7° dimanche pascal

Logo radio esperance

Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

7e dimanche du temps pascal evangile jn 17 11 197e dimanche du temps pascal evangile Jn 17, 11-19 (112.3 Ko)

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

 

Première lecture (Ac 1, 15-17.20a.20c-26)

Psaume (102 (103), 1-2, 11-12, 19-20ab)

Deuxième lecture (1 Jn 4, 11-16)

Évangile (Jn 17, 11b-19)

Première lecture (Ac 1, 15-17.20a.20c-26)

En ces jours-là, Pierre se leva au milieu des frères qui étaient réunis au nombre d’environ cent vingt personnes, et il déclara: « Frères, il fallait que l’Écriture s’accomplisse. En effet, par la bouche de David, l’Esprit Saint avait d’avance parlé de Judas, qui en est venu à servir de guide aux gens qui ont arrêté Jésus : ce Judas était l’un de nous et avait reçu sa part de notre ministère. Il est écrit au livre des Psaumes : Qu’un autre prenne sa charge. Or, il y a des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis le commencement, lors du baptême donné par Jean, jusqu’au jour où il fut enlevé d’auprès de nous. Il faut donc que l’un d’entre eux devienne, avec nous, témoin de sa résurrection. » On en présenta deux : Joseph appelé Barsabbas, puis surnommé Justus, et Matthias. Ensuite, on fit cette prière : ‘Toi, Seigneur, qui connais tous les cœurs, désigne lequel des deux tu as choisi pour qu’il prenne, dans le ministère apostolique, la place que Judas a désertée en allant à la place qui est désormais la sienne’. On tira au sort entre eux, et le sort tomba sur Matthias, qui fut donc associé par suffrage aux onze Apôtres. – Parole du Seigneur.

L’Église a été fondée sur les apôtres, au nombre de douze, car après la trahison de Judas, Matthias prend la place qu’il a déserté et il est associé aux onze apôtres. Quand dans le Credo nous disons que l’Église est apostolique, nous signifions que que ce qu’ont dit et fait les Apôtres doit être et rester la source d’inspiration. Non seulement ce qu’ils ont dit, mais aussi ce qu’ils ont fait.

Le dépôt de la foi est confié à douze personnes, et non pas à une seule : c’est une stratégie divine de protection du dépôt de la foi. Il est plus facile pour Satan de faire tomber une personne que d’en faire tomber douze. De nos jours aussi, nous devons considérer comme une prudence inspirée par l’Esprit Saint la pluralité des missions de l’Église, la richesse de l’Église, la variété de ce qui est vécu dans les divers mouvements, communautés, paroisses, ou évêchés, c’est un moyen de préservation de la richesse du dépôt de la foi.

Le livre des Actes des apôtres nous présente ce que signifie faire partie du groupe des douze : avoir été témoin, « durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis le commencement, lors du baptême donné par Jean, jusqu’au jour où il fut enlevé d’auprès de nous », et devenir « avec nous, témoin de sa résurrection ».

Donc, pour remplacer Judas, le choix du candidat ne se fait pas d’abord sur les qualités organisationnelles, pédagogiques, théologiques, littéraires, psychologiques, le premier critère est : le candidat a-t-il connu Jésus, depuis le baptême donné par Jean, jusqu’à sa crucifixion et sa résurrection. La compréhension de la personne de Jésus pourra toujours être approfondie, ce qui importe au fondement, c’est de savoir transmettre ce que Jésus a été, historiquement. Et comme il s’agit d’abord d’une transmission orale, d’être capable de transmettre l’intonation de sa voix, la sérénité de son visage, la bienveillance de son regard, etc.

Notre foi repose sur le témoignage des apôtres, il ne s’agit pas pour les douze de réfléchir ensemble à leur façon de procéder pour construire l’Église, il s’agit pour les douze de témoigner, au prix de leur vie, de ce qu’ils ont vu et entendu du Verbe de vie. Il ne s’agit pas pour les douze de créer une théologie ou d’inventer des symboles rituels, il s’agit de transmettre ce qu’ils ont reçu par le contact vivant avec Jésus.

Un peu plus loin dans le livre des Actes des apôtres, nous apprenons que tous accouraient vers Pierre et Jean sous la colonnade de Salomon (Ac 3, 11). Ils ont une « aura » qui leur vient d’avoir été imbibés par la proximité de Jésus partageant leur quotidien, et la proximité plus profonde encore, de Jésus ressuscité.

Certes, Pierre et Jean ont témoigné dès la Pentecôte, mais là, sous la colonnade de Salomon, on peut penser qu’à partir de Rosh Hashana selon les us et coutumes liés aux contraintes des travaux agricoles, ils donnent un enseignement beaucoup plus structuré et de grande qualité, en tant que rabbins.

J’explique, dans l’introduction de mon livre « F. Breynaert, L’enseignement primitif de Pierre et Jean (Parole et Silence 2024), que le plan général de la prédication primitive de Pierre et Jean est suggéré dans le discours de la Pentecôte par saint Pierre (Actes 2, 22-24) : Dieu a accrédité Jésus ou l’a « oint », Jésus a fait des miracles et « des prodiges et des signes », il a été crucifié, il est ressuscité.

Cela fait un enseignement en cinq parties, et l’on remarque que la première partie commence avec l’onction de Jésus, celle qu’il a reçue lors du baptême au Jourdain par la main de Jean-Baptiste, quand l’Esprit Saint est descendu comme une colombe. Jésus a déjà été conçu par l’Esprit Saint, cette nouvelle manifestation de l’Esprit Saint signifie l’inauguration de sa mission, à la fois royale et grand-sacerdotale.

Ensuite, les miracles de Jésus (guérisons et résurrections), troisièmement « les prodiges et les signes » (de la multiplication des pains à l’Eucharistie), quatrièmement, il a été crucifié, cinquièmement, il est ressuscité.

Nous retrouvons donc ici la précision du passage des Actes que nous venons de lire : Matthias a pu être choisi parce qu’il avait connu Jésus « Depuis le commencement, lors du baptême donné par Jean, jusqu’au jour où il fut enlevé d’auprès de nous ».

Par ailleurs, Pierre et Jean s’attendent à devoir témoigner devant le tribunal du Sanhédrin (cf. Actes 4, 7). Dans cette civilisation qui s’étend du Nil à l’Indus, un témoignage au tribunal (règles de la « Tashita ») ne peut être fait que par oral, par au moins deux témoins directs ; on exige l’ordre chronologique, la cohérence des témoins, la complémentarité des témoignages.

La première annonce de Pierre est reprise ensuite dans l’évangile de Marc et celle de Jean dans l’évangile de Jean. C’est là que nous pouvons rechercher les traces de plusieurs jeux d’alternance à deux voix.

Cette exégèse, (donnée dans « L’enseignement primitif de Pierre et Jean ») permet de fonder notre foi sur celle des apôtres eux-mêmes. C’est ce que nous signifions en parlant de l’Église comme étant « apostolique ». Les Douze étant hébreux, nourris de la préparation par les prophètes, et dans la langue araméenne. Le chiffre douze se référant bien sûr aux douze tribus d’Israël. Les douze se sont ensuite répartis le long des routes commerciales traditionnellement tenues par les douze tribus. De la sorte, ils ont trouvé une population apparentée et capable de traduire dans les langues locales le message de l’évangile ; le socle hébréo-araméen assurant l’unité de l’Église. Alors, chers auditeurs, croyons en l’Église « apostolique ».

Psaume (102 (103), 1-2, 11-12, 19-20ab)

Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits ! Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; aussi loin qu’est l’Orient de l’Occident, il met loin de nous nos péchés. Le Seigneur a son trône dans les cieux : sa royauté s’étend sur l’univers. Messagers du Seigneur, bénissez-le, invincibles porteurs de ses ordres !

Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être !

Marie l’a fait dans son Magnificat… Les animaux n’oublient pas le bien qu’on leur a fait, mais les chrétiens oublient le bien que le Seigneur nous a fait. Prenons note des bienfaits de Dieu. Écrivons-les, parlons-en, racontons-les… Chaque secours de sa grâce, chaque rencontre providentielle, chaque douceur reçue dans la prière, (cela on ne peut pas toujours en parler…) chaque lumière reçue dans l’Écriture sainte… Nous péchons parce que nous oublions Dieu, nous oublions ses bienfaits, alors nous devenons amers et nous péchons. « Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits ! »

« Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; Aussi loin qu’est l’Orient de l’Occident, il met loin de nous nos péchés. » (Ps 103, 12) Ce verset du psaume s’accomplit dans le sacrement de la réconciliation, qui a été institué par Jésus le soir de la Résurrection.
Jésus souffle en eux et dit à ses apôtres : « Recevez / l’Esprit Saint !
Si vous remettez les péchés à quelqu’un, / ils lui seront remis.
Si vous retenez [ceux] de quelqu’un, / ils sont retenus » (Jn 20, 22-23).

Il s’agit d’une transformation des apôtres, une transformation opérée par l’Esprit Saint, en effet, avant de les envoyer pardonner les péchés comme Grands-Prêtres, Jésus souffla en eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20, 22) – « rūḥā dqūḏšā » que l’on peut traduire : l’Esprit de Sainteté, l’Esprit du lieu saint (où l’on reçoit le pardon des péchés).

L’Esprit Saint transforme la personne des apôtres et leur confère de pouvoir recevoir les confessions sans être atteints par leur négativité, mais en apportant la parole qui relève et sanctifie.

Cette transformation des apôtres sera ensuite appelée par l’Église « le sacrement de l’ordre », associé à l’engagement d’un homme au service de l’Église. Il est remarquable que dans ce même fil méditatif Jésus prie le Père d’envoyer « L’Esprit de vérité » (Jn 14, 16) afin que le prêtre reste fidèle à son engagement.

Le sacrement de l’ordre est donc très fortement associé à celui de la rémission des péchés ‒ l’association des deux sacrements mérite attention : supprimer le sacrement de la réconciliation, c’est vider l’essence du sacerdoce.

L’injonction « Recevez l’Esprit Saint ! Si vous remettez les péchés à quelqu’un, ils lui seront remis. Si vous retenez [ceux] de quelqu’un, ils sont retenus » (Jn 20, 22-23) n’aurait aucun sens si le péché n’avait pas été dénoncé avant. On a entendu par exemple Jésus dire à la Samaritaine : « celui que tu as maintenant n’est pas ton mari » (Jn 4, 18) ; et dire au paralytique : « ne pèche plus » (Jn 5, 14), ou aux Juifs : « vous mourrez dans votre péché » (Jn 8, 24). Le péché a conduit Jésus au calvaire : la résurrection est le pardon de ce péché. Réciproquement, dénoncer le péché serait désespérant si le pouvoir de le pardonner n’avait pas été transmis aux apôtres. Allons à la confession. Sollicitons nos prêtres pour la confession.

Les péchés peuvent être remis, comme l’annonçait le psaume : « Aussi loin qu’est l’Orient de l’Occident, il met loin de nous nos péchés » (Ps 103, 12). Il est bon de témoigner de la grâce reçue dans le sacrement de Réconciliation, la libération, la purification : on se sent léger, heureux, c’est un nouveau départ, comme une nouvelle naissance.

Les péchés peuvent aussi être « retenus », « Si vous retenez [ceux] de quelqu’un, / ils sont retenus ». Il convient en effet parfois d’attendre que la personne concernée ait de meilleures dispositions, cela ne signifie pas une damnation de la personne, mais cela souligne la nécessité d’un effort pour ne plus recommencer. Jésus donne le pouvoir de pardonner, mais il ne donne pas pouvoir de condamner ; cependant, le pardon ne peut pas être accordé n’importe comment, n’importe quand.

Dans l’Ancien Testament, seul le Grand-Prêtre peut remettre les péchés au nom du Seigneur Dieu, au Yom Kippour. Jésus donne aux apôtres cette charge, ce qui dut leur être bouleversant. Ils exerceront ce « Grand Sacerdoce » dans celui du Christ. L’appellation « Grand-prêtre » est attestée pour désigner les évêques par les anciennes traditions [1].

« Messagers du Seigneur, bénissez-le, invincibles porteurs de ses ordres ! »

Le jour de sa vocation, Isaïe a vu les anges proches du trône de Dieu : « Des séraphins… se criaient l'un à l'autre ces paroles : "Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaot, sa gloire emplit toute la terre." » (Is 6, 2-3).

Et Jésus dit : « Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits : car, je vous le dis, leurs anges aux cieux voient constamment la face de mon Père qui est aux cieux » (Mt 18, 10).

Et saint Paul enseigne : « Les anges sont des esprits chargés d'un ministère, envoyés en service pour ceux qui doivent hériter du salut » (Hé 1, 14) et il précise que la Loi fut « édictée par le ministère des anges et l'entremise d'un médiateur » (Ga 3, 19). Le catéchisme de l’Église catholique résume : « De tout leur être, les anges sont serviteurs et messagers de Dieu. » (CEC 329).

Ceci étant dit, il existe des anges déchus. La première révolte des anges ayant eu lieu lors de la création de l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 27), alors Satan, le serpent des origines, tenta nos premiers parents, c’est l’histoire du péché originel (Gn 3). L’Apocalypse décrit une seconde révolte des anges, au moment de l’Ascension du messie, le Fils de la femme couronnée d’étoiles, que le dragon voulait dévorer, mais qui fut enlevé aux cieux. Il y eut alors, dit l’Apocalypse, chapitre 12, une bataille dans le ciel, et Satan fut précipité sur la terre. Ce qui a révolté les anges, c’est qu’en Jésus, notre humanité puisse être élevée dans la gloire céleste. La révolte de Satan continue jusqu’à nos jours, il tente de déshumaniser l’humanité, il s’attaque à la procréation (les anges ne peuvent pas, eux, procréer, c’est-à-dire engendrer d'autres êtres vivants), et il s’attaque à ce qui fait de nous des humains, parce qu’il sait que l’humanité est appelée à participer à la vie divine, en suivant le Christ, le Messie, dans la gloire. Nous sommes donc engagés dans un combat spirituel, et dans ce combat, nous avons besoin de garder le contact avec Jésus. C’est vital. Et ce contact avec Jésus, nous le maintenons en bon état grâce à la confession fréquente. Une bonne confession, et vous rentrez dans l’amitié de Dieu, quelle grâce !

Deuxième lecture (1 Jn 4, 11-16)

Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres.
Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection.

Voici comment nous reconnaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné part à son Esprit.

Quant à nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.

Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu.

Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru.

Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. – Parole du Seigneur.

« Bien-aimés [racine ḥāḇ], puisque Dieu nous a tellement aimés [ḥāḇ], nous devons, nous aussi, nous aimer [ḥāḇ] les uns les autres. » (1Jn 4, 11). C’est l’amour ardent, comme dans la vision de sainte Marguerite Marie qui vit l’intérieur du Cœur de Jésus, et qui le décrit comme une fournaise. Son propre cœur y a été plongé, et en est ressorti brûlant, d’une brûlure qu’elle a ressentie ensuite toute sa vie. C’est l’amour qui consume, comme l’amour des contemplatifs qui se consument pour le Seigneur, ou l'amour des parents qui se consume pour leurs enfants. C’est aussi un amour volontaire : aimer est une décision, un travail, qui passe par des services rendus, des attentions.

« Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons [ḥāḇ] les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour [ḥāḇ] atteint la perfection [meštamle : participe passif du verbe mlā, remplir] » (1Jn 4, 12). Il s’agit d’être remplis d’amour. Uniquement d’amour. C’est l’inverse d’un cœur partagé. Il s’agit d’aimer de l’amour même de Dieu, comme sainte Marguerite Marie dont le cœur a été plongé dans le cœur brûlant de Jésus et qui ensuite aime les autres avec l’amour même de Jésus, qui lui déclara : « Je te constitue héritière de mon Cœur ». Vous aussi, Jésus veut vous constituer héritiers, héritières, de son Cœur.

« Voici comment nous reconnaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné part à son Esprit » (1Jn 4, 13).

Il s’agit de demeurer. Le premier enthousiasme laisse place à un art de vivre qui s’inscrit dans la vie quotidienne. Alors nous comprenons qu’il nous a donné part à son Esprit rūḥēh : dans le langage araméen, l’Esprit rūḥā, c’est le souffle, et l’âme, c’est la gorge : lors de la création, nous avions reçu l’haleine divine pour que l’homme soit un être vivant, ici, il s’agit d’avoir part au souffle divin. La respiration s’inscrit dans la durée, c’est un rythme de vie. La respiration a aussi un rapport avec la circulation sanguine, avec le cœur et avec le cœur brûlant d’amour divin. Non pas les passions humaines, mais la vocation profonde, sereine, volontaire, qui guide notre marche dans la vie. L’amour est union avec Jésus. Par l’amour, vous aidez les autres à ouvrir leur cœur, à commencer à connaître Jésus et à l’aimer.

« Quant à nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde. » (1Jn 4, 14).

« Nous attestons » du verbe araméen (syriaque) « sahed », qui donne le nom « témoin, martyr ». Le geste du témoignage dans la civilisation parthe et au Proche-Orient, c’était le pouce vers le cœur, et les quatre doigts vers le ciel. On engage sa vie et on témoigne devant la divinité.

« Sauveur [pārūqā] », un nom qui dérive du verbe « praq », qui a plusieurs sens : éloigner, délivrer, sauver, racheter. Jésus délivre de l’emprise du mal, rachète de l’emprise de Satan. Depuis le péché originel, Satan a une emprise sur le monde, sur les hommes et sur la nature elle-même. Et seul le Fils du Père pouvait opérer une telle délivrance. Cette délivrance doit cependant être reçue, c’est la raison d’être du baptême. Lors du retour du Christ, la délivrance du monde sera totale, mais à travers le jugement de ceux qui auront rejeté le Christ, comme le fait voir l’Apocalypse. Quant à vous, que l’amour de Jésus illumine vos cœurs et vous donne la paix.

« Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. » (1Jn 4, 15) « Celui qui proclame [verbe ida : proclamer, remercier, confesser] » : il y a de l’action de grâce dans cette proclamation. Le choix de ce verbe est important ; par exemple, en Mc 1, 15, un possédé « s’exclame et dit » que Jésus est le « saint de Dieu », mais nous n’avons pas ce verbe ida qui ajoute la nuance de reconnaissance, l’attitude de remerciement de celui qui confesse que Jésus est Fils de Dieu : le confesseur de la foi, celui qui confesse une expérience, qui a compris que Jésus est la visite de Dieu, qui a perçu l’Esprit filial habitant Jésus, qui a reconnu que Jésus est Dieu même et qui l’adore avec émerveillement. Il proclame que Jésus est le Fils de Dieu et alors il est habité, vivifié par Jésus : Dieu seul peut vivifier. Il est habité par Dieu et il est en Dieu. Comme sainte Marguerite Marie dont Jésus a pris le cœur pour le mettre dans le sien.

« Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru.
Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. » (1Jn 4, 16).
En grec et en latin, et en français, nous avons d’abord le verbe connaître, puis le verbe croire. Il y a une certaine logique : quelque chose est révélé et nous y croyons.

Mais en araméen, nous avons d’abord le verbe croire puis le verbe connaître ou reconnaître, c’est le même mot. « Nous avons cru : [haymenn] », ce verbe donne le mot liturgique « Amen [ᵓamīn] ». Il ne s’agit pas d’une idée, d’une croyance dans la tête, il s’agit de trouver appui en l’amour de Dieu. Et nous avons ensuite le verbe id‘a connaître ou reconnaître. C’est une autre logique qu’en grec, on commence par le fait de s’appuyer sur l’amour de Dieu, amour dont on a déjà parlé au verset 11, et on le reconnaît. Comme un petit enfant auquel ses parents promettent une surprise au bout du jardin, il a confiance, il va au bout du jardin, il voit la surprise et il reconnaît l’amour de ses parents. Par exemple, le Seigneur me demande une chose qui me semble difficile, je sens mon impuissance, mon désir de fuir, mais je dis oui et je m’appuie sur son amour, c’est la foi. Ensuite, je perçois son secours et je reconnais sa présence, sa lumière, son soutien, son amour. Donc d’abord je pose un acte de foi, et ensuite je connais, je reconnais son amour. Telle est la logique du texte araméen.

Alors, chers auditeurs, demandons à Jésus de nous faire la grâce de vivre dans l’amour du Seigneur, Père, Fils et Saint-Esprit. Amen ! Dans l’amour est la victoire !

 

Évangile (Jn 17, 11b-19)

En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi :

« 11 Père saint, / garde-les dans ton Nom celui que tu m’as donné,
pour qu’ils soient un, / comme nous !

12 Tandis que j’étais avec eux dans le monde, / je les ai gardés en ton Nom ;
ceux que tu m’as donnés, / je [les] ai gardés !

Et aucun d’eux / n’a péri,
sinon le fils de la perdition, / afin que soit accomplie l’Écriture.

13 Maintenant, donc, / je viens auprès de toi,
et je parle de ces choses-ci dans le monde, / afin que ma joie soit accomplie en eux.

14 Moi, / je leur ai donné ta Parole,
et le monde les a haïs,

car ils n’étaient pas du monde, / comme, moi, je n’étais pas du monde.

15 Ce n’est pas que je te demande de les emporter du monde, / mais de les garder du mal !
16
Ils n’étaient pas du monde, en effet, / comme, moi, je n’étais pas du monde.

17 Père, / consacre-les dans ta vérité !
car ta Parole, celle qui est la tienne, / est la vérité !

18 Comme tu m’as envoyé dans le monde, / moi aussi, je les ai envoyés dans le monde !
19 Et, en leur faveur, moi, / je me consacre moi-même,
afin qu’ils soient, eux aussi, / consacrés dans la vérité. »

« Père saint, / garde-les dans ton Nom que tu m’as donné,
pour qu’ils soient un, / comme nous ! » (Jn 17, 11)

Jésus est venu « au nom » de son Père (Jn 5, 43), et témoignent en sa faveur les œuvres qu’il fait « au nom » de son Père (Jn 10, 25).

En Jn 17, 11,
« le Nom » divin apparaît comme le lieu protecteur où les disciples sont « gardés » dans l’unité trinitaire : « pour qu’ils soient un, comme nous ! » Cette unité, Jésus en a souvent parlé à ses disciples, par des paroles ou par des signes. Notamment, Jésus a expliqué à la Samaritaine que la diversité des lieux d’adoration ne sera bientôt plus une occasion de division entre les adorateurs du même Père parce que l’on adorera en esprit et en vérité (Jn 4, 21), c’est donc bien une unité en son « Nom ».

L’unité « en son Nom », c’est aussi « se nourrir » de la volonté du Père, donc avoir « comme vie » sa volonté divine (Jn 4, 34) et c’est aussi être sur le même cep, émondé par le même vigneron, et posséder la même sève (Jn 15, 1-5), autrement dit, c’est « avoir les mêmes choses divines ». Par conséquent, il n’y a pas de place pour la jalousie parce que tout ce que Jésus donne à une créature, les charismes, les fonctions, etc, tout cela, étant dans la volonté divine, appartient à tous. Non pas qu’il n’y ait pas de distinction entre les rôles, mais parce que la gloire liée à ces rôles est une propriété divine, donc universelle.

À l’inverse, la jalousie des tenants du pouvoir civil et religieux est meurtrière, comme le diable (Jn 8, 44). La jalousie recherche auprès des autres créatures une richesse de vie que seul le Créateur peut donner.

Les disciples adressent à Dieu leurs demandes « au Nom » de Jésus (Jn 14, 13 ou Jn 15, 16). Jésus avait dit aussi :

« 24 Jusqu’à maintenant / vous n’avez rien demandé en mon Nom.
Demandez, / et vous obtiendrez.

Et votre joie / sera parfaite [mla]
 » (Jn 16, 24).

Jésus prie maintenant le Père en disant :
« Et je parle de ces choses-ci dans le monde / afin que ma joie soit parfaite [mla] en eux » (Jn 17, 13).

La racine « mla » signifie « complète, parfaite, pleine, accomplie ». Jésus est venu « pour qu’ils aient la vie / ce qu’ils auront en abondance ! » (Jn 10, 10). La prière « Père saint, garde-les dans ton Nom que tu m’as donné » (Jn 17, 11) signifie la vie et la joie surabondantes, ciment de l’unité.

  • Une prière de protection contre le mal

« Ce n’est pas que je te demande de les emporter du monde, / mais de les garder du mal ! » (Jn 17, 15)

Jésus ne demande pas au Père d’éviter aux disciples les persécutions, eux qui seront confrontés comme leur maître à la haine du monde (Jn 15, 17-25) ; il demande de les garder du mal, c’est-à-dire de la contagion du mal, du mauvais esprit, du péché. Le mal est inspiré par le père du mensonge :

« 44 Vous, quant au père, / vous êtes de l’Accusateur ;
et c’est la convoitise de votre père / que vous voulez faire !

Lui, qui, depuis le commencement [2]
 / tue l’homme,

et, dans la vérité / ne se tient pas debout !

Parce que, de vérité, / il n’y en a pas en lui ;
et, quand il parle de mensonge / c’est de son propre fond qu’il parle ! 

Parce qu’il est l’illusoire, / et son père ! »
(Jn 8, 44)

Satan n’est pas assuré, parce qu’il parle de son propre fond, lui-même, détruisant ainsi la quaternité du réel qui ne peut pas être auto-référente puisqu’elle comporte toujours une instauration divine.

Pour garder les disciples du mal, il faut que leur nature humaine soit gardée comme une quaternité à l’image du Temple, et le Saint des Saints doit en quelque sorte être consacré en tout un chacun…

  • Une prière pour le Temple des temps nouveaux

Pour résister au mal, les disciples doivent être littéralement « consacrés » [racine qdš] dans la vérité :

« 17 Père, / consacre-les dans ta vérité !
car ta Parole, celle qui est la tienne, / est la vérité !

18
Comme tu m’as envoyé dans le monde, / moi aussi, je les ai envoyés dans le monde !

19 Et, en leur faveur, moi, / je me consacre moi-même,
afin qu’ils soient, eux aussi, / consacrés dans la vérité. »

Le mot « consacrer » traduit la racine qdš qui donne naissance au nom « sanctuaire » et au verbe « sanctifier » ou « consacrer ». Jésus est le Saint, il n’a pas à devenir davantage saint, mais il se « consacre » afin que nous soyons aussi consacrés. S’il y a dans le verbe consacrer l’idée de se donner totalement, il y a aussi celle de devenir un Temple, un lieu de la présence divine, c’est pourquoi il faut que Dieu lui-même consacre : lui seul peut remplir un Temple de sa présence. Jésus est « celui que le Père a consacré [racine qdš] / et envoyé au monde » (Jn 10, 36).

En outre, dès que l’on parle d’un Temple, on parle d’un intérieur et d’un extérieur : le Temple est quelque part dans le monde, mais justement, il en est séparé et même la monnaie y est différente, c’est pourquoi il y a des changeurs. De même, les disciples ont des relations avec le monde, mais ils en sont distincts. Le Temple a pour raison d’être la sanctification du pays, ou du monde. Ainsi, la « consécration » des disciples est-elle inséparable de leur envoi dans le monde.

Extrait de : Françoise BREYNAERT, Jean, L’évangile en filet. L’oralité d’un texte à vivre. (Préface Mgr Mirkis – Irak) Éditions Parole et Silence. Paris, 8 décembre 2020.

© Françoise Breynaert

 

[1] TRADITION APOSTOLIQUE § 34, Ed. B. Botte, Münster, 1963, p. 80-81

[2] b-rīšīṯ, ce qui évoque le début du livre de la Genèse (Bereshit en hébreu)