Le mariage

Travail pour les étudiants de l'institut Foi vivifiante

Lectures bibliques :

Mt 19, Gn 1, et les références données dans le chapitre.

Exercices :

1) Les fiançailles sont-elles sous-entendues dans l’enseignement de Jésus ? — Dit autrement, d’où vient la pratique des fiançailles ?

2) Mt 5, 28 — La convoitise du cœur — est à rapprocher de quelle Parole du Décalogue  (Dt 5) ? Et de quelle Béatitude ? (Mt 5) ?

3) En quoi est-il important de comprendre que la parole de Jésus est agissante (il est le « Verbe » de Dieu) pour accueillir des paroles fortes telles que Mt 19, 5-6 (fidélité) et 9-12 (célibat pour le Royaume) ?

Etude :
Françoise Breynaert, Parcours biblique : Le berceau de l'Incarnation (imprimatur), Parole et silence 2016, p. 317-320
Disponible en librairie et sur internet, à la Procure (merci de privilégier les librairies catholiques).

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Parcours biblique -55- Le mariage dans l'Évangile (la divinité du Christ)

Le mariage

            La Rédemption concerne la vie de tous les jours, en particulier le mariage.

-1-

            Chez les Juifs pratiquants, il y a de longues fiançailles. Elles ont pour effet de faire passer les jeunes gens d’une attitude de rêve à une attitude d’Alliance. Le mariage n’est pas une alliance avec quelqu’un que je rêve, mais avec quelqu’un de réel. Les fiançailles, qui sont déjà un engagement, permettent aussi de réserver un espace à celle ou celui qui sera mon mari, mon épouse. En réservant un tel espace, il va aussi grandir, s’approfondir, et le mariage qui va suivre sera beaucoup plus riche. Le mariage se fait en famille.

            Les Juifs connaissaient surtout la polygamie. La monogamie existait dans certains courants pharisiens, en référence à Osée. La femme est comme la Torah elle-même : lumière, médiation, chemin, entre l’homme et Dieu. Lorsque la femme a un défaut qui obsède et qu’elle n’est plus un chemin vers Dieu, alors on peut se séparer...

            Le mariage dans son unité était envisagé sur le modèle de l’unité de Dieu et de son peuple et la répudiation était l’image du peuple répudiant son Dieu par l’idolâtrie. Or l’idolâtrie se fait dans le cœur. On était donc préparé à comprendre la parole de Jésus : « Eh bien ! Moi je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la désirera déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle » (Mt 5, 28).

            La répudiation existait, mais on entendait aussi le prophète Malachie « Je hais la répudiation » (Ml 2,16). Pour le prophète déjà, le mariage constituait un lien sacré qu’on ne peut rompre sans aller contre l’intention du Créateur (Au temps de Malachie, la Loi commençait déjà par le premier chapitre de la Genèse).

 

-2-

            Ecoutons maintenant cette parole de Jésus aux pharisiens :

« Le Créateur dès l’origine les fit homme et femme,

ainsi l’homme quittera son père et sa mère

pour s’attacher à sa femme

et les deux ne feront qu’une seule chair.

Ainsi ils ne seront plus deux mais une seule chair.

Et bien, ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer » (Mt 19, 5-6).

            De manière étonnante, Jésus se situe au niveau du Créateur pour dire avec autorité que l’unité parfaite des époux décrite en Genèse 1 n’est pas pour demain, au ciel, mais pour aujourd’hui, ici. Jésus continue son enseignement en disant : « Or je vous le dis: quiconque répudie sa femme -- pas pour "union illégitime" -- et en épouse une autre, commet un adultère" » (Mt 19, 8).

            Les mariages consanguins étaient illégitimes (Lv 18). Jésus n’envisage pas non plus le cas des relations corporelles sans engagement de mariage, ce qui se dit en araméen « zeniouta », c’est le mot utilisé dans l’évangile araméen de Matthieu qui dit « quiconque répudie sa femme – sauf pour ‘zéniouta’ - et en épouse une autre… ». Ces relations sont illicites, mais elles peuvent être rompues et suivies d’un mariage avec une autre.[1]

            Une question se pose : quelle est cette relation privilégiée que Jésus vit avec le Dieu créateur pour nous dire que les temps sont arrivés et pour inviter les hommes à vivre selon le plan du Créateur à l’origine (Genèse 1, l’unité des époux) ou au ciel ?

 

-3-

            Remarquons encore ceci : « L’homme et la femme, avant de devenir mari et femme (ce qui se concrétisera en Gn 4,1), émergent du mystère de la création avant tout comme frère et sœur dans la même humanité »[2]. C’est le don de soi qui constitue l’humanité, homme et femme, comme signe « à l’image » du mystère de Dieu (Gn 1, 26-27). Il n’est donc pas bon que l’homme soit seul, mais sortir de la solitude ne nécessite pas l’union conjugale.       

 

            Après le dialogue avec les pharisiens, Jésus dialogue avec les disciples :

« Les disciples lui disent : "Si telle est la condition de l’homme envers la femme, il n’est pas expédient de se marier." Il leur dit : "Tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux-là à qui c’est donné. Il y a, en effet, des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels pour le Royaume des Cieux. Qui peut comprendre, qu’il comprenne !" » (Mt 19, 9-12)

            Le célibat prend un sens nouveau : « pour le royaume » (Mt 19, 12). « Tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux-là à qui c’est donné » (Mt 19, 10) : il y a un appel et il y a un don. Si le don n’est pas reçu, il ne peut pas être compris. Pour recevoir un don, il faut sans doute aussi accueillir les autres dons de Jésus : le don de sa paix (Jn 14, 27), de sa joie (Jn 15, 11), de sa mère (Jn 19, 25-27), de son Esprit Saint (Jn 20, 22), etc.

             Tandis que les disciples découragés dévalorisent le mariage, Jésus introduit l’appel au célibat pour le royaume dans la perspective même du dessein du Créateur incluant le mariage. Vivre le don de soi dans le célibat valorise le mariage car il en indique la beauté profonde et éternelle. La beauté du mariage n’est pas l’éros mais le don de soi authentique qui anime l’éros.

            Dans le royaume des cieux, « on ne prendra ni femme ni mari » (Mt 22, 30). En répondant aux disciples, Jésus n’oppose pas la continence au mariage mais il s’appuie sur un autre principe[3]. Jean Paul II explique que celui qui choisit la continence pour le royaume des cieux est une lumière pour le monde : celui-là désigne « la virginité de l’homme ressuscité » et la « signification sponsale du corps glorifié »[4], c’est à dire le fait que nous soyons hommes et femmes pour le don réciproque de l’Alliance.

            « La chasteté nous recompose; elle nous ramène à cette unité que nous avions perdue en nous éparpillant »[5]. « La chasteté est une vertu morale. Elle est aussi un don de Dieu, une grâce, un fruit de l’œuvre spirituelle (cf. Ga 5,22). Le Saint-Esprit donne d’imiter la pureté du Christ (cf. 1Jn 3,3) à celui qu’a régénéré l’eau du Baptême. Elle conduit celui qui la pratique à devenir auprès du prochain un témoin de la fidélité et de la tendresse de Dieu. La chasteté s’exprime notamment dans l’amitié pour le prochain. »[6]

            Plus profondément encore, il s’agit de s’identifier à la réalité du royaume. Il s’agit d’aimer une personne, le Christ lui-même, Epoux de l’Eglise et Epoux des âmes.[7] La grâce nouvelle que Jésus donne à tous les hommes, mariés ou non, est une grâce qui relève déjà de la Rédemption. Tout ce qui concerne la vie conjugale (ou le célibat consacré) a désormais sa source dans le mystère pascal. Saint Paul demande que le chrétien aime sa femme comme le Christ aime l’Eglise : il s’est livré pour elle (Eph 5, 25). Ce n’est pas le Christ et l’Eglise qui sont le reflet de l’amour de l’homme et de la femme, mais c’est l’homme et la femme qui croissent à partir de l’amour du Christ pour nous.

            La sainte famille de Nazareth a devancé les autres disciples de Jésus.

            Jésus a éclairé d’un jour nouveau la pratique de la Loi (la halakha, la « Ma’assé Torah de Moïse » communément admise par le peuple juif), et il a été effectivement suivi. Sa parole est agissante, c’est un « Verbe ». Jésus est « Verbe de vie » (Jn 1,1-4). Ceux qui suivent Jésus, qui ont foi en lui et se laissent recréer en lui, accèdent à la connaissance qui est propre à la foi[8] : ils comprennent de l’intérieur que Jésus est créateur et sauveur, comme Dieu. Jésus peut être appelé "Verbe de vie" ; l’expression désignant Jésus comme étant le « Verbe » dans le prologue de Jean correspond aux paroles de Jésus dans le Sermon sur la montagne. Ce que souligne Benoît XVI[9].

             

 

 

 

[1]L’évangile en araméen. L’enseignement de Jésus au sommet de la montagne (Mt 5-7), Traduction de la Peschitta et commentaire par Monseigneur Alichoran, Spiritualité orientale n° 80, abbaye de Bellefontaine. p.127

[2]St JEAN-PAUL II, Audience générale du 13 février 1980

[3]St JEAN-PAUL II, Audience générale du 12 mars 1982

[4]St JEAN-PAUL II, Audience générale du 24 mars 1982

[5] S. AUGUSTIN, Confessions 10,29

[6] CEC 2345- 2347

[7]St JEAN-PAUL II, Audience générale du 28 avril 1982

[8]« Il existe une révélation propre à la foi » (JEAN PAUL II, Fides et ratio §8)

[9]« Le majestueux prologue de l’Evangile de Jean – "Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu" ne dit rien d’autre que ce qu’affirme Jésus dans le sermon sur la montagne et dans les Evangiles synoptiques. » (JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 133)

Date de dernière mise à jour : 11/07/2019