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30e dimanche ordinaire C
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Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30.
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Première lecture (Si 35, 15b-17.20-22a)
Psaume (Ps 33 (34), 2-3, 16.18, 19.23)
Deuxième lecture (2 Tm 4, 6-8.16-18)
Première lecture (Si 35, 15b-17.20-22a)
Le Seigneur est un juge qui se montre impartial envers les personnes. Il ne défavorise pas le pauvre, il écoute la prière de l’opprimé. Il ne méprise pas la supplication de l’orphelin, ni la plainte répétée de la veuve. Celui dont le service est agréable à Dieu sera bien accueilli, sa supplication parviendra jusqu’au ciel. La prière du pauvre traverse les nuées ; tant qu’elle n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable. Il persévère tant que le Très-Haut n’a pas jeté les yeux sur lui, ni prononcé la sentence en faveur des justes et rendu justice. – Parole du Seigneur.
Le Siracide (ou Ecclésiastique) est un livre deutérocanonique, rédigé au IIᵉ siècle av. J.-C. par Jésus Ben Sira, un sage de Jérusalem. Le texte a été traduit en grec par son petit-fils vers 132 av. J.-C. Ce livre exprime une sagesse enracinée dans la Loi de Dieu et adaptée à un monde marqué par l’hellénisme.
Plus que les sacrifices matériels, Dieu agrée la justice, l’humilité et la prière sincère (cf. Si 35,1-15). « Le Seigneur est un juge qui se montre impartial envers les personnes. Il ne défavorise pas le pauvre, il écoute la prière de l’opprimé.» (v. 15b). Ben Sira insiste sur l’impartialité divine. Contrairement aux juges humains, souvent influencés par l’argent, le rang social ou les relations, Dieu juge selon la vérité. Cette affirmation renvoie à la conviction déjà présente dans le Deutéronome : « Dieu ne fait pas acception des personnes » (Dt 10,17), reprise plus tard par saint Paul en Rm 2,11.
« Il ne méprise pas la supplication de l’orphelin, ni la plainte répétée de la veuve » (vv. 16-17).
Un jour, une veuve vint en pleurant trouver saint Benoît. Son fils venait de mourir, et son cri désespéré semblait ne rencontrer que le silence du ciel. Mais Benoît, touché de compassion, pria avec ferveur. Selon le récit de Grégoire le Grand, l’enfant fut rendu vivant à sa mère. (Dialogues, II, 32 ; SC 260, p. 236-238).
Au XIIIᵉ siècle, sainte Élisabeth de Hongrie, devenue veuve très jeune, se consacra aux pauvres. Une femme implora son aide pour sauver son enfant malade. Élisabeth pria longuement, et le petit fut guéri. L’hagiographe note : « Les pauvres se réjouissaient, car leurs prières à travers Élisabeth étaient toujours exaucées » (Libellus de dictis quatuor ancillarum S. Elisabeth, trad. G. Goyau, 1901).
À Paris, au XVIIᵉ siècle, saint Vincent de Paul recueillait les orphelins abandonnés. Mais les ressources manquaient et les Dames de la Charité se décourageaient. Vincent les exhorta : « Mesdames, ayez confiance. Ces enfants sont les enfants de Dieu. Il ne les abandonnera pas. » Peu après, des dons providentiels affluèrent. La prière des orphelins et de ceux qui les servaient fut exaucée (Abelly, Vie de saint Vincent de Paul, I, 24, 1664).
Dans l’orphelinat de Valdocco, saint Jean Bosco recevait des enfants pauvres et abandonnés. Un jour, un orphelin, qui n’avait plus rien à manger, pria avec lui. Le lendemain, une bienfaitrice apporta exactement ce qu’il fallait. Bosco lui dit : « Tu vois, mon fils, la Providence ne nous abandonne jamais quand nous faisons confiance. » Ainsi la supplication du petit trouva son chemin jusqu’au ciel (Memorie Biografiche di San Giovanni Bosco, IV, 276-277).
« Celui dont le service est agréable à Dieu sera bien accueilli, sa supplication parviendra jusqu’au ciel ». La véritable offrande consiste à conformer sa vie à la volonté divine. Comme la Volonté divine remplit le ciel et la terre, il est normal que la prière de celui qui vit et sert Dieu selon sa volonté résonne dans les cieux.
Padre Pio écrivait le 20 septembre 1915 : « Ne te trouble pas si tu n’obtiens pas aussitôt ce que tu demandes. Demande plutôt que sa volonté s’accomplisse en toi, car c’est cela qui est le plus parfait. »[1]
Saint Alphonse-Marie de Liguori, dans son traité De la conformité à la volonté de Dieu, il écrit : « La prière la plus agréable à Dieu et la plus utile à nous-mêmes, c’est de lui demander de nous accorder la grâce d’accomplir parfaitement sa sainte volonté. »[2]
« La prière du pauvre traverse les nuées ; tant qu’elle n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable. Il persévère tant que le Très-Haut n’a pas jeté les yeux sur lui, ni prononcé la sentence en faveur des justes et rendu justice » (21-22a).
L’image est d’une grande force : rien n’arrête la clameur du pauvre. Elle persiste sans repos, exprimant une intercession tenace semblable à celle de la veuve importune dont parle Jésus en Lc 18,1-8. Dieu n’est pas indifférent ; il intervient en faveur du juste, non selon les calculs humains, mais en son temps.
Le Nouveau Testament reprend et accomplit cette intuition. Jésus proclame : « Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous » (Lc 6,20). Dans la parabole du pharisien et du publicain (Lc 18,9-14), la prière du pécheur humble est justifiée, tandis que celle de l’orgueilleux est rejetée.
Dieu écoute la clameur des opprimés, même lorsque les structures humaines semblent les étouffer. Chaque croyant est ainsi appelé à se convertir, à se placer du côté des pauvres et à purifier sa prière de tout orgueil. Enfin, l’Église dans sa mission est appelée à être la voix de ceux qui n’en ont pas et à croire dans la force transformatrice de la prière, surtout celle qui monte des plus petits.
Au XVIIIᵉ siècle, à Naples, saint Alphonse de Liguori parcourait les campagnes pour prêcher. Un jour, une pauvre femme lui demanda d’intercéder pour du pain, car ses enfants mouraient de faim. Alphonse pria avec elle et peu après, un voisin, sans savoir pourquoi, vint lui apporter une miche de pain. Alphonse disait souvent : « La prière des pauvres monte droite vers Dieu, et elle attire sa Providence » (Tannoia, Vita del Beato Alfonso Maria de’ Liguori, Naples, 1798, vol. II, p. 233).
À Ars, le Curé d’Ars distribuait généreusement tout ce qu’il recevait aux pauvres. Une fois, alors qu’il n’avait plus rien, une femme vint demander du pain. Jean-Marie Vianney se mit en prière, puis alla à la réserve : elle était remplie de farine, alors qu’elle était vide la veille. Le Curé y vit un signe de la fidélité de Dieu à la prière des pauvres (Abbé Monnin, Vie du Curé d’Ars, Paris : Pélagaud, 1864, p. 327-328).
Enfin, sainte Jeanne Jugan, fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres, mendiait dans les rues de Saint-Malo pour nourrir les vieillards recueillis. Souvent, elle revenait les mains vides mais le cœur plein de confiance. Et toujours, au dernier moment, un don providentiel arrivait. Elle disait : « Il faut prier. Quand on est pauvre et qu’on s’adresse au bon Dieu, il écoute. » (La vie de Jeanne Jugan racontée par une petite sœur des pauvres, Paris : Téqui, 1989, p. 87).
Psaume (Ps 33 (34), 2-3, 16.18, 19.23)
Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. Je me glorifierai dans le Seigneur : que les pauvres m’entendent et soient en fête ! Le Seigneur regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris. Le Seigneur entend ceux qui l’appellent : de toutes leurs angoisses, il les délivre. Il est proche du cœur brisé, il sauve l’esprit abattu. Le Seigneur rachètera ses serviteurs : pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge.
« Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. » C’est une attitude fondamentale : la louange continue. Le psalmiste ne bénit pas Dieu seulement quand tout va bien, mais « en tout temps ». Cela traduit une confiance inébranlable : Dieu est digne de louange non pas parce que tout est facile, mais parce qu’il est fidèle, même au cœur de l’épreuve. C’est une invitation pour le croyant à garder un esprit d’adoration et de gratitude, quelles que soient les circonstances.
Le psaume nous apprend que la louange n’est pas réservée aux moments heureux. Tu peux, chaque jour, même dans les petites contrariétés, dire intérieurement : « Seigneur, je te bénis parce que tu es fidèle. »
Abba Évagre (Traité de la prière, 61) : « Prie sans cesse : ce n’est pas beaucoup de paroles, mais un cœur attaché à Dieu avec humilité et amour. »
La louange n’est pas un flot de mots, mais une orientation constante du cœur vers Dieu. Bénir le Seigneur « en tout temps », c’est transformer chaque instant en offrande, même les plus ordinaires.
« Je me glorifierai dans le Seigneur : que les pauvres m’entendent et soient en fête ! » Ici, « se glorifier » ne signifie pas se vanter de soi, mais trouver sa joie et sa fierté en Dieu seul. Les « pauvres » représentent ceux qui sont humbles, dépouillés de leur suffisance, et qui attendent tout de Dieu. Le psalmiste leur transmet son expérience : la joie véritable est possible quand on s’appuie sur le Seigneur. C’est déjà une annonce de l’esprit des Béatitudes : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux. » (Mt 5,3)
Soyons pratique : vous qui écoutez, pensez à une personne qui traverse un moment difficile. Partagez une parole de consolation, un geste d’amitié, ou même un extrait de ce psaume. Votre joie en Dieu peut devenir leur réconfort.
Et voici un exemple d’un saint. Un jour, à Assise, saint François rencontra un pauvre mendiant qui lui demanda l’aumône. François, n’ayant rien à donner, ôta aussitôt son manteau et le lui donna. Cette charité suscita une telle joie chez le pauvre qu’il se mit à louer Dieu à haute voix. Le biographe note que François lui-même reçut en retour une consolation intérieure, comme si Dieu avait agréé la prière du pauvre à travers ce geste (Legenda Maior de saint Bonaventure, IX, 1 ; Sources franciscaines n° 1160).
Et voici un apophtegme d’Abba Poemen (Apophtegmes alphabétiques, Poemen 82) : « L’humilité et la crainte de Dieu sont supérieures à toutes les vertus. »
Les « pauvres » sont ceux qui reconnaissent leur dépendance à Dieu. Leur joie vient non pas de leur force, mais de leur humilité, où Dieu se glorifie. La vraie fête, c’est quand le cœur s’ouvre à l’action de Dieu.
« Le Seigneur regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris. »
Dieu n’est pas indifférent. Il est présenté comme un Père attentif, un Dieu qui « regarde » et « écoute ». La justice ici n’est pas la perfection morale absolue, mais la droiture du cœur, la fidélité à Dieu. La prière du juste n’est jamais ignorée : même si la réponse tarde ou prend une forme inattendue, elle est toujours entendue.
Quand une inquiétude surgit, prenez un instant pour dire : « Seigneur, tu m’écoutes, je dépose ceci dans tes mains. » Écris si besoin tes prières dans un carnet, comme une offrande.
Au XIXᵉ siècle, saint Joseph Cottolengo, fondateur de la « Petite Maison de la Divine Providence » à Turin, accueillait les pauvres et les malades rejetés par les hôpitaux. Un jour, il n’avait plus de nourriture pour les centaines de personnes recueillies. Il fit sonner la cloche et dit : « C’est l’heure du repas, asseyons-nous et prions. » Tandis qu’ils priaient, une charrette chargée de vivres arriva spontanément. Cottolengo répondit : « Voyez, la Providence écoute toujours les pauvres. » (Biografia del canonico Giuseppe Benedetto Cottolengo, Turin, 1894, p. 412).
Et voici un apophtegme d’Abba Isaac (Apophtegmes systématiques, Sur la prière 6) : « Lorsque tu pries, sache que Dieu est attentif, plus que tu ne l’es toi-même à tes propres paroles. » Même quand la prière semble faible, confuse ou stérile, Dieu y est attentif. Le psaume et les Pères du désert rappellent que la valeur de la prière n’est pas dans la force des mots, mais dans la confiance.
« Le Seigneur entend ceux qui l’appellent : de toutes leurs angoisses, il les délivre. Il est proche du cœur brisé, il sauve l’esprit abattu. »
Dieu se fait proche des cœurs brisés et des esprits abattus. Cela veut dire que vos blessures, loin de vous éloigner de Lui, deviennent des lieux de rencontre. Osez présenter à Dieu vos fragilités sans masque, en disant : « Seigneur, voici ma fatigue, voici ma peine. Viens y demeurer. »
Ce verset du psaume touche profondément : Dieu se révèle proche des blessés. La souffrance, loin de repousser Dieu, attire son attention et sa compassion. Il n’éloigne pas la douleur d’un simple geste magique, mais il sauve au cœur de l’épreuve, en donnant une espérance et une force nouvelle. Jésus lui-même a repris ce langage : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » (Mt 11,28)
« Le Seigneur rachètera ses serviteurs : pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge. »
Le terme « racheter » évoque la délivrance, la libération. Pour les chrétiens, ce verset prend une résonance particulière dans le mystère du Christ : par sa croix, il nous rachète de l’esclavage du péché et nous offre une vie nouvelle. Trouver en Dieu un « refuge », c’est choisir de se confier à Lui plutôt qu’aux sécurités fragiles du monde. Cette confiance débouche sur la paix et sur une certitude : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8,31)
Dans une situation où vous ressentez de la peur ou du stress, prenez quelques secondes pour respirer profondément et dire : « Seigneur, tu es mon refuge. » Répétez jusqu’à ce que votre cœur retrouve la paix.
Deuxième lecture (2 Tm 4, 6-8.16-18)
Bien-aimé, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice : le Seigneur, le juste juge, me la remettra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse. La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu : tous m’ont abandonné. Que cela ne soit pas retenu contre eux. Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. J’ai été arraché à la gueule du lion ; le Seigneur m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen. – Parole du Seigneur.
(v.6) « Bien-aimé, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. » Le « départ » dont saint Paul parle, c’est la mort comprise comme un passage, comme un exode vers Dieu. Il voit sa vie entière comme une offrande, et sa mort proche comme l’achèvement de ce don. Ce n’est pas une défaite qu’il contemple, mais une liturgie ultime.
Vous aussi, vous êtes invités à regarder votre propre vie comme un chemin de don, une existence qui, au-delà de ses réussites et de ses limites, peut être déposée comme une offrande entre les mains de Dieu.
(v.7) « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. »
« J’ai mené le bon combat » : il s’agit de la lutte intérieure, de la fidélité éprouvée, des résistances affrontées au nom de l’Évangile. Le combat chrétien n’est pas une guerre contre des ennemis de chair et de sang, mais une vigilance contre les forces du mal, contre l’orgueil, contre la tentation de renier le Christ.
« J’ai achevé ma course ». Saint Paul se compare à un coureur de stade, qui se donne tout entier jusqu’au bout de la piste. La vie chrétienne est une course d’endurance, qui demande persévérance, discipline, patience.
« J’ai gardé la foi ». C’est le trésor le plus précieux que saint Paul a su conserver, malgré les épreuves.
Pour vous aussi, il s’agit d’un appel. Au soir de la vie, ce qui comptera ne sera pas la réussite apparente, mais la fidélité.
(v.8) « Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice : le Seigneur, le juste juge, me la remettra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse. »
Ici, saint Paul s’élève dans l’espérance. La « couronne » dont il parle renvoie aux couronnes de victoire qu’on remettait aux athlètes. Mais pour lui, cette couronne n’est pas une gloire humaine ; c’est la « couronne de la justice », c’est-à-dire la récompense promise à ceux qui sont restés fidèles. Ce n’est pas lui qui se l’attribue, mais le « juste juge », le Christ, qui la lui remettra. Vous voyez ici le renversement : le juge, qui pourrait condamner, devient celui qui couronne. Et saint Paul précise que cette promesse ne le concerne pas lui seul, mais tous ceux qui « auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse ». Le christianisme n’est pas seulement une morale ou un devoir : c’est une attente amoureuse de la venue glorieuse du Christ, qui n’est pas la fin du monde mais le jugement de l’Antichrist et le début de la terre nouvelle où l’humanité se préparera à l’éternité en aimant faire la volonté de Dieu, le Père (cf. F. BREYNAERT, La venue glorieuse du Christ, véritable espérance pour le monde, Jubilé 2016).
Ce désir, vous êtes appelés à le raviver, afin que la vie chrétienne ne soit pas tiédeur, mais veille amoureuse.
(v.16) « La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu : tous m’ont abandonné. Que cela ne soit pas retenu contre eux. »
Lors de son procès, Paul s’est retrouvé seul, abandonné de ses proches, trahi peut-être par ceux qu’il espérait fidèles. Mais loin de se laisser envahir par l’amertume, il adopte l’attitude même du Christ sur la croix : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Saint Paul prie pour que l’abandon qu’il a subi ne soit pas imputé à ceux qui l’ont laissé seul.
C’est une leçon précieuse : les déceptions, les solitudes, les abandons font partie de la vie. La manière chrétienne d’y répondre n’est pas la rancune, mais le pardon. C’est ainsi que nous pouvons transformer l’épreuve en lieu de grâce.
(v.17) « Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. J’ai été arraché à la gueule du lion.»
Face à l’abandon des hommes, saint Paul confesse la présence fidèle du Seigneur. Le Seigneur l’a fortifié, lui a donné l’audace et la force nécessaires pour annoncer l’Évangile jusqu’au bout.
« Arraché à la gueule du lion » est une expression qui rappelle le Psaume 21 (22), où le juste persécuté crie vers Dieu au milieu des bêtes féroces. Saint Paul reconnaît que, s’il est encore vivant, c’est parce que le Seigneur a posé sa main sur lui.
Pour vous, cela signifie que la fidélité de Dieu ne vous abandonnera pas, même si les soutiens humains se retirent. Le Christ demeure présent, et sa force se déploie dans votre faiblesse.
(v.18) « Le Seigneur m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. »
Le salut est pour saint Paul une certitude, non parce qu’il se croit digne, mais parce qu’il connaît la fidélité de Dieu. Et cette confiance débouche spontanément sur la louange : « À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen. » Toute la vie de Paul culmine dans cette glorification de Dieu.
L’ensemble de ce passage décrit le testament spirituel de saint Paul. À sa suite, vous êtes invités à voir vos épreuves comme des occasions de vous offrir, vos combats comme des étapes de fidélité, vos solitudes comme des lieux de présence de Dieu, et votre avenir comme une promesse de couronne. Vous êtes appelés à garder la foi, non pas par vos seules forces, mais en vous laissant remplir de la force du Seigneur. Vous êtes appelés à pardonner ceux qui vous abandonnent et à confesser que le Christ demeure auprès de vous. Enfin, vous êtes appelés à désirer ardemment sa manifestation glorieuse, car c’est ce désir qui donne sens à toute la course jusqu’au jour où nous entrerons dans le Royaume céleste pour rendre gloire au Père, au Fils et à l’Esprit dans les siècles des siècles.
Évangile (Lc 18, 9-14)
La traduction est faite depuis la Pshitta – En araméen il n’existe pas de shewa comme en hébreu (ce qui donnerait Peshitta), je dis donc Pshitta. Et le commentaire est extrait de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, Paris 2024.
Cette traduction se prête au balancement du corps gauche / droite et à une mémorisation corporelle.
« 9 Il disait cette parabole, / contre certains hommes
qui sont sûrs d’être des justes, / et qui méprisent tous [les autres] :
10 Deux hommes montèrent au temple / pour prier ;
l’un était Séparé [pharisien], / et l’autre collecteur d’impôt.
11 Le Séparé se tenait debout seul en son âme / et priait [en disant] ceci :
‘Dieu, / je te rends grâces
de ce que je ne suis ni comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, / ni comme ce publicain ;
12 Mais je jeûne / deux fois la semaine,
et je donne la dîme / sur tout ce que je gagne !’
13 Le collecteur d’impôt / se tenait debout à distance,
et il ne voulait même pas / lever les yeux aux cieux ;
mais il se frappait la poitrine, / en disant :
‘Dieu, / sois miséricordieux pour moi, pécheur’.
14 Je vous le dis :
Celui-ci est redescendu justifié / à sa maison,
plus que / que ce pharisien (Séparé)-là !
En effet, tout homme qui s’élèvera / sera abaissé,
et quiconque s’abaissera / sera élevé. »
La parabole, donnée « contre certains hommes qui sont sûrs d’être des justes, et qui méprisent tous [les autres] » (Lc 18, 9) met en scène un pharisien et un collecteur d’impôt.
La perle s’enfile avec la précédente avec un mot crochet : le juge inique « ne voulait pas » rendre justice à la veuve (Lc 18, 4) et le collecteur d’impôt « ne voulait même pas » lever les yeux vers les cieux (Lc 18, 13). Les deux perles se complètent : la perle de la veuve et du juge inique enseigne qu’il ne faut pas se lasser de prier (perle 8), mais cette perle précise qu’en priant, il faut éviter l’orgueil spirituel (perle 9).
Le pharisien [Séparé] rend grâce à Dieu sans considérer l’œuvre de Dieu, il se vante devant Dieu d’obéir à la loi et d’en faire même un peu plus (je jeûne deux fois par semaine), cinq fois il dit « je », mais rien n’indique qu’il n’ait une relation vivante, ni avec les gens ni avec Dieu. Le texte araméen le souligne : « Le Séparé se tenait debout seul [baynaw] en son âme et priait… » (Lc 18, 11) ; positionné entre « debout » et « en son âme », on peut comprendre que le pharisien (séparé) « se tient debout seul », isolé du reste des hommes qu’il méprise, ou bien qu’il est « seul en son âme » parce que l’amour de Dieu n’habite pas son âme, ni l’Esprit du lieu saint, ni Dieu.
La parabole présente favorablement le publicain, collecteur d’impôt, or les Juifs n’aimaient pas les publicains, car ils étaient au service de l’occupant ; quant aux Grecs et aux Romains, ils estimaient que les publicains étaient âpres au gain et inflexibles. Signe de respect et d’humilité, ce publicain se tient « à distance », or c’est grâce à une telle distance qu’une relation n’est pas fusionnelle et qu’elle peut offrir un véritable échange. Demander et recevoir n’est possible qu’à travers un minimum de distance. Sa prière est une demande, et il redescend chez lui en ayant reçu quelque chose de la part de Dieu. Et Dieu l’approuve : « Celui-ci est redescendu justifié à sa maison, plus que ce Séparé-là ! »
La prière du collecteur d’impôt : « [ḥūnayny !] Sois miséricordieux pour moi ! » (Lc 18, 13) a diverses nuances, c’est l’impératif du verbe ḥn qui signifie être miséricordieux, être clément, avoir pitié, donner, exaucer, pardonner, épargner.
Dans le collier compteur, on retrouve cette racine ḥn dans le prénom « Jean yūḥannān » (Lc 3, 20), qui signifie « Dieu fait miséricorde ». La finale de la perle : « En effet, tout homme qui s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé » (Lc 18, 14) fait elle aussi écho au collier compteur : « Toutes les vallées seront comblées ! Toutes les montagnes ou hauteurs seront abaissées » (Lc 3, 5).
Le pharisien est sur la montagne de l’orgueil, le publicain est dans la vallée de l’humilité. « Tu veux t’élever ? Commence par t’abaisser. Tu projettes de bâtir une tour qui touche les nuées ? Pose d’abord le fondement de l’humilité. »
(Saint Augustin, Sermon 19,2 sur l’évangile). Cette phrase formule clairement une logique inverse de l’orgueil qui construit des hauteurs vaines : elle dit qu’avant de monter (ou de vouloir être élevé), il faut d’abord s’abaisser, ce qui fait écho à la parabole où « qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé » (Lc 18,14), et aux images prophétiques de Lc 3,5 / Is 40,4.
Chacun de vous peut se reconnaître dans ces deux hommes. Il y a en vous un pharisien qui aime se comparer, se justifier, et mettre en avant ses efforts. Mais il y a aussi un publicain, un pauvre de cœur qui connaît sa fragilité et qui n’a qu’un cri : « Seigneur, prends pitié de moi ! » Jésus vous dit que c’est ce cri qui justifie, qui sauve, qui attire la miséricorde divine.
Abba Poemen disait : « Le lieu de la contrition, voilà où Dieu repose. » (Apophtegmes alphabétiques, Poemen 184). C’est exactement ce que vit le publicain : sa prière n’est pas belle en apparence, mais elle est habitée par une vérité intérieure qui attire la présence de Dieu.
Un autre apophtegme des Pères du désert raconte qu’un frère demanda à Abba Macaire : « Comment devons-nous prier ? » L’ancien répondit : « Ce n’est pas en multipliant les paroles, mais en disant de tout ton cœur : Seigneur, aie pitié de moi. Si l’ennemi t’attaque, dis seulement : Seigneur, viens à mon aide ! Il sait ce qui est bon pour toi, et il agit selon sa miséricorde. » (Apophtegmes alphabétiques, Macaire 19). N’est-ce pas la prière du publicain ? Une supplication simple, mais vraie, qui résume toute la foi.
Saint Jean Chrysostome écrit : « Le publicain ne s’est pas trompé en se jugeant lui-même, et il a trouvé Dieu miséricordieux. Le pharisien s’est trompé en jugeant les autres, et il est reparti les mains vides. » (Homélie sur la prière).
Les moines d’Égypte aimaient répéter : « Mets-toi en dessous de toute créature et tu seras libre. » (Apophtegmes systématiques, Humilité 7). Le publicain, en se tenant « à distance » et en n’osant lever les yeux, exprime exactement cette attitude : se placer en bas, ne rien revendiquer, tout attendre de Dieu.
Enfin, saint Isaac le Syrien va jusqu’à dire : « Celui qui a reconnu son péché est plus grand que celui qui, par sa prière, a ressuscité un mort. » (Discours ascétiques). Pourquoi ? Parce que la résurrection intérieure, qui naît de l’humilité et du repentir, est la vraie victoire de Dieu dans un cœur.
Date de dernière mise à jour : 26/09/2025