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- 26 décembre St Etienne

Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30.
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Première lecture (Ac 6, 8-10; 7, 54-60)
Psaume (Ps 30, 3bc.4b, 6.8a.9b, 17.20cd)
Première lecture (Ac 6, 8-10; 7, 54-60)
« En ces jours-là, Étienne, rempli de la grâce et de la puissance de Dieu, accomplissait parmi le peuple des prodiges et des signes éclatants. Intervinrent alors certaines gens de la synagogue dite des Affranchis, ainsi que des Cyrénéens et des Alexandrins, et aussi des gens originaires de Cilicie et de la province d’Asie. Ils se mirent à discuter avec Étienne, mais sans pouvoir résister à la sagesse et à l’Esprit qui le faisaient parler. [Ici la lecture est interrompue, Étienne est arrêté et comparaît devant le sanhédrin où il fait un long discours].
Ceux qui écoutaient ce discours avaient le cœur exaspéré et grinçaient des dents contre Étienne. Mais lui, rempli de l’Esprit Saint, fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : ‘Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.’ Alors ils poussèrent de grands cris et se bouchèrent les oreilles.
Tous ensemble, ils se précipitèrent sur lui, l’entraînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul. Étienne, pendant qu’on le lapidait, priait ainsi : ‘Seigneur Jésus, reçois mon esprit.’ Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte : ‘Seigneur, ne leur compte pas ce péché.’ Et, après cette parole, il s’endormit dans la mort ». – Parole du Seigneur.
Les Douze ont institué le groupe des Sept dont, comme je l’explique dans mon livre « L’évangile selon saint Luc »[1], le rôle est de traduire en grec les récitatifs évangélique des apôtres (Ac 6) ; l’un des Sept est saint Étienne dont on nous a raconté le martyre (Ac 7), tandis que le témoin appelé Saul se convertira bientôt, on l’appellera saint Paul. Après le martyre d’Étienne, les chrétiens s’enfuient dans les régions frontalières comme la Samarie, Gaza, la Syrie...
Étienne fut conduit devant le Sanhédrin, accusé d’avoir déclaré que « Jésus... détruira ce lieu-ci [le temple] et changera les usages que Moïse nous a légués » (Ac 6, 14). Jésus avait en effet annoncé la destruction du temple de Jérusalem : « Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai » (Jn 2, 19). Toutefois, comme le note l’évangéliste Jean, « lui parlait du sanctuaire de son corps. Aussi, quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole qu’il avait dite » (Jn 2, 21-22).
Le discours d’Étienne se développe sur cette prophétie de Jésus : « en soulignant la tentation éternelle de refuser Dieu et son action, Étienne affirme que Jésus est le Juste annoncé par les prophètes ; en Lui, Dieu lui-même s’est rendu présent de manière unique et définitive : Jésus est le ‘lieu’ du vrai culte. […] Le nouveau vrai temple où Dieu habite est son Fils, qui a assumé la chair humaine, c’est l’humanité du Christ, le Ressuscité qui rassemble les peuples et les unit dans le Sacrement de son corps et de son sang. La Lettre aux Hébreux dira aussi que le corps de Jésus, qu’il a assumé pour s’offrir lui-même comme victime sacrificielle pour expier les péchés, est le nouveau temple de Dieu, le lieu de la présence du Dieu vivant. » (Audience générale de Benoît XVI du 2 mai 2012).
« Jésus, qui est le nouveau temple, inaugure un nouveau culte, et remplace, avec l’offrande qu’il fait de lui-même sur la croix, les sacrifices anciens.
En Lui, Dieu et l’homme, Dieu et le monde sont réellement en contact : Jésus prend sur lui tout le péché de l’humanité pour le porter dans l’amour de Dieu et pour le « brûler » dans cet amour. S’approcher de la Croix, entrer en communion avec le Christ, veut dire entrer dans cette transformation. C’est cela entrer en contact avec Dieu, entrer dans son vrai temple. » (Audience générale de Benoît XVI du 2 mai 2012).
Étienne relit ainsi tout l’itinéraire contenu dans l’Écriture sainte, pour montrer qu’il conduit à Jésus-Christ, qui a été crucifié, et au moment de parler de sa résurrection, « rempli de l’Esprit Saint, il fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : ‘Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.’ » (Ac 7,55-56). « Le Fils de l’homme » renvoie à la prophétie de Daniel (Dn 7,13-14) : il reviendra sur les nués du Ciel pour juger le monde, Étienne est actuellement jugé, mais il sait que ses ennemis seront à leur tour jugés.
Jésus est le nouveau « lieu saint », le temple céleste non fait de mains d’homme. Et nous pourrions ajouter aussi, en ce temps de Noël, que l’Évangile de l’Annonciation nous présentait Marie comme une nouvelle Arche d’Alliance recouverte de l’or de l’Esprit Saint, comme l’Arche, et que, dans l’évangile de la Visitation, Marie a séjourné trois mois en Judée, chez Élisabeth qui la salue avec des termes analogues à ceux de David devant l’Arche d’Alliance.
Ceux qui écoutaient le discours d’Étienne « avaient le cœur exaspéré et grinçaient des dents contre lui ». Ils ne sont pas disposés à accepter ce nouveau culte dans lequel Jésus remplace, avec l’offrande qu’il fait de lui-même sur la croix, les sacrifices anciens. Pour s’être exprimé de la sorte, Étienne est condamné à la lapidation. Or, de même que la mort de Jésus a été un sacrifice, de même la mort d’Étienne est un sacrifice, uni à celui de Jésus, dans ce nouveau temple spirituel qu’est devenu Jésus. La méditation sur l’Écriture Sainte permet à Étienne de comprendre sa mission, sa vie, son présent. En cela, il est guidé par la lumière de l’Esprit Saint, par son rapport intime avec le Seigneur, au point que les membres du Sanhédrin virent son visage ‘comme celui d’un ange’ (Ac 6, 15). Ce signe d’assistance divine rappelle le visage rayonnant de Moïse descendant du mont Sinaï après avoir rencontré Dieu (cf. Ex 34, 29-35 ; 2 Co 3, 7-8).
Le martyre d’Étienne est précisément l’accomplissement de sa vie et de son message : il devient un avec le Christ. Ainsi, sa méditation sur l’action de Dieu dans l’histoire, sur la Parole divine qui a trouvé son plein accomplissement en Jésus, devient une participation à la prière même de la Croix. En effet, avant de mourir, il s’exclame : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit » (Ac 7, 59), reprenant les paroles du Psaume 31 (v. 6) et recopiant la dernière expression de Jésus sur le Calvaire : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46) ; et, enfin, comme Jésus, il s’écrie à grande voix devant ceux qui étaient en train de le lapider : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché » (Ac 7, 60). Remarquons que si, d’un côté, la prière d’Étienne reprend celle de Jésus, son destinataire est différent, car l’invocation est adressée au Seigneur lui-même, c’est-à-dire à Jésus qu’il contemple glorifié à la droite du Père : « Mais Étienne [...] regardait vers le ciel ; il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu » (v. 55). » (Audience générale de Benoît XVI du 2 mai 2012).
Étienne est le premier martyr chrétien. « D’où a-t-il tiré la force pour affronter ses persécuteurs et parvenir jusqu’au don de lui-même ? La réponse est simple : de sa relation avec Dieu, de sa communion avec le Christ, de la méditation sur l’histoire du salut » (Audience générale de Benoît XVI du 2 mai 2012).
Psaume (Ps 30, 3bc.4b, 6.8a.9b, 17.20cd)
Sois le rocher qui m’abrite, la maison fortifiée qui me sauve. Pour l’honneur de ton nom, tu me guides et me conduis. En tes mains je remets mon esprit ; tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité. Ton amour me fait danser de joie : devant moi, tu as ouvert un passage. Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ; sauve-moi par ton amour. Tu combles, à la face du monde, ceux qui ont en toi leur refuge.
Étienne n’est plus protégé par aucune maison humaine : il est expulsé de la ville, livré à la foule. Il se tient devant ses accusateurs comme un homme dépourvu de toute protection humaine, mais le psaume murmure : « Sois le rocher qui m’abrite, la maison fortifiée qui me sauve » Le véritable refuge n’est pas un lieu, mais une présence. Celui qui abrite Étienne se dévoile lorsque le Ciel s’ouvre et que le Fils de l’homme apparaît : devant le sanhédrin, « rempli de l’Esprit Saint, il fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : ‘Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.’ » (Ac 7,55-56).
« Pour l’honneur de ton nom, tu me guides et me conduis », dit encore le psaume. Ce n’est pas la violence de la foule qui oriente la destinée d’Étienne, mais la guidance intérieure de Dieu. Étienne ne parle pas par lui-même : le livre des Actes insiste sur la sagesse et l’Esprit qui l’animent. C’est l’Esprit Saint qui conduisait Étienne, aussi bien dans son discours que dans sa trajectoire vers le témoignage.
Vient ensuite la prière centrale : « En tes mains je remets mon esprit. » Elle traverse la Bible : prière du psalmiste, parole de Jésus en croix, et désormais cri d’Étienne. Saint Augustin aime montrer cette continuité en disant que les psaumes mis dans la bouche du Christ deviennent ensuite la prière de son Corps, l’Église. Ainsi Étienne entre dans la manière de mourir de Jésus, dans sa confiance.
Alors que la foule grince des dents, on assiste à la transfiguration intérieure de l’homme de Dieu : le visage d’Étienne apparaît « comme celui d’un ange » (Ac 6,15). Le psaume affirme : « Ton amour me fait danser de joie ». Cette joie naît de la vision du Christ, et c’est pourquoi elle demeure même lorsque les pierres commencent à voler.
Et puis il y a cette ligne du psaume : « Devant moi tu as ouvert un passage. » Les cœurs se ferment, on chasse Étienne hors de la ville, mais le ciel s’ouvre. Ceux qui expulsent le martyr de la cité l’introduisent, malgré eux, dans la cité d’en haut.
« Sur ton serviteur, que s’illumine ta face. » Cette illumination se produit littéralement : avant même de lever les yeux vers le ciel. Étienne rayonne. Ce sont les adversaires eux-mêmes qui voient son visage briller « comme celui d’un ange » (Ac 6,15), signe que la lumière divine l’habite déjà. La face de Dieu éclaire le serviteur, et le serviteur reflète cette lumière avant même de mourir.
Enfin, le psaume conclut : « Tu combles, à la face du monde, ceux qui ont en toi leur refuge. » Et Dieu comble Étienne d’une manière qui dépasse toute mesure humaine : par le pardon. La charité du Christ se manifeste dans le pardon, et le martyr est authentiquement disciple lorsqu’il prie pour ses bourreaux. Étienne devient ainsi le refuge de ceux qui le lapident, en leur ouvrant déjà un chemin vers la miséricorde.
Le psaume devient alors un chant pascal. Les Pères de l’Église reconnaissent dans ce psaume l’œuvre du Christ : le Christ dans la prière, le Christ dans la vision, le Christ dans le pardon, le Christ dans la mort… et le Christ dans la gloire qui accueille.
Ce psaume s’entend aussi avec l’évangile.
« Sois le rocher qui m’abrite, la maison fortifiée qui me sauve. » Jésus avertit : « Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront… » (Mt 10,17). L’abri annoncé par le psaume n’est pas un refuge qui éviterait ces persécutions, mais un refuge au cœur même d’elles. Le disciple n’est pas protégé contre les hommes, mais enraciné en un lieu que rien d’humain ne peut atteindre.
« Pour l’honneur de ton nom, tu me guides et me conduis. » Le chemin du disciple, dans l’Évangile, n’est pas laissé au hasard : « Vous serez conduits devant des gouverneurs et des rois à cause de moi » (Mt 10,18). Le psaume n’évoque pas seulement une guidance douce, mais un mouvement qui passe parfois par des lieux de tension. Dieu conduit vers des situations où le témoignage devient possible.
« En tes mains je remets mon esprit ; tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité. » Cette phrase du psaume, que Jésus dira lui-même en croix, offre la clé du passage évangélique : « Ne vous inquiétez pas… Ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là » (Mt 10,19). Remettre son esprit, c’est laisser Dieu tenir non seulement l’issue des événements, mais la parole elle-même, la respiration intérieure, le courage, le sens. Ce n’est plus l’esprit du disciple qui se débat, c’est l’Esprit du Père qui prend place en lui.
« Ton amour me fait danser de joie : devant moi, tu as ouvert un passage. »
Ici, le psaume introduit un paradoxe : la joie suit immédiatement la confiance.
Or Jésus décrit un contexte où tout semble se fermer : trahisons familiales, haine universelle. Pourtant, dans ce climat, un passage s’ouvre — celui du témoignage. La joie n’est pas la cessation des épreuves : c’est la découverte qu’il existe un chemin là où il ne devait y avoir qu’un mur. La danse du psaume n’est pas l’exubérance, mais la liberté intérieure que donne la certitude d’être conduit à travers les obstacles plutôt qu’écrasé par eux.
« Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ; sauve-moi par ton amour. » Dans l’Évangile, l’illumination de Dieu n’est pas un rayonnement visible mais une parole donnée, une voix intérieure qui n’est pas de nous. Quand l’Esprit parle, le disciple ne rayonne pas d’assurance personnelle : il est visité. L’illumination dont parle le psaume, c’est cette clarté qui se dégage dans le cœur du témoin au moment même où il devrait être tétanisé. L’amour qui sauve n’arrache pas du lieu du procès : il habite le disciple et l’empêche de se perdre intérieurement.
« Tu combles, à la face du monde, ceux qui ont en toi leur refuge. » Jésus le dit autrement : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. » (Mt 10,22). Le disciple est comblé de la force qui persévère.
Le psaume peut ainsi être prié dans le sens de l’Évangile : la fragilité extérieure n’empêche pas une solidité intérieure. La parole donnée par l’Esprit fait éclore un passage au cœur des violences. La joie n’est pas le contraire de l’épreuve mais son fruit le plus inattendu.
Évangile (Mt 10, 17-22)
Voici cet évangile traduit depuis la Pshitta (le texte liturgique des églises de langue araméenne, ou syriaque) avec des reprises de souffle pour la proclamation orale[2] :
Jésus disait :
« 17 Prenez garde, donc, / aux hommes :
ils vous livreront, en effet, / aux tribunaux,
et, dans leurs synagogues, / ils vous flagelleront.
18 Devant des gouverneurs et des rois ils vous traduiront, / à cause de moi :
en guise de témoignage pour eux / et les nations.
19 Lorsqu’ils vous livreront, donc, / ne vous inquiétez pas comment parler ou que dire :
il vous sera donné, en effet, à cette heure-là, / ce que vous aurez à dire ;
20 ce n’est pas vous qui parlerez, en effet, / mais c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous.
21 Or le frère livrera son frère à la mort, / et le père son fils ;
les fils se dresseront contre leurs pères, / et les feront mourir.
22 Vous serez haïs de tout homme / à cause de mon nom.
Mais celui qui supportera jusqu’à la fin, / lui, il vivra ! »
Acclamons la Parole de Dieu.
La parole de Jésus : « Prenez garde, donc, aux hommes : ils vous livreront, en effet, aux tribunaux » se réalise avec saint Étienne : un disciple livré, une assemblée qui se dresse, des accusateurs qui montent un dossier et un procès qui n’en est pas un (Ac 6, 8-15). Et voici que la promesse de Jésus se dévoile littéralement : « Ce n’est pas vous qui parlerez en effet, mais c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. » Les Actes disent justement qu’on ne pouvait « résister à la sagesse et à l’Esprit qui faisaient parler Étienne ». La parole du martyr n’est pas un exploit de courage : c’est la parole de Dieu portée par une voix humaine. Étienne parle au cœur du tumulte comme un homme qui n’est plus seul dans sa propre bouche.
Étienne n’est pas exécuté pour un crime, mais pour une vision. On ne tue pas ce qu’il dit, on tue ce qu’il voit, comme Jésus a prophétisé : « Vous serez haïs de tout homme à cause de mon nom. » (v.22)
Mais Jésus avait aussi promis : « Mais celui qui supportera jusqu’à la fin, lui, il vivra ! »
Suivons maintenant le commentaire de mon livre : « Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Matthieu, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Traduction depuis la Pshitta. Préface Mgr Mirkis (Irak) ; Mgr Dufour (France) et Mgr Kazadi (Congo RDC). Parole et Silence, 2025.
L’évangile de saint Matthieu est un « pendentif d’oralité ». La « « introductive dans le « collier compteur » relate la venue des mages et la persécution d’Hérode.
Dans le fil d’oralité, le Seigneur, qui vient de libérer les apôtres des sollicitudes temporelles, prophétise les maux auxquels ils vont être exposés, sous peu ou dans un temps plus éloigné. L’expression « leurs synagogues » ne permet pas de supprimer la prophétie de Jésus en datant le texte de l’époque où la synagogue a rejeté les chrétiens. En effet, cette expression « leur synagogue » est déjà présente dans le témoignage primitif de Pierre et Jean sous les colonnades de Salomon (Mc 1,23)[3].
Grâce à cette prédiction, les apôtres ne pourront pas attribuer ces maux à la faiblesse de Jésus ; ils ne seront pas surpris comme s’ils n’avaient pas été prévenus ; ils doivent « prendre garde ».
Jésus donne en exemple deux animaux qu’il n’oppose pas, mais qui illustrent deux qualités complémentaires : « le serpent » intelligent, astucieux, ingénieux ; « la colombe » docile, tranquille, inoffensive, calme.
Jésus annonce que des scènes de violence auront lieu dans les synagogues, elles auront un sens que les disciples ne devront pas oublier : ce sera un « témoignage » public et politique, de sorte que « des gouverneurs et des rois » entendront parler d’un autre royaume. Déjà dans le « collier compteur », le roi Hérode entendit parler d’un autre roi des Juifs (Mt 2,2). Hérode persécuta l’enfant Jésus, inoffensif comme une colombe, et Joseph, ingénieusement, emmena l’enfant et sa mère en Égypte.
Mt 10,19-20. Quand ils seront livrés aux autorités humaines, Jésus promet : « l’Esprit de votre Père qui parlera en vous ». L’Esprit du Père leur soufflera ce qu’ils auront à dire ; et l’autorité du Père céleste est bien au-dessus de celle des juges, gouverneurs et rois de la terre. Voilà le premier réconfort.
Mt 10,21-22. Dans le collier compteur (Mt 2,4-6), les grands prêtres et les scribes, informent Hérode de l’oracle de Michée prophétisant la naissance du libérateur d’Israël à Bethléem (Mi 5,1-4). Michée continue en disant : « Ne vous fiez pas au prochain, n’ayez point confiance en l’ami ; devant celle qui partage ta couche, garde-toi d’ouvrir la bouche. Car le fils insulte le père, la fille se dresse contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère, chacun a pour ennemis les gens de sa maison. Mais moi, je regarde vers YHWH, j’espère dans le Dieu qui me sauvera mon Dieu m’entendra » (Mi 7,5-7). L’arrachement de l’emprise du mal sur le monde ne se fait pas sans peine. L’annonce des persécutions pourrait décourager les missionnaires : comment les apôtres pourraient encore allumer des conversions s’ils allument une haine contre eux-mêmes, et si l’on voit les meurtres les plus affreux, fratricides et parricides ? « Mais celui qui supportera jusqu’à la fin, lui, il vivra ! » (Mt 10,22).
Le texte liturgique s’interrompt au verset 22, mais il est intéressant d’aller jusqu’au bout de la « perle ».
Mt 10,23a. Au cours de leur activité missionnaire dans les villes d’Israël, supporter la persécution ne veut pas dire s’exposer : dans le danger, non seulement la fuite n’est pas une lâcheté, mais c’est un conseil de Jésus, maître de la vie. Dans le collier compteur, face à la cruauté d’Hérode, le départ discret des mages et la fuite de Joseph ont montré l’exemple.
Mt 10,23b. Jésus ne vise pas uniquement l’évangélisation des villes du territoire israélien, mais de toutes les villes sur les routes commerciales tenues par les Hébreux. Autant dire que la mission s’étendra au monde entier et qu’il y aura des villes à évangéliser jusqu’à ce que « vienne le Fils de l’homme ». Et, comme le prophète Daniel l’a annoncé, le Fils de l’homme viendra sur les nuées du ciel (Dn 7,13) pour juger dans son « tribunal » (Dn 7,10) le monde entier et la « bête » qui y règne en disant de grandes choses (Dn 7,8), et il instaurera dans le monde son propre Empire, éternel (Dn 7,14). C’est la bienheureuse espérance !
Mt 10,24-25. La persécution peut consister à se faire mépriser et appeler « Béelzeboub ». D’une manière générale, les apôtres devront la traverser derrière leur « maître » et comme des « fils de sa maison », ce qui est un honneur.
Enfin, l’évangile de Matthieu est un lectionnaire liturgique en écho aux lectures de la synagogue, ici, en écho au livre des Nombres. Au chapitre 23 du livre des Nombres, on lit que Balaq demanda à Balaam de maudire Israël, Balaam consulta Dieu, qui lui fit au contraire bénir Israël. Les persécutions programmées par les ennemis de Dieu n’aboutissent donc pas toujours, en tout cas, tout est dans la main de Dieu.
[1] Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).
[2] À la différence de l’Hébreu, il n’y a pas de shewa en araméen : on écrit donc Pshitta et non pas Peshitta.
[3] Françoise BREYNAERT, Le témoignage primitif de Pierre et Jean. Imprimatur Paris. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024.
Date de dernière mise à jour : 20/11/2025