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28 décembre Saints Innocents

Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30.
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Première lecture (1 Jn 1, 5 – 2, 2)
Psaume (Ps 123 (124), 2-3, 4-5, 6a.7cd-8)
Première lecture (1 Jn 1, 5 – 2, 2)
Bien-aimés, tel est le message que nous avons entendu de Jésus Christ et que nous vous annonçons : Dieu est lumière ; en lui, il n’y a pas de ténèbres. Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, alors que nous marchons dans les ténèbres, nous sommes des menteurs, nous ne faisons pas la vérité. Mais si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché. Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous. Si nous reconnaissons nos péchés, lui qui est fidèle et juste va jusqu’à pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice. Si nous disons que nous sommes sans péché, nous faisons de lui un menteur, et sa parole n’est pas en nous. Mes petits enfants, je vous écris cela pour que vous évitiez le péché. Mais si l’un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père : Jésus-Christ, le Juste. C’est lui qui, par son sacrifice, obtient le pardon de nos péchés, non seulement les nôtres, mais encore ceux du monde entier. – Parole du Seigneur.
« Dieu est lumière ; en lui, il n’y a pas de ténèbres » (1 Jn 1,5). Pourtant, autour de la crèche, la ténèbre se fait dense : Hérode se prépare, la menace approche. Mais dans cette nuit, une lumière naît sous forme de parole : « Lève-toi, emmène l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte » (Mt 2,13). Dieu n’abolit pas la nuit ; il éclaire le pas à faire. Joseph se lève « de nuit » (Mt 2,14), mais déjà il se tient dans la lumière du Père. Saint Jean écrit : « Si nous marchons dans la lumière… nous sommes en communion avec lui » (1 Jn 1,7).
Saint Joseph, par sa docilité intérieure, devient protection pour l’enfant et sa mère. À l’inverse, Hérode illustre la parole de saint Jean : « Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, alors que nous marchons dans les ténèbres, nous sommes des menteurs, nous ne faisons pas la vérité. » (1 Jn 1,6). Sa recherche apparente de l’enfant n’est qu’un masque : Hérode ne veut pas adorer, mais « faire périr » (Mt 2,13). Quand les mages ne reviennent pas, « il se mit dans une grande colère » (Mt 2,16), signe que son cœur est livré à l’ombre. De cette ténèbre intérieure jaillit la violence extérieure.
Saint Jean avertit encore : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, la vérité n’est pas en nous » (1 Jn 1,8). Hérode n’avoue rien, ne reconnaît rien ; il glisse tout entier dans le mensonge. Et ce refus intérieur engendre la tragédie : les enfants de Bethléem sont victimes d’un pouvoir qui ne supporte pas la lumière.
Mais saint Jean ouvre déjà un horizon : « Le sang de Jésus nous purifie de tout péché » (1 Jn 1,7). Le sang des innocents crie, mais un autre sang criera plus fort, celui du Fils épargné pour un temps, afin d’être offert au moment voulu.
Saint Jean poursuit : « Si nous reconnaissons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous pardonner » (1 Jn 1,9). Enfin saint Jean désigne l’axe secret de toute la scène : « Nous avons un défenseur devant le Père : Jésus-Christ, le Juste » (1 Jn 2,1). Mais avant d’être le Défenseur, Jésus est défendu ; avant d’obtenir le pardon « des péchés du monde entier » (1 Jn 2,2), il est porté, caché, sauvé. Le salut qu’il apportera passe déjà par sa propre sauvegarde, fruit de l’obéissance de Joseph et de la fidélité du Père.
La première lettre de Jean (1 Jn 1,5 – 2,2) résume l’essentiel de la foi chrétienne : Dieu est lumière, et celui qui veut vivre en communion avec lui doit quitter les ténèbres, c’est-à-dire le mensonge, la dissimulation, l’orgueil spirituel. Cette lumière n’accuse pas : elle révèle, elle purifie, et elle conduit au pardon offert par Jésus-Christ, le Juste, notre « défenseur auprès du Père ». Toute l’histoire de la sainteté chrétienne témoigne de ce passage de l’ombre vers la clarté.
1. Saint Augustin d’Hippone (354–430) cherche la vérité loin de Dieu, dans des chemins qui l’éloignent de la vraie Lumière. Ses Confessions racontent comment il ose enfin reconnaître sa misère, ses fautes, ses illusions. Chez lui, la lumière n’écrase pas, elle délivre. Elle transforme un homme dispersé en pasteur et docteur de l’Église.
2. Saint François d’Assise (1182–1226) laisse la lumière de Dieu pénétrer toute sa vie, jusqu’à aimer les lépreux, les pauvres, la création entière. En lui, on voit comment la communion fraternelle naît d’une vie qui ne triche pas.
3. Saint Ignace de Loyola (1491–1556) offre une méthode concrète pour vivre ce que sss Jean enseigne. L’« examen de conscience » quotidien est une manière très simple et très radicale d’entrer chaque soir dans la lumière : relire sa journée devant Dieu, reconnaître ce qui est péché, accueillir la miséricorde, rendre grâce pour le bien.
4. Sainte Thérèse d’Avila (1515–1582) décrit le chemin intérieur comme une entrée progressive dans la lumière, dans « Le Château intérieur. »
5. Saint Charles de Foucauld (1858–1916) passe par une longue nuit spirituelle. Après une vie mondaine et loin de Dieu, il est saisi par la lumière du Christ. Il reconnaît son péché, son vide, sa pauvreté intérieure et se laisse totalement prendre par la miséricorde. Il vit ensuite caché, pauvre, offert pour les autres.
6. Sainte Thérèse de Lisieux (1873–1897) ne nie jamais sa petitesse : au contraire, elle s’y appuie pour se jeter dans les bras de Dieu. Elle sait qu’elle n’est pas sans péché, mais elle croit avec une audace folle que « le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché » (1 Jn 1,7). Chez elle, la sainteté n’est pas perfection morale, mais confiance absolue dans l’amour miséricordieux qui pardonne et transforme.
7. Sainte Edith Stein (Thérèse-Bénédicte de la Croix) (1891–1942). Philosophe en quête de vérité, elle découvre dans le Christ la Lumière qui ne trompe pas. Elle entre au Carmel, puis connaît la persécution nazie. Déportée et mise à mort à Auschwitz, elle manifeste que « Dieu est lumière, en lui il n’y a pas de ténèbres » (1 Jn 1,5). La lumière n’est pas l’absence de la croix, mais la présence de Dieu au cœur de la croix.
8. Bienheureux Pier Giorgio Frassati (1901–1925) montre que marcher dans la lumière peut se vivre au milieu des études, des amis, de la montagne, des engagements sociaux. Sa vie simple et joyeuse est une illustration concrète de cette phrase de Jean : « Si nous marchons dans la lumière […] nous sommes en communion les uns avec les autres » (1 Jn 1,7).
9. Sainte Faustine Kowalska (1905–1938). Dans son Petit Journal, le Christ lui montre combien il désire pardonner et purifier. Elle incarne la seconde partie du texte de Jean : nous avons « un défenseur devant le Père : Jésus-Christ, le Juste » (1 Jn 2,1).
Psaume (Ps 123 (124), 2-3, 4-5, 6a.7cd-8)
Sans le Seigneur qui était pour nous quand des hommes nous assaillirent, alors ils nous avalaient tout vivants, dans le feu de leur colère. Alors le flot passait sur nous, le torrent nous submergeait ; alors nous étions submergés par les flots en furie. Béni soit le Seigneur ! Le filet s’est rompu : nous avons échappé. Notre secours est le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre.
« Sans le Seigneur qui était pour nous quand des hommes nous assaillirent » (Ps 123,2). Dans la première lecture, saint Jean écrit : « Dieu est lumière ; en lui, il n’y a pas de ténèbres » (1 Jn 1,5). Le psaume regarde les ennemis ; saint Jean regarde la nuit intérieure. Mais l’un et l’autre disent : sans Dieu, nous sommes submergés.
« Alors ils nous avalaient tout vivants, dans le feu de leur colère » (Ps 123,3). Le psalmiste voit des hommes en furie ; saint Jean voit une autre colère, plus silencieuse : celle du mensonge, des ténèbres que l’on laisse entrer en soi. « Si nous disons que nous sommes en communion avec lui alors que nous marchons dans les ténèbres, nous faisons mentir la vérité » (1 Jn 1,6). Les ennemis du dehors dévorent, mais les ténèbres du dedans aussi : elles mangent la confiance, rongent la vérité, consument la communion. Le danger n’est pas seulement extérieur : il est moral, spirituel, intérieur.
« Alors le flot passait sur nous, le torrent nous submergeait » (Ps 123,4). Or
l’homme qui se croit sans péché est déjà emporté, en effet, saint Jean dit : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes » (1 Jn 1,8). Le torrent qui submerge n’est pas toujours fait de violence visible ;
il peut être un aveuglement intérieur, une prétendue clarté qui nous empêche de voir ce qui nous noie. Le déni de la faute est un courant puissant : il entraîne au loin sans bruit.
« Alors nous étions submergés par les flots en furie » (Ps 123,5).
Les flots du psaume sont extérieurs ; ceux de saint Jean ont la même intensité, mais ils viennent des ténèbres que nous laissons en nous : culpabilité, refus de vérité, incapacité à reconnaître la zone d’ombre. Saint Jean ne banalise rien : si nous disons que nous sommes sans péché, « la vérité n’est pas en nous » (1 Jn 1,8).
Le monde intérieur peut se déchaîner aussi violemment que les nations du psaume.
Mais un retournement s’opère : « Béni soit le Seigneur ! » (Ps 123,6a).
saint Jean dit ce retournement autrement : « Si nous reconnaissons nos péchés, lui qui est fidèle et juste va jusqu’à pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice » (1 Jn 1,9). Le psaume remercie pour une délivrance extérieure ; saint Jean remercie pour une délivrance du cœur. La bénédiction, dans les deux cas, surgit lorsque l’homme cesse de lutter seul et laisse Dieu agir.
Dans le psaume, Dieu déchire le piège ; dans la lettre de saint Jean, Dieu déchire le mensonge et ouvre la vérité. « Le filet s’est rompu : nous avons échappé » (Ps 123,7). Le filet, pour saint Jean, n’est pas une embuscade physique : c’est l’étau de la faute, le piège du déni. Il se rompt lorsqu’une parole simple est dite : « J’ai péché. » C’est alors que le sang du Christ « nous purifie de tout péché » (1 Jn 1,7). Le psalmiste échappe à l’ennemi ; le croyant, lui, échappe à l’auto-illusion. Dans les deux cas, la délivrance vient d’un acte de Dieu : un filet se brise, un lien intérieur se défait.
« Notre secours est le nom du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre » (Ps 123,8).
saint Jean confirme : notre secours n’est ni notre innocence, ni notre force, ni notre habileté à éviter le mal. Notre secours, c’est Jésus-Christ, le Juste, défenseur devant le Père (1 Jn 2,1). Celui qui a fait le ciel et la terre devient Celui qui nous défend. Celui que nous avons offensé devient Celui qui nous sauve. Le Nom qui a tout créé devient le Nom qui pardonne.
Ainsi, le psaume et la lettre de saint Jean chantent une seule histoire : celle d’une humanité menacée de l’extérieur et de l’intérieur, submergée tantôt par la violence visible, tantôt par les ténèbres cachées, mais délivrée par un Dieu qui rompt les filets, ouvre la lumière, et donne au monde un Défenseur qui porte, purifie et relève.
Ce même psaume fait aussi résonner l’évangile de ce jour.
« Sans le Seigneur qui était pour nous quand des hommes nous assaillirent » (Ps 123, 2). L’Évangile raconte exactement cela : des hommes se lèvent pour détruire, et au cœur de la nuit, un ange prévient Joseph. Hérode cherche l’enfant (Mt 2, 13), il organise la traque, il veut faire périr la vie dès sa naissance. Ce que chante le psaume se réalise : sans Dieu, la famille serait engloutie avant même de comprendre le danger. Mais Dieu est « pour eux » dans le silence du songe, dans l’urgence d’une parole qui sauve.
« Alors ils nous avalaient tout vivants, dans le feu de leur colère » (Ps 123, 3). La colère d’Hérode est vorace, presque animale. Lorsque les mages ne reviennent pas le voir, « il se mit dans une grande colère » (Mt 2, 16). Le psaume décrit cette férocité avec une justesse étonnante : une colère qui dévore. Mais l’enfant échappe, non par force humaine, mais parce que Dieu précède les pas de Joseph.
« Alors le flot passait sur nous, le torrent nous submergeait » (Ps 123, 4). Le psaume parle de submersion ; l’Évangile nous montre des vies englouties, des villages inondés de douleur.
« Alors nous étions submergés par les flots en furie » (Ps 123, 5). La « furie » du psaume rejoint la rage d’Hérode. La violence se déploie comme une tempête, sans logique, sans frein. Le psaume ne minimise pas : il reconnaît la dévastation.
Mais le psaume ajoute : « Béni soit le Seigneur ! » (Ps 123, 6). Non pas parce que tout va bien, mais parce qu’au milieu du désastre, une ouverture demeure. Le drame n’est pas nié — mais la bénédiction traverse malgré tout. La vie ne s’arrête pas à la main d’Hérode.
« Le filet s’est rompu : nous avons échappé » (Ps 123, 7). Joseph « se leva, prit l’enfant et sa mère de nuit, et s’enfuit en Égypte » (Mt 2, 14). Voilà le filet qui se rompt. La ruse d’Hérode est déjouée, sa calculatrice violence déroutée par l’obéissance silencieuse d’un juste. L’évasion n’est pas héroïque ; elle est humble, rapide, nocturne. Mais elle suffit.
« Notre secours est le nom du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre » (Ps 123, 8). À Bethléem, tout s’effondre. En Égypte, tout recommence. L’enfant reviendra par le désert, et dans la mémoire d’Israël, une phrase prendra un sens nouveau : « D’Égypte j’ai appelé mon fils » (Mt 2, 15).
Ainsi, le psaume 123 n’est pas seulement une prière ancienne : il devient la vérité profonde du salut qui, discrètement, contourne les violences pour faire naître un avenir.
Évangile (Mt 2, 13-18)
La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Matthieu, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Traduction depuis la Pshitta. Préface Mgr Mirkis (Irak) ; Mgr Dufour (France) et Mgr Kazadi (Congo RDC). Parole et Silence, 2025.
« 13 [Les mages] étant donc partis,
l’ange du SEIGNEUR apparut en songe à Joseph, / et lui dit :
‘Lève-toi, emmène l’enfant et sa mère, / et fuis en Égypte.
Et sois là-bas, / jusqu’à ce que je te le dise ;
car Hérode va rechercher l’enfant / pour le faire périr’.
14 Joseph se leva donc, emporta l’enfant et sa mère de nuit, / et s’enfuit en Égypte.
15 Et il fut là-bas / jusqu’à la mort d’Hérode,
pour que s’accomplisse ce qui avait été dit de la part du SEIGNEUR / par le prophète qui dit :
‘D’Égypte, / j’ai appelé mon fils.’
16 Alors Hérode, / quand il se vit joué par les mages,
se mit dans une grande colère / et il envoya faire tuer
tous les garçons de Bethléem / et de tous ses confins,
à partir de l’âge de deux ans / et en deçà,
d’après le temps dont il s’était enquis / par les mages.
17 Alors s’accomplit ce qui avait été dit par le prophète Jérémie, /
qui dit :
18 ‘Une voix à Rama s’est fait entendre, / des pleurs et une grande lamentation,
Rachel, pleurant ses fils, / et qui ne veut pas être consolée
car ils ne sont plus.’ »
Les prophéties.
Jérémie. Après le massacre des enfants de Bethléem, Mt 2,18 cite Jérémie 31,15.
Le tombeau de Rachel n’était pas, comme aujourd’hui, à Bethléem. Il était entre Béthel et Rama, au nord de Jérusalem, sur la route de l’exil. Ainsi, au temps de Jérémie, Rachel avait « vu » partir les exilés à Babylone. Rachel « ne veut pas être consolée » par des compensations humaines. Dieu seul pourra la guérir. Le déferlement du mal attend une rédemption sérieuse qui viendra en son temps. Il en est de même pour le massacre des enfants par Hérode.
Osée. Joseph emmène l’enfant et sa mère en Égypte jusqu’à la mort d’Hérode : « pour que s’accomplisse ce qui avait été dit de la part du SEIGNEUR par le prophète qui dit : ‘D’Égypte, j’ai appelé mon fils.’ » (Mt 2,15). Il s’agit exactement de la prophétie d’Osée 11,1 dans le texte hébreu ou dans l’araméen de la Pshitta (mais pas dans le grec de la Septante). On peut y voir l’épopée de l’Exode et l’histoire passée du peuple d’Israël. Matthieu dit bien qu’il s’agit d’une parole « de la part du SEIGNEUR » et les pensées divines voient plus loin que ce qu’Osée pouvait comprendre ; bien davantage qu’Israël dont les fautes sont racontées dans la Bible, Jésus est ce « fils » que Dieu appelle d’Égypte.
Il est naturel que Joseph et Marie recherchent dans les Écritures le sens de ce qu’ils traversent ensuite : le massacre commis par Hérode, la fuite en Égypte, et le retour, non pas à Bethléem comme on s’y attendrait, mais à Nazareth. Ils ont certainement trouvé chez Jérémie, Osée et Isaïe une méditation réconfortante qu’ils ont soigneusement conservée (cf. Lc 2,19).
Plus tard, pendant les jours où les apôtres prient au cénacle avant la Pentecôte, la mère de Jésus, ne pouvait-elle pas le transmettre ? Ou même Jude, qui fait partie des douze apôtres, et qui est, avec Simon, un frère (cousin) du Seigneur (Mt 13,55) : Hégésippe dit que Simon était « fils de Cléophas, frère de saint Joseph »[1], n’était-il pas dans la confidence, et ne pouvait-il pas le transmettre ?
Joseph, l’enfant et sa mère.
« L’ange du SEIGNEUR apparut en songe à Joseph » (Mt 2,13), et Joseph protégea « l’enfant et sa mère » par la fuite en Égypte.
Matthieu est le seul évangéliste à évoquer le séjour de Jésus en Égypte. Il est d’ailleurs l’apôtre qui évangélisa ce pays dont on dira au IVe siècle : « Toute cette contrée n’est qu’une armée du Christ, une bergerie royale, où l’on mène la vie des puissances célestes. Et cette vie n’est pas l’apanage des hommes, les femmes la partagent avec eux. […] Comme les hommes, elles ont à combattre le démon et les puissances des ténèbres sans que la faiblesse de leur sexe y fasse obstacle, parce que ces combats ne se décident pas par la nature ou le sexe du corps, mais par les nobles dispositions de l’âme. C’est pourquoi les femmes ont souvent mieux lutté que les hommes, et remporté de plus brillantes victoires. » (Saint Jean CHRYSOSTOME, Homélie sur saint Matthieu 8,4).
Dans le deuxième fil d’oralité, introduit par cette perle, Jésus est accusé par les autorités juives : « C’est par le chef des démons qu’il fait sortir les démons !’ » (Mt 9,34). Il ne faut donc pas s’étonner que le Talmud dise que Jésus était en Égypte pour apprendre la magie (Talmud de Babylone, Sanhédrin 107b). Et, comme on n’apprend pas la magie à l’âge de la maternelle, Celse, qui sait que Jésus enfant a fui en Égypte (Origène, Contre Celse I,66) inventa un second séjour de Jésus en Égypte, à l’âge adulte cette fois (Contre Celse I,28,38).
Hérode était certainement intéressé par l’enfant dont parlaient les mages ; mais pas dans le but de l’adorer, comme il veut le laisser croire en mentant, mais pour le supprimer.
Romanos le Mélode est né vers la fin du Ve siècle à Émèse, d’une famille d’origine judaïque. Il était diacre quand il vint se fixer à Constantinople, et c’est là, dans l’église de la Theotokos, que la Vierge Marie lui serait apparue en songe et lui aurait fait don du talent poétique.
« 1. Quand là-haut comme ici-bas règne la joie, qu’y a-t-il à Rama, pour qu’on y entende une immense lamentation ? Jacob exulte, qu’a donc Rachel à se plaindre ? [...] Allons voir le deuil et la douleur, car ce ne sont pas ses premiers enfants qu’elle pleure [les exilés partis à Babylone], ceux qui furent perdus et retrouvés (Jr 38,15), mais ceux que vient d’égorger Hérode le sanguinaire : il s’est fait préciser le temps où l’étoile a brillé, et il a envoyé ses gens à Bethléem, pour priver Rachel de ses enfants, à cause du nourrisson de Marie (Mt 2,18). Mais Rachel les a retrouvés dans la joie [le retour d’exil], tandis qu’Hérode pleure son pouvoir qui s’anéantira bientôt. [...]
« 11. L’épée nue, les soldats attaquaient les mères qui portaient leurs petits, et elles, glacées de peur, jetaient le fardeau qu’elles allaitaient avec amour. [...] Certaines d’entre elles suppliaient les meurtriers et leur tendaient le cou, désireuses de mourir avant leurs enfants plutôt que de les voir massacrés, et de cela toute femme qui a été mère sera un témoin digne de foi. Aussi criaient-elles avec amertume : Vous les tuez, mais le sein d’Abraham les accueillera comme Abel le fidèle. Hérode, lui, pleurera sur son pouvoir qui s’anéantira bientôt. [...]
« 13. O perversité, ô folie du roi, ô conduite impitoyable ! Déclarer la guerre à des nouveau-nés, et n’avoir pas la moindre pitié de son propre peuple ! Il ne s’est pas souvenu de ses propres enfants, ni que tous ont une même nature. Il n’a pas eu pitié des parents, mais, ivre de rage, il s’est d’abord ignoré lui-même, et ensuite il a ignoré tous ses frères de race [...]. Il ne s’occupait que d’une chose : pleurer son pouvoir qui s’anéantira bientôt.»[2]
Revenons à l’évangile. Par ses secours divins, le SEIGNEUR donne à Joseph le pouvoir de protéger « L’enfant et sa mère », sans toutefois opérer des miracles ou des prodiges éclatants. Durant le récit de tous ces événements, saint Matthieu répète à l’envie une expression choisie : « L’enfant et sa mère »[3]. Marie est ainsi inséparablement unie à Jésus, dans un drame qui annonce la cruelle Passion : même motif de condamnation à mort (la royauté du Christ), même contexte d’ouverture aux nations (qui sera celui de l’Église pascale).[4]
[1] HÉGÉSIPPE, originaire d’Orient, écrivit vers 150-200 des "mémoires" dont Eusèbe de Césarée rapporte plusieurs extraits. EUSÈBE, Histoire ecclésiastique III,11-12 et 19-20
[2] ROMANOS LE MELODE, Hymne XV sur les saints innocents, Sources chrétiennes 110, Cerf, Paris 1965, p. 207-225
[3] Les mages virent « l’enfant avec Marie sa mère » (Mt 2,11), Joseph doit fuir avec « l’enfant et sa mère » (2,13), il prend donc « l’enfant et sa mère » (2,14), et de nouveau il doit prendre « l’enfant et sa mère » (2,20), il prit donc « l’enfant et sa mère » et rentra dans la terre d’Israël (2,21).
[4] Saint Jean, dès la prédication primitive avec Pierre, raconte aussi une union de Jésus et de sa mère (à Cana et au calvaire). Saint Mathieu et saint Jean sont donc deux traditions différentes qui convergent et se confortent mutuellement pour exprimer l’union de Jésus et de sa mère dans la perspective de la passion.
Françoise Breynaert
Date de dernière mise à jour : 20/11/2025