baptisez-les,
au nom du Père, / et du Fils, / et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19)

Le baptême est au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit. Pourtant, dans les Actes des apôtres, on trouve la mention d’un baptême au nom du Fils. La formule trinitaire que nous trouvons ici, en clôture de l’évangile de saint Matthieu, fait écho à la dimension trinitaire qui ouvrait ce même évangile, quand l’ange annonça en songe à Joseph que l’enfant est engendré en Marie « du fait de l’Esprit Saint ». Ensuite dans notre version liturgique française, traduite du grec, nous entendons « il sauvera le peuple de ses péchés », la version liturgique syriaque ou chaldéenne dit : « Il vivifiera son peuple loin de ses péchés » (Mt 1, 21). Seul le Créateur peut vivifier. Jésus communiquera la vie qui vient de Dieu, et s’il pourra le faire, c’est parce qu’il est Dieu. De plus, l’expression "son peuple" se rapporte uniquement à Dieu qui avait choisi Israël comme son peuple ; maintenant, par l’œuvre du Christ, il s’est acquis un nouveau peuple, incluant des gens issus du paganisme. Ce peuple appartient en même temps au Père et au Fils. Enfin, sauver ou vivifier loin de « ses péchés » est une prérogative divine, c’est pourquoi Jésus suscite le scandale en remettant les péchés (Mt 9, 3). Ainsi, le commencement et la fin de l’évangile de Matthieu sont une révélation trinitaire, une confession de foi trinitaire.

 Le Baptême. « Le Baptême ne purifie pas seulement de tous les péchés, il fait aussi du néophyte "une création nouvelle" (2Co 5,17), un fils adoptif de Dieu (cf. Ga 4,5-7) qui est devenu "participant de la nature divine" (2P 1,4), membre du Christ (cf. 1Co 6,15 12,27) et cohéritier avec Lui (Rm 8,17), temple de l'Esprit Saint (cf. 1Co 6,19) ». (CEC 1265)

« La Très Sainte Trinité donne au baptisé la grâce sanctifiante, la grâce de la justification qui:

- le rend capable de croire en Dieu, d'espérer en Lui et de L'aimer par les vertus théologales ;

- lui donne de pouvoir vivre et agir sous la motion de l'Esprit Saint par les dons du Saint-Esprit ;

- lui permet de croître dans le bien par les vertus morales.

 Ainsi, tout l'organisme de la vie surnaturelle du chrétien a sa racine dans le saint Baptême. » (CEC 1266)

Le sens de l’histoire n’est pas : le Père, puis le Fils, puis l’Esprit. Le sens de l’histoire est tout entier porté par la très sainte et indivisible Trinité. L’ange montre finalement à l’auteur de l’Apocalypse, sur la terre nouvelle, « le fleuve d’eaux vives [image de l’Esprit Saint (Jn 7, 38-39)] aussi pur que lumineux, comme la glace ; et il sortait du Trône de Dieu [le Père] et de l’Agneau [le Fils] » (Ap 22, 1).

Nous ne devons pas accepter une vision où l’aboutissement du temps ne serait plus le dessein du Père, mais le règne des gens se considérant eux-mêmes comme détenteurs de l’Esprit, en relativisant toute loi, noyée dans le subjectivisme. Bien au contraire, il nous faut garder et observer les commandements de Jésus, comme les fils de la femme de l’Apocalypse (Ap 12, 17). « Et apprenez-leur, dit Jésus, à observer / tout ce que je vous ai commandé » (Mt 28, 20).

« Et voici que moi, / je suis avec vous
tous les jours / jusqu’à l’accomplissement [šūlāmēh] du monde » (Mt 28, 20)

Le mot šūlāmā signifie la plénitude, l’accomplissement, donc aussi la fin, mais c’est d’abord une plénitude. Ce monde tel que nous le connaissons aura une fin, mais il faut d’abord que la volonté de Dieu se réalise sur la terre comme au ciel, ce qui sera sur la terre une plénitude [šūlāmā] merveilleuse, et Jésus a reçu tout pouvoir pour obtenir que cela se réalise.

 

[1] Il est d’abord licite d’acquérir un esclave hébreu (Ex 21,2 ; Dt 15,12) puis c’est interdit (Lv 25, 39-55). Le prêt à intérêt est interdit (Ex 22, 24), mais ensuite, dans le Lévitique, il faut, en outre, aider le débiteur (Lv 25, 35-36). Ce décret relatif au prêt vaut d’abord pour les israélites (Dt 23,20-21), mais il vaut ensuite aussi, dans le Lévitique, pour les émigrés et les résidents (Lv 25, 35-36).

[2] J. Payne Smith's (Mrs. Margoliouth), A Compendious Syriac Dictionary, p. 595

[3] St Jean-Paul II, Message à l’Académie pontificale des sciences, 22 octobre 1996.

[4] Jean STAUNE, L’existence a-t-elle un sens ? Presses de la renaissance, Paris 2007, p. 405

[5] Pierre Teilhard de Chardin, Lettres à Léontine Zanta, Paris, DDB, 1965, p.99.

[6] C’est un plus que parfait : ils avaient eu des doutes avant cette apparition de Jésus.

[7] Nous avons la conjonction « avec », ce qui peut suggéré qu’il parle personnellement aux uns et aux autres.

[8] Ici le rythme est bien sûr ternaire.

 

Françoise Breynaert